Lorsqu’une
troupe de chasseurs accable un lion féroce et lui présente ses
épieux menaçants, l’animal terrifié mais terrible, les yeux
farouches, recule ; sa fureur et sa vaillance lui défendent de
tourner le dos ; et, malgré son désir, il ne saurait s’élancer
contre les hommes à travers leurs traits ; ainsi Turnus incertain
lâche pied lentement, et son âme bout de colère. Deux fois
même il fonce sur le gros des ennemis et deux fois il les met en
déroute le long des remparts ; mais bientôt toutes les troupes de
toutes les parties du camp se sont réunies contre lui, et la
Saturnienne Junon n’ose plus soutenir ses forces ; car, du ciel,
Jupiter a envoyé à sa sœur l’aérienne Iris porteuse d’ordres
fermes, si Turnus ne s’éloigne pas des hauts remparts troyens.
Ainsi abandonné, le jeune homme ne peut plus résister ni de
l’épée ni du bouclier ; il est enseveli sous la grêle des traits qu’on
lui lance de toutes parts. Les projectiles crépitent sur son casque
sonore autour des tempes ; son armure d’airain d’une seule
pièce se fend sous le choc des pierres ; son panache est arraché,
éparpillé ; son bouclier ne suffit plus à repousser les coups. Les
Troyens avec leurs lances, Mnesthée lui-même pareil à la
foudre, redoublent leurs assauts. La sueur ruisselle sur tout son
corps et, mêlée à la poussière, l’inonde d’un flot noirâtre. Il peut
à peine respirer ; un halètement pénible secoue ses membres
las. Enfin, d’un bond, la tête en avant, il s’est précipité dans le
fleuve avec toutes ses armes. Le fleuve l’a reçu dans son gouffre
et l’a soulevé mollement sur ses eaux blondes, puis, lavé du
carnage, l’a rendu joyeux à ses compagnons.

Virgile, L’énéide, traduction André Bellesort.

Les mecs s’entassent dans les portes entrouvertes du train à l’arrêt comme si c’était vital (ça l’est : le prochain train mis en départ voie bis, le quai en face, ne partira d’ici que dans quatorze minutes) et tous ces corps s’apprêtent à déferler sur nous comme la montée des eaux marronnes avalent les autoroutes quelque part ou ailleurs dans le sud de la France. Les carcasses des bagnoles renversées sont emportées par vagues noires. Mais je confonds avec la Japon en début d’année.

Je me rappelle avoir vu mais non lu, malade et lycéen, le Blade Runner de Ridley Scott, horrible, je n’en ai gardé aucune image, ni souvenir ni mémoire, ni la sensation d’avoir joué, bien des années plus tôt, collégien, à l’adaptation de Blade Runner en jeu vidéo, un point and click PC depuis devenu culte, aujourd’hui tombé dans le domaine de ces abandonware, l’équivalent pour les vieux jeux d’un faux domaine public, jeux auxquels ont peut jouer mais gratuitement, à condition d’avoir pour ça la bonne machine pour faire tourner, ce qui n’est pas mon cas, sachant que pour ce genre de jeu ancêtre (le Blade Runner du studio Westwood date de (!) 1997), il est recommandé de faire tourner avec le jeu un programme capable de ralentir le processeur de la machine, car nos installations actuelles sont trop puissantes, même si bientôt obsolètes, mais c’est une autre affaire. Dans le livre dont est tiré le film (dont est tiré le jeu), il n’existe ni blade runner ni réplicant, on parle d’androïd et de chasseur de prime, d’ailleurs le livre ne s’appelle pas Blade Runner et je n’ai aucun souvenir, dans le film, d’avoir vu vivre le moindre animal, vivant ou électrique.

At an oil painting Phil Resch halted, gazed intently. The painting showed a hairless, oppressed creature with a head like an inverted pear, its hands clapped in horror to its ears, its mouth open in a vast, soundless scream. Twisted ripples of the creature’s torment, echoes of its cry, flooded out into the air surrounding it ; the man or woman, whichever it was, had become contained by its own howl. It had covered its ears against its own sound. The creature stood on a bridge and no one else was present ; the creature screamed in isolation. Cut off by—or despite—its outcry.
“He did a woodcut of this,” Rick said, reading the card tacked below the painting.
“I think,” Phil Resch said, “that this is how an andy must feel.” He traced in the air the convolutions, visible in the picture, of the creature’s cry. “I don’t feel like that, so maybe I’m not an—” He broke off as several persons strolled up to inspect the picture.

Philip K. Dick, Do Androids Dream of Electric Sheep


jeudi 3 novembre 2011 - dimanche 25 février 2024




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)