Tellement couru dans l’un de mes rêves que j’en sors avec un clou réel planté dans le genou gauche et qui tape éveillé. Ensuite, comme un virus, la douleur se transmet d’un rêve à l’autre, suivant, c’est le fil rouge de quelque chose (mais quoi ?).

Ma mère a bien reçu mon livre et il la rend malade.

Tenté crire la carcasse. De zéro. Rien. Trois bribes :

« j’ai jamais bu un gramme de speed de toute ma vie
je suis incapable de dire je
on m’a jeté un sort »

Sors un peu, marché même malgré le genou jusqu’à Bercy, jardins. Aime l’idée qu’il faille se déplacer quelque part pour aller lire quelque chose que j’aurais pu lire là. Aime l’idée que ce soit pour lire Aux îles Kerguelen, de Laurent Margantin, son blogbook devenu numériquelivre l’autre jour. Je reconnais facilement le moment où j’étais tombé, plusieurs semaines en amont, dans son récit en ligne car y avait des lapins. Un peu après, cet extrait, que je corne.

Depuis le premier jour que je suis ici, je me sens comme chez moi. J’ai eu d’abord du mal à m’expliquer ce sentiment, puis j’ai trouvé, je crois, une explication. Cette chambre au bout d’un couloir, c’est au fond la même que celle que j’occupais quand j’étais étudiant à Tübingen et que je logeais dans une résidence universitaire, au Geigerle. Comme ici, je passais mes journées à l’intérieur, et un ordinateur portable comme celui-ci, mon premier ordinateur portable, était posé sur ma table, et j’y écrivais. Dehors, il pleuvait souvent, ou bien il neigeait en hiver. Et curieusement, j’avais un voisin sympathique comme Philippe, même s’il ne lui ressemblait pas. Il s’appelait Ralf, il était petit et avait ses cheveux blonds coiffés à la rasta (avant qu’il se fasse raser le crâne), et je me souviens qu’il étudiait la théologie et la chimie, étrange combinaison (en Allemagne on étudie deux matières).

Je refais du thé en me rappelant de cette chambre où j’ai vécu trois ans. Elle est si proche tout à coup. Je ne m’attendais pas à la retrouver un jour aux Kerguelen.

Laurent Margantin, Aux îles Kerguelen, Numeriklivres

Jamais pu écouter un seul album de Beck, pourtant je marche, je lis, en écoutant Sea change. Des corps sont de sortis : ils ont colonisés l’espace béton autour du palais omnisport et y a des os, des torses malgré les 41°F légers. Dehors ça sent le shit, la bière et j’ai jamais goûté de ma vie ne serait-ce qu’un gramme de speed.

Mueller (207 mots) :

Incapable de féconder les entrailles de la femme
qu’il avait choisie, le roi rassembla ses hommes
issus de la steppe pour trouver une solution. Sa
descendance extirpée de son corps par la force &
enterrée sous le sable de l’ocre, il fut décidé,
d’un commun accord, que la villofixoa ne pouvait
appartenir au corps d’un seul homme, fut-il roi,
Colur ou calife, mais bien à l’hydre des corps &
des âmes peuplant ses murs. Raison pour laquelle
ils décidèrent de piétiner le corps de leur roi,
de lui trancher les membres & de les mastiquer à
l’aube du jour suivant. Les gorges encore gluées
de sa chair, ils forcèrent le corps de celle qui
fut sa femme à plat ventre sur le dos de la cité
sûre. Aux portes de la villofixoa tous les corps
(hommes & femmes confondus) fécondèrent la veuve
de l’Ixoa tour à tour & on raconte qu’à la suite
de cet épisode fondateur & légendaire, la boue &
la neige sur le chemin menant jusqu’à la ville &
aux remparts s’épaissirent puis se gorgèrent des
pigments ocres ou rouges qu’aurait pleurés cette
veuve après l’acte. Ces pigments gorgent encore,
de nos jours, le lit de la rouge, ainsi que tous
les grains de sable de ce désert, dit de l’ocre.


dimanche 21 avril 2013 - jeudi 4 avril 2024




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Article publié Article 040324 GV il y a 16 heures
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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)