J’ai un problème avec le temps. J’arrive pas à accepter que des moments entiers soient gelés, scellés même, dans le passé, ou dans une forme de futur conditionnel, vaporeux (ce qui au fond revient au même). J’aimerais savoir, les moments auxquels je pense (et qui peuvent être beaucoup moins que ça, des instants par exemple, ou plus encore, des heures, des jours, entières, entiers), les sauver de leur fugacité. J’aimerais avoir de quoi le faire (peut-être qu’écrire c’était ça, je veux dire c’est ?). J’aimerais pouvoir ne pas douter qu’ils ont pu un jour, ou qu’ils vont sans doute, exister. Mais je sais que l’étape à venir, après cette sidération dont j’essaye un peu maladroitement ici de rendre compte, c’est précisément de douter de tout ce qui a pu (ou qui, espérons-le, saura) advenir. Était-ce réel ? Vraisemblable ? Par exemple, longtemps j’ai douté, me remémorant notre rencontre avec H., qu’il m’avait embrassé ce jour-là. J’en suis venu à douter de ça. Ça n’a pas duré très longtemps. Pouvais-je l’avoir rêvé ? Aujourd’hui je sais que non. Je n’ai pas rêvé. C’était au bout du monde. Mais ça ne m’aide pas pour autant à me défaire de ça, cette malédiction du temps dont on n’aura pas été foutu, capable je veux dire, d’interrompre même momentanément le cours. Et je m’en veux de ça. N’avoir pas été en mesure. Mais j’aimerais un jour écrire un livre d’entretiens, de témoignages, je sais pas trop comment il faut le dire. Svetlana Alexievitch, Omar et Greg, « Les pieds sur terre », ces trucs me parlent. J’aimerais faire quelque chose comme ça, quelque chose de très simple, à partir de la parole des autres. Collecter beaucoup, beaucoup de paroles. Orales si possible. Et éditer. Je veux dire monter. Le thème pourrait en être, précisément, ces instants de nos vies dont nous sommes venus, pour des raisons diverses, à douter. Les trucs dont on n’est plus très sûrs de savoir s’ils ont eu lieu ou non. Ce serait beau. Ce serait un beau prétexte, je veux dire. Mais c’est pas avec ça qu’on pourra revenir en arrière, pas vrai ? La lumière de Tokyo
me manque. Et
les chocolatines de Pin de bleu
à Kyoto sont meilleures
que les pains au chocolat français d’une boulangerie en haut de la rue T.
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♙Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010) |