On ne s’en rend pas réellement compte quand on vole, à moins d’être vissé à un hublot, mais les pistes des aéroports se prolongent pendant des hectolitres : hectares qui sont en réalité des champs de piles démesurées, plantées dans le sol, qui grâce au jeu des polarités et des magnétismes permettent aux avions de bénéficier d’un phénomène de poussée supplémentaire, pour leur éviter le risque non négligeable de s’écraser lamentablement, n’étant pas parvenu à s’arracher à la gravité terrestre. C’est rassurant, et c’est inquiétant. C’est un dispositif qui peut t’aider à ne pas te crasher. Mais si c’est le cas malgré tout, tu t’exploses tout entier dans un cimetière alcalin des plus nocifs. Et on aurait envie de sortir en plein vol de l’appareil, si la chose était possible, comme on sortirait en plein spectacle d’une salle qui rigole alors que nous non, comme cela arrive à la 14e minute de l’adaptation pour la scène (retransmise ensuite par France Culture) du Dossier M pour la Maison de la poésie. Sur l’enregistrement, il y a un blanc de quelques secondes, puis on entend une femme qui de toute évidence quitte la salle et qui dit : Je m’en vais parce que vous riez. Je m’en vais parce que vos rires me gênent. Je m’en vais parce que là on raconte la mort d’un homme, et que vous riez. Moi, j’ai lu ce livre, que j’ai adoré. Je n’ai pas ri une seule fois. Au contraire : à la fin j’ai pleuré. Puis on entend des pas qui s’éloignent et une porte qui s’ouvre (et possiblement se referme), et le spectacle reprend comme si de rien n’était.