Après avoir passé des mois à taper le moindre aliment dans Google suivi de sans gluten me voilà à faire de même avec la tyramine. Ce n’est pas toujours clair, probablement parce que ça n’intéresse personne. Le melon ? La pomme de terre ? Le houmous ? L’idée, ce serait d’avoir un taux (mais on ne trouve pas les taux) 1. Et puis, fatalement, tomber encore sur des trucs qui disent par exemple : si vous êtes migraineux, ne mangez pas de laitage, par exemple les yaourt (...) mais si vous arrêtez tous les laitages, gare aux carences à la vitamine B2, qui provoque des migraines. Ce n’est pas ça qui m’amène directement à comprendre, six mois après l’avoir lu, ce qui me dérange au fond dans Les Furtifs. Entendons-nous bien : j’ai beaucoup aimé ce livre. Mais quelque chose cloche, quelque chose sur lequel je n’arrivais pas à mettre le doigt. Mais là oui. Au-delà des excentricités (parfois virtuoses) de la langue, qui ne perd que rarement en efficacité dramatique, Damasio suit dans ce livre un canon narratif assez précis et codifié (il fait le job), mais sans aller jusqu’au bout. Jusqu’au bout ça aurait été : subvertir ledit canon et le faire voler en éclat. Surtout, pendant les trois premiers quarts du bouquin, tout fonctionne. Mais la fin ? Jusque-là, l’antagoniste est dans l’ombre. On ne le voit pas. Ne le voyant pas, il rejaillit partout : l’antagoniste, c’est le monde présent, et ce qu’il va devenir. Mais dans le dernier quart du livre, cette énergie-là prend forme humaine. Celle d’un personnage caricatural, auquel on n’adhère pas. Or on a besoin d’y adhérer, ne serait-ce qu’un peu, pour pouvoir le comprendre. Le suivre. Se projeter. De sorte qu’on peut noter la chose suivante : tant que les éléments du récit sont mouvants, ou semblent pouvoir l’être, le récit fonctionne, on veut savoir qui est qui, ou qui est quoi dans l’histoire (le rôle de chacun). À partir du moment où les choses sont fixes, figées, ça ne fonctionne plus aussi bien. On a vu où voulait en venir le texte. L’enjeu est moindre. Tout est déjà gelé.
↑ 1 Sans doute car il ne s’agit pas de taux absolus mais relatifs, dépendant notamment de la fraicheur des aliments.
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♙Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010) |