J’abhorre facebook. Plutôt que de répondre directement à un mail, quelqu’un fait une demande via une page à laquelle je suis lié pour pouvoir me parler. Pourquoi ne pas répondre directement ? Pourquoi vouloir me parler ? Ce n’est rien à côté du reste. Pour pouvoir formuler une réponse sur ce réseau et non ailleurs, je dois assigner la conversation à moi-même, et ensuite... Ensuite, je ne sais pas. Je n’ai pas trouvé comment interagir avec la personne. J’ai pas mille ans. Je veux dire je suis pas nonagénaire. Je sais me servir des trucs. Les trucs sont pour ainsi dire ma vie. Mais impossible de trouver comment communiquer avec autrui par ce biais. Et je finis par aller sur le compte de la personne pour entamer une autre conversation, si bien que ce ne sont pas deux (le mail initial, cette prise de contact via les réseaux) fils qui s’opèrent mais trois, soit. Je n’avais même pas prévu de me connecter à la base. Si tout s’était bien goupillé je n’aurais même pas dû voir cette notification. Initialement, j’étais là dans mon salon en caleçon à tenir la porte aux moustiques de mes nuits, petit groom fatigué. Après avoir échoué à les localiser et à les tuer d’un clapement de mains, je m’étais résolu à ouvrir la porte de la chambre, à allumer toutes lampes au salon et, donc, à la leur tenir, la porte, pour qu’ils migrent d’eux-mêmes. On les dit attirés par la lumière. De fait moi aussi puisque, pour passer l’attente, j’ai regardé mon téléphone de poche, et vu la notification. S’en suit l’histoire que l’on sait. Le reste est tout aussi désolant : j’ai contacté la personne en lui disant qu’elle avait essayé de me joindre (on n’était pas au téléphone mais enfin comment le dire autrement ?), avait-elle donc reçu mon mail ? Mais non, elle ne l’avait pas reçu, ce mail et pour cause : cette personne n’était pas une personne. Je veux dire, elle n’était pas la personne que je croyais qu’elle était. Je ne lui avais donc pas écrit, tout en venant de lui confier que si. Le nom de cette personne ressemblait vaguement au nom de la personne, celle que j’avais voulu joindre pour des raisons purement terre à terre, mais n’était pas du tout la même. Et voilà qu’elle venait me parler, que je lui tirais le tapis de sous les pieds pour lui dire en substance que moi-même j’avais des choses à lui dire, alors que, de fait, non. J’ignore qui est cette personne : tout ce que je sais d’elle c’est qu’elle n’est pas la personne à qui je souhaitais initialement m’adresser. Et je suis là. Dans l’attente des points de suspension qui indiquent que quelqu’un tape quelque chose, à l’autre bout du flux, sur son clavier à lui. Ou elle. Bourdonnements. Bruits de mastication presque à mes oreilles. Ceux de l’onde qui me lèchent (le réseau) ? Ceux des bêtes en suspension rôdant, écoutant ceux de mon pouls pour, en suspension aussi, étancher leur soif ? Tic tac. Le temps presse. Dis quelque chose, fais quelque chose, me dis-je, ne faisant rien.