anpe.gifAutre annonce, elle appelle d’autres perspectives : Au sein de la *** rattaché directement à la direction du *** de l’entreprise ***, vous contribuerez à la meilleure circulation des flux physiques et financiers des marchandises dans les respect des législations, des stocks et assisterez le responsable. Vous possédez une bonne maîtrise de l’outil informatique (traitement de texte, Excel) ainsi qu’une bonne capacité de rédaction. Vous savez gérer les priorités et prendre des initiatives. Vous savez faire preuve de rigueur, disponibilité, dynamisme et souplesse. Vous possédez une expérience solide dans le secrétariat et respectez scrupuleusement les procédures de l’entreprise. Vous êtes docile, vous obéissez aux ordres de votre supérieur. Vous exécutez. Vous décidez de répondre à cette annonce en précisant votre parcours et vos coordonnées. Vous lustrez votre CV, barricadez votre lettre de motivation. Motivé, justement, vous l’êtes à l’idée de travailler pour une entreprise telle que la nôtre. Vous décidez de parler autour de vous de cette candidature en la qualifiant de vous même de « plutôt bonne opportunité ». Vous vous dîtes « prêt à aller au bout de votre projet pour décrocher un entretien et, peut-être, au-delà, le poste lui-même ». Vous ouvrez votre boite aux lettres électronique toutes les cinq minutes pour vérifier si une réponse n’est pas déjà tombée. Vous contrôlez aussi le dossier « courrier indésirable » car vous savez qu’un mail d’un interlocuteur inconnu peut être maltraité par votre messagerie. Vous rechargez votre téléphone portable et appelez régulièrement votre messagerie vocale, ainsi que celle de votre téléphone fixe, à côté duquel vous n’êtes pas toujours en attente et qui aurait tout aussi bien pu sonner durant votre absence. Lorsque vous sortez, votre téléphone est rangé dans la poche droite de votre pantalon, car c’est à cet endroit que vous pourrez au mieux le sentir lorsqu’il se mettra à vibrer, « contre toute attente ». Vous perdez patience. Vous commencez à croire que cette réponse ne viendra jamais et que notre entreprise ne vous contactera pas, que vous avez manqué votre chance et qu’il était déjà trop tard lorsque vous avez postulé : le poste était peut-être déjà occupé. Vous regrettez d’avoir fait part si vite de votre enthousiasme à vos proches et redoutez les prochaines conversations que vous aurez avec eux, notamment celles où vous leur avouerez que « finalement ça n’a pas marché ». Vous vous dites que le chômage et la crise n’arrange pas vos affaires et que jamais plus une telle opportunité ne se présentera, que vous êtes finalement un bon à rien, incapable de trouver le moindre « petit boulot » et qu’à présent que les loyers s’enchaînent et que les dépenses augmentent, il ne vous reste plus d’autre espoir que la fuite, vivre une nouvelle vie, une vie de ruines et de rues, une vie que l’on appelle tout bas « de clodo » et, tout haut, « de sans domicile fixe », somme toute une vie de pauvre, au mieux ; au pire de « marginal ». Vous êtes au bord du gouffre. Vous ne savez plus vers qui vous tourner. Vous avez honte de votre condition d’assisté, de profiteur de la société, de moins que rien. Vous êtes maintenant à point ou, comme nous aimons le dire nous même, « à notre merci ». Votre téléphone sonne. Cela fait longtemps que cette histoire d’annonce ANPE vous est sorti de la tête, votre téléphone gît, déchargé, à l’autre bout de votre appartement. Un message est laissé. Vous l’écoutez. Votre candidature a été retenue, vous explique la voix suave et ferme de notre entreprise, vous êtes sommé de rappeler tel numéro au plus vite afin de fixer un rendez-vous pour votre entretien. Vous avez bien entendu. « Votre entretien ». Vous vivez à présent un rêve éveillé. Vous ne savez plus qui remercier dans l’euphorie de votre bonheur. Vous rappelez illico le numéro annoncé. Votre taux d’adrénaline n’en finit plus de battre. La sonnerie retentit. Bientôt une voix s’ouvrira à votre désir. Notre entreprise vous tend les bras. Cela ne fait que commencer.


lundi 9 novembre 2009 - mercredi 27 mars 2024




30970 révisions
# Objet Titre Auteur Date
Article publié Article 270224 GV il y a 22 heures
Article publié Article 270224 GV hier
Les plus lus : 270513 · 100813 · 130713 · 120614 · 290813 · 271113 · 010918 · 211113 · Fuir est une pulsion, listing adolescent · 120514 ·

Derniers articles : 270224 · 260224 · 250224 · 240224 · 230224 · 220224 · 210224 · 200224 · 190224 · 180224 ·

Au hasard : 010117 · quand j’étais une femme · 161114 · 281221 · 090209 · 030219 · 310120 · 260412 · 230613 · 060817 ·
Quelques mots clés au hasard : Kathy Acker · Gustavo Santaolalla · Melliphage · Yukihiro Takahashi · M · Gou Tanabe · Nucléaire · Morton Feldman · Alain Giorgetti · Rumiko Takahashi · Simon Critchley · Sonny Boy · Eff · R. · Baptiste Thery-Guilbert · Louis Ferdinand Céline · Sabine Huynh · Jean-Marc Ceci · Alexandre Blok · Raymond Roussel · The Mamas and the Papas · Arkadi & Boris Strougatski · Antonio Moresco · André Dussolier · Alejo Carpentier · Yoann Vornière · Andy Warhol · Simeon ten Holt · Michel Brosseau · Monkey Punch

Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)