De fait, Bajir avait raison.
La mort consent à les épargner tous les deux.
Puis c’est l’après des ruines fumantes dans des rues jusqu’alors saines et sauves pour Bajir et Soch’é. C’est la traversée de tout un quartier maudit par la bombe, par les napalms, par l’obscurcissement qui a cours sur la ville depuis qu’a cours l’absolutisme dans les hautes sphères de l’ennemi, qui qu’il soit. C’est l’odeur des cendres, c’est la fumée épaisse. C’est la carbonisation des corps encore en vie tant qu’ils se tordent et vis à vis desquels Bajir à Soch’é, comme on le dirait à un enfant quand on est soi adulte, recommande de ne pas regarder.
La rue des osselets est épargnée par toute cette horreur. Pour un temps. Ils y arrivent épuisés et couverts d’une pellicule de sueur qui n’est pas que de la sueur.
Au quatrième étage, Bajir doit faire barrage de son corps pour empêcher Soch’é d’ouvrir la porte de l’ancien appartement de ses parents, et le tirer violemment par la main pour qu’il le suive jusqu’au huitième. Au huitième il ferme la porte à clé de l’intérieur et Soch’é s’en va se hurler dans des murs, et taper contre avec sa tête maudite jusqu’à ce que du sang perle.
Soch’é est une éponge, tu sais. Toutes les douleurs de la ville il les fait siennes, même et surtout dans des temps comme ceux-là.
Bien que le sachant, Bajir se force à ne pas le savoir. Il a beau essayer de dormir dans cette pensée (or donc d’absence de pensée) aucun sommeil ne point alors, à la place, il regarde la ville noire par la fenêtre confite sous la flamme déjà froide, quoi qu’il fasse si chaud.
À deux heures du matin, la faim le fait sortir. Il a laissé Soch’é en haut, mort de fatigue, refermant à clé après lui et il déambulera indemne dans des rues adjacentes à la rue des osselets. Qui peut en dire autant ?
On vend des fruits sur un trottoir, il est preneur. Pour chaque fruit qu’il s’achète, il en demande un pour Soch’é, quitte à gréver son budget, et bien qu’il ne soit plus en sa présence. C’est avec eux, des fruits dans un sac en papier, qu’il disparaît dans la déclivité du sol jusqu’au fleuve qu’il longera un moment avant un musée des arts, et au musée des arts il sonnera à la porte de la loge et il attendra long qu’on vienne lui ouvrir.
— C’est toi... (...) Ça faisait longtemps, j’ai cru que tu étais mort. (...) Entre, Bajir. (...) Maarko est toujours de ce monde.
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♙Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010) |