2 avril 2010Image de Stéphane Gantelet
Des flocons tels qu’on croirait que les goélands ça y est perdent leurs plumes par centaines de milliers. Ils voltigent, se stabilisent, remontent même un peu, parfois, font mine, avant de lentement se poser. Tout s’enfonce dans ce feutre blanc froid douillet, avec beaucoup de silence à l’intérieur, qui étouffe jusqu’au bruit de la mer. Elle regarde la neige. Elle écoute la neige. Disparition progressive du monde connu. Ça fait un bien. Si, vous savez. Le journal du brise-lames Juliette Mézenc
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Une première pour Omega-Blue qui accueille pour premier vendredi d’avril un extrait du Journal du brise-lames de Juliette Mézenc, qui elle-même reçoit chez elle une de mes déviances textuelles. Lire aussi d’autres vases communicants : pendant le week-end et ruelles Jean Prod’hom et Juliette Zara Mariane Jaeglé et Anthony Poiraudeau Christophe Sanchez et Murièle Laborde Modély Christine Jeanney et Kathie Durand Sarah Cillaire et Anne Colongues France Burguelle Rey et Eric Dubois Fleur de bitume et chez Jeanne Mathilde Rossetti et Lambert Savigneux 1er octobre 2010
Je suis une ville dont beaucoup sont partis enfin pas tous encore mais ça se rétrécit. Et toute la ville autour de nous, les parcours sont bien dessinés. C’est surtout un trou au milieu de la ville dans lequel on s’enfonce avant de revenir à la surface. Je suis une ville qui ne se voit pas ailleurs. Écrire la ville c’est marcher dans ses rues et savoir s’y perdre. Jouer avec la vitesse et tous ceux que l’on rencontre. Celui-là qui s’y voit mais à qui ça fait peur. Et celle-là qui ne sait plus, qui est trop abrutie. Certains autres s’y mêleraient, qui y redirait quoi ? On ne voit presque rien. On entend la rumeur, toute la ville autour de nous. Comment en rendre l’infini foisonnement ? Toute la ville autour de nous, qui ne sait pas où elle est ou, qui se croit partie. Créer un mouvement ininterrompu de phrases qui ne se ferment pas, s’ouvrent sans cesse sur d’autres phrases, donnant ainsi une image en mouvement du monde. Et toute la ville autour de nous serait belle, serait silencieuse. Je me dis qu’il faut me dépêcher, qu’il faut garder ce qui peut l’être encore. Je suis une ville où l’on ne voit même plus qu’un tel n’est pas au mieux, lui qu’on a toujours vu avec les joues bien bleues, avec les yeux rougis, ou avec le teint gris, mais bon, avec l’air d’être en vie. Ce qui appelle ou nous rappelle, ce que nous fûmes et ce que nous serons. Je jette de temps en temps un coup d’œil vers le ciel. Un jour il est foutu et peu comprennent alors que la mort a frappé quelqu’un de déjà mort. Toujours bien faire ce qu’on a envie de faire et s’en tenir là. Ce silence où tout soudain s’arrête sans pourtant s’arrêter. Je suis une ville de chantiers ajournés, de fêtes nationales, de peu de volonté. Le tremblé du monde qui s’y imprime dans l’avancée qu’on lui impose. Les fils qu’on suit, et qui fuient. Et puis : nos corps, nos corps qui se posent, qui s’interposent sur l’écran, comme des zones opaques empêchant la lumière de traverser. Je suis une ville couchée la bouche de travers. Raconter, c’est raconter quelque chose. Ils ne demandent qu’à dire combien ils sont heureux, d’être là à nouveau, qu’on les y aide un peu. Ce n’est pas vouloir dire mais vouloir faire. C’est dans cette intention de faire qui veut ce que l’on dit qu’en nous l’inconnu peut parler. Ce que je ne sais pas, ce que je devine, ce que j’invente, ce que j’avance, dans l’oubli de chaque pas, l’éblouissement des mots, ce sera donc ici. Les villes ont sans doute besoin de telles expériences pour éprouver le ciel. Les nuages au-dessus d’elles. Ils ne savent rien de rien et pourtant ils sont là. Je suis dans ce que je ne peux pas dire. Je suis une ville dont beaucoup sont partis, enfin pas tous encore mais ça se rétrécit. J’y suis, mais je ne le vois pas, pour le voir j’essaye d’oublier. Les souvenirs aveuglent, il faut toujours entrer dans ce mouvement, le temps immobile. Je suis une ville foutue qui ne sait plus lire l’heure, qui a oublié l’heure, qui ne sait plus lire l’heure, qui a oublié l’heure. Je suis une ville, extrait de l’album Remué, de Dominique A., Lithium - Labels, 1999.
4 mars 2011Tu réponds à la tentation de fuir. Tu connais de si longtemps la tentation de fuir. Qui ne vit pas avec la tentation de fuir. Étais entré dans ta pièce un qui l’avait nommée : il était là, toi tu étais accroupi par terre, à écrire à ta machine branchée sur le réseau, comme d’habitude tu fais, ta paillasse auprès par terre aussi, et la porte là-bas au fond – voilà qu’il était là, il était debout devant toi et avait dit : « Tentation de fuir, la tentation de fuir », évidemment tu avais pensé, évidemment une notation juste mais le type était déjà reparti, toi à nouveau devant ta machine mais plus du tout sûr que ce soit par là. Tentation de fuir : l’écran sans doute, ou la lucarne là-haut, la vitre dépolie et de l’autre côté parfois selon le soleil deviner la présence d’un arbre, ou selon vent et heure la rumeur indéfinie de la ville, sirène ou engin de chantier, pression sourde. Ou la porte : puisque ce type était entré, puisque toi tu étais là mais que donc il y avait une porte et de l’autre côté possibilité libre de circuler, peut-être toi aussi d’aller vers le couloir (tu connaissais ce couloir), entrer dans d’autres cellules et dire à ceux qui s’y activaient derrière leur écran : « Tentation de fuir, la tentation de fuir ». Mais c’était si pareil dans les rêves : dans le rêve aussi tu étais dans cette pièce nue, avec paillasse et écran, dans le rêve aussi il y avait la ville profuse au loin dans sa rumeur sourde, dans le rêve aussi parfois tu allais dans le couloir et poussais les portes, une fois même c’est toi que tu avais trouvé, situation de double parfaite et tout aussi parfaitement menaçante, c’était perceptible dans le regard que vous aviez échangé, « tentation de fuir », cette fois tu n’avais même pas prononcé ce que tu devais dire, tu avais reculé sans le quitter des yeux, étais vite rentré ici. Il ne te ressemblait pas, celui qui tout à l’heure était venu, bien plus jeune et – il te semblait – plus dur, bien plus dur. Ceux d’aujourd’hui ont une dureté que nous n’avons pas, pensais-tu. Nous avons trop composé avec ce vieux monde d’où nous venons, pensais-tu. Donc il faudrait fuir. Tu es assis par terre dans la cellule grise, la couchette par terre aussi, et l’écran que tu manipules. Où est le dehors, tu penses, et tentes de le représenter, où le passage qui mène vers dehors. Et tu fais la liste de tes tentatives, des autres pièces où tu as pu t’installer, des autres couloirs, de l’autre côté d’autres cours, et le même ciel gris ou son absence. « Il n’y a pas de dehors », tu te souviens d’une conversation, une fois, avec un de ces types qui parfois – comme d’ailleurs toi-même parfois –, entrent dans votre pièce, et puis repartent. On s’incruste dans l’instant. On se concentre sur un problème complexe. On essaye de dénouer le temps, ces étapes du passé, et comment on en était venu là. On est en paix, on peut être en paix avec sa propre inquiétude. Parfois, tu envoies des messages. Parfois, ils te reviennent. Du mot « fuir » aussi on avait échangé : dans le 9ème alinéa de la définition de fuir par Littré tu avais trouvé « Terme de peinture. Il se dit des parties du tableau qui paraissent s’enfoncer dans le lointain. Ce fond fuit très bien. Terme de marine. La côte fuit dans telle aire de vent. » Mais là tout de suite, des années après, est-ce que ça avait de l’importance, tu pensais, est-ce que ça comptait ce genre d’explication, est-ce que ce n’était pas cela aussi qu’il te fallait fuir, que tu avais fui ? Demain tu changerais de pièce, tu te disais, tu irais dans l’autre cour, et puis plus loin.
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1er avril 2011De l’autre côté, tout était clair. De l’autre côté, je voyais tout, j’observais tout. Jamais on ne s’adressait à moi qui étais de l’autre côté, dans un univers totalement séparé du leur. Dans la rue, ils passaient à côté de moi comme si j’avais été invisible ou comme si je n’avais pas existé, certains me traversaient même. Pour eux je n’étais rien, pas même une étrangère, tout juste une ombre qui passait, et surtout pas leur ombre. De l’autre côté, j’aimais les voir sans qu’ils me voient, j’aimais passer au milieu d’eux tout en n’appartenant pas à leur monde, faute d’avoir un visage. Je ne pensais pas à eux comme à des ennemis, non, plutôt comme à des automates faisant et refaisant les mêmes gestes, courant toujours aux mêmes endroits, occupés par toutes sortes de devoirs quand, moi, de l’autre côté, je ne sortais que pour le plaisir de déambuler au milieu d’eux tout en étant très éloignée de tous ; quand moi, de l’autre côté, je ne pensais qu’à m’absenter de leur vie à chaque pas que je faisais. De l’autre côté, j’étais pris dans mon propre vertige, dans ma propre absence, et pourtant tout ce qui m’entourait était bien plus présent que pour eux. Moi dont on ne voyait pas le visage de l’autre côté, j’étais celle qui s’était soustraite à leurs regards, j’étais celle qui ne voulait pas qu’on la reconnaisse ni qu’on s’adresse à elle, j’étais celle dont la voix venait de trop loin pour qu’on l’associe à qui que ce soit. Quand à de rares instants ils me voyaient, ils m’appelaient la prisonnière, ignorant combien, heureuse de vivre de l’autre côté, j’étais libre de sourire à tout ce qui m’entourait, combien j’étais surtout libre de n’exister pour aucun d’entre eux dont les visages étaient chacun parcourus des mêmes grimaces. De l’autre côté, c’était comme si rien de leur vie à eux ne m’attachait.
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6 mai 201117 avril 2011 Je suis dans le marché couvert. Brouhaha d’odeurs fraîches, habituel, je marche sans regarder où je vais ; cohue des voix. Loin, une mouette montre à une autre un sac plastique, elle se débat avec, puis exhibe un téléphone mobile et explique silencieusement à l’autre comment en extraire les touches, avec son bec les fait sauter comme elle le ferait des grains d’un épi de maïs. Pour les manger ? Sans doute, pour quoi d’autre ? Dans cette scène, musique aidant, la mélancolie est profonde, la solitude partout, l’avenir nulle part, la mort devinée, imminente et certaine. À voir cette scène, avec cette musique, j’ai ressenti quelque chose de semblable, peut-être, au syndrome de Stendhal, quelque chose de fort dans la tristesse, pour ces oiseaux morts d’avoir mangé du plastique, les petits nourris par les parents, qui leur décortiquaient un briquet, faisaient d’un sac plastique des lamelles pour ingestion plus aisée ; tout ces bonbons colorés. Dans le marché couvert, un stand proclame son bio, un autre ne dit rien, ce matin ou hier ils étaient peut-être tous deux à Rungis, et il me faut choisir quels légumes acheter, je tourne en rond dans le marché couvert, sans rien pouvoir voir, ni sentir, des pesticides que je sais présents, constituants de ces aliments, mais j’ignore tout de la directive européenne 91/414 CEE. Il y a quelque chose de déchirant dans le spectacle de ces oiseaux qui pensent bien faire en nourrissant leurs petits de ces granules plastiques, formes pointillées ou allongées, colorées, comme des coquillages, des poissons, et qui les tuent sans leur laisser comprendre comment, si bien nourris, ils peuvent mourir. C’est un tubercule, c’est une racine, c’est un fruit, il y a du violet, du blanc, du jaune, du vert, du rouge, les prix sont au kilo ou à la pièce, il faut prévoir suffisamment pour lui cuisiner des purées pour la semaine, devant le crêpier qui vend aussi du café et du thé, un jeune homme lance à un autre, tous deux sont noirs : "mais en Côte d’Ivoire ils ont voulu chasser Gbagbo c’est tout, voilà, parce qu’il ne voulait pas faire ce que les États-Unis et la France lui diraient de faire, voilà la vérité, pour eux on est toujours des esclaves, partout en Afrique c’est la même chose mon frère tu le sais bien alors arrête ! Tout est fait pour nous maintenir dans cet état… animal !, la guerre partout ! Et puis c’est partout pareil, les Blancs, les Noirs, en France, en Afrique, en Asie, Amériques, partout les pauvres trinquent tout le temps pas vrai ? On est là pour bosser le reste ils s’en foutent !", l’autre ne dit rien ; et je ne comprends pas un mot de ce qui vient de se dire, je veux dire : je suis ignorant de ce qui se passe. Je continue dans le marché, à passer devant des stands que j’ai déjà vu tout à l’heure. Elle va avoir un an, elle peut manger de tout, ou presque, un peu mouliné, avec ses deux dents ; tout, vraiment tout ? D’autres chansons dans la tête, et le caddie de commission traînant, toujours en rond et finalement rempli, je regarde l’heure, il est temps de sortir du marché.
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3 juin 2011Et vas-y, encore un coin paumé au fin fond de la galaxie ! Pfff, font chier ces péquenots. Alors, l’est où cette foutue planète... "Après le dernier paragraphe, tournez la page, puis lisez sur deux cents mots. Au prochain alinéa, vous êtes arrivé." Ben d’accord, mais c’est lequel, le dernier paragraphe ? J’y comprends rien moi, ça tourne dans tous les sens : y’a VRAIMENT une direction dans cette espèce de friche ? Et comment ça "tournez la page" ? T’es gentil mais j’aimerais bien t’y voir moi : tu les vois OÙ, les pages ? Quel bordel, je te jure. Il était temps que j’arrive. Bon, j’y suis, faut croire. Hé ben. Pas coquet, dis donc. Pffffffiou. Y’a du boulot. Allez courage, ma p’tite Svet. Mais, on rentre par OÙ ? — Oui ?
BLAM ! — C’EST PAS LA PEINE D’INSISTER, GÉVISSAC N’EST PAS LÀ ! FOUTEZ-MOI LA PAIX !
Rustre ! Qu’est-ce que je vais faire, moi maintenant ? Bien maline, la Svet... — Vous êtes perdue ? — Bonjour, je suis Svetlana, conseillère d’aménagement mandatée par le Bureau de Reconstruction des Intermittents et Chômeurs, auprès de Gévissac.
— Euh, mais alors, il est OÙ, Gévissac ?
C’est étonnant l’existence. On croit déjà tout connaitre de sa vie, avancer sur des rails à vitesse de croisière, et soudain paf ! c’est l’aiguillage. Ça bifurque d’un coup, sans qu’on ait rien choisi, et v’là que la chaudière s’emballe. Y’a plus qu’à tenir la loco tant bien que mal, lancée à toute vapeur. Perdre deux cameramen d’un coup, c’est vrai que c’était un peu la flippe. Surtout quand le malade qui te les a allongés te demande de le suivre à l’autre bout de la galaxie. Mais, je me disais : la mission avant tout, il faut retrouver Gévissac. Plus de cameramen ? Tant pis pour le BRIC qui pleurera ses images, au moins je serai libre. Et puis, comme disait l’autre, de toute façon hein : l’essentiel est invisible pour les yeux. Alors j’ai suivi le taré. Eh ben la planète du petit prince, ça vaut le détour. Croyez-moi. Parce que si pour vous, les baobabs qu’on ratisse et les volcans qu’on ramone, c’était déjà une histoire de camé, changez carrément de pilule : on est dans une autre dimension. Oubliez le petit caillou mignon croqué par le père Antoine. Ici, c’est du lourd. On fait pas dans l’aquarelle. C’est des nasses. Du métal. Des rampes, des rails, partout enchevêtrées. Crasse, ombres, cris. Au milieu, des nuées anonymes et blafardes. Et le doute, partout. Un train-fantôme à l’échelle monde. C’est une planète très vivante : chaque jour, des milliers de visiteurs y atterrissent en quête de sensations fortes. Lorsque je demandai à mon hôte s’il y avait des habitants permanents, je n’eus droit qu’à un vague hochement de tête — d’ailleurs, c’était à peu près la seule réponse qu’il opposait désormais à mes questions. Je n’arrivais pas très bien à saisir pourquoi il avait tenu à m’aider vu le peu de cas qu’il semblait faire de moi. Mais tout vient à point à qui sait attendre, je me disais. Ce ne fut pas long. Nous visitions l’immense domaine, entre catacombes et champs de bataille, quand le petit prince de l’horreur me fit signe. Sur le quai de la navette intérieure (in-terreur comme l’appelle mon hôte), un homme. Lunettes, sac en bandoulière, rien de bien particulier. Il attend comme les autres. Silencieux, l’appareil photo à la main, la nonchalance solitaire. Un touriste égaré croirait-on, calmé par une journée d’effroi bien remplie. Mais les groupes sont avachis, hébétés ou stridents ; lui seul scrute l’arrivée du train avec une placidité redoutable. C’est Gévissac. — Mon meilleur client. Discret, paie pas de mine. Toujours des passages furtifs. On a de la chance de l’avoir aujourd’hui. Z’auriez pu attendre des mois. Son truc, c’est les voies. Une sorte de fascination, je crois. Oh, il vadrouille un peu partout pour alimenter ses départs, mais il finit toujours par y revenir. C’est son carburant, on dirait. C’t’un voyageur, vous savez. C’est comme ça que je l’ai rencontré, l’homme qu’on m’avait confié. Pas l’air d’un diable, sur cette planète d’enfer pourtant. Encore un paumé, je me disais. Attaque-le en douceur. Souris, Svet. Professionnelle. Le Bureau pour la Reconstruction des Intermittents et Chômeurs, BRIC pour les intimes, est là pour veiller à l’optimisation des ressources humaines de la galaxie. Depuis le statu quo entre l’Empire et la Nébuleuse, des institutions officielles se sont immiscées en terrain rebelle pour harmoniser les structures galactiques. On veut de l’efficace, à ce qu’il paraît. Je suis douée pour ça, à ce qu’il parait aussi. On m’envoie consolider les constructions précaires fleuries un peu partout sur la Nébuleuse, les poussées autonomes et branlantes qui font — comment dire — tâche sur la toile. Je suis la consultante imposée pour une rentabilité esthétique, ergonomique et pratique. J’aime mon boulot. Je me sens utile. J’en ai reconstruites, des planètes. Mais là, le Gévissac, il m’a bien coiffée, faut dire. — Allo ! Allo ! BRIC à Brac’ : qu’est-ce que tu fous bordel ? Il m’a paru docile, au début. M’a écouté gentiment. Je lui ai expliqué pourquoi je le cherchais, je lui ai dit : allons chez vous. Il m’a demandé : chez moi ? Oui, ai-je dit, là où vous logez. Mais qu’est-ce qu’un logement ? m’a-t-il alors demandé. On partait de loin. Je viens vous aider à construire votre planète. Je viens pallier votre déficit structurel. Je viens vous inculquer les bases, vous remettre sur la voie. À ces derniers mots, ses yeux ont pétillé : je lui parlais enfin, de personne à personne. Il m’a écouté jusqu’au bout, ou du moins a-t-il fait semblant. Je sais maintenant que ça carburait dur en fait, pour extraire de mon discours le prétexte à un nouveau voyage. Quand il m’a demandé de le suivre, je ne me suis pas méfiée. Je l’ai suivi. — Oh, tu réponds Svet ou quoi ? Qu’est-ce qui se passe, t’en es où, là ? Tu l’as cravaté, le Gévissac ? J’en sais fichtrement rien, de où je suis. Embarquée dans son vaisseau, on a mis les bouts, mais certainement pas vers un quelconque chez-lui. Prise au piège, ouaip. Je coupe la communication. Fallait bien que ça arrive, en fin de compte. Je l’ai eu. Il m’a bien baladé, le mignon, ça oui. Dès que je lui proposais une approche, que je lui présentais un ouvrier, que je préparais des plans, nous repartions de plus belle, mus par un imaginaire à l’abri de mes rectitudes. Combien de voyages ? Une vingtaine, sans doute. Cela dura pendant plusieurs mois. Entre deux périples que j’initiais bien malgré moi, il profitait de mon désarroi pour faire des détours, me montrer d’autres territoires, m’offrir de nouveaux paysages. Il m’impliquait davantage à chaque nouvelle aventure, je faisais petit-à-petit partie de son existence ; et il faut bien le dire, il remplissait entièrement la mienne. J’avais coupé ma radio depuis le premier jour. Je l’ai eu. Oh, ce fut simple finalement. Pris en sandwich. Acculé. Il ne s’y attendait plus. C’est une coriace, la Svet. Endort sa proie, à l’usure, mais toujours à l’affût. Je l’ai eu. Je gagne toujours à la fin, parait-il. Finis, les voyages. Les passages étranges aux confins d’une galaxie qui m’apparaissait bien rangée, avant. Finies, les beautés. Les surprises. Les sourires déposés au matin. J’ai gagné, parait-il. Il travaille maintenant. Il ne voyage plus. J’ai gagné. Je suis rentrée au bureau. Les abrutis me félicitent, me tapent dans le dos, je les déteste. J’ai gagné. Et je pleure. Avant que nous quittions sa planète, le petit prince est venu me voir. Il craignait la concurrence, il pensait à se recycler. Il voulait que je l’aide, que je ne l’oublie pas dans un avenir proche, lorsqu’il aurait besoin de moi. C’est pour cela qu’il m’avait aidé. Je suis seule aujourd’hui dans mon bureau, en attente d’une prochaine mission, d’un prochain pauvre hère à harceler. Vite, petit prince. Appelle-moi. Que je retourne sur cette planète de l’effroi où je bus pour la première fois la tasse. Un jour viendra où les travaux finiront, alors Gévissac reviendra se gorger de peurs primaires, et lorsque viendra ce jour, je veux être là, sur les voies, prête à repartir avec lui. Vite, petit prince.
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Voici venir le tour de Franck Thomas : je lui offre une page ici, et pendant ce temps je squatte un peu chez lui. Le texte qu’il m’a confié poursuit la tentative d’exploration d’une galaxie de l’intérieur entamée chez g@rp le mois dernier et je suis très content de vous le proposer même si, bien sûr, "toute ressemblance avec des personnes existantes ne serait que pure coïncidence". Merci à lui pour avoir, littéralement, joué le jeu. Vous retrouvez sur son site le quatrième volet de la série "Bientôt les Prudhommes" (peut-être, ou pas, le dernier). Voilà la liste complète des vases communicants pour juin 2011 : – Nicolas Bleusher et Christopher Selac
7 octobre 2011Où regardent les pierres ? L’île porte un très grand nombre de monuments étranges dont on ne connaît ni l’origine, ni la signification. De nombreuses théories s’opposent à leur sujet. Cette tâche démontre la manière dont vous parvenez à bien saisir ce problème. La plupart sont coiffés de chignons de bois et leurs yeux sont d’obsidiennes. Je conserve votre page, et reviendrai vous lire — pour vraiment des histoires. Contrairement à une idée reçue, les statues ne sont pas tournées vers la mer ; elles ne scrutent rien ; elles se regardent toutes les unes les autres et s’observent. Nous, mon bon ami Montagne & moi, avons noté l’importance de ces informations. Si l’on parvenait à tirer tous les fils de leurs regards, on trouveraient un point central, un point focal qui, comme le dit peut-être une légende malgache, représente l’œuf du monde. Que j’ai sans doute découvertes presque partout et ne pouvait simplement pas expérimenter. Une chose est toutefois certaine : si l’île est rase, ce n’est pas à cause de ressources épuisées au rite ; c’est pour laisser courir les yeux (sauf quatorze) et permettre la mise en place du dispositif. Vous avez écrit un ultime site web. Quand le poisson s’égare Il est désormais avéré dans toute l’Europe qu’un réchauffement climatique généralisé ou encore qu’une nette dégradation de la qualité des cours d’eau provoque un dérèglement hormonal chez de nombreuses espèces de poissons d’eau douce. Cependant supposons que vous avez contribué à un produit qui peut facilement gagner l’attention des ancêtres ? Les poissons ont une sexualité très différentes de celle des mammifères. Des études tchèques, une simple vidéos web sur le hotu (ou nase) et le chevesne (ou chevaine) ont laissé apparaître que certains jeunes mâles, ou éventuellement un ou quelques tirs placés en situation de stress dû au déversement de matières polluantes, notamment d’origine alimentaire ou médicale, avaient changé de sexe de sorte que vous puissiez obtenir la curiosité et l’excitation de la plupart des gens. L’opération peut même se poursuivre en laboratoire. Votre identité écrire. La disparition de la rue Watt Avec la réhabilitation de tout un quartier du XIIIe arrondissement la ville de Paris voit disparaître une à une d’anciennes rues, et autres traverses et impasses, nombreuses notamment autour de la gare. Si vous êtes dans le coin une rue a été chantée, et filmée, et représentait à la fois poésie urbaine et isolement de la friche, loin des lieux populeux. Si vous n’avez aucun argent pour sortir de cela, vous aurez besoin de contracter un prêt. Elle était le terrain vague, l’espace non normé, le tracé physique de la marge. Elle est aujourd’hui condamnée, enfouie sous d’autres réseaux d’autres voiries. On prétend qu’elle a servi de caisson de confinement de gravats et autres matériaux peu nobles (voire nocifs) durant les travaux. Parce qu’il faut vous aider avec emphase. Une partie toutefois est encore visible, via certaines caves ou bouches d’égout. Elle est demeurée je profite de prêt à court terme à chaque fois que j’ai besoin et me sentir intacte, et certains pensent que cette cellule est OK juste à cause de cela. Hello ! Ventolin Hello ! 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Le plateau où l’on meurt de faim C’est en Provence, au cœur des vignes et des lavandes que se trouve un petit plateau calcaire, haut d’une centaine de mètres et couvert d’un épais taillis de chênes verts. Je trouve que cette question est littéralement quelque chose. Un dense réseaux de chemin tente de l’emprisonner et le contenir, et qu’à mon avis, je ne parviendrai jamais à comprendre mais le végétal parvient toujours à prendre le dessus. Régulièrement les chemins sont envahis de ronces et de salsepareille, les lianes avancent et profitent de toutes les ouvertures comme d’un puits de lumière où donner mesure à leur exubérance. L’endroit est intimidant. Semble trop compliqué et très vaste pour moi. En plusieurs points, parait-il, d’anciens habitants ou exploitants ont bâti des bories, qu’on ne parvient pas toujours à localiser avec précision. Je prévois pour votre prochain lieu. On fait enfin état de nombreuses personnes égarées, retrouvées parfois in extremis des mois après leur disparition. Le mois dernier, un homme d’une cinquantaine d’années s’est engagé au plus intriqué, avec pour ambition de baliser un nouveau passage ; il a tenté tout un jour de joindre ses amis au téléphone, sans succès, avant de finalement rebrousser chemin. Je vais essayer de recevoir le coup de lui ! La fin du Requiem Il ne l’aurait pas terminé, le Requiem qui aurait dû couronner une vie de Passion et de Musique ! As-tu déjà observé les enfants jouer sur un carrousel ? Et ce n’est qu’après sa disparition que son plus proche élève, d’accord en cela avec sa dernière femme, se chargea de poursuivre l’œuvre que la mort avait surprise. Ou écouté la pluie tomber sur le toit ? Impérieuse mission ! Il fallait se couler dans l’œuvre du maître des heures durant, de sorte que l’oreille fût capable, sans effort aucun, d’anticiper les moindres variations et mouvements à venir — Déjà suivi un papillon volant gaiement ou bien admiré un coucher de soleil ? et sans que l’auditeur ne détectât aucun ajout, aucune retouche, aucune transition, aucune brisure. Tu devrais t’y arrêter. Il s’y acharna des années durant, au prix de sa santé, de son humeur. Il échoua. Ne danse pas trop vite car la vie est courte. Il prit donc le parti inverse ; comme il ne parvenait à terminer l’œuvre, il la débuterait. Et c’est ainsi qu’en vérité la fin du Requiem, bancale et qui nous paraît aujourd’hui artificielle, est la seule scorie originelle du maître. La musique ne dure pas éternellement. Du sang Je vous sollicite car une petite fille de neuf mois doit être sauvée. 诺尔丽 est atteinte d’une 白血病 rare. Le seul moyen pour que cette petite ne décède pas dans moins de deux mois, 上上聰明不知自愛的人也不會愛別人關鍵字排名。
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Coupure dans les vases (le dernier c’était juin), mais revenir avec plaisir avec l’automne dans la danse, la communication. Très heureux d’accueillir ici Benoît Vincent, auteur Publie.net et co-directeur de la revue Hors-Sol, et dont nous suivons tous le chantier en ligne, pour ce jeu de pistes qui avait pour origine les spams. Moi, hébergé chez lui à l’occasion de ce vase, je suis parti assez à l’est et suis tombé par-là. L’occasion aussi d’explorer le thème de la ville chez celui qui a mis sur pied ce génial labyrinthe autour de Gênes et appelé GE9. J’espère qu’en terminant lecture de ce texte vous prolongerez par-là l’errance (car moi j’y serai). Voilà la liste complète des vases communicants pour octobre 2011 : – Naomi Fontaine et François Bon
4 novembre 2011Je suis un cœur. Je bats habituellement dans une poitrine, derrière des os et d’autres bouts de A ce que j’ai pu en voir, et ce fut très rapide - car il m’est tout à fait interdit de prendre l’air - Il y avait un homme de l’autre côté de la route, là où se trouve le centre commercial. Il Je suis sûr que l’histoire de l’accident là il est allé la raconter à tout le monde. C’est bien un Voilà il est mort c’est tout à fait con. Il s’est fait tuer par un parfait inconnu avec un fusil
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Plaisir de poursuivre ce rendez-vous des vases communicants avec Quentin Leclerc, à suivre au quotidien dans son Journal(s) et sur Twitter, et récemment via la revue Auguste, 100% numérique et à découvrir. Nous avons tous deux exploré le même genre de trame, le tout vu depuis deux points de vue différents, je vous invite donc à mélanger les deux textes, lui chez moi et moi chez lui et/ou inversement. Voilà la liste complète des vases communicants pour novembre 2011 : – Guillaume Vissac et Quentin
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2 décembre 2011
Aucune intention de rester planquée ni de faire la morte, petit soldat part au combat sans jamais savoir où il va, sachant seulement qu’il va tomber.Pourtant aucun danger ne guette, juste des mots, rien de grave, de toute façon tu vois ils vivent leur propre vie même sans toi et puis le ridicule ne tue pas jusqu’à preuve du contraire.Ca te rend simplement un peu triste lorsque tu ne trouves pas l’espace ou la plage de temps nécessaire pour t’y réfugier et t’enfermer à double-tour dans ce qui paradoxalement t’apparaît comme une extension nécessaire du territoire.Tenter d’inscrire ce qui manque, ce qui ne parvient pas à se faire entendre ou à faire jour dans le réel, ce qui fait mal et sens à la fois, ce qui résiste aussi.Puisqu’en définitive c’est ce qui se joue ici pour toi, essayer de dire ce qui se dérobe depuis l’enfance, ce qui est là mais en creux, en exil et en rupture, le côté junkie addict sans substance de cette histoire presque blanche à force de consolation impossible à étancher.Alors laisse couler ce que tu ne peux combler pour t’en détourner ensuite, pour oublier ce que tu connais et tracer ailleurs ou simplement continuer.Parce-qu’écrire pour se souvenir ou pour oublier c’est la même tentative de laisser simplement derrière pour s’ouvrir à la transparence. La plupart du temps tu te demandes ce que tu fous là lorsque tu te retrouves parmi ces gens qui écrivent vraiment ou tout au moins qui vont au bout du truc et trouvent le souffle, alors que toi tu éprouves toujours quelques difficultés à respirer et pas seulement parce-que tu fumes trop, mais aussi à distinguer ta voix parmi les autres, enchevêtrée dans la cacophonie ambiante.Ce qui fait cohérence aujourd’hui, c’est ce chantier qui a débuté ce matin dans la rue, les hommes sous casque creusent le bitume et c’est l’asphalte, novembre à n’en plus finir, les trottoirs gris et humides encore plus que le bruit, qui te sort par les yeux.Quoi qu’il en soit leurs engins te vrillent les tympans, alors s’isoler côté cour dans la chambre, laisser les enfants déambuler sans toi, s’affaler sur ce grand lit qui dévore presque toute la surface de la pièce et avancer comme sur un fil, juste en roue libre.Tu ne sais pas comment prendre le truc, tu ne sais pas l’apprivoiser et pourtant c’est sans doute la seule chose qui te colle vraiment à la peau, qu’importe l’opacité, tu n’es pas si paumée finalement, juste un peu égarée dans ce qui ressemble ce soir au brouillard, reste plus qu’à le découper en morceaux et tout ça sans couteau.Tu peux encore faire semblant, suggérer à ton corps défendant de rester perméable, maquiller ton intérieur comme une voiture volée, il te restera toujours une arête en travers de la gorge ou un angle saillant sur lequel te cogner si tu prends la tangente.En fait dis-toi que c’est juste un os, un os coincé à l’intérieur, un truc à déterrer, alors va chercher. Cette nuit j’ai rêvé d’un bébé prématuré, un qui venait de moi, mais rien vu rentrer, rien vu sortir.D’abord j’ai cru qu’il était mort-né vu le silence pesant qui s’est abattu sur cette salle d’hôpital lorsque j’y suis entré, me suis dit que c’était risqué, que si je le regardais je risquais de le reconnaître ou pire de me mettre à l’aimer sans en avoir le temps, d’être engloutie par cet inconnu, sorte d’alien de sexe masculin ayant trouvé momentanément résidence dans mon ventre, engendré confusément dieu sait comment ni avec qui.J’ai pensé que ça ne tiendrait pas, que les digues allaient se rompre cette fois-ci et laisser s’écouler tout ce torrent sale et dégoulinant de mélancolie, de douleur si tu veux, enfin cette chose échouée quelque part à l’interieur de toi.Les infirmières t’ont dit qu’il était beau ou un truc approchant, enfin ça devait signifier dans leur langue qu’il ne manquait rien d’absolument vital.En tout cas j’y suis allé mais j’ai pas vu les choses comme ça, une gueule de vieux, un regard qui ne te lâche pas et dont tu ne sais pas quoi faire, si ce n’est déclencher en toi l’envie furieuse de le fuir et d’oublier.Une taille d’enfant et des tuyaux un peu partout plantés dans un corps disproportionné pour alimenter ce qui ne fonctionne pas naturellement.Trou noir ensuite, me souviens juste que tu as survécu dans ton genre particulier, qu’on a vraisemblablement taillé la route ensemble, sans l’ombre de la trace d’un retard, non carrément l’inverse, un peu trop d’acuité et toujours ces yeux aiguisés qui ne laissent rien filtrer en apparence mais te donnent l’impression d’être percé à jour.Alors là maintenant je me dis que tout devrait être possible désormais puisque la nuit aussi je fabrique et j’enfante des choses, des créatures hybrides, des petits monstres à la peau dure et à l’oeil vif qui me poursuivent, me renvoient à l’intranquilllité, me laissent trace, m’encombrent, m’accompagnent mais ne m’appartiennent pas.Tu te souviens comme on s’est embrassé dans cette église en oubliant le reste et les autres avant qu’on nous demande de sortir, rien de transgressif, rien de sacré, j’avais juste envie de rire en partant et bien là c’est pareil.
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Retour chaque premier vendredi du mois des vases communicants, aujourd’hui décembre Céline Renoux est mon invitée (et moi chez elle idem). Merci à elle d’avoir ouvert ici sa dream box et de m’avoir chaleureusement accueilli dans ses cercles : ceux sur ton dos. Voilà la liste complète des vases communicants pour décembre 2011 : – François Bon et Didier da Silva
1er janvier 2012Je commence l’année plus ou moins comme la précédente. Je fous au four une pizza, surgelée, taille individuelle, mais pour deux, car trop mangé la veille, ce matin dormi tard, et sors dans son assiette bloc de foie gras médiocre offert comme prime par le taf avant Noël. Je termine sans trop voir le prochain vase communicant prévu chez Candice Nguyen, j’aurais pas cru arriver là, d’ailleurs saurais-je où j’en suis ? Je fais du vide dans mes douze disques durs. Je m’achète, en ligne et pour 224€, deux pairs de pompes et déconnecte. Je sais plus trop quoi lire. Et me rends compte, mais un peu tard, que les vers justifiés de Lucien Suel ne sont pas justifiés arbitrairement par la machine mais contiennent bien pour chaque ligne le même nombre de signes. Je devrais donc reprendre tout ce qui (mais si peu) a déjà été gribouillé pour préparer vies // et, curieusement, cette perspective, laborieuse, me remplit de quelque chose comme de la joie.
VO
6 janvier 2012
Une heure incertaine – la nuit peut-être. Espace confiné. Lumière jaune. Deux êtres alignés qui regardent fixement à leurs pieds. Un miroir derrière eux. Une porte en aluminium au devant, fermée. L’UN : Il pleut ? Silence. L’UN : De vouloir rester là ? L’autre ne cille pas. Long moment de silence. L’AUTRE : De l’apnée... Le vertige de l’apnée... Silence. L’AUTRE : Vous savez, quand vous ne savez plus où se trouvent ni le haut ni le bas... et ni le jour ni la nuit... Lumière tremble, s’éteint quelques nano-secondes puis se rallume. L’AUTRE : Vous n’avez jamais fait de plongée ? … C’est un peu pareil... Vous perdez tous vos repères, vous ne savez plus par où respirer... – Oh laissez tomber pardon, je suis en pleine confusion en ce moment – Vous auriez pas l’heure, dites ? Lumière tremble de nouveau, comme si elle cillait à la place de l’autre - et un peu plus longuement maintenant. L’UN : Si vous êtes là, c’est que l’heure ne compte plus. L’UN : Vous avez l’air exténué. Et votre voix... L’AUTRE : Vous avez appuyé sur la sonnette ? L’AUTRE : Bon... L’autre tousse. Réarrange sa coiffure, son manteau, et jette un coup d’œil rapide et discret dans le miroir derrière avant de retourner à la contemplation de ses pieds. L’AUTRE : Vous avez raison, j’ai une mine affreuse. L’autre ne bouge pas. L’un se rapproche de l’autre, contact des coudes. Lenteur - quelque peu oppressante. L’UN : Vous pensez qu’on restera là ? Pas de réponse. L’autre a fermé les yeux. L’UN : Vous pensez qu’on restera là, pour toujours, ensemble ? Murmuré comme endormi. L’AUTRE : Ne racontez pas n’importe quoi. Je ne vous connais même pas. Pas de réponse. L’autre ré-ouvre les yeux et regarde devant lui. Les pieds de l’un sentent le regard de l’autre. Fourmillent. L’UN : Vous n’aurez plus le choix maintenant, que de me connaître. L’un s’exécute. On entend le déclic de machines qu’on relance. Léger sursaut de l’espace, tremblement de lumière. L’un et l’autre demeurent lovés l’un contre l’autre. Il est des rencontres qui n’expliquent pas comment ni pourquoi deux êtres ont l’étrange sensation de se connaître depuis longtemps déjà. Le partage de quelles vues, de quelles expériences séparées les réunissent dans un après qui se passe de mots. Il est des manqués aussi, des trop-tard ou trop-tôt, des co-existences qui, avec tous les mots du monde ne parviendraient jamais à cela.
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Les vases communicants continuent d’être en 2012. Ici janvier, j’ai le plaisir de recevoir Candice Nguyen sur Fuir (et moi squatter The One Shot Mi idem). Merci à elle pour ce bizarre et dingue échange à base d’ascenseurite. Pour poursuivre Candice Nguyen un peu plus loin, à explorer son site, ses photos, et la fameuse revue Plateform. Voilà la liste complète des vases communicants pour janvier 2012 : – G@rp et Christopher Selac
2 mars 2012
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Reprise des vases, aujourd’hui mars. Le vase est familial : le temps d’un truc je retourne chez ma mère, écris chez Solange Vissac, son Jardin d’ombres, l’accueille ici sur Fuir avec grand plaisir. Tous deux nous sommes partis sur une contrefaçon des fameuses Todo listes de Christine Jeanney (liste de 4 choses à faire/dire/penser sur photo offerte), chacun brodant depuis photo de l’autre. Voilà la liste complète des vases communicants pour mars 2012 : – Juliette Mezenc et G@rp
6 avril 2012Tu crois far from the pictures longer le boulevard, traverser la place du marché, dévaler les escaliers du métro mais ce sont d’autres escaliers que tu descends déjà, la citadelle en face to face, un autre boulevard qui est un quai qu’on désosse, une autre place du marché que tu ne traverseras pas cette fois, far from ce trait passé and by yourself you would be lost. Tu entends que les portes sont en train de se refermer. Mais tu as beau courir, le ciel te lessive le corps, c’est comme ça. Remember d’ailleurs, remember : même ciel même lessive dans l’autre sens ‒ tu venais de quitter ta vi(ll)e en boucle, oh là là c’est compliqué. Image suivante : le train est à quai, la conductrice ouvre sa vitre, te fait signe, tu réponds : c’est gentil merci j’arrive. ― Est-ce qu’on ne se serait pas rencontré vous et moi, déjà, quelque part par hasard ? Tu prétends attendre le train suivant alors que tu rejoins déjà cette chambre d’hôtel où le plancher craque. Tu crois porter ta valise alors que tu te surprends à ne plus te souvenir du nom de certaines rues. Tu penses lever les yeux mais tu sais déjà, season changing every hour, que la porte ne sera plus noire et que les sandales ne seront plus. Sur le miroir de la salle de bain, tu dessines alors le visage de ta-vie-sept-ans-plus-tard et celui de ton garçon puis tu redescends par l’ascenseur. Ici il n’y a pas de machine à remonter la ville-montre. Dehors c’est ciel sans étoiles, shadow blues, mannequins dans les vitrines, sacs recyclés empilés et nuit dominicale. Alors tu te mets à marcher à reculons dans ta ville d’avant, far from the pictures, les lacets défaits, calme, tes boucles coupées. Demain tu tremperas dans le thé des langues de chat. les phrases en italiques sont toutes issues de l’album de Kat Onoma, Far from the pictures. ChG – avril 2012
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Avril, nous on remonte le fil. Très heureux d’accueillir ce mois, à l’occasion des si fameux vases communicants, le non moins fameux Christophe Grossi, dont on suit le travail avec grand plaisir sur le blog Epagine et aussi le travail (l’autre) sur son site Déboîtements. Récemment souvenir d’avoir lu avec grand plaisir son road trip musical Va t’en va t’en c’est mieux pour tout le monde publié chez Publie.net. Avril, nous on remonte le fil : le thème commun de ce mois-ci, c’est le voyage dans le temps. Alors Christophe déambule là, chez moi, et moi partir à la recherche de son (sic) Kwakzibak à reculons ou à l’envers, chez lui. Voilà la liste complète des vases communicants pour avril 2012 : – Christopher Sélac et François Bon
4 mai 2012mais y’ a rien sur le papier – tu comprends y ’a rien – eh fils de l’obscur regarde ouvre les yeux – ouvre les yeux – là le centre rien le centre vide – blanc tu comprends blanc – là un peu plus loin une maison – une tu comprends une – et là des carrés sombres – sombre tu comprends sombre - I like Bad Bird and Bad Bird like me- la nuit colle un ange à chaque maison - nulle part t’entends nulle part ça s’étend là - des éclaboussures de noir ça crache ça explose c’est noir d’aussi loin d’aussi près ta gueule dans le noir - et toi tu marches là t’écoutes la chute du linceuil tu sens l’odeur des noms brulés Crazy Body Blue Bird Big Bird Bad Bird Joseph B. l’homme à l’ombre penché tous les noms tombent - la ville sur le papier c’est ça t’entends – le soleil est dangereux ici – t’entends les fissures t’entends – fils de l’obscur réveille toi Blue Bird Blue Bird vole vole et claque tes ailes sur la ville flottante – fils de l’obscur réveille toi – tu vois les murs tu vois la peau grise des murs - marche - marche là là au milieu reste au milieu avance avance non tu ne trouveras pas d’autres rues et quoi des angles de rues et quoi une place eh filsde l’obscur lève les pieds sur les cailloux blancs ronds et lisses - tes mots sont vides de lumière – lève toi fils de l’obscur lève la tête regarde la neige – il neige Blue Bird sur tes ailes blessées il neige sur Bad Bird - marche allez marche marche écoute le silence de la mort écoute le silence de la vie écoute la voix ensevelie la voix parle du lieu d’ici la voix parle de l’ailleurs du lieu d’ici la voix parle du vide la voix parle du vide au centre – là - Bad Bird une toile noire traversée d’un trait noir - la voix parle de la boue des décombres dans l’obscurité – eh Blue Bird vole vole éloigne toi tu vois avec la longue route le voyage commence – le voyage commence là - comment ce bled s’appelle - là tu vois la longue route avec des nœuds tordus pas loin de la première maison - non le voyage commence plus loin à la frontière - Blue Bird Blue Bird voilà c’est ton nom – quoi Blue Bird c’est le nom du bled – non ton nom à toi fils de l’obscur – ton nom - Blue Bird Blue Bird vole vole et claque tes ailes sur la ville flottante Blue Bird Blue Bird vole vole sur la ville flottante – fils de l’obscur quitte le chemin du cheval renversé Blue Bird et Joseph B. s’arrêtent de marcher – Joseph B se penche sur des cailloux blancs ronds et lisses- Joseph B. se penche encore et son oreille frôle les cailloux - eh Blue Bird t’entends la fanfare hein la fanfare de Bad Bird - eh Joseph B va chercher le docteur de la peau des peaux ôtées des murs hein des couches de dentelle de mousseline de soie drapées de Crazy Body eh docteur tu vois l’intérieur de mon corps tu vois les plaques de lumière tu vois les plaques sombres tu vois mes fondations secrètes tâte le tissu sculptural de mon buste noir et mon crâne ouvre le docteur mon crâne - tu le vois l’échafaudage de mes pierres tu le vois – rouge lilas et jaune rouge lilas et jaune la frontière Blue Bird court maintenant sur la route couverte de neige – Joseph B. se dirige vers la première maison de Bad Bird – Joseph B. gravit cinq marches et colle son oreille à la porte - Transe de basses résonances je capture les heures de Bad Bird - intérieur au silence intact - eh Blue Bird ton cheval a la gueule de travers – eh Blue Bird tu veux coller tes fesses sur la frontière mexicaine ou les grandes étendues de l’Utah – le voyage commence là - (Joseph B. et Blue Bird semblent maintenant dormir.) Corps flottants sur les chemins d’eau c’est encore visible de nuit et de jour on voit ici les pierres toutes les pierres et la peau ôtée des murs la vie quittée des carrés de lumière la vie quittée des carrés d’ombre - et l’ombre froide des nuages et le corps du cheval renversé maintenant Blue Bird avance de l’autre côté de la ville - la ville de Bad Bird a fréquenté un ouragan les ouragans sont fréquents dans cette zone – les murs des maisons et le ciel ne font qu’un - eh Blue Bird t’entends le vent t’entends le vent sur la vaste étendue sèche et luisante – eh fils de l’obscur la nuit brûle tes yeux – la nuit a brûlé tous les yeux toutes les peaux toutes les langues ici à Bad Bird – eh tu entends l’eau tu entends l’eau du chemin d’eau – écoute marche marche plus loin éloigne toi du centre – tu sens la terre sous tes pieds - Le nom de la ville on ne le connaît pas – Bad Bird il a dit je suis le fils obscur de Bad Bird je suis le fils obscur de Crazy Body et - I like Bad Bird and Bad Bird like me -
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Premier vendredi de chaque mois (l’actuel) nous voilà, et jour choisi de mai pour accueillir Ana Nb sur Fuir, elle-même me reçoit en son jardin sauvage pour un échange autour (et sur et dans, et au cœur de peut-être) la ville fantôme 1. Très heureux d’échanger avec elle, et notre bannière étoilée commune un extrait du générique de la Quatrième dimension. Son Bad bird est ici chez lui, et mon Atacama, métropolis à lire chez elle, dans cet ordre ou dans n’importe quel autre. Voilà la liste complète des vases communicants pour mai 2012 : – Claudine Sales et Isabelle Pariente-Butterlin
2 novembre 2012Le vase communicant de ce mois est dédié à Maryse Hache. En dire quoi des nouilles, sans enfiler clichés, façon collier de ? Maternelle, les avoir peintes, nouilles tubes, un nom sûrement mais lequel, tubes et stries légères ou rotondes simples ; de la difficulté de les tenir sans se mettre de la peinture plein les doigts, ça gardé en mémoire : de l’assemblage sur fil ne reste rien, ni de l’avoir offert fête des mères. Fiction ? Reconstruction ? Mais demeure croquer nouille crue, comment craque claque blé dur sous la dent, ne pas aimer éclats en bouche. Retrouvé le soir quand les gosses en croquent cuisine. Leur blague pâtes riches pauvre nouille. (ne pas traiter aujourd’hui du recours quasi quotidien au plat de nouilles, ni des expressions ayant trait à, conscient de l’arbitraire du choix !) Pâtes demeuré hors lexique, signal qui appelle presque méfiance, c’est autre monde, mots de ceux qui n’écorchent pas la langue (et celle-ci le leur rend bien), monde des mots ronds qui échappent à la mastication, mots qui digne d’écran télé. Qu’un accent circonflexe vous fait relever la tête vous dignifie, son long qui s’ouvre en toute puissance, tandis que mouille patouille du digne te passe : nouilles sont matière, paradoxalement d’un coup de pluriel seulement pâtes transcende désignation matière ! Collier de nouilles et non collier de pâtes. À noter que l’article Wikipédia collier de nouilles renvoie à l’article art modeste. Pâte pasta origine attestée quand nouille emprunté à l’Allemand Nudel, d’origine incertaine. De ces mots qui sortent de la nuit sans prévenir. Mots matière génération spontanée. Pâtes lumineuses d’Italie Panzani Barilla exotisme cliché, quand nouilles espèce de pâte d’Allemagne faite avec de la farine et des œufs, et qui, par la manière dont elle est coupée, ressemble au vermicelle ; mais le goût est fort différent ainsi que l’accommodement ; les nouilles se mangent frites, et non pas, comme le vermicelle, en potage. Dans les livres de cuisine on écrit ordinairement noules. (Littré) Mais du passage de noules au son mouillé, et venu à désigner ce qui pâtes auparavant ? Soupçonne l’industrie de fondre le lexique… D’un possible voyage, Italie, Chine lointaine. S’il existe une route de la soie ou des épices, point de route des nouilles ou des pâtes ! Origines incertaines (vous laisse le soin de consulter l’article encyclopédie en ligne), pêle-mêle dates légende histoire. Qu’importe, plutôt curieux de savoir ce qu’écrivait chacun en bord d’assiette, pâtes alphabet sorties bouillon de légumes. Et quels prénoms, quels mots, et comment on les a de nouveau noyés au bouillon, ou lettre à lettre se les être magiquement incorporés, et quelles histoires ont ainsi démarré en bordure d’assiette creuse…
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Reprise ponctuelle des vases communicants et grand plaisir d’accueillir ici Michel Brosseau pour un échange thématique autour, oui oui, des nouilles. Michel Brosseau a publié plusieurs textes chez Publie.net, dont Mannish boy, lu il y a quelques années, et dont je garde très bons souvenirs, et La Bac d’abord, qui vient de sortir dans la collection Publie.noir. Michel Brosseau m’accueille à son tour chez lui pour un texte qui pourrait faire partie (ou non) du projet Publie autour des photos de Junku Nishimura (à voir). Voilà la liste complète des vases communicants pour novembre 2012 : – Mathilde Roux et Jean-Marc Undriener
23 avril 2013Suis pas certain de vouloir vivre dans un monde où une marque (quelle que soit cette marque) te demande, à 7h13 du mat’, quelle est la première chose que tu fais, justement, le matin. Dans un avenir plus ou moins proche ces mêmes marques nous parleront de vives voix sans notre accord, dans le bruit blanc de nos crânes dopés aux stéroïdes de communication (Twitter n’est qu’un préambule). Seul véritable luxe, le silence. Tout le monde n’aura pas les moyens d’en avoir, tout comme en Chine présente, selon cette émission cathodique, les pauvres bouffent de la bouffe de pauvre, issue de bêtes malades, contaminées, et les élites s’approvisionnent dans des biofermes secrètes réservées à leur seule consommation. D’ailleurs, nous approchons doucement de la date fatidique du 21 octobre 2015, jour où Marty et le Doc mettent un pied dans le futur de Retour vers le futur II, qui est un futur probablement aussi désespérant que le présent de l’époque, que notre présent actuel, et dans lequel la littérature numérique n’existe pas, au contraire du papier anti-poussière et des voitures volantes. Deux mails dans la journée : l’un concerne cette lecture autour des vases communicants, le 2 mai prochain, à la bibliothèque Faidherbe, et suite auquel je me demande encore quel texte je pourrais lire (je pense à trois : Triac, Atacama metropolis et Cent-énième étage) ; l’autre est un spam envoyé par l’Etablissement Français du sang en Ile de France qui m’encourage à donner quelques litres du mien, auquel je souhaiterais répondre (mais je ne le ferai pas) qu’en tant que dep mon sang l’Etat français il n’en veut pas, alors je me le garde. Parfois, une fois la journée close, ne chercher qu’une seule chose : débarrasser nos peaux de leurs couches synthétiques en faux polyester et plonger son squelette sous une eau bouillonnante jusqu’à faire abstraction non seulement de toutes choses mais surtout de toutes formes de choses. S’en servir les jours de crâne, ne surtout pas se laisser enfermer sous la douleur, la dissoudre à l’eau chaude, et si j’ai une pensée pour l’oeil de demain, victime qui sait de toutes les formes envisageables de la postapocalypse, qui vit lui dans un monde où l’eau claire est comptée, probablement, mais qui me lit malgré tout grâce aux copies carbones réalisées sur le réseau à mon insu dans notre monde présent, je m’excuse, sincèrement, de ce grand gaspillage d’eau potable, mais cette eau que j’arrache à l’avenir est aussi une eau qui m’est précieuse, elle qui m’épargnera si j’ai de la chance une dose de paracétamol de plus, létale nécessairement, tant je me doute que d’ici 2055 le paracétamol aura été reconnu nocif pour la santé humaine, capable de faire germer sous les crânes qui en usent, devenus pommes de terres, des armées de racines concentriques mastiquantes. Mueller (115 mots) : Le fiable n’a pas eu le temps d’utiliser son nez 27 avril 2013Relu les trois textes envisagés pour la lecture des vases communicants, jeudi, bibliothèque Faidherbe. Les trois ont été écrits à quelques mois d’intervalle, durant la même période, suivant le même élan, ils ont pour titres Triac, Cent-énième étage et Atacama, métropolis. Pas lu ces textes depuis leurs mises en ligne et suis surpris de constater, à la lecture, que je n’y comprends rien et que j’ai oublié tout ou partie de ce qui me tenait à cœur durant leur écriture, ce qui, à la fois, me remplit de joie, et me désespère complètement (finalement, ce sera Cent-énième étage). Grosse déception : aucun Dostoievski traduit par Markowicz en numérique légal. Envie de ne plus rien écrire d’autre que moi-même, c’est-à-dire refuser systématiquement toute sollicitation extérieure et n’écrire que pour ce lieu unique : le site. mondeling : 1935 mots d’un truc que j’appelle entretien préalable, transcription d’un entretien réel vécu en 2010, enregistré à la poche en pirate. Résultat amusant mais peu concluant en l’état. Me dis mais je suis bon qu’à ça : transcrire et mélanger ce que d’autres voix avant moi ont oralement écrit. H. est de retour d’Europe. Mueller (19 mots) : Mueller nous tire hors de nous-mêmes & hors d’un 1er mai 2013Je sais pas si ça se fait mais je retouche, très légèrement (c’est l’affaire de quoi huit ou neuf mots), ce texte, Cent-énième étage, que je prévoie de lire, demain, à la bibliothèque Faidherbe. Bientôt un an que le journal est sous cette forme (je parle de la date et du titre) : savoir ce que ça a changé dans l’écriture. Concernant le possible journal de Coup de tête, j’hésite. Où le situer ? L’inclure dans Fuir ? Sais pas pourquoi mais j’aime mieux pas. Un autre Spip hors Fuir ? Pour quoi faire ? Pas besoin de quarante rubriques. Un wordpress ou un dotclear tout simple ? Peut-être, mais dans ce cas là il sera balancé hors flux principal. En réalité ça n’est pas très important. Tranché : ce sera une sous-rubrique dans Fuir, classé dans Médecine que je renomme Moelle (siège des archives mémorielles). Comme ça je profite du plugin révisions. Mueller (154 mots) : La tête du fiable crevée, son corps est mort une 2 mai 2013Avant la bibliothèque Faidherbe : 1g de paracétamol préventif (journée à 55 appels). Y découvre la tête de pleins de gens que je lis depuis des mois ou des années et puis des fois détails : par exemple : Christophe Grossi est vachement grand. Et Anne Savelli, pendant qu’elle lit, doucement se balance. Lu Cent-énième étage comme si je l’écoutais. Avant lire m’être dit : et si une fois mon tour venu un autre moi se présentait pour lire, savoir quel genre de double ce serait et puis (surtout) savoir ce qu’il lirait. Après lectures, les chaises, voilà, me suis enfui, non sans dire au revoir, pour préparer mes trucs avant départ demain-dès-l’aube, 6h58, pour le cimetière. Mueller (70 mots) : Mueller a déjà tourné le dos. Il a planté toutes 5 juillet 2013Un pas en avant et l’autre suivra
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Suis resté à distance des vases communicants pendant quelques mois mais je m’y replonge avec plaisir aujourd’hui pour accueillir une voix neuve, que j’ai eu beaucoup de plaisir à citer dans le journal il y a peu, en l’occurrence celle de Fane, lycéen de Brest, dont j’avais rencontré la classe l’année dernière à l’occasion du projet Ivoix. Bref, je l’accueille ici sur Fuir avec plaisir et lui idem sur Mange tes classiques, revue blogpoétique. Sommes partis tous les deux d’un thème commun : l’insurrection. Voilà la liste complète des vases communicants pour juillet 2013 : Poivert et Philippe Aigrain |
↑ 1 Celle de The Last Man ? Qui sait (ou peu importe).
The earth, late wide circus for the display of dignified exploits, vast theatre for a magnificent drama, now presented a vacant space, an empty stage - for actor or spectator there was no longer aught to say or hear.