Vases communicants



  • Journal du brise-lames, par Juliette Mézenc

    2 avril 2010


    Image de Stéphane Gantelet



    7 mars

    Des flocons tels qu’on croirait que les goélands ça y est perdent leurs plumes par centaines de milliers. Ils voltigent, se stabilisent, remontent même un peu, parfois, font mine, avant de lentement se poser. Tout s’enfonce dans ce feutre blanc froid douillet, avec beaucoup de silence à l’intérieur, qui étouffe jusqu’au bruit de la mer.
    La ville s’efface.
    La girafe du port n’en revient pas.
    Mathilde accroupie serre ses genoux entre ses bras. Elle écoute les flocons se poser dans ses cheveux. Elle se dit : pour un peu on croirait aux anges. Mais alors
    il faudrait penser que les anges se déplument, pas très étonnant, effet de serre qui se resserre, pas de raison qu’ils soient épargnés, mais ce serait si triste, des anges aux ailes sans plumes – des poulets corsetés de bandeaux « prêt à cuire » s’alignent sagement dans ses pensées – qu’elle décide en philosophe de ne pas y croire plus d’une seconde. Il neige et ça lui suffit.

    Elle regarde la neige. Elle écoute la neige.

    Disparition progressive du monde connu. Ça fait un bien. Si, vous savez.

    Le journal du brise-lames

    Juliette Mézenc

    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Une première pour Omega-Blue qui accueille pour premier vendredi d’avril un extrait du Journal du brise-lames de Juliette Mézenc, qui elle-même reçoit chez elle une de mes déviances textuelles. Lire aussi d’autres vases communicants :

    Kouki Rossi et Luc Lamy

    pendant le week-end et ruelles

    Jean Prod’hom et Juliette Zara

    Mariane Jaeglé et Anthony Poiraudeau

    Cécile Portier et Loran Bart

    Christophe Sanchez et Murièle Laborde Modély

    Christine Jeanney et Kathie Durand

    Sarah Cillaire et Anne Colongues

    France Burguelle Rey et Eric Dubois

    Fleur de bitume et chez Jeanne

    Mathilde Rossetti et Lambert Savigneux

    Antonio A. Casilli et David Pontille

    RV.Jeanney et Jean-Yves Fick

    Florence Noël et Brigitte Célérier

  • Lignes du désir, par Pierre Ménard

    1er octobre 2010

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    Je suis une ville dont beaucoup sont partis enfin pas tous encore mais ça se rétrécit. Et toute la ville autour de nous, les parcours sont bien dessinés. C’est surtout un trou au milieu de la ville dans lequel on s’enfonce avant de revenir à la surface. Je suis une ville qui ne se voit pas ailleurs. Écrire la ville c’est marcher dans ses rues et savoir s’y perdre. Jouer avec la vitesse et tous ceux que l’on rencontre. Celui-là qui s’y voit mais à qui ça fait peur. Et celle-là qui ne sait plus, qui est trop abrutie. Certains autres s’y mêleraient, qui y redirait quoi ? On ne voit presque rien. On entend la rumeur, toute la ville autour de nous. Comment en rendre l’infini foisonnement ? Toute la ville autour de nous, qui ne sait pas où elle est ou, qui se croit partie. Créer un mouvement ininterrompu de phrases qui ne se ferment pas, s’ouvrent sans cesse sur d’autres phrases, donnant ainsi une image en mouvement du monde. Et toute la ville autour de nous serait belle, serait silencieuse.

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    Je me dis qu’il faut me dépêcher, qu’il faut garder ce qui peut l’être encore. Je suis une ville où l’on ne voit même plus qu’un tel n’est pas au mieux, lui qu’on a toujours vu avec les joues bien bleues, avec les yeux rougis, ou avec le teint gris, mais bon, avec l’air d’être en vie. Ce qui appelle ou nous rappelle, ce que nous fûmes et ce que nous serons. Je jette de temps en temps un coup d’œil vers le ciel. Un jour il est foutu et peu comprennent alors que la mort a frappé quelqu’un de déjà mort. Toujours bien faire ce qu’on a envie de faire et s’en tenir là. Ce silence où tout soudain s’arrête sans pourtant s’arrêter. Je suis une ville de chantiers ajournés, de fêtes nationales, de peu de volonté. Le tremblé du monde qui s’y imprime dans l’avancée qu’on lui impose. Les fils qu’on suit, et qui fuient. Et puis : nos corps, nos corps qui se posent, qui s’interposent sur l’écran, comme des zones opaques empêchant la lumière de traverser. Je suis une ville couchée la bouche de travers.

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    Raconter, c’est raconter quelque chose. Ils ne demandent qu’à dire combien ils sont heureux, d’être là à nouveau, qu’on les y aide un peu. Ce n’est pas vouloir dire mais vouloir faire. C’est dans cette intention de faire qui veut ce que l’on dit qu’en nous l’inconnu peut parler. Ce que je ne sais pas, ce que je devine, ce que j’invente, ce que j’avance, dans l’oubli de chaque pas, l’éblouissement des mots, ce sera donc ici. Les villes ont sans doute besoin de telles expériences pour éprouver le ciel. Les nuages au-dessus d’elles. Ils ne savent rien de rien et pourtant ils sont là. Je suis dans ce que je ne peux pas dire. Je suis une ville dont beaucoup sont partis, enfin pas tous encore mais ça se rétrécit. J’y suis, mais je ne le vois pas, pour le voir j’essaye d’oublier. Les souvenirs aveuglent, il faut toujours entrer dans ce mouvement, le temps immobile. Je suis une ville foutue qui ne sait plus lire l’heure, qui a oublié l’heure, qui ne sait plus lire l’heure, qui a oublié l’heure.

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    Je suis une ville, extrait de l’album Remué, de Dominique A., Lithium - Labels, 1999.

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    Pour ce 16e numéro, j’ai le plaisir d’accueillir Pierre Ménard, qui lui-même accueille l’un de mes textes sur Liminaire, le texte proposé ici est aussi un extrait des Lignes du désir, actuellement en cours d’écriture. Le texte propulsé sur Liminaire est une prolongation de mon précédent vase communicant avec Juliette Mézenc il y a six mois et qui pourrait faire partie d’un ensemble appelé "Cartographies".

    Liste des vases communicants d’octobre :

    François Bon et Daniel Bourrion

    Michel Brosseau et Joachim Séné

    Christophe Grossi et Christophe Sanchez

    Christine Jeanney et Piero Cohen-Hadria

    Cécile Portier et Anne Savelli

    Juliette Mezenc et Louis Imbert

    Michèle Dujardin et Jean-Yves Fick

    Guillaume Vissac et Pierre Ménard

    Marianne Jaeglé et Jean Prod’hom

    David Pontille de Scriptopolis et Running Newbie

    Anita Navarrete-Berbel et Gilda

    Matthieu Duperrex d’Urbain trop urbain et Loran Bart

    Geneviève Dufour et Arnaud Maisetti

    Jérémie Szpirglas et Jacques Bon

    Maryse Hache et Candice Nguyen

    Nolwenn Euzen et Olivier Beaunay

    Lambert Savigneux et Brigitte Célérier

  • fuir, là-bas fuir, par François Bon

    4 mars 2011

    Tu réponds à la tentation de fuir. Tu connais de si longtemps la tentation de fuir. Qui ne vit pas avec la tentation de fuir. Étais entré dans ta pièce un qui l’avait nommée : il était là, toi tu étais accroupi par terre, à écrire à ta machine branchée sur le réseau, comme d’habitude tu fais, ta paillasse auprès par terre aussi, et la porte là-bas au fond – voilà qu’il était là, il était debout devant toi et avait dit : « Tentation de fuir, la tentation de fuir », évidemment tu avais pensé, évidemment une notation juste mais le type était déjà reparti, toi à nouveau devant ta machine mais plus du tout sûr que ce soit par là. Tentation de fuir : l’écran sans doute, ou la lucarne là-haut, la vitre dépolie et de l’autre côté parfois selon le soleil deviner la présence d’un arbre, ou selon vent et heure la rumeur indéfinie de la ville, sirène ou engin de chantier, pression sourde. Ou la porte : puisque ce type était entré, puisque toi tu étais là mais que donc il y avait une porte et de l’autre côté possibilité libre de circuler, peut-être toi aussi d’aller vers le couloir (tu connaissais ce couloir), entrer dans d’autres cellules et dire à ceux qui s’y activaient derrière leur écran : « Tentation de fuir, la tentation de fuir ». Mais c’était si pareil dans les rêves : dans le rêve aussi tu étais dans cette pièce nue, avec paillasse et écran, dans le rêve aussi il y avait la ville profuse au loin dans sa rumeur sourde, dans le rêve aussi parfois tu allais dans le couloir et poussais les portes, une fois même c’est toi que tu avais trouvé, situation de double parfaite et tout aussi parfaitement menaçante, c’était perceptible dans le regard que vous aviez échangé, « tentation de fuir », cette fois tu n’avais même pas prononcé ce que tu devais dire, tu avais reculé sans le quitter des yeux, étais vite rentré ici. Il ne te ressemblait pas, celui qui tout à l’heure était venu, bien plus jeune et – il te semblait – plus dur, bien plus dur. Ceux d’aujourd’hui ont une dureté que nous n’avons pas, pensais-tu. Nous avons trop composé avec ce vieux monde d’où nous venons, pensais-tu. Donc il faudrait fuir. Tu es assis par terre dans la cellule grise, la couchette par terre aussi, et l’écran que tu manipules. Où est le dehors, tu penses, et tentes de le représenter, où le passage qui mène vers dehors. Et tu fais la liste de tes tentatives, des autres pièces où tu as pu t’installer, des autres couloirs, de l’autre côté d’autres cours, et le même ciel gris ou son absence. « Il n’y a pas de dehors », tu te souviens d’une conversation, une fois, avec un de ces types qui parfois – comme d’ailleurs toi-même parfois –, entrent dans votre pièce, et puis repartent. On s’incruste dans l’instant. On se concentre sur un problème complexe. On essaye de dénouer le temps, ces étapes du passé, et comment on en était venu là. On est en paix, on peut être en paix avec sa propre inquiétude. Parfois, tu envoies des messages. Parfois, ils te reviennent. Du mot « fuir » aussi on avait échangé : dans le 9ème alinéa de la définition de fuir par Littré tu avais trouvé « Terme de peinture. Il se dit des parties du tableau qui paraissent s’enfoncer dans le lointain. Ce fond fuit très bien. Terme de marine. La côte fuit dans telle aire de vent. » Mais là tout de suite, des années après, est-ce que ça avait de l’importance, tu pensais, est-ce que ça comptait ce genre d’explication, est-ce que ce n’était pas cela aussi qu’il te fallait fuir, que tu avais fui ? Demain tu changerais de pièce, tu te disais, tu irais dans l’autre cour, et puis plus loin.

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    Il se trouve que je réponds à la tentation de fuir. J’y réponds en permanence, ici et ailleurs. Grand plaisir, donc, d’accueillir ici ce texte de François Bon pendant que lui me reçoit, ailleurs, pour un texte issu d’avant, préparé pour après. Ce n’est pas aussi compliqué que ça en a l’air.

    Très content d’avoir été sollicité par François pour cet échange, d’abord parce que Tierslivre est un espace de lecture quotidienne, que je fréquente depuis longtemps, à l’origine pour moi c’était à l’occasion d’un colloque. Ensuite parce que ce texte issu du verbe fuir fait directement écho à des angoisses, des masques, des traits de caractères qui forment mon écriture et que j’orchestre ici, sur ce site biscornu. Enfin parce que cet autre texte mis en ligne sur le Tierslivre demandait à mordre depuis plusieurs mois maintenant, début sans doute d’une série que j’aimerais poursuivre, toujours chez les autres, à suivre alors sans doute lors de prochains vases communicants.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour mars 2011 :


     Candice Nguyen et Christine Jeanney
     Sam Dixneuf et Stéphane Bataillon
     Juliette Mezenc et Christophe Grossi
     François Bon et Guillaume Vissac
     Michel Brosseau et Jean-Marc Undriener
     Estelle Javid-Ogier et Jean Prod’hom
     Anna Vittet et Joachim Séné
     Cécile Portier et Christophe Sanchez
     Clara Lamireau et Urbain trop urbain
     Anita Navarette-Barbel et Arnaud Maïsetti
     Morgan Riet et Murièle Modély
     Nolwen Euzen et Benoit Vincent
     Maryse Hache et Michèle Dujardin
     Elise et Piero Cohen-Hadria
     Anne Savelli et Franck Queyraud
     Dominique Hasselmann et Dominique Autrou
     Marlène Tissot et Vincent Motard-Avargues
     Kouki Rossi et Brigitte Célérier

  • De l’autre côté, par Laurent Margantin

    1er avril 2011

    De l’autre côté, tout était clair. De l’autre côté, je voyais tout, j’observais tout. Jamais on ne s’adressait à moi qui étais de l’autre côté, dans un univers totalement séparé du leur. Dans la rue, ils passaient à côté de moi comme si j’avais été invisible ou comme si je n’avais pas existé, certains me traversaient même. Pour eux je n’étais rien, pas même une étrangère, tout juste une ombre qui passait, et surtout pas leur ombre. De l’autre côté, j’aimais les voir sans qu’ils me voient, j’aimais passer au milieu d’eux tout en n’appartenant pas à leur monde, faute d’avoir un visage. Je ne pensais pas à eux comme à des ennemis, non, plutôt comme à des automates faisant et refaisant les mêmes gestes, courant toujours aux mêmes endroits, occupés par toutes sortes de devoirs quand, moi, de l’autre côté, je ne sortais que pour le plaisir de déambuler au milieu d’eux tout en étant très éloignée de tous ; quand moi, de l’autre côté, je ne pensais qu’à m’absenter de leur vie à chaque pas que je faisais. De l’autre côté, j’étais pris dans mon propre vertige, dans ma propre absence, et pourtant tout ce qui m’entourait était bien plus présent que pour eux. Moi dont on ne voyait pas le visage de l’autre côté, j’étais celle qui s’était soustraite à leurs regards, j’étais celle qui ne voulait pas qu’on la reconnaisse ni qu’on s’adresse à elle, j’étais celle dont la voix venait de trop loin pour qu’on l’associe à qui que ce soit. Quand à de rares instants ils me voyaient, ils m’appelaient la prisonnière, ignorant combien, heureuse de vivre de l’autre côté, j’étais libre de sourire à tout ce qui m’entourait, combien j’étais surtout libre de n’exister pour aucun d’entre eux dont les visages étaient chacun parcourus des mêmes grimaces. De l’autre côté, c’était comme si rien de leur vie à eux ne m’attachait.

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    En ce premier vendredi d’avril j’accueille ici et avec plaisir Laurent Margantin, qui lui aussi me reçoit sur le site Œuvres ouvertes. Laurent Margantin fait partie de la famille Publie.net, trois de ces textes sont disponibles actuellement. On peut également le découvrir en téléchargeant d’autres de ces textes gratuitement sur Œuvres ouvertes. Le texte que je propose chez lui aujourd’hui s’intitule " Bientôt les Prudhommes #2 " et constitue une suite au précédent volet publié sur Tierslivre le mois dernier.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour avril 2011 :


     Sandra Hinège et Pierre Ménard
     Anita Navarrete-Berbel et Christophe Sanchez
     Guillaume Vissac et Laurent Margantin
     Joachim Séné et Marc Pautrel
     Dominique Hasselmann et François Bon
     Michel Brosseau et Stéphane Bataillon
     Brigitte Célérier et Benoît Vincent
     Franck Queyraud et Samuel Dixneuf-Mocozet
     Anne Savelli et Piero Cohen-Hadria
     Christine Jeanney et Maryse Hache
     Claire Dutrait et Jacques Bon
     Cécile Portier et Bertrand Redonnet
     Isabelle Pariente-Butterlin et Jean Prod’hom
     Christopher Selac et Franck Thomas
     Morgan Riet et Vincent Motard-Avargues

  • Circles, par Joachim Séné

    6 mai 2011

    17 avril 2011

    Je suis dans le marché couvert. Brouhaha d’odeurs fraîches, habituel, je marche sans regarder où je vais ; cohue des voix.

    *

    Loin, une mouette montre à une autre un sac plastique, elle se débat avec, puis exhibe un téléphone mobile et explique silencieusement à l’autre comment en extraire les touches, avec son bec les fait sauter comme elle le ferait des grains d’un épi de maïs. Pour les manger ? Sans doute, pour quoi d’autre ?

    Dans cette scène, musique aidant, la mélancolie est profonde, la solitude partout, l’avenir nulle part, la mort devinée, imminente et certaine.

    À voir cette scène, avec cette musique, j’ai ressenti quelque chose de semblable, peut-être, au syndrome de Stendhal, quelque chose de fort dans la tristesse, pour ces oiseaux morts d’avoir mangé du plastique, les petits nourris par les parents, qui leur décortiquaient un briquet, faisaient d’un sac plastique des lamelles pour ingestion plus aisée ; tout ces bonbons colorés.

    *

    Dans le marché couvert, un stand proclame son bio, un autre ne dit rien, ce matin ou hier ils étaient peut-être tous deux à Rungis, et il me faut choisir quels légumes acheter, je tourne en rond dans le marché couvert, sans rien pouvoir voir, ni sentir, des pesticides que je sais présents, constituants de ces aliments, mais j’ignore tout de la directive européenne 91/414 CEE.

    *

    Il y a quelque chose de déchirant dans le spectacle de ces oiseaux qui pensent bien faire en nourrissant leurs petits de ces granules plastiques, formes pointillées ou allongées, colorées, comme des coquillages, des poissons, et qui les tuent sans leur laisser comprendre comment, si bien nourris, ils peuvent mourir.

    *

    C’est un tubercule, c’est une racine, c’est un fruit, il y a du violet, du blanc, du jaune, du vert, du rouge, les prix sont au kilo ou à la pièce, il faut prévoir suffisamment pour lui cuisiner des purées pour la semaine, devant le crêpier qui vend aussi du café et du thé, un jeune homme lance à un autre, tous deux sont noirs : "mais en Côte d’Ivoire ils ont voulu chasser Gbagbo c’est tout, voilà, parce qu’il ne voulait pas faire ce que les États-Unis et la France lui diraient de faire, voilà la vérité, pour eux on est toujours des esclaves, partout en Afrique c’est la même chose mon frère tu le sais bien alors arrête ! Tout est fait pour nous maintenir dans cet état… animal !, la guerre partout ! Et puis c’est partout pareil, les Blancs, les Noirs, en France, en Afrique, en Asie, Amériques, partout les pauvres trinquent tout le temps pas vrai ? On est là pour bosser le reste ils s’en foutent !", l’autre ne dit rien ; et je ne comprends pas un mot de ce qui vient de se dire, je veux dire : je suis ignorant de ce qui se passe.

    Je continue dans le marché, à passer devant des stands que j’ai déjà vu tout à l’heure. Elle va avoir un an, elle peut manger de tout, ou presque, un peu mouliné, avec ses deux dents ; tout, vraiment tout ?

    *

    D’autres chansons dans la tête, et le caddie de commission traînant, toujours en rond et finalement rempli, je regarde l’heure, il est temps de sortir du marché.

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Pour cette édition du mois de mai, je reçois ici Joachim Séné avec le plus grand plaisir. Je suis le travail et l’écriture de Joachim grosso modo depuis la création de Publie.net. Il y a quelques mois maintenant paraissaient Sans, toujours chez Publie.net, suivi ensuite par C’était, offert gratuitement sur son site, j’en avais parlé plus en détail à ce moment là, mais disons simplement qu’il était fort logique de penser à lui (qui a déjà eu l’occasion de mâcher sa propre cravate également) pour la nouvelle étape de la série "Bientôt les Prudhommes", que je vous invite à découvrir sur son site intitulé Fragments, chutes et conséquences. Son texte "Circles", accueilli ici, fait partie de son "Journal éclaté" que je vous invite à suivre et/ou à découvrir.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour mai 2011 :


     G@rp et Franck Thomas
     Maryse Hache et Jérôme Wurtz
     Joachim Séné et Guillaume Vissac
     Louise Imagine et KMS
     Kouki Rossi et Christophe Sanchez
     Christopher Selac et Pierre Ménard
     Martine Rieffel et Brigitte Célérier
     Isabelle Butterlin et conte de Suzanne
     Franck Queyraud et Christophe Grossi
     Piero Cohen-Hadria et Dominique Hasselmann
     Daniel Bourrion et Anita Navarrete-Berbel
     François Bon et Urbain trop urbain
     Candice Nguyen et Samuel Dixneuf
     Morgan Riet et Marlène Tissot
     Michèle Dujardin et Jacques Bon
     Murièle Modély et Vincent Motard-Avargues
     Cécile Portier et Sandra Hinège
     Mariane Jaeglé et Michel Sarnikov
     Sarah Cillaire et Arnaud Maïsetti
     Christine Jeanney et Jeanne

  • Le piège, par Franck Thomas

    3 juin 2011

    Et vas-y, encore un coin paumé au fin fond de la galaxie ! Pfff, font chier ces péquenots. Alors, l’est où cette foutue planète... "Après le dernier paragraphe, tournez la page, puis lisez sur deux cents mots. Au prochain alinéa, vous êtes arrivé." Ben d’accord, mais c’est lequel, le dernier paragraphe ? J’y comprends rien moi, ça tourne dans tous les sens : y’a VRAIMENT une direction dans cette espèce de friche ? Et comment ça "tournez la page" ? T’es gentil mais j’aimerais bien t’y voir moi : tu les vois OÙ, les pages ? Quel bordel, je te jure. Il était temps que j’arrive. Bon, j’y suis, faut croire. Hé ben. Pas coquet, dis donc. Pffffffiou. Y’a du boulot. Allez courage, ma p’tite Svet. Mais, on rentre par OÙ ?

    — Oui ?
    — Gévissac ?
    — Qui le demande ?
    — Bonjour, ne-regardez-pas-les-caméras-s’il-vous-plait je suis Svetlana faites-comme-si-les-cameramen-n’étaient-pas-là-merci, votre nouvelle conseillère d’aménagement.
    — Svelte-la-nymphette-comme... Quoi ?
    — Euh, vous n’êtes pas Gévissac ?
    — Non. C’est pour quoi ?
    — Il n’est pas là, Gévissac ?
    — Non, il n’est pas là, Gévissac ! Vous êtes QUI et vous voulez QUOI ?
    — Ah non non non ouh-là-là, surtout pas les cameramen !
    — ... pardon ?
    — Ils n’existent pas eux ouh-là-là !
    — ... ils m’ont l’air bien réels...
    — Oui, mais c’est MOI qu’il faut regarder !
    — Écoute-moi bien, Shrek-l’âne-en-fête, plus je te regarde et plus j’ai envie de te mettre ma page 404 sur la tronche, alors si tu...
    — Okay. Bon, d’accord. On a pris un mauvais départ. On va se calmer, hein. Je viens pour Gévissac, donc si vous n’êtes pas Gévissac, vous n’avez aucune raison de vous mettre en colère. Et encore moins de —

    BLAM !
    Et une 404 dans la gueule, une.

    — C’EST PAS LA PEINE D’INSISTER, GÉVISSAC N’EST PAS LÀ ! FOUTEZ-MOI LA PAIX !
    — Mais... ma veste est coincée dans le pare-feu !
    — C’est ça, je connais la feinte. OUSTE !
    — Mais... je viens de loin, et je ne sais même pas si je suis arrivée à bon port !
    — Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? !
    — Mais... la nuit tombe... et j’ai peur du noir !
    — ...
    — Et il y a des bruits bizarres !
    — ...
    — Et il commence à faire froid !

    Rustre ! Qu’est-ce que je vais faire, moi maintenant ? Bien maline, la Svet...
    Qu’est-ce qu’ils veulent, eux ? Quoi...? Mais bien sûr que vous coupez ! Vous voulez ma face d’ahurie en gros plan, c’est ça ? Et dire qu’il va falloir se les taper tout le long...

    — Vous êtes perdue ?
    Oh misère. Je rêve. Le petit prince.
    — Bonjour... ? Allô... ?
    En même temps, paumée sur une planète inconnue, il fallait bien que ça arrive.
    — Vous m’entendez ? Youhou, madame ?
    Pas le mouton. S’il te plait, pas le mouton. J’ai jamais su dessiner les caisses.
    — Madame, ça va pas ? Faites pas de bêtises avec ce crayon, ’tention !
    Et bien sûr, mes deux abrutis filment toujours. Souris, Svet. Professionnelle.

    — Bonjour, je suis Svetlana, conseillère d’aménagement mandatée par le Bureau de Reconstruction des Intermittents et Chômeurs, auprès de Gévissac.
    — Gévissac ? Mais ça fait un moment qu’il est plus ici.
    — Ah ? Euh, mais comment ça ? Ça fait longtemps ?
    — Un peu, oui. Sont mal renseignés, dans votre bureau.
    Et voilà. Définitivement paumée.
    — Dites, c’est à vous les deux grosses mouches, là ? Pourriez leur dire d’arrêter de me tourner autour, parce que j’ai un peu les oreilles qui bourdonnent là. Voire les poings qui me démangent.
    Eh ben. L’a bien changé le petit prince. Y’a plus de jeunesse.

    — Euh, mais alors, il est OÙ, Gévissac ?
    — Qu’est-ce j’en sais moi. Il s’est taillé, comme d’hab.
    — Comment ça : comme d’hab ? Il a quelque chose à se reprocher ?
    — Ah ça, j’sais pas. Mais on dirait bien que chez lui, fuir est une pulsion. Eh, ’tendez, bougez plus...
    Mais qu’est-ce que...
    BLAM !
    — Faut frapper fort pour les grosses comme celles-là. Sinon, ça les sonne juste, et elles repartent nous emmerder pendant des heures encore. Qu’est-ce qu’on disait ?
    Et un cameraman de moins, un. On va s’amuser au montage — si on arrive jusque là. Ne pas contrarier ce dingue. Jamais. Souris, Svet. Professionnelle.
    — Ah oui, Gévissac. L’est toujours barré, vous savez.
    — Mais comment on fait pour le joindre, alors ?
    — Ah, ça, ma p’tite dame...
    — Vous...
    — Ah, ’tendez, bougez pas, je vais faire la paire !
    — NON ! NON ! C’est bon ! Je la garde, celle-là !
    Oups. Je l’ai contrarié.
    Trouver un truc. Vite.
    — Euh... vous voulez que je vous dessine un mouton ?

    ***

    C’est étonnant l’existence. On croit déjà tout connaitre de sa vie, avancer sur des rails à vitesse de croisière, et soudain paf ! c’est l’aiguillage. Ça bifurque d’un coup, sans qu’on ait rien choisi, et v’là que la chaudière s’emballe. Y’a plus qu’à tenir la loco tant bien que mal, lancée à toute vapeur.

    Perdre deux cameramen d’un coup, c’est vrai que c’était un peu la flippe. Surtout quand le malade qui te les a allongés te demande de le suivre à l’autre bout de la galaxie. Mais, je me disais : la mission avant tout, il faut retrouver Gévissac. Plus de cameramen ? Tant pis pour le BRIC qui pleurera ses images, au moins je serai libre. Et puis, comme disait l’autre, de toute façon hein : l’essentiel est invisible pour les yeux. Alors j’ai suivi le taré. Eh ben la planète du petit prince, ça vaut le détour. Croyez-moi. Parce que si pour vous, les baobabs qu’on ratisse et les volcans qu’on ramone, c’était déjà une histoire de camé, changez carrément de pilule : on est dans une autre dimension.

    Oubliez le petit caillou mignon croqué par le père Antoine. Ici, c’est du lourd. On fait pas dans l’aquarelle. C’est des nasses. Du métal. Des rampes, des rails, partout enchevêtrées. Crasse, ombres, cris. Au milieu, des nuées anonymes et blafardes. Et le doute, partout. Un train-fantôme à l’échelle monde.
    Mais je n’avais pas peur. Un petit prince, ça rassure. Même celui-là.

    C’est une planète très vivante : chaque jour, des milliers de visiteurs y atterrissent en quête de sensations fortes. Lorsque je demandai à mon hôte s’il y avait des habitants permanents, je n’eus droit qu’à un vague hochement de tête — d’ailleurs, c’était à peu près la seule réponse qu’il opposait désormais à mes questions. Je n’arrivais pas très bien à saisir pourquoi il avait tenu à m’aider vu le peu de cas qu’il semblait faire de moi. Mais tout vient à point à qui sait attendre, je me disais.

    Ce ne fut pas long. Nous visitions l’immense domaine, entre catacombes et champs de bataille, quand le petit prince de l’horreur me fit signe. Sur le quai de la navette intérieure (in-terreur comme l’appelle mon hôte), un homme. Lunettes, sac en bandoulière, rien de bien particulier. Il attend comme les autres. Silencieux, l’appareil photo à la main, la nonchalance solitaire. Un touriste égaré croirait-on, calmé par une journée d’effroi bien remplie. Mais les groupes sont avachis, hébétés ou stridents ; lui seul scrute l’arrivée du train avec une placidité redoutable. C’est Gévissac.

    — Mon meilleur client. Discret, paie pas de mine. Toujours des passages furtifs. On a de la chance de l’avoir aujourd’hui. Z’auriez pu attendre des mois. Son truc, c’est les voies. Une sorte de fascination, je crois. Oh, il vadrouille un peu partout pour alimenter ses départs, mais il finit toujours par y revenir. C’est son carburant, on dirait. C’t’un voyageur, vous savez.

    C’est comme ça que je l’ai rencontré, l’homme qu’on m’avait confié. Pas l’air d’un diable, sur cette planète d’enfer pourtant. Encore un paumé, je me disais. Attaque-le en douceur. Souris, Svet. Professionnelle.
    Tu parles.

    Le Bureau pour la Reconstruction des Intermittents et Chômeurs, BRIC pour les intimes, est là pour veiller à l’optimisation des ressources humaines de la galaxie. Depuis le statu quo entre l’Empire et la Nébuleuse, des institutions officielles se sont immiscées en terrain rebelle pour harmoniser les structures galactiques. On veut de l’efficace, à ce qu’il paraît. Je suis douée pour ça, à ce qu’il parait aussi. On m’envoie consolider les constructions précaires fleuries un peu partout sur la Nébuleuse, les poussées autonomes et branlantes qui font — comment dire — tâche sur la toile. Je suis la consultante imposée pour une rentabilité esthétique, ergonomique et pratique. J’aime mon boulot. Je me sens utile. J’en ai reconstruites, des planètes. Mais là, le Gévissac, il m’a bien coiffée, faut dire.

    — Allo ! Allo ! BRIC à Brac’ : qu’est-ce que tu fous bordel ?
    Déteste qu’ils m’appellent comme ça ! Jalousie de petits cons... "Brac" c’est pour "bras cassés", comme ils me voient. Facile de pérorer planqués au bureau, les gars. Vont voir à mon retour. Si retour il y a, certes.

    Il m’a paru docile, au début. M’a écouté gentiment. Je lui ai expliqué pourquoi je le cherchais, je lui ai dit : allons chez vous. Il m’a demandé : chez moi ? Oui, ai-je dit, là où vous logez. Mais qu’est-ce qu’un logement ? m’a-t-il alors demandé. On partait de loin.

    Je viens vous aider à construire votre planète. Je viens pallier votre déficit structurel. Je viens vous inculquer les bases, vous remettre sur la voie. À ces derniers mots, ses yeux ont pétillé : je lui parlais enfin, de personne à personne. Il m’a écouté jusqu’au bout, ou du moins a-t-il fait semblant. Je sais maintenant que ça carburait dur en fait, pour extraire de mon discours le prétexte à un nouveau voyage. Quand il m’a demandé de le suivre, je ne me suis pas méfiée. Je l’ai suivi.

    — Oh, tu réponds Svet ou quoi ? Qu’est-ce qui se passe, t’en es où, là ? Tu l’as cravaté, le Gévissac ?

    J’en sais fichtrement rien, de où je suis. Embarquée dans son vaisseau, on a mis les bouts, mais certainement pas vers un quelconque chez-lui. Prise au piège, ouaip. Je coupe la communication.
    Gévissac se retourne vers moi. Souris, Svet. Professionnelle.

    ***

    Fallait bien que ça arrive, en fin de compte. Je l’ai eu.

    Il m’a bien baladé, le mignon, ça oui. Dès que je lui proposais une approche, que je lui présentais un ouvrier, que je préparais des plans, nous repartions de plus belle, mus par un imaginaire à l’abri de mes rectitudes. Combien de voyages ? Une vingtaine, sans doute. Cela dura pendant plusieurs mois. Entre deux périples que j’initiais bien malgré moi, il profitait de mon désarroi pour faire des détours, me montrer d’autres territoires, m’offrir de nouveaux paysages. Il m’impliquait davantage à chaque nouvelle aventure, je faisais petit-à-petit partie de son existence ; et il faut bien le dire, il remplissait entièrement la mienne. J’avais coupé ma radio depuis le premier jour.

    Je l’ai eu. Oh, ce fut simple finalement. Pris en sandwich. Acculé. Il ne s’y attendait plus. C’est une coriace, la Svet. Endort sa proie, à l’usure, mais toujours à l’affût. Je l’ai eu. Je gagne toujours à la fin, parait-il.

    Finis, les voyages. Les passages étranges aux confins d’une galaxie qui m’apparaissait bien rangée, avant. Finies, les beautés. Les surprises. Les sourires déposés au matin. J’ai gagné, parait-il.

    Il travaille maintenant. Il ne voyage plus. J’ai gagné. Je suis rentrée au bureau. Les abrutis me félicitent, me tapent dans le dos, je les déteste. J’ai gagné. Et je pleure.

    Avant que nous quittions sa planète, le petit prince est venu me voir. Il craignait la concurrence, il pensait à se recycler. Il voulait que je l’aide, que je ne l’oublie pas dans un avenir proche, lorsqu’il aurait besoin de moi. C’est pour cela qu’il m’avait aidé. Je suis seule aujourd’hui dans mon bureau, en attente d’une prochaine mission, d’un prochain pauvre hère à harceler.

    Vite, petit prince. Appelle-moi. Que je retourne sur cette planète de l’effroi où je bus pour la première fois la tasse. Un jour viendra où les travaux finiront, alors Gévissac reviendra se gorger de peurs primaires, et lorsque viendra ce jour, je veux être là, sur les voies, prête à repartir avec lui. Vite, petit prince.

    Appelle-moi.

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Voici venir le tour de Franck Thomas : je lui offre une page ici, et pendant ce temps je squatte un peu chez lui. Le texte qu’il m’a confié poursuit la tentative d’exploration d’une galaxie de l’intérieur entamée chez g@rp le mois dernier et je suis très content de vous le proposer même si, bien sûr, "toute ressemblance avec des personnes existantes ne serait que pure coïncidence". Merci à lui pour avoir, littéralement, joué le jeu. Vous retrouvez sur son site le quatrième volet de la série "Bientôt les Prudhommes" (peut-être, ou pas, le dernier).

    Voilà la liste complète des vases communicants pour juin 2011 :

     Nicolas Bleusher et Christopher Selac
     Martine Sonnet et Urbain trop urbain
     Anita Navarrete-Berbel et Brigitte Célérier
     Céline Renoux et Christophe Sanchez
     Franck Thomas et Guillaume Vissac
     Cécile Portier et Pierre Ménard
     Franck Queyraud et Loran Bart
     Anne Savelli et François Bon
     Carine Perals-Pujol et Joachim - Séné
     Isabelle Parriente-Berbel et Louise Imagine
     Maryse Hache et Laurence Skivée
     Chez Jeanne et Xavier Fisselier
    le roi des éditeurs et Nicolas Ancion
     Kouki Rossi et Jean Prod’hom
     Michel Brosseau et Jacques Bon
     Christine Jeanney et Christophe Grossi
     Caroline Gérard et Juliette Mezenc
     Ghislaine Balland et Dominique Hasselmann
     Piero Cohen-Hadria et Conte de Suzanne

  • Vrais semblants, par Benoît Vincent

    7 octobre 2011

    Où regardent les pierres ?

    L’île porte un très grand nombre de monuments étranges dont on ne connaît ni l’origine, ni la signification. De nombreuses théories s’opposent à leur sujet. Cette tâche démontre la manière dont vous parvenez à bien saisir ce problème. La plupart sont coiffés de chignons de bois et leurs yeux sont d’obsidiennes. Je conserve votre page, et reviendrai vous lire — pour vraiment des histoires. Contrairement à une idée reçue, les statues ne sont pas tournées vers la mer ; elles ne scrutent rien ; elles se regardent toutes les unes les autres et s’observent. Nous, mon bon ami Montagne & moi, avons noté l’importance de ces informations. Si l’on parvenait à tirer tous les fils de leurs regards, on trouveraient un point central, un point focal qui, comme le dit peut-être une légende malgache, représente l’œuf du monde. Que j’ai sans doute découvertes presque partout et ne pouvait simplement pas expérimenter. Une chose est toutefois certaine : si l’île est rase, ce n’est pas à cause de ressources épuisées au rite ; c’est pour laisser courir les yeux (sauf quatorze) et permettre la mise en place du dispositif. Vous avez écrit un ultime site web.

    Quand le poisson s’égare

    Il est désormais avéré dans toute l’Europe qu’un réchauffement climatique généralisé ou encore qu’une nette dégradation de la qualité des cours d’eau provoque un dérèglement hormonal chez de nombreuses espèces de poissons d’eau douce. Cependant supposons que vous avez contribué à un produit qui peut facilement gagner l’attention des ancêtres ? Les poissons ont une sexualité très différentes de celle des mammifères. Des études tchèques, une simple vidéos web sur le hotu (ou nase) et le chevesne (ou chevaine) ont laissé apparaître que certains jeunes mâles, ou éventuellement un ou quelques tirs placés en situation de stress dû au déversement de matières polluantes, notamment d’origine alimentaire ou médicale, avaient changé de sexe de sorte que vous puissiez obtenir la curiosité et l’excitation de la plupart des gens. L’opération peut même se poursuivre en laboratoire. Votre identité écrire.

    La disparition de la rue Watt

    Avec la réhabilitation de tout un quartier du XIIIe arrondissement la ville de Paris voit disparaître une à une d’anciennes rues, et autres traverses et impasses, nombreuses notamment autour de la gare. Si vous êtes dans le coin une rue a été chantée, et filmée, et représentait à la fois poésie urbaine et isolement de la friche, loin des lieux populeux. Si vous n’avez aucun argent pour sortir de cela, vous aurez besoin de contracter un prêt. Elle était le terrain vague, l’espace non normé, le tracé physique de la marge. Elle est aujourd’hui condamnée, enfouie sous d’autres réseaux d’autres voiries. On prétend qu’elle a servi de caisson de confinement de gravats et autres matériaux peu nobles (voire nocifs) durant les travaux. Parce qu’il faut vous aider avec emphase. Une partie toutefois est encore visible, via certaines caves ou bouches d’égout. Elle est demeurée je profite de prêt à court terme à chaque fois que j’ai besoin et me sentir intacte, et certains pensent que cette cellule est OK juste à cause de cela.

    Hello ! Ventolin

    Hello ! Ventolin Zetia No Prescription Trends Taking Amoxicillin Antibiotic Antibiotics Prescription Cheap Clomid P Who knows where to cheapest Edinburgh pharmaceuticals online rescription For Adoption Without Amoxicillin Trihydrate Problems Zetia Side Effects Hair Loss Amoxicillin Sulfa Drug Amoxicillin Indigestion Buy Amoxicillin No Prescription How Long To Je Start Showing During Pregnancy On Clomid Diarrhea Amoxicillin Toddler Second Bicycle Clomid Clomid Add Blog Flagyl Buy cheapest brand Japan cheapest healthcare FDA Approved nalidixic acid other medicines foods dyes Online without prescription USA Original drugs reactions like skin rash or hives swelling of the face lips or tongue Ponstel acheter Kamagra buy Clomid subito Reputable Online Pharmacy Buy Cheap Amoxicillin Sbe Symptoms or preservatives Ponstel Cheap get meds Lowest price 100% satisfaction runny nose pneumonia safety. Clomid Drug Interactions Oral Purchasing Flagyl Amoxicillin 250mg 5ml Suis Buy Super Cheap Israel Without Prescription And Cod Delivery Breast-Feeding Requip Cheap Cod Osaka Internet Drug Shop muscle aches Who knows where to cheapest United States Discount Drug Shop.Cod U.S. – Secure & Discreet Delivery heart or vessel disease Requip Free shipping poor nutrition or malabsorption no perscription cheapest deal Albuquerque with no prescription seizure disorder next day Buying Order diabetes diarrhea Maxaquin Discount overnight low price buy generic cozaar for sale discount buy generic crestor purchase crixivan Where to buy buy buy generic cyclogyl buying Nausea Vomiting Furosemide Toujours No Prescription Furosemide Metabolism Solid Amoxicillin Refrigeration Buy Lasix Furosemide Clomid Drug Purchase Zetia No Prescription America Amiloride And Furosemide Mexico Vardenafil Mexico Buy Levitra Online Clomid Never Work buy generic boniva online uk What Are The Allergic Reactions To Amoxicillin Buy Clomid Prescription Le Price Buy on line high quality increased sensitivity to the sun Neoral Cheap Fast Antibiotics online Without Provera Amoxicillin Injection Kids How Long Hates It Take Strattera To Work Proscar No Prescription Order Discount Strattera Sweating Last Minute Order Prescription Proscar Plavix Mechanism Of Action Adenosine Cheap famvir Pregnancy tests Nexium Aciphex betnovate online Cialis Cotinine/Nicotine/Tobacco Urine Test cheap viagra Plaisir Diphosphate Plavix Bipolar Strattera Without Prescription Liver And Plavix Plavix And Medicated Bare Metal Stents Xenical Food Plan Plavix Loading Dose Platelet Aggregation Strattera Without A xenical Without Prescription Ciprofloxacin Reaction Proscar Risks Proscar 4 Mg Hmg Coa Reductase Inhibitors Proscar Dosing ciprofloxacin Without Prescription Order Generic Ciprofloxacin Cheap Bare Metal Stint Plavix Ciprofloxacin Warfarin Class Is Plavix Gluten Free No Prescription Low Income Du Buy Fluconazole Online Fluconazole Cats Minoxidil Or Proscar How To Buy Xenical Discount Strattera Live Sales Generic Plavix No Prescription Proteus Ciprofloxacin Escherichia Coli Proscar Last Minute Xenical Orlistat UK generic remeron Strattera Online Australia Motrin Plavix Medications Xenical Orlistat Free Texte.

    Le plateau où l’on meurt de faim

    C’est en Provence, au cœur des vignes et des lavandes que se trouve un petit plateau calcaire, haut d’une centaine de mètres et couvert d’un épais taillis de chênes verts. Je trouve que cette question est littéralement quelque chose. Un dense réseaux de chemin tente de l’emprisonner et le contenir, et qu’à mon avis, je ne parviendrai jamais à comprendre mais le végétal parvient toujours à prendre le dessus. Régulièrement les chemins sont envahis de ronces et de salsepareille, les lianes avancent et profitent de toutes les ouvertures comme d’un puits de lumière où donner mesure à leur exubérance. L’endroit est intimidant. Semble trop compliqué et très vaste pour moi. En plusieurs points, parait-il, d’anciens habitants ou exploitants ont bâti des bories, qu’on ne parvient pas toujours à localiser avec précision. Je prévois pour votre prochain lieu. On fait enfin état de nombreuses personnes égarées, retrouvées parfois in extremis des mois après leur disparition. Le mois dernier, un homme d’une cinquantaine d’années s’est engagé au plus intriqué, avec pour ambition de baliser un nouveau passage ; il a tenté tout un jour de joindre ses amis au téléphone, sans succès, avant de finalement rebrousser chemin. Je vais essayer de recevoir le coup de lui !

    La fin du Requiem

    Il ne l’aurait pas terminé, le Requiem qui aurait dû couronner une vie de Passion et de Musique ! As-tu déjà observé les enfants jouer sur un carrousel ? Et ce n’est qu’après sa disparition que son plus proche élève, d’accord en cela avec sa dernière femme, se chargea de poursuivre l’œuvre que la mort avait surprise. Ou écouté la pluie tomber sur le toit ? Impérieuse mission ! Il fallait se couler dans l’œuvre du maître des heures durant, de sorte que l’oreille fût capable, sans effort aucun, d’anticiper les moindres variations et mouvements à venir — Déjà suivi un papillon volant gaiement ou bien admiré un coucher de soleil ? et sans que l’auditeur ne détectât aucun ajout, aucune retouche, aucune transition, aucune brisure. Tu devrais t’y arrêter. Il s’y acharna des années durant, au prix de sa santé, de son humeur. Il échoua. Ne danse pas trop vite car la vie est courte. Il prit donc le parti inverse ; comme il ne parvenait à terminer l’œuvre, il la débuterait. Et c’est ainsi qu’en vérité la fin du Requiem, bancale et qui nous paraît aujourd’hui artificielle, est la seule scorie originelle du maître. La musique ne dure pas éternellement.

    Du sang

    Je vous sollicite car une petite fille de neuf mois doit être sauvée. 诺尔丽 est atteinte d’une 白血病 rare. Le seul moyen pour que cette petite ne décède pas dans moins de deux mois, 上上聰明不知自愛的人也不會愛別人關鍵字排名。

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Coupure dans les vases (le dernier c’était juin), mais revenir avec plaisir avec l’automne dans la danse, la communication. Très heureux d’accueillir ici Benoît Vincent, auteur Publie.net et co-directeur de la revue Hors-Sol, et dont nous suivons tous le chantier en ligne, pour ce jeu de pistes qui avait pour origine les spams. Moi, hébergé chez lui à l’occasion de ce vase, je suis parti assez à l’est et suis tombé par-là. L’occasion aussi d’explorer le thème de la ville chez celui qui a mis sur pied ce génial labyrinthe autour de Gênes et appelé GE9. J’espère qu’en terminant lecture de ce texte vous prolongerez par-là l’errance (car moi j’y serai).

    Voilà la liste complète des vases communicants pour octobre 2011 :

     Naomi Fontaine et François Bon
     Martine Sonnet et Cécile Portier
     Guillaume Vissac et Benoît Vincent
     Anne Savelli et Christopher Sélac
     Danielle Masson et Justine Neubach
     Pierre Chantelois et Brigitte Célérier
     Jeanne et G@rp
     Camille Philibert-Rossignol et Christophe Sanchez
     Elise et Ana NB
     Flo H. et Franck Queyraud
     Radio Marelle et Starsky
     Pierre Ménard et Jacques Bon
     Candice Nguyen et Daniel Bourrion
     Juliette Mezenc et Nicolas Bleusher
     Isabelle Pariente-Butterlin et Laurent Margantin
     Mahigan Lepage et François Bonneau
     l’autre je et G Balland
     Christine Jeanney et Maryse Hache
     Frédérique Martin et - Francesco Pittau
     Christine Zottele et Xavier Fisselier
     Marie-Anne Paveau et Jérôme Denis de Scriptopolis
     Marlene Teyssedou Tissot et Vincent
     Christine Leininger et Anne-Charlotte
     Mu LM et Perrine Le Querrec

  • C(a)o(v)eur, par Quentin Leclerc

    4 novembre 2011

    Je suis un cœur. Je bats habituellement dans une poitrine, derrière des os et d’autres bouts de
    chair qui me paraissent flous. Les progrès scientifiques font qu’aujourd’hui, moyennant
    quelques billets, je suis habilité à passer de la poitrine de mon hôte premier à celle d’un
    étranger. Aujourd’hui il m’est arrivé une drôle d’aventure car en plein de milieu de la nuit
    on m’a enfermé dans une toute petite boite en fer, bien fraîche, pour m’emmener grâce à
    une voiture qui faisait un bruit monstre, sauver un homme situé entre la vie et la mort.

    A ce que j’ai pu en voir, et ce fut très rapide - car il m’est tout à fait interdit de prendre l’air -
    il s’agissait d’un accident de voiture. Pour sûr que ça n’était pas joli, je crois même que sa
    femme est morte au conducteur, mais lui il ne pouvait pas pleurer, n’étant pas certain d’être
    tout à fait encore en vie. C’est là que j’interviens. On me transplante. Et puis l’opération se
    passe mal, à cause de toutes les secousses de la camionette, alors à peine dans la poitrine, je
    ressors, je glisse, tombe sur le bas-côté, seul. Non, personne ne s’est rendu compte de rien.

    Il y avait un homme de l’autre côté de la route, là où se trouve le centre commercial. Il
    regardait tout sans être trop rassuré, il ne comprenait pas spécialement ce qui se passait. Il
    m’avait l’air un peu abruti. Je ne suis pas là pour critiquer les protagonistes, mais cet
    homme-là oui décidément me paraissait bien abruti. Il se suspendait aux chevilles des
    hommes d’affaire pour leur quemander quelques pièces, il avait l’air tellement envieux, il
    devait en avoir un de cœur énorme, qui devait éclater dans sa poitrine, et tomber certains
    soirs sur le bas-côté. Je me souviens qu’il faisait froid.

    Je suis sûr que l’histoire de l’accident là il est allé la raconter à tout le monde. C’est bien un
    homme qui va raconter des histoires. Et qui ira le croire, il ne raconte que des histoires. Vous
    êtes bien en train de lire celle d’un cœur, qui ne s’étonne plus de rien. A un moment il s’est
    levé il s’est approché de moi m’a pris entre ses mains. Bon j’ai essayé de le prévenir qu’un
    homme arrivait derrière lui, un fusil dans les mains.

    Voilà il est mort c’est tout à fait con. Il s’est fait tuer par un parfait inconnu avec un fusil
    dans les mains. Ce parfait inconnu m’a ensuite revendu. Et puis aujourd’hui je vous écris
    cette histoire de la poitrine d’une femme. Elle est très belle, j’en profite largement. Je me fous
    absolument de l’abruti abattu aux abords d’un centre commercial.

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Plaisir de poursuivre ce rendez-vous des vases communicants avec Quentin Leclerc, à suivre au quotidien dans son Journal(s) et sur Twitter, et récemment via la revue Auguste, 100% numérique et à découvrir. Nous avons tous deux exploré le même genre de trame, le tout vu depuis deux points de vue différents, je vous invite donc à mélanger les deux textes, lui chez moi et moi chez lui et/ou inversement.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour novembre 2011 :

     Guillaume Vissac et Quentin
     Louise Imagine et François Bon
     Camille Philibert-Rossignol et Florence Noël
     Danièle Masson et Timor Rocks
     Amel Zmerli et François Bonneau
     Maryse Hache et Fiona Reverdy
     Franck Queyraud et Piero Cohen-Hadria
     Juliette Mézenc et Brigitte Célérier
     Justine Neubach et Éric Dubois
     Christine Zottele et Christophe Grossi
     Isabelle Pariente-Butterlin et Samuel Dixneuf
     Josée Marcotte et Michel Brosseau
     Christophe Sanchez et Nicolas Bleusher
     Anne Savelli et Xavier Fisselier
     G. Balland et Dominique Hasselmann
     Ana nb et Céline Renoux
     Urbain trop urbain et Microtokyo
     Jeanne et Pierre Ménard et Jean-Baptiste Monat
     L’autre-je et Jacques Bon et Philippe Gargov
     J.W. Chan et Danielle Gregov
     J.W. Chan bis et Wanatoctoumi

  • La nuit je fabrique des monstres, par Céline Renoux

    2 décembre 2011

    Jonathan Capdevielle dans Jerk, mis en scène par Gisèle Vienne



    Se dit qu’elle a merdé avant même d’avoir commencé, que les mots de Guillaume Vissac encore une fois c’est pas n’importe quoi, en général me scotchent en uppercut and less is more.Pourtant de temps à autre sans crier gare, tu dois frôler quelque chose qui te laisse suffisamment inconsciente ou cinglée pour te porter volontaire le sourire aux lèvres et la fleur au fusil, du genre bonjour c’est moi, j’adore les opérations kamikaze et puis l’adrénaline aussi.Alors pour ne pas faillir au dérèglement qui fait loi, coller à ton désordre, tu as laissé les jours filer plus vite que toi, t’es enroulé dedans en renversant les yeux lorsqu’il t’embrassait, avec toutes ces sensations qui vous traversaient violemment dans l’instant et en accéléré puisque pour le moment tu vis ici et lui là-bas.Jusqu’à l’enchaînement soudain ces dernières heures d’une suite d’incidents en série comme d’étranges téléscopages sous forme de répétitions troublantes d’une histoire à l’autre.Sinon à part ça tu vas leur écrire quoi aux vases communicants, parce-que si tu continues à penser à lui un peu tout le temps maintenant qu’il est rentré, tu peux me dire à quoi ça rime tes intiatives ou tes élans à la con si tout ça se dégonfle comme un ballon.

    Aucune intention de rester planquée ni de faire la morte, petit soldat part au combat sans jamais savoir où il va, sachant seulement qu’il va tomber.Pourtant aucun danger ne guette, juste des mots, rien de grave, de toute façon tu vois ils vivent leur propre vie même sans toi et puis le ridicule ne tue pas jusqu’à preuve du contraire.Ca te rend simplement un peu triste lorsque tu ne trouves pas l’espace ou la plage de temps nécessaire pour t’y réfugier et t’enfermer à double-tour dans ce qui paradoxalement t’apparaît comme une extension nécessaire du territoire.Tenter d’inscrire ce qui manque, ce qui ne parvient pas à se faire entendre ou à faire jour dans le réel, ce qui fait mal et sens à la fois, ce qui résiste aussi.Puisqu’en définitive c’est ce qui se joue ici pour toi, essayer de dire ce qui se dérobe depuis l’enfance, ce qui est là mais en creux, en exil et en rupture, le côté junkie addict sans substance de cette histoire presque blanche à force de consolation impossible à étancher.Alors laisse couler ce que tu ne peux combler pour t’en détourner ensuite, pour oublier ce que tu connais et tracer ailleurs ou simplement continuer.Parce-qu’écrire pour se souvenir ou pour oublier c’est la même tentative de laisser simplement derrière pour s’ouvrir à la transparence.

    La plupart du temps tu te demandes ce que tu fous là lorsque tu te retrouves parmi ces gens qui écrivent vraiment ou tout au moins qui vont au bout du truc et trouvent le souffle, alors que toi tu éprouves toujours quelques difficultés à respirer et pas seulement parce-que tu fumes trop, mais aussi à distinguer ta voix parmi les autres, enchevêtrée dans la cacophonie ambiante.Ce qui fait cohérence aujourd’hui, c’est ce chantier qui a débuté ce matin dans la rue, les hommes sous casque creusent le bitume et c’est l’asphalte, novembre à n’en plus finir, les trottoirs gris et humides encore plus que le bruit, qui te sort par les yeux.Quoi qu’il en soit leurs engins te vrillent les tympans, alors s’isoler côté cour dans la chambre, laisser les enfants déambuler sans toi, s’affaler sur ce grand lit qui dévore presque toute la surface de la pièce et avancer comme sur un fil, juste en roue libre.Tu ne sais pas comment prendre le truc, tu ne sais pas l’apprivoiser et pourtant c’est sans doute la seule chose qui te colle vraiment à la peau, qu’importe l’opacité, tu n’es pas si paumée finalement, juste un peu égarée dans ce qui ressemble ce soir au brouillard, reste plus qu’à le découper en morceaux et tout ça sans couteau.Tu peux encore faire semblant, suggérer à ton corps défendant de rester perméable, maquiller ton intérieur comme une voiture volée, il te restera toujours une arête en travers de la gorge ou un angle saillant sur lequel te cogner si tu prends la tangente.En fait dis-toi que c’est juste un os, un os coincé à l’intérieur, un truc à déterrer, alors va chercher.

    Cette nuit j’ai rêvé d’un bébé prématuré, un qui venait de moi, mais rien vu rentrer, rien vu sortir.D’abord j’ai cru qu’il était mort-né vu le silence pesant qui s’est abattu sur cette salle d’hôpital lorsque j’y suis entré, me suis dit que c’était risqué, que si je le regardais je risquais de le reconnaître ou pire de me mettre à l’aimer sans en avoir le temps, d’être engloutie par cet inconnu, sorte d’alien de sexe masculin ayant trouvé momentanément résidence dans mon ventre, engendré confusément dieu sait comment ni avec qui.J’ai pensé que ça ne tiendrait pas, que les digues allaient se rompre cette fois-ci et laisser s’écouler tout ce torrent sale et dégoulinant de mélancolie, de douleur si tu veux, enfin cette chose échouée quelque part à l’interieur de toi.Les infirmières t’ont dit qu’il était beau ou un truc approchant, enfin ça devait signifier dans leur langue qu’il ne manquait rien d’absolument vital.En tout cas j’y suis allé mais j’ai pas vu les choses comme ça, une gueule de vieux, un regard qui ne te lâche pas et dont tu ne sais pas quoi faire, si ce n’est déclencher en toi l’envie furieuse de le fuir et d’oublier.Une taille d’enfant et des tuyaux un peu partout plantés dans un corps disproportionné pour alimenter ce qui ne fonctionne pas naturellement.Trou noir ensuite, me souviens juste que tu as survécu dans ton genre particulier, qu’on a vraisemblablement taillé la route ensemble, sans l’ombre de la trace d’un retard, non carrément l’inverse, un peu trop d’acuité et toujours ces yeux aiguisés qui ne laissent rien filtrer en apparence mais te donnent l’impression d’être percé à jour.Alors là maintenant je me dis que tout devrait être possible désormais puisque la nuit aussi je fabrique et j’enfante des choses, des créatures hybrides, des petits monstres à la peau dure et à l’oeil vif qui me poursuivent, me renvoient à l’intranquilllité, me laissent trace, m’encombrent, m’accompagnent mais ne m’appartiennent pas.Tu te souviens comme on s’est embrassé dans cette église en oubliant le reste et les autres avant qu’on nous demande de sortir, rien de transgressif, rien de sacré, j’avais juste envie de rire en partant et bien là c’est pareil.

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Retour chaque premier vendredi du mois des vases communicants, aujourd’hui décembre Céline Renoux est mon invitée (et moi chez elle idem). Merci à elle d’avoir ouvert ici sa dream box et de m’avoir chaleureusement accueilli dans ses cercles : ceux sur ton dos.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour décembre 2011 :

     François Bon et Didier da Silva
     Nicolas Bleusher et Dominique Hasselmann
     Cécile Portier et Christopher Sélac
     Samuel Dixneuf-Mocozet et François Bonneau
     Christine Leininger et Wana Toctoumi
     Juliette Mezenc et Jean-Christophe Cros
     Laurent Margantin et Robin Hunzinger
     Chez Jeanne et Brigitte Célérier
     Céline Renoux et Guillaume Vissac
     Camille Philibert-Rossignol et Christine Jeanney
     Ana NB et Benoît Vincent
     G@rp et Michel Brosseau
     Danielle Masson et Jacques Bon
     Justine Neubach et Franck Queyraud
     Louise imagine et Piero Cohen-Hadria
     Carine Perals-pujol et Christophe Sanchez
     Nolwenn Euzen et Christophe Grossi
     L Sarah-Dubas et Ernesto Timor
     Isabelle Pariente-Butterlin et allerarom
     Louise Blau et J.W. Chan
     Danielle Grekoff et J.W. Chan
     Candice Nguyen et Quentin
     Christine Zottele et Xavier Fisselier
     Alain Haye et Eric Dubois

  • 010112

    1er janvier 2012

    Je commence l’année plus ou moins comme la précédente. Je fous au four une pizza, surgelée, taille individuelle, mais pour deux, car trop mangé la veille, ce matin dormi tard, et sors dans son assiette bloc de foie gras médiocre offert comme prime par le taf avant Noël. Je termine sans trop voir le prochain vase communicant prévu chez Candice Nguyen, j’aurais pas cru arriver là, d’ailleurs saurais-je où j’en suis ? Je fais du vide dans mes douze disques durs. Je m’achète, en ligne et pour 224€, deux pairs de pompes et déconnecte. Je sais plus trop quoi lire. Et me rends compte, mais un peu tard, que les vers justifiés de Lucien Suel ne sont pas justifiés arbitrairement par la machine mais contiennent bien pour chaque ligne le même nombre de signes. Je devrais donc reprendre tout ce qui (mais si peu) a déjà été gribouillé pour préparer vies // et, curieusement, cette perspective, laborieuse, me remplit de quelque chose comme de la joie.

    C’est arrivé. Cela durera-t-il ? -
    Mon esprit est un rocher,
    Je n’ai plus de doigts pour rien saisir, plus de langue
    Et mon dieu est ce poumon d’acier
     
    Qui m’aime et le vide et fait le plein
     
    Sylvia Plath, Paralytique in Œuvres, Quarto Gallimard, traduit par Valérie Rouzeau, P. 349

    VO

    It happens. Will it go on ? ----
    My mind a rock,
    No fingers to grip, no tongue,
    My god the iron lung
     
    That loves me, pumps
  • Entre-deux, par Candice Nguyen

    6 janvier 2012

    « La ville a dessiné un corps de conjectures. Un corps de semble-t-il. A pris l’écharde du chagrin et l’a couchée près des gardes-fous d’acier, des pointes de fer, des récifs de béton. A greffé ce relief sur une géographie sublimée. A rendu la distance décisive, l’a mise à nu. L’a enfoncée, l’a étalée. A voulu d’une certitude. Un fantasme de liberté.

    Accompagne-moi alors. Jusqu’à l’extrémité de l’hiver. Jusqu’au souvenir taillé du sommeil. Mets le feu aux villes qui montent en moi. »

    Nathalie Stephens, … s’arrête ? Je

    Une heure incertaine – la nuit peut-être. Espace confiné. Lumière jaune. Deux êtres alignés qui regardent fixement à leurs pieds. Un miroir derrière eux. Une porte en aluminium au devant, fermée.

    L’UN : Il pleut ?
    L’AUTRE : Il a plu.
    L’UN : J’entends la pluie.
    L’AUTRE : Peut-être bien.
    On n’y voit rien.
    L’UN : Non on n’y voit rien.
    L’AUTRE : Vous venez souvent ici ?
    L’UN : Quelques fois oui.
    L’AUTRE : Je ne vous avais jamais vu. Il doit être bien tard déjà -
    L’UN : Je ne sais pas – je ne suis pas encore sorti d’ici aujourd’hui.
    L’AUTRE : Excusez-moi, mais suis pas très rassuré dans ces lieux-là... alors je parle... je vous parle... Mais j’vous importune peut-être ?
    L’UN : Non non... allez y donc... occupez ce silence avec moi... ça ne me dérange pas...
    Mais comment ça... pas très à l’aise avec ces lieux-là... ? L’enfermement peut-être ?
    L’AUTRE : Le vertige...

    Silence.
    Et le regard de l’un qui se lève enfin vers l’autre.

    L’UN : De vouloir rester là ?
    L’AUTRE : ?

    L’autre ne cille pas.

    Long moment de silence.

    L’AUTRE : De l’apnée... Le vertige de l’apnée...

    Silence.

    L’AUTRE : Vous savez, quand vous ne savez plus où se trouvent ni le haut ni le bas... et ni le jour ni la nuit...
    L’UN : Je ne comprends pas très bien ce que vous me dites...
    L’AUTRE : Cette aspiration de votre corps vers le haut ou vers le bas, c’est indifférent.
    ... Et le temps qui ne veut plus rien dire... Une invention...

    Lumière tremble, s’éteint quelques nano-secondes puis se rallume.

    L’AUTRE : Vous n’avez jamais fait de plongée ? … C’est un peu pareil... Vous perdez tous vos repères, vous ne savez plus par où respirer... – Oh laissez tomber pardon, je suis en pleine confusion en ce moment – Vous auriez pas l’heure, dites ?
    L’UN : Elle y changerait quelque chose ?

    Lumière tremble de nouveau, comme si elle cillait à la place de l’autre - et un peu plus longuement maintenant.

    L’UN : Si vous êtes là, c’est que l’heure ne compte plus.
    L’AUTRE : Vous avez raison oui.
    C’est ce lieu – cet espace – qui nous déporte de nous-mêmes.

    L’UN : Vous avez l’air exténué. Et votre voix...
    L’AUTRE : Ce sont ces lumières, ces lumières affreuses.
    La nuit a ses bruits – ses visages aussi.

    L’AUTRE : Vous avez appuyé sur la sonnette ?
    L’UN : Oui, rien n’y fait apparemment. Personne ne répond.

    L’AUTRE : Bon...

    L’autre tousse. Réarrange sa coiffure, son manteau, et jette un coup d’œil rapide et discret dans le miroir derrière avant de retourner à la contemplation de ses pieds.

    L’AUTRE : Vous avez raison, j’ai une mine affreuse.
    L’UN : Non mais je ne voulais pas dire ça en fait... vraiment... excusez-moi. Regardez-moi, ce sont ces lumières vous aviez raison.

    L’autre ne bouge pas. L’un se rapproche de l’autre, contact des coudes. Lenteur - quelque peu oppressante.
    Puis doucement, l’autre courbe son dos et vient à s’allonger parterre, enroulé sur lui-même, en position fœtale. Il ne reste alors plus que peu d’espace à l’un. Regard décontenancé de l’un vers l’autre.

    L’UN : Vous pensez qu’on restera là ?

    Pas de réponse. L’autre a fermé les yeux.

    L’UN : Vous pensez qu’on restera là, pour toujours, ensemble ?

    Murmuré comme endormi.

    L’AUTRE : Ne racontez pas n’importe quoi. Je ne vous connais même pas.
    L’UN : Je vous avais déjà rencontré une fois ici. Non pas une fois, plusieurs... Et toujours en ces mêmes heures... Vous ne vous souvenez pas ?

    Pas de réponse. L’autre ré-ouvre les yeux et regarde devant lui. Les pieds de l’un sentent le regard de l’autre. Fourmillent.

    L’UN : Vous n’aurez plus le choix maintenant, que de me connaître.
    L’AUTRE : Vous croyez ?
    L’UN : …
    L’AUTRE : Si c’est le cas, venez donc vous coucher au creux de moi.
    Quelques minutes. Juste quelques minutes. Il est tard, si tard déjà -
    Et la fatigue de ces villes est la mienne, et la vôtre.

    L’un s’exécute.

    On entend le déclic de machines qu’on relance. Léger sursaut de l’espace, tremblement de lumière. L’un et l’autre demeurent lovés l’un contre l’autre.

    Il est des rencontres qui n’expliquent pas comment ni pourquoi deux êtres ont l’étrange sensation de se connaître depuis longtemps déjà. Le partage de quelles vues, de quelles expériences séparées les réunissent dans un après qui se passe de mots. Il est des manqués aussi, des trop-tard ou trop-tôt, des co-existences qui, avec tous les mots du monde ne parviendraient jamais à cela.

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    Les vases communicants continuent d’être en 2012. Ici janvier, j’ai le plaisir de recevoir Candice Nguyen sur Fuir (et moi squatter The One Shot Mi idem). Merci à elle pour ce bizarre et dingue échange à base d’ascenseurite. Pour poursuivre Candice Nguyen un peu plus loin, à explorer son site, ses photos, et la fameuse revue Plateform.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour janvier 2012 :

     G@rp et Christopher Selac
     Camille Philibert-Rossignol et Éric Dubois
     Pierre Ménard et Benoît Vincent
     Flo H et Isabelle Pariente-Butterlin
     Quotiriens et Jacques Le Cleac’h
     Juliette Mezenc et François Bonneau
     Cécile Portier et Brigitte Célérier
     Christine Zottele et Christine Jeanney
     G Balland et Dominique Hasselmann
     Melodie Faury et Marie-Anne Paveau
     Louise Imagine et Franck Queyraud
     Anne Savelli et Joachim Séné
     L.Sarah Dubas et Jean-Christophe Cros
     Christine Leininger et Danièle Masson
     Candice Nguyen et Guillaume Vissac
     Josée Marcotte et Michel Brosseau
     Ana NB et Lucien Suel
     Nolwenn Euzen et Julien Pauthe
     François Bon et Philippe Ethuin
     Sandra Hinège et Piero Cohen-Hadria
     Christophe Sanchez et Franck Thomas
     Samuel Dixneuf et Nicolas Esse
     Jérôme Wurtz et Urbain trop urbain
     Tom Rambault et Wana Toctoumi

  • Todo liste (contrefaçon), par Solange Vissac

    2 mars 2012

    Photo Guillaume Vissac


    — Penser, en un éclair, au livre de poche des années 1965 à la couverture bistre, où se détachait la silhouette d’un homme voûté portant un enfant, une sorte d’univers, Et les lettres grandes et blanches en bas à droite : ODYSSEE. Cela est gravé ainsi, sans doute déformé.
    — Le chant de la mémoire recouvre le champ de la vision. La mousseline de mots qui l’enveloppe amenuise la lumière du réel. Comme souvent, regarder à contrechamp.
    — Pourquoi ce que l’on voit n’est-il pas seulement ce qui est – des statues, Atlas de salon, supportant des sortes de gâteaux lumineux – mais passe par le tamis des réminiscences. Alors plus l’âge pèserait, moins la réalité serait perçue... Mais après tout la cécité d’Homère n’a pas empêché Ulysse de naviguer.
    — Alléger le regard , chausser des yeux d’enfant et dire :
    « il doit être fatigué le monsieur... »
    ou bien
    « si on éteint, est-ce que ce sera moins lourd ? »

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Reprise des vases, aujourd’hui mars. Le vase est familial : le temps d’un truc je retourne chez ma mère, écris chez Solange Vissac, son Jardin d’ombres, l’accueille ici sur Fuir avec grand plaisir. Tous deux nous sommes partis sur une contrefaçon des fameuses Todo listes de Christine Jeanney (liste de 4 choses à faire/dire/penser sur photo offerte), chacun brodant depuis photo de l’autre.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour mars 2012 :

     Juliette Mezenc et G@rp
     Camille Philibert-Rossignol et Carine Perals-pujol
     François Bon et Thierry Crouzet
     Éric Dubois et Jean-Christophe Cros
     Christine Leininger et François Bonneau
     Ana NB et Anne Savelli
     Lucien Suel et Michel Brosseau
     Pierre Ménard et Piero Cohen-Hadria
     Christopher Selac et Franck Queyraud
     Chez Jeanne et L.Sarah Dubas
     Catherine Desormière et Dominique Hasselmann
     Frédérique Martin et Francesco Pittau
     Amélie Charcosset et Delphine Regnard
     Benoît Vincent et Daniel Bourrion
     Solange Vissac et Guillaume Vissac
     Diane0sysop et David Pontille
     Christine Jeanney et Christophe Sanchez
     Louise Imagine et Christine Zottele
     Jacques Le Cleac’h et Nicolas Bleusher
     Justine Neubach et Brigitte Célérier

  • Il n’y a pas de machine à remonter la ville-montre, par Christophe Grossi

    6 avril 2012

    détail d'une affiche - Paris, gare de Lyon

    Tu crois far from the pictures longer le boulevard, traverser la place du marché, dévaler les escaliers du métro mais ce sont d’autres escaliers que tu descends déjà, la citadelle en face to face, un autre boulevard qui est un quai qu’on désosse, une autre place du marché que tu ne traverseras pas cette fois, far from ce trait passé and by yourself you would be lost. Tu entends que les portes sont en train de se refermer. Mais tu as beau courir, le ciel te lessive le corps, c’est comme ça. Remember d’ailleurs, remember : même ciel même lessive dans l’autre sens ‒ tu venais de quitter ta vi(ll)e en boucle, oh là là c’est compliqué. Image suivante : le train est à quai, la conductrice ouvre sa vitre, te fait signe, tu réponds : c’est gentil merci j’arrive.

    ― Est-ce qu’on ne se serait pas rencontré vous et moi, déjà, quelque part par hasard ?
    ― Ça ne me rappelle rien.
    ― Ça ne vous dit rien, ça ne vous rappelle rien ?
    ― Vous étiez sur la passerelle bleue et je me rapprochais de la ville pour la première fois depuis ma fuite, c’est ça ?
    ― La foule minuscule sur ciel électronique, ça ne vous dit rien ?
    ― Vous aimiez les voitures bleues, alors c’était vous ?
    ― Les visages impeccables, genre film z, ça vous rappelle rien ?
    ― Votre chambre s’ouvrait sur la jungle des villes, c’est bien ça ?
    Shake the night shake the night-box... ça ne revient toujours pas ?
    ― Vous aviez des yeux tristes mais je vous poursuivais le nuit le jour c’est bien ça ?
    ― Allons voir ailleurs.
    ― Et les autres on en fait quoi ?
    Personne personne n’a vu n’a vu rien du tout... longtemps qu’ils sont morts... longtemps que la tombe s’est ouverte... longtemps que les années les ont avalés... longtemps que tout s’est écarté... longtemps que les os ont parlé, que les cendres ont menti, longtemps qu’on n’y croit plus aux rebours, longtemps qu’on se sait loin (nous) des images, qu’on se sait loin de l’errance au front, loin de la route, de la poussière et de nos doigts sur les côtes.
    ― On ne va pas recommencer, on ne va pas poursuivre, la ligne s’arrêtera avant, vous le savez aussi bien que moi que tout ça n’a jamais été à ce point si bousculé. Fermez cette boucle. Fermez cette bouche. Bouchez les vues, ce paysage de déjà vu.
    Vous n’auriez qu’un mot à dire dans la rue la journée...
    ― Va.
    ― Oui c’est ça.

    Tu prétends attendre le train suivant alors que tu rejoins déjà cette chambre d’hôtel où le plancher craque. Tu crois porter ta valise alors que tu te surprends à ne plus te souvenir du nom de certaines rues. Tu penses lever les yeux mais tu sais déjà, season changing every hour, que la porte ne sera plus noire et que les sandales ne seront plus. Sur le miroir de la salle de bain, tu dessines alors le visage de ta-vie-sept-ans-plus-tard et celui de ton garçon puis tu redescends par l’ascenseur. Ici il n’y a pas de machine à remonter la ville-montre. Dehors c’est ciel sans étoiles, shadow blues, mannequins dans les vitrines, sacs recyclés empilés et nuit dominicale. Alors tu te mets à marcher à reculons dans ta ville d’avant, far from the pictures, les lacets défaits, calme, tes boucles coupées. Demain tu tremperas dans le thé des langues de chat.

    les phrases en italiques sont toutes issues de l’album de Kat Onoma, Far from the pictures.

    ChG – avril 2012

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Avril, nous on remonte le fil. Très heureux d’accueillir ce mois, à l’occasion des si fameux vases communicants, le non moins fameux Christophe Grossi, dont on suit le travail avec grand plaisir sur le blog Epagine et aussi le travail (l’autre) sur son site Déboîtements. Récemment souvenir d’avoir lu avec grand plaisir son road trip musical Va t’en va t’en c’est mieux pour tout le monde publié chez Publie.net. Avril, nous on remonte le fil : le thème commun de ce mois-ci, c’est le voyage dans le temps. Alors Christophe déambule là, chez moi, et moi partir à la recherche de son (sic) Kwakzibak à reculons ou à l’envers, chez lui.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour avril 2012 :

     Christopher Sélac et François Bon
     Isabelle Pariente-Butterlin et Hannah
     Louise Imagine et Christine Jeanney
     Juliette Mezenc et Benoît Vincent
     Samuel Dixneuf et Ferocias
     François Bonneau et Jean-Christophe Cros
     Danielle Masson et Éric Dubois
     Colette Maillard et Christophe Sanchez
     Anne Savelli et Gilda Fiermonte
     Joachim Séné et Edgar Kosma
     Christine Leininger et L.Sarah Dubas
     Catherine Desormières et Piero Cohen Hadria
     Camille Philibert-Rossignol et Franck Queyraud
     Sabine Huynh et Brigitte Célérier
     Nicolas Bleusher et Dominique Hasselmann
     Maryse Hache et Mathilde Roux
     Ana NB et Christine Zottele
     Lucien Suel et Laurent Margantin
     Guillaume Vissac et Christophe Grossi
     Daniel Bourrion et Xavier Galaup

  • I like Bad Bird and Bad Bird like me, par Ana Nb

    4 mai 2012

    mais y’ a rien sur le papier – tu comprends y ’a rien – eh fils de l’obscur regarde ouvre les yeux – ouvre les yeux – là le centre rien le centre vide – blanc tu comprends blanc – là un peu plus loin une maison – une tu comprends une – et là des carrés sombres – sombre tu comprends sombre -

    I like Bad Bird and Bad Bird like me- la nuit colle un ange à chaque maison -

    nulle part t’entends nulle part ça s’étend là - des éclaboussures de noir ça crache ça explose c’est noir d’aussi loin d’aussi près ta gueule dans le noir - et toi tu marches là t’écoutes la chute du linceuil tu sens l’odeur des noms brulés Crazy Body Blue Bird Big Bird Bad Bird Joseph B. l’homme à l’ombre penché tous les noms tombent - la ville sur le papier c’est ça t’entends – le soleil est dangereux ici – t’entends les fissures t’entends – fils de l’obscur réveille toi Blue Bird Blue Bird vole vole et claque tes ailes sur la ville flottante – fils de l’obscur réveille toi – tu vois les murs tu vois la peau grise des murs -

    marche - marche là là au milieu reste au milieu avance avance non tu ne trouveras pas d’autres rues et quoi des angles de rues et quoi une place eh filsde l’obscur lève les pieds sur les cailloux blancs ronds et lisses - tes mots sont vides de lumière – lève toi fils de l’obscur lève la tête regarde la neige – il neige Blue Bird sur tes ailes blessées il neige sur Bad Bird - marche allez marche

    marche écoute le silence de la mort écoute le silence de la vie écoute la voix ensevelie la voix parle du lieu d’ici la voix parle de l’ailleurs du lieu d’ici la voix parle du vide la voix parle du vide au centre – là - Bad Bird une toile noire traversée d’un trait noir - la voix parle de la boue des décombres dans l’obscurité – eh Blue Bird vole vole éloigne toi

    tu vois avec la longue route le voyage commence – le voyage commence là - comment ce bled s’appelle - là tu vois la longue route avec des nœuds tordus pas loin de la première maison - non le voyage commence plus loin à la frontière - Blue Bird Blue Bird voilà c’est ton nom – quoi Blue Bird c’est le nom du bled – non ton nom à toi fils de l’obscur – ton nom -

    Blue Bird Blue Bird vole vole et claque tes ailes sur la ville flottante Blue Bird Blue Bird vole vole sur la ville flottante – fils de l’obscur quitte le chemin du cheval renversé

    Blue Bird et Joseph B. s’arrêtent de marcher – Joseph B se penche sur des cailloux blancs ronds et lisses- Joseph B. se penche encore et son oreille frôle les cailloux - eh Blue Bird t’entends la fanfare hein la fanfare de Bad Bird - eh Joseph B va chercher le docteur de la peau des peaux ôtées des murs hein des couches de dentelle de mousseline de soie drapées de Crazy Body eh docteur tu vois l’intérieur de mon corps tu vois les plaques de lumière tu vois les plaques sombres tu vois mes fondations secrètes tâte le tissu sculptural de mon buste noir et mon crâne ouvre le docteur mon crâne - tu le vois l’échafaudage de mes pierres tu le vois – rouge lilas et jaune rouge lilas et jaune la frontière

    Blue Bird court maintenant sur la route couverte de neige – Joseph B. se dirige vers la première maison de Bad Bird – Joseph B. gravit cinq marches et colle son oreille à la porte - Transe de basses résonances je capture les heures de Bad Bird - intérieur au silence intact - eh Blue Bird ton cheval a la gueule de travers – eh Blue Bird tu veux coller tes fesses sur la frontière mexicaine ou les grandes étendues de l’Utah – le voyage commence là -

    (Joseph B. et Blue Bird semblent maintenant dormir.)

    Corps flottants sur les chemins d’eau c’est encore visible de nuit et de jour on voit ici les pierres toutes les pierres et la peau ôtée des murs la vie quittée des carrés de lumière la vie quittée des carrés d’ombre - et l’ombre froide des nuages et le corps du cheval renversé

    maintenant Blue Bird avance de l’autre côté de la ville - la ville de Bad Bird a fréquenté un ouragan les ouragans sont fréquents dans cette zone – les murs des maisons et le ciel ne font qu’un - eh Blue Bird t’entends le vent t’entends le vent sur la vaste étendue sèche et luisante – eh fils de l’obscur la nuit brûle tes yeux – la nuit a brûlé tous les yeux toutes les peaux toutes les langues ici à Bad Bird – eh tu entends l’eau tu entends l’eau du chemin d’eau – écoute marche marche plus loin éloigne toi du centre – tu sens la terre sous tes pieds -

    Le nom de la ville on ne le connaît pas – Bad Bird il a dit je suis le fils obscur de Bad Bird je suis le fils obscur de Crazy Body et - I like Bad Bird and Bad Bird like me -

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Premier vendredi de chaque mois (l’actuel) nous voilà, et jour choisi de mai pour accueillir Ana Nb sur Fuir, elle-même me reçoit en son jardin sauvage pour un échange autour (et sur et dans, et au cœur de peut-être) la ville fantôme 1. Très heureux d’échanger avec elle, et notre bannière étoilée commune un extrait du générique de la Quatrième dimension. Son Bad bird est ici chez lui, et mon Atacama, métropolis à lire chez elle, dans cet ordre ou dans n’importe quel autre.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour mai 2012 :

     Claudine Sales et Isabelle Pariente-Butterlin
     Marie-Anne Paveau et Delphine Regnard
     Louise Imagine et Joachim Séné
     L.Sarah Dubas et Christopher Sélac
     Mathilde Roux Jean-Christophe Cros
     Sabine Huynh et Deborah Heissler
     Christine Leininger et Éric Dubois
     Danielle Masson et Brigitte Célérier
     Maryse Hache et André Rougier
     Ana NB et Guillaume Vissac
     François Bonneau et Christophe Grossi
     Anne Savelli et Pierre Cohen-Hadria
     Franck Queyraud et Pierre Ménard
     Nolwenn Euzen et Christophe Sanchez
     Hèlène Verdier et Dominique Hasselmann
     Camille Philibert-Rossignol et Xavier Galaup
     Xavier Fisselier et Allerarom
     Caroline Gérard et Benoît Vincent

  • Les nouilles aussi sont des portes, par Michel Brosseau

    2 novembre 2012

    Le vase communicant de ce mois est dédié à Maryse Hache.

    En dire quoi des nouilles, sans enfiler clichés, façon collier de ?

    Maternelle, les avoir peintes, nouilles tubes, un nom sûrement mais lequel, tubes et stries légères ou rotondes simples ; de la difficulté de les tenir sans se mettre de la peinture plein les doigts, ça gardé en mémoire : de l’assemblage sur fil ne reste rien, ni de l’avoir offert fête des mères.

    Fiction ? Reconstruction ? Mais demeure croquer nouille crue, comment craque claque blé dur sous la dent, ne pas aimer éclats en bouche. Retrouvé le soir quand les gosses en croquent cuisine. Leur blague pâtes riches pauvre nouille.

    (ne pas traiter aujourd’hui du recours quasi quotidien au plat de nouilles, ni des expressions ayant trait à, conscient de l’arbitraire du choix !)

    Pâtes demeuré hors lexique, signal qui appelle presque méfiance, c’est autre monde, mots de ceux qui n’écorchent pas la langue (et celle-ci le leur rend bien), monde des mots ronds qui échappent à la mastication, mots qui digne d’écran télé. Qu’un accent circonflexe vous fait relever la tête vous dignifie, son long qui s’ouvre en toute puissance, tandis que mouille patouille du digne te passe : nouilles sont matière, paradoxalement d’un coup de pluriel seulement pâtes transcende désignation matière !

    Collier de nouilles et non collier de pâtes. À noter que l’article Wikipédia collier de nouilles renvoie à l’article art modeste.

    Pâte pasta origine attestée quand nouille emprunté à l’Allemand Nudel, d’origine incertaine. De ces mots qui sortent de la nuit sans prévenir. Mots matière génération spontanée.

    Pâtes lumineuses d’Italie Panzani Barilla exotisme cliché, quand nouilles espèce de pâte d’Allemagne faite avec de la farine et des œufs, et qui, par la manière dont elle est coupée, ressemble au vermicelle ; mais le goût est fort différent ainsi que l’accommodement ; les nouilles se mangent frites, et non pas, comme le vermicelle, en potage. Dans les livres de cuisine on écrit ordinairement noules. (Littré) Mais du passage de noules au son mouillé, et venu à désigner ce qui pâtes auparavant ? Soupçonne l’industrie de fondre le lexique…

    D’un possible voyage, Italie, Chine lointaine. S’il existe une route de la soie ou des épices, point de route des nouilles ou des pâtes ! Origines incertaines (vous laisse le soin de consulter l’article encyclopédie en ligne), pêle-mêle dates légende histoire. Qu’importe, plutôt curieux de savoir ce qu’écrivait chacun en bord d’assiette, pâtes alphabet sorties bouillon de légumes. Et quels prénoms, quels mots, et comment on les a de nouveau noyés au bouillon, ou lettre à lettre se les être magiquement incorporés, et quelles histoires ont ainsi démarré en bordure d’assiette creuse…

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Reprise ponctuelle des vases communicants et grand plaisir d’accueillir ici Michel Brosseau pour un échange thématique autour, oui oui, des nouilles. Michel Brosseau a publié plusieurs textes chez Publie.net, dont Mannish boy, lu il y a quelques années, et dont je garde très bons souvenirs, et La Bac d’abord, qui vient de sortir dans la collection Publie.noir. Michel Brosseau m’accueille à son tour chez lui pour un texte qui pourrait faire partie (ou non) du projet Publie autour des photos de Junku Nishimura (à voir).

    Voilà la liste complète des vases communicants pour novembre 2012 :

     Mathilde Roux et Jean-Marc Undriener
     Poivert et André Rougier
     Euonimus Blue et Éric Dubois
     Danielle Masson et Jérôme Fandor
     Virginie Gautier et Ana NB
     Anne Savelli et Olivier Hodasava
     Anne-Charlotte et Christopher Sélac
     Lirina Bloom et Nicolas Bleusher
     François Bonneau et Pierre Ménard
     François Bon et Arnaud Maïsetti
     Christine Leininger et Camille Philibert-Rossignol
     Michel Brosseau et Guillaume Vissac
     Christine Jeanney et Piero Cohen-Hadria
     Anna Jouy et Murièle Modely
     Sabine Normand et Wanatoctoumi
     Frédérique Martin et Francesco Pittau
     Elizabeth Legros-Chapuis et Amélie Charcosset
     Martine Horovitz Silver et Valérie Pascual
     Déborah Heissler et Christophe Sanchez
     Catherine Désormière et Dominique Hasselmann
     Madame de Keravel et Dominique Autro
     Maïa et Louise Imagine
     Maryse Hache et Laure Morali
     Eve de Laudec et Brigitte Célérier

  • 230413

    23 avril 2013

    Suis pas certain de vouloir vivre dans un monde où une marque (quelle que soit cette marque) te demande, à 7h13 du mat’, quelle est la première chose que tu fais, justement, le matin. Dans un avenir plus ou moins proche ces mêmes marques nous parleront de vives voix sans notre accord, dans le bruit blanc de nos crânes dopés aux stéroïdes de communication (Twitter n’est qu’un préambule). Seul véritable luxe, le silence. Tout le monde n’aura pas les moyens d’en avoir, tout comme en Chine présente, selon cette émission cathodique, les pauvres bouffent de la bouffe de pauvre, issue de bêtes malades, contaminées, et les élites s’approvisionnent dans des biofermes secrètes réservées à leur seule consommation. D’ailleurs, nous approchons doucement de la date fatidique du 21 octobre 2015, jour où Marty et le Doc mettent un pied dans le futur de Retour vers le futur II, qui est un futur probablement aussi désespérant que le présent de l’époque, que notre présent actuel, et dans lequel la littérature numérique n’existe pas, au contraire du papier anti-poussière et des voitures volantes.

    Deux mails dans la journée : l’un concerne cette lecture autour des vases communicants, le 2 mai prochain, à la bibliothèque Faidherbe, et suite auquel je me demande encore quel texte je pourrais lire (je pense à trois : Triac, Atacama metropolis et Cent-énième étage) ; l’autre est un spam envoyé par l’Etablissement Français du sang en Ile de France qui m’encourage à donner quelques litres du mien, auquel je souhaiterais répondre (mais je ne le ferai pas) qu’en tant que dep mon sang l’Etat français il n’en veut pas, alors je me le garde.

    Parfois, une fois la journée close, ne chercher qu’une seule chose : débarrasser nos peaux de leurs couches synthétiques en faux polyester et plonger son squelette sous une eau bouillonnante jusqu’à faire abstraction non seulement de toutes choses mais surtout de toutes formes de choses. S’en servir les jours de crâne, ne surtout pas se laisser enfermer sous la douleur, la dissoudre à l’eau chaude, et si j’ai une pensée pour l’oeil de demain, victime qui sait de toutes les formes envisageables de la postapocalypse, qui vit lui dans un monde où l’eau claire est comptée, probablement, mais qui me lit malgré tout grâce aux copies carbones réalisées sur le réseau à mon insu dans notre monde présent, je m’excuse, sincèrement, de ce grand gaspillage d’eau potable, mais cette eau que j’arrache à l’avenir est aussi une eau qui m’est précieuse, elle qui m’épargnera si j’ai de la chance une dose de paracétamol de plus, létale nécessairement, tant je me doute que d’ici 2055 le paracétamol aura été reconnu nocif pour la santé humaine, capable de faire germer sous les crânes qui en usent, devenus pommes de terres, des armées de racines concentriques mastiquantes.

    Mueller (115 mots) :

    Le fiable n’a pas eu le temps d’utiliser son nez
    ou ses lèvres pour m’expliquer, au juste, ce qui
    avait motivé son récit de la villofixoa que nous
    avions traversée plusieurs jours plus tôt... Une
    tête bien ronde a explosé. La sienne. Une flèche
    en tek, sculptée au cœur, est apparue de part &
    d’autre de son crâne mou. Une gerbe de sang ocre
    a embrassé le visage de Mueller qui sourit & s’y
    lèche la moustache & la barbe. Goût de girolle &
    de cendres & d’acier. Il s’échappe de lui-même &
    de sa carcasse tendre comme on ôte un vêtement :
    debout sur ses 2 jambes il profite du soleil sur
    ses yeux. Les corps se regardent. Mueller aussi.

  • 270413

    27 avril 2013

    Relu les trois textes envisagés pour la lecture des vases communicants, jeudi, bibliothèque Faidherbe. Les trois ont été écrits à quelques mois d’intervalle, durant la même période, suivant le même élan, ils ont pour titres Triac, Cent-énième étage et Atacama, métropolis. Pas lu ces textes depuis leurs mises en ligne et suis surpris de constater, à la lecture, que je n’y comprends rien et que j’ai oublié tout ou partie de ce qui me tenait à cœur durant leur écriture, ce qui, à la fois, me remplit de joie, et me désespère complètement (finalement, ce sera Cent-énième étage).

    Grosse déception : aucun Dostoievski traduit par Markowicz en numérique légal.

    Envie de ne plus rien écrire d’autre que moi-même, c’est-à-dire refuser systématiquement toute sollicitation extérieure et n’écrire que pour ce lieu unique : le site.

    mondeling : 1935 mots d’un truc que j’appelle entretien préalable, transcription d’un entretien réel vécu en 2010, enregistré à la poche en pirate. Résultat amusant mais peu concluant en l’état. Me dis mais je suis bon qu’à ça : transcrire et mélanger ce que d’autres voix avant moi ont oralement écrit.

    H. est de retour d’Europe.

    Mueller (19 mots) :

    Mueller nous tire hors de nous-mêmes & hors d’un
    gouffre qui se ferme sur nous : le crin se tend.

  • 010513

    1er mai 2013

    Je sais pas si ça se fait mais je retouche, très légèrement (c’est l’affaire de quoi huit ou neuf mots), ce texte, Cent-énième étage, que je prévoie de lire, demain, à la bibliothèque Faidherbe.

    Bientôt un an que le journal est sous cette forme (je parle de la date et du titre) : savoir ce que ça a changé dans l’écriture.

    Concernant le possible journal de Coup de tête, j’hésite. Où le situer ? L’inclure dans Fuir ? Sais pas pourquoi mais j’aime mieux pas. Un autre Spip hors Fuir ? Pour quoi faire ? Pas besoin de quarante rubriques. Un wordpress ou un dotclear tout simple ? Peut-être, mais dans ce cas là il sera balancé hors flux principal. En réalité ça n’est pas très important.

    Tranché : ce sera une sous-rubrique dans Fuir, classé dans Médecine que je renomme Moelle (siège des archives mémorielles). Comme ça je profite du plugin révisions.

    Mueller (154 mots) :

    La tête du fiable crevée, son corps est mort une
    deuxième fois. On ne reconnaît plus son visage :
    il a glissé à l’intérieur & l’intérieur n’a plus
    grand chose à voir avec un crâne humain... C’est
    terminé cette fois. Mueller, en sueur, s’allonge
    de tout son long dans le sable. Il n’y a plus de
    tempête autour de nous ni de bouche très ouverte
    dans le sable. Le corps du fiable ne pourrit pas
    à vue d’oeil comme dans la projection mentale de
    tout à l’heure. L’un des corps le pique avec une
    branche, mais c’est une branche issue de la même
    projection mentale que tout à l’heure : celle-ci
    avait poussé dans la gorge enfouie dans le sable
    (raison pour laquelle au moment même où le corps
    s’en saisit pour piquer le cadavre du fiable, la
    branche disparaît). Le corps la cherche un temps
    avant de l’oublier. Le Cap a déjà tourné le dos.

  • 020513

    2 mai 2013

    Michel Brosseau photographiant Virginie Gauthier & Mathilde Roux lors de la lecture Vases communicants : du blog à la scène à la bibliothèque Faidherbe

    Avant la bibliothèque Faidherbe : 1g de paracétamol préventif (journée à 55 appels). Y découvre la tête de pleins de gens que je lis depuis des mois ou des années et puis des fois détails : par exemple : Christophe Grossi est vachement grand. Et Anne Savelli, pendant qu’elle lit, doucement se balance.

    Lu Cent-énième étage comme si je l’écoutais. Avant lire m’être dit : et si une fois mon tour venu un autre moi se présentait pour lire, savoir quel genre de double ce serait et puis (surtout) savoir ce qu’il lirait.

    Après lectures, les chaises, voilà, me suis enfui, non sans dire au revoir, pour préparer mes trucs avant départ demain-dès-l’aube, 6h58, pour le cimetière.

    Mueller (70 mots) :

    Mueller a déjà tourné le dos. Il a planté toutes
    ses jambes dans le sable & il cherche au-delà de
    la dune & du vent quelque chose sur quoi prendre
    appui. Il crache plusieurs mots qui veulent dire
    plus ou moins la même chose que de nombreux mots
    déjà dits précédemment & que l’on peut traduire,
    quelque part, par les mots allons-y. Tous autant
    que nous sommes nous obéissons... Mueller aussi.

  • Insurrection vagabonde, par Fane

    5 juillet 2013

    Un pas en avant et l’autre suivra
    Me dit le baroudeur du tram
    On the way et foulard rouge
    Chapeau jones et pull en beige
    Trois jours de barbe et huit de cuite
    Quand il me dit en réponse à mon envie d’autres pays
    sourire sincère devenu rare dans nos contrées
    « Prie sainte Anne qui guidera ton deuxième pas, mon frère,
    Pour que les suivants ne soient qu’un chef d’œuvre
    Issu d’un *hips* putain de rêve d’aventure »
    Froid glacial dans l’âme d’un autre nomade.
    Balançant l’harmonica chauffé à la paume, au visage d’JC
    Usant de son art pour gueuler son désaccord, tel Hugo à p’tit bidon.
    « Ôte toi de mon soleil ! » Hurla ce vieux cynique peu charismatique
    Au téléviseur de la vitrine, et son JT de 20h
    C’est décidé. Comme eux,
    J’Into The Wild ma vie afin d’aller vous faire foutre.
    J’me casse parc’qu’à trop encaisser j’en ai cassé mes casseroles
    J’peux plus me retourner pour mieux griller le cerveau.
    On meurt d’la tête de faim
    Par paupérisation stomacale d’influence intellectuelle
    Je prends la route
    J’la dégrafe des villes
    J’l’arrache des vallées
    Et en retire le fil des montagnes
    Car je suis un sans-chemin
    Type d’une espèce peu rare
    Quand le rêve défie le loup
    Et que le loup, gueule grande ouverte
    Dents acérées,
    Sert de réel

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    Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

    Suis resté à distance des vases communicants pendant quelques mois mais je m’y replonge avec plaisir aujourd’hui pour accueillir une voix neuve, que j’ai eu beaucoup de plaisir à citer dans le journal il y a peu, en l’occurrence celle de Fane, lycéen de Brest, dont j’avais rencontré la classe l’année dernière à l’occasion du projet Ivoix. Bref, je l’accueille ici sur Fuir avec plaisir et lui idem sur Mange tes classiques, revue blogpoétique. Sommes partis tous les deux d’un thème commun : l’insurrection.

    Voilà la liste complète des vases communicants pour juillet 2013 :

    Poivert et Philippe Aigrain
    Camille Philibert-Rossignol et Pierre Cohen-Hadria
    Poivert 2 et Delphine Renard
    Olivier Hodasava et Yannick Vallet
    Zéo Zigzags et Julien Boutonnier
    Sabine Huynh et Christophe Grossi
    Franck Queyraud et Samuel Dixneuf Mocozet
    Christopher Sélac et Jean-Philippe Depotte
    Marlène Tissot et Marianne Desroziers
    Francois Bonneau et Eric Dubois
    Ana NB et Emmanuel Delabranche
    Myriam Rubis et Barbara Albeck
    Anne-Charlotte Chéron et Dominique Hasselmann
    Nolwenn Euzen et Jean-Marc Undriener
    Myriam OH et Wana Toctouillou
    Guillaume Vissac et Mange tes classiques
    Giovanni Merloni et Brigitte Célérier


  • ↑ 1 Celle de The Last Man ? Qui sait (ou peu importe).

    The earth, late wide circus for the display of dignified exploits, vast theatre for a magnificent drama, now presented a vacant space, an empty stage - for actor or spectator there was no longer aught to say or hear.