13 octobre 2018Le maté est arrivé hier : une calebasse, une bombilla (mais qui se pronnonce cha) et 500g de Yerba Maté d’Uruguay Canarias. C’est pas aussi mauvais que ça à quoi je m’attendais. Je veux dire ça l’est, surtout que j’ai bien dû le rater (c’est tout un bins), mais beaucoup moins que le café par exemple. Ça demande un certain temps de préparation. Pour les effets bénéfiques supposés, on va attendre et voir. Il n’y a pas grand chose d’autre à en dire et c’est une tristesse assourdissante qui a pris possession de moi, par exemple quand je lis cette phrase 1 : La mère nous regarde et ne nous voit pas ou voit des choses de nous que nous, nous ne savons pas. Toute la journée passée ou presque sur un article que je dois rendre à la fin de ce mois. J’aurais dû boucler ça en deux heures, passer de 15000 signes à 10000 signes (mais non). Et ce n’est pas fini. Je terminerai Omar et Greg, un livre qui est et n’est pas sur le FN. Au niveau de l’écriture, on est entre le générique d’Amicalement Vôtre et Svetlana Alexievitch. L’alternance des récits (chacun des personnages conduit le sien, on passe de l’un à l’autre) construit une narration en canon (des canons dissonants, d’autres fois concordants). Il y a des correspondances et des effets de rupture. C’est fluide. Beaucoup repensé à ce texte de Lou, pendant. Il faudra que je lui passe ce livre. Guyotat chez Marie Richeux dans « Par les temps qui courent », qui est la première émission de radio que j’écoute en direct depuis des années : déplacement des figures, pas de psychologie, s’en remettre à la matière. Comme dans ce bout de la ruelle pavée entre des taudis bas qui résonnent de criailleries d’enfants, l’eau noire du canal fendue par une longue péniche de sable blond éclairé par des lumignons, dont les flancs charrient les glaces qui regèlent. Que veux-tu dire, ou croire, ou penser, après avoir lu ça ? 13 décembre 2018J’ai un problème avec le temps. J’arrive pas à accepter que des moments entiers soient gelés, scellés même, dans le passé, ou dans une forme de futur conditionnel, vaporeux (ce qui au fond revient au même). J’aimerais savoir, les moments auxquels je pense (et qui peuvent être beaucoup moins que ça, des instants par exemple, ou plus encore, des heures, des jours, entières, entiers), les sauver de leur fugacité. J’aimerais avoir de quoi le faire (peut-être qu’écrire c’était ça, je veux dire c’est ?). J’aimerais pouvoir ne pas douter qu’ils ont pu un jour, ou qu’ils vont sans doute, exister. Mais je sais que l’étape à venir, après cette sidération dont j’essaye un peu maladroitement ici de rendre compte, c’est précisément de douter de tout ce qui a pu (ou qui, espérons-le, saura) advenir. Était-ce réel ? Vraisemblable ? Par exemple, longtemps j’ai douté, me remémorant notre rencontre avec H., qu’il m’avait embrassé ce jour-là. J’en suis venu à douter de ça. Ça n’a pas duré très longtemps. Pouvais-je l’avoir rêvé ? Aujourd’hui je sais que non. Je n’ai pas rêvé. C’était au bout du monde. Mais ça ne m’aide pas pour autant à me défaire de ça, cette malédiction du temps dont on n’aura pas été foutu, capable je veux dire, d’interrompre même momentanément le cours. Et je m’en veux de ça. N’avoir pas été en mesure. Mais j’aimerais un jour écrire un livre d’entretiens, de témoignages, je sais pas trop comment il faut le dire. Svetlana Alexievitch, Omar et Greg, « Les pieds sur terre », ces trucs me parlent. J’aimerais faire quelque chose comme ça, quelque chose de très simple, à partir de la parole des autres. Collecter beaucoup, beaucoup de paroles. Orales si possible. Et éditer. Je veux dire monter. Le thème pourrait en être, précisément, ces instants de nos vies dont nous sommes venus, pour des raisons diverses, à douter. Les trucs dont on n’est plus très sûrs de savoir s’ils ont eu lieu ou non. Ce serait beau. Ce serait un beau prétexte, je veux dire. Mais c’est pas avec ça qu’on pourra revenir en arrière, pas vrai ? La lumière de Tokyo 3 octobre 2019
Quand j’étais à La Haye pour le festival Crossing Borders, tout ce que je voulais c’était aller voir cette plage. Mais c’était en plein mois de novembre et le temps était épouvantable (une espèce de bruine froide hyper humide en permanence) alors, à la place, je passerai mon temps dans des musées. Le musée Escher, surtout, mais aussi le Mauritshuis, où on peut voir, comme le raconte un peu plus tôt Sebald d’ailleurs, La Leçon d’anatomie du docteur Tulp. Mais en réalité, je m’ennuie en lisant Les anneaux de Saturn. Je vois bien ce qui ce joue ici, et combien l’écriture s’agrège ou se désagrège en traversant ces nappes temporelles qui s’interpénètrent, je sais, c’est singulier, et je sais que je le sais. Mais je ne peux pas m’empêcher de m’ennuyer le lisant. Ça n’est pas grave en soi. Rien n’est grave en matière de lecture. Et je pourrais tout aussi bien laisser ce livre de côté pour commencer autre chose (du reste, c’est précisément ce que je vais faire). C’est un peu différent avec La lune dans le puits, de François Beaune : je trouve le concept du livre (dresser le portrait d’un Méditerranéen fictif dans une concaténation de récits réels racontés par des anonymes et retranscrits dans le livre en les classant par l’âge des personnes, de manière à aller de la naissance à la vieillesse d’un personnage donné en point aveugle, composé d’une foule de discours, présent partout mais existant nulle part) plus intéressant que sa réalisation. Bien sûr, un livre comme ça, on ne peut pas ne pas tomber dans l’irrégularité des témoignages qui le composent. Mais ce n’est pas ça qui me gène. Je ne comprends pas le parti pris de l’auteur d’avoir lui aussi écrit entre les témoignages (ces passages sont en italique dans le livre) plutôt que de s’en être entièrement remis au discours des personnes qui lui ont confié leurs histoires vraies. Ça n’en fait pas un mauvais livre pour autant. Mais disons que je ne suis pas entièrement convaincu. Mais qui s’intéresse au fait que je sois, ou non, entièrement convaincu de quoi que ce soit ? L’ennui revient souvent dans mes lectures. Même dans Le dossier M, qui est un livre fou, j’ai passé plusieurs centaines de pages à m’ennuyer avant de tomber dedans. Et l’un des livres les plus forts que j’ai lu dernièrement est un manga de Minetarō Mochizuki appelé Dragon Head. Si tous les livres étaient comme lui, je ne m’ennuierais pas en les lisant. Est-ce le but en soi d’un livre qu’on lit, échapper à l’ennui ? J’aimerais qu’on ne s’ennuie pas quand on lira (si quelqu’un se met dans l’idée de lire) Grieg. Comme mauvaise idée de titre à choisir, il y a aussi de mettre un chiffre car quand il y a un chiffre on a tendance à se dire je ne vais pas lire le 3 ou le 4, je n’ai pas lu les tomes précédents. Sauf que là, il n’y aura pas de tome précédent. Ah ah, qu’est-ce qu’on rirait. Par exemple, je pense à mondeling 2, avec ou sans majuscule, ce qui me permettrait de reprendre un titre que j’aime beaucoup mais que j’ai sans doute mal utilisé, d’autant plus que Grieg, bien que n’ayant rien à voir avec Mondeling, a tout à voir avec les énergies qui irriguent Mondeling (visuel, noir et blanc, trajectoires à travers le monde, récits oraux enregistrés). Dans le domaine quasi inépuisable des mauvaises idées de roman à exploiter, celle-ci est donc plutôt bonne. |
↑ 1 Tirée des Chiens romantiques de Bolańo parus chez Christian Bourgois et traduits par Robert Amutio.