Alexandre Dumas



  • 191118

    19 décembre 2018

    C’est un beau jour pour moi que celui
    où je me sens aimé
    d’un homme comme vous
     1 et moi
    il faudrait que j’apprenne
    à ne surtout rien attendre
    de personne.
    Il faudrait simplement accueillir
    quoi que ce soit
    avec émerveillement.

    *

    Ici
    avant que la neige fasse
    ce qu’elle sait faire de mieux
    (renoncer à apparaître)
    je suis allé claquer
    en fringues
    avant de le toucher
    le fric de la SGDL.
    Une partie tout du moins et
    ça ne m’a pas rendu autre
    pour autant.

    *

    On a beau me répondre
    quand je m’adresse
    à quelqu’un
    c’est tout comme si
    on ne m’avait rien dit et moi
    j’en suis à transformer
    des souvenirs
    lumineux hier encore
    en une noirceur douce
    demain.
    J’aimerais
    cette fois
    que d’autres neiges me montrent
    comment tomber sans heurt.

  • 301118

    30 décembre 2018

    Ça se prépare comment
    les daïkons ?
    La bande-son de Zelda Breath of the Wild dure
    plus de six heures.
    Je reçois des messages de
    Crêpe maker.
    J’ai fait
    une erreur con d’ISBN et je cherche aussi dans mes archives l’adresse postale de Christine, où est-ce qu’elle est passée ? Une ligne excel qui a blanchi. Est-ce que ça se mangerait cru ? Je parle des daïkons. Et c’est qui ou c’est quoi, Crêpe maker ? H. avant que le jour ne (se) lève : tu te lèves bien tôt. Les navets, je sais pas les faire autrement qu’en les faisant revenir dans de l’huile de sésame et caraméliser dans de la sauce soja, toutes mes autres tentatives de les rendre mangeables ont foiré. Ou alors sous forme de soupe ? L. offre à N. du fromage pour son anniversaire et elle craint qu’on ait sombré dans l’âge adulte (oui), mais que pensera-t-elle de ma machine à soupe, quand je l’aurai ? Là, un rendez-vous téléphonique vers 14h ou 15h pour boucler un projet qui a commencé il y a un an, je crois bien. Les servir avec une soupe miso aux oignons naganegi (mais c’est la première fois de ma vie que j’entends parler de ces trucs). Cela fait plus de sept ans que j’essaye, en vain, de lire Monstruaire de Julían Ríos. Vais-je y parvenir cette fois ? Je tiens bon. Il fait super chaud dehors. Je veux dire, il fait super chaud quand on s’attend comme moi à ce qu’il fasse froid. À Saint-Etienne j’entends qu’il faisait froid mais, moi, je n’y suis pas. Il faut que je rachète des enveloppes à bulles et du maté en ligne (c’est une corvée du troisième millénaire). Mais lisant par bribes le livre de Noam Assayag 2, je réalise que je m’étais trompé dans mon approche : réaliser une carte des silences dans Paris. Le truc, ce serait plutôt de localiser les lieux où, dans la ville, tu pourrais t’assoupir. D’ici-là, nous terminons la phase de test du dépôt légal du livre numérique dont nous sommes l’éditeur pilote et j’ai l’impression, puisqu’on s’apprête à entrer en production, d’envoyer une sonde sur Mars. Finalement non. Pas aujourd’hui. Ou, pire, dans les océans souterrains d’une lune de Jupiter ? Quand soudain, en terminant de relire ce texte et de l’annoter, et me disant pourquoi le texte n’est-il pas plutôt parti dans cette direction (comme souvent), je vois venir l’idée qui me manquait pour écrire « Bara no hanayome » (pour Seconda, du 25 au 27 janvier prochain). Je n’en parle pas à L. qui me dit par texto que
    le Comte de Monte-Cristo
    c’est Michel Strogoff et moi
    je lui dis c’est Batman.
    On se comprend.

  • 311219

    31 janvier 2020

    Quand on lit Les Échos, ce qui est en soi incongru, on a la sensation que Carlos Ghosn c’est le Comte de Montecristo. Mais qui se souviendra qu’un type appelé Carlos Ghosn a existé, dans un siècle, ou même cinquante ans ? Et ce qu’il a, ou non, fait ? Se souviendra-t-on en revanche qu’à notre époque, voler un truc dans un supermarché parce qu’on ne mange pas à sa faim était passible de prison ferme ? Carlos Ghosn, lui, était en liberté sous caution. Il a abandonné ses passeports pour se terrer à Beyrouth. Qui est-il désormais ? À quelle identité peut-on se référer, sachant que ses passeports sont en possession de ses avocats (notons que quand on est un homme très riche et/ou puissant, on vit sa vie au pluriel) au Japon ? A-t-il encore le droit de prétendre s’appeler Carlos Ghosn ? Si ce n’est pas le cas, quel nom lui donner ? Il est comme le ninja dans Metal Gear Solid : I am like you. I have no name. Mais dans le cas qui nos occupe, il n’y a pas de you. Il n’y a que lui. Il est seul. Enfin, il est seul avec son équipe de communication (ce qui est un genre de solitude en soi). Ce qu’il lui reste à faire, dans le territoire de la fiction, c’est de devenir un genre de supervilain de bande dessinée. Mais un supervilain aurait-il comme ambition de simplement se faire de la tune sur le dos des sociétés qu’il prétend diriger ? D’une certaine façon, c’est un peu pauvre. Et dans un récit, on n’y croirait pas. D’ailleurs, je me demande. Qui est le nouveau CEO de STAT au niveau international désormais ? Du temps où j’y travaillais encore, c’était un cost-killer (comme Ghosn, tiens) anglais. On nous avait même présenté à lui un jour (c’était genre un honneur). Au Royaume-Uni, il jouissait d’un surnom absolument délirant, qui relevait plus des chevaliers noirs de Fantasy que de la Finance. On dit de lui qu’il a sauvé la marque à une époque où elle plongeait. À lui tout seul ? Puis il est devenu Chairman of the board, et alors le poste de CEO a été confié à un type qui appelait le PDG de la filiale France (qui est depuis devenu PDG d’une autre marque, toujours détenue par la première, mais cette fois-ci au niveau monde comme on dit) en plein milieu de la nuit, et il fallait lui répondre. Il a ensuite démissionné suite à une révélation embarrassante sur son passé... Désormais, le CEO (Chief Executive Officer) de la marque est l’ancien CFO (Chief Financial Officer). Un DAF. Un Américain. La marque revient donc géographiquement dans le giron qui était le sien initialement, bien qu’elle soit à présent cotée en Asie, où la majeure partie de la production a lieu par ailleurs. Il y a des usines en Europe. Y en a-t-il encore aux États-Unis ? La question de la production est d’importance. On le voit bien en écriture : on produit finalement comme on est. Si on est un sagouin, ça ne nous pose pas trop de problème de produire dans des conditions impropres au salut de la planète ou à celui des employés qui font le sale boulot. Le sale boulot pue : voilà ce que j’avais déduit de mes différentes visites d’usines dans l’est de l’Europe, à l’époque. Ça sentait les matériaux fondus. Divers dérivés du pétrole traités chimiquement pour devenir autre chose que ce que c’était à la base : des restes fossilisés de créatures éteintes depuis des millions d’années et sédimentées dans les profondeur de la planète. Ces gens se fichent pas mal des profondeurs de la planète. Je parle des Carlos Ghosn et compagnie. Ou alors, non, ils ne s’en fichent pas et dans ce cas c’est encore plus triste. Ce qui est triste au fond, ce n’est pas d’imaginer Ghosn seul à Noël en résidence surveillée. C’est de se dire que lui, c’est un sujet. Pire qu’un sujet : un trending topic. C’est romanesque. C’est romantique. On attend le biopic avec impatience car, après tout, c’est un capitaine d’industrie. D’ailleurs, j’en parle dans ce journal. Alors que les autres, non. Celles et ceux des chaînes d’assemblage. Qui sont dans la puanteur des matériaux transformés. Qui baignent là-dedans. Qui le respirent. Qui se retrouvent vendus avec leurs murs à une autre entreprise pour un euro symbolique, le tout pour sauver leur activité, quand leur activité est effectivement sauvée et pas le fruit d’une espèce de spéculation malhonnête visant à toucher des aides d’État pour s’implanter sur son sol, et ensuite disparaître avec l’argent glané dans des paradis fiscaux. Or nous, ce dont nous avons besoin, ce sont des paradis de vie. Pas des paradis de tableurs et de taux. Un super-héros est-il capable de nous l’apporter ? Plus le temps passe, plus on en doute. Mais un supervilain d’un autre genre ? Quelqu’un qui n’a plus rien à perdre ? Qui s’élève contre les injustices dans ce monde ? Qui se retranche dans un pays reculé pour mieux contre-attaquer librement ? En voilà une idée de récit qui prendrait. En voilà un créneau à exploiter. Un comte de Monte-Cristo, quoi. Un ghost plutôt qu’un Ghosn.

  • 160220

    16 mars 2020

    Bien que ce geste soit plus dicté par le manque d’espace autour de moi qu’une réelle volonté philosophique, je suis assez séduit par l’idée de ranger mon ordinateur dans ma bibliothèque comme un livre, et puis le laisser là en attendant d’avoir à le reprendre le lendemain. Heathcliff aurait-il fait une chose pareille s’il avait vécu à notre époque ? Rodrigo Fresán écrit ici que son personnage préfigure ceux du Conte de Monte-Cristo, et de Bruce Wayne. Et moi, je n’ai jamais lu Les Hauts de Hurlevent. Comme à chaque fois que je lis Fresán, j’en ressors avec une envie de lire d’autres livres que les siens. Kurt Vonnegut, Philip K. Dick, La Quatrième dimension (ce n’est pas un livre, mais quelque part si), Peter Pan, Tender is the Night. Et, donc, Les Hauts de Hurlevents 3. Au fond, c’est toujours la même chose, quand quelqu’un, qu’il soit personne de chair ou personnage de fiction, parle d’un livre, ou d’un personnage dans un livre, il parle en réalité de lui-même. Comme l’écrit Benoît Vincent dans L’innommable : Le rapport est circulaire ; ce que je dis du texte, je le dis de moi. Ce que je crois trouver en lui, lui l’a révélé de moi. C’est le cas chez Stephen Dedalus quand il disserte (ou digresse) sur Hamlet. Là, j’atteins puis je dépasse, dans l’ombre, les 25% du texte original. J’aurais mis huit ans pouren arriver à ce point (de traduction, de détournement, je ne sais pas comment il faut dire). Il faut donc estimer, à supposer que je garde à peu près le même rythme, que j’aurais entre cinquante et soixante ans lorsque j’atteindrai le monologue de Molly Bloom. Ça me va. Chez Jünger, ces amas blanchâtres de chair et d’entrailles, au milieu de la table, sont couronnés d’un quelque chose de rouge comme une semaine ou une fraise. C’est un cœur, et il bat d’un rythme lent et régulier, le même rythme seon lequel les tortues meuvent leurs pattes — un cœur fidèle, il émet des signaux posthumes. 4 Je m’attendais pas à cette part de violence. Il y a de la violence chez Jünger manifestement. Mais aussi, toujours, une incompréhension de la violence. Le mot n’est peut-être pas le bon. L’impossibilité de concilier ce qui est perçu de ce qui est intellectualisé. Un hiatus entre le monde en soi et le monde hors. Je suis moi-même saisi par la violence avec laquelle la violence, justement, s’est immiscée dans nos vies numériques. Il n’y a pas si longtemps, lorsque tu lisais une vidéo dans un flux dit social en autoplay (par exemple sur Twitter), c’était forcément un truc un peu drôle (ou qui tentait de l’être). Il y avait de la distance et du second degré. C’était tellement évident que ça en devenait systématique, et un brin gonflant je dois dire. Aujourd’hui, maintenant qu’on a appris à désactiver les autoplay, tu ne sais plus en cliquant sur une vidéo dans ton flux personnalisé si tu vas tomber sur un truc comique (plus ou moins artisanal d’ailleurs), une vidéo porno d’une célébrité X ou Y leakée par quelqu’un ou une pour des raisons qui nous échappent (ou nous dépassent) ou une scène de violence policière. Il faudrait mesurer le nombre de vidéos de violence policière par rapport au nombre total de vidéo sur ces réseaux et comparer de mois en mois. Ce serait vertigineux.


  • ↑ 1 Le Comte de Monte-Cristo.

    ↑ 2 Only ever yours to unearth : / a geography of sanctuaries.

    Places of calm, where even the city forgets itself. Folds and fallbacks, places where you feel safeenough to rest : we are but the sum of our safe houses.

    Noam Assayag, Activating cities, Circadian, P. 83

    ↑ 3 Wuthering Heights n’est pas un roman de vampires, non. Il est beaucoup plus intéressant dans la mesure où il s’agit d’un roman de vampirisés. Traduction Isabelle Gugnon, Seuil.

    ↑ 4 In Soixante-dix s’efface, Gallimard, traduction Henri Plard, P. 84