Simon Morris



  • 031119

    3 décembre 2019

    Hier avec H., discutant avec V., qui est musicien, nous en viendrons à aborder les différences et les similarités de nos pratiques respectives. Comment s’entraîne-t-on quand on écrit ? Est-ce que l’on fait ses gammes ? Comment ? Est-ce qu’il convient simplement de faire ou de bien faire ? Et je repense à ce projet mené par Simon Morris, signalé dans L’écriture sans écriture, de recopier strictement Sur la route de Kerouac sur un blog, une page après l’autre, et de la façon (dixit Goldsmith) que ça a eu de complètement révolutionner son regard sur le livre, et au-delà sur l’écriture. Comment être au plus près d’une œuvre qu’en la réécrivant soi-même ? J’ai rarement écrit sur les traces de. Et je n’ai pas beaucoup suivi d’ateliers d’écriture (une année à la fac). Je n’ai pas souvent effectué d’exercices, ce qui ne veut pas dire pour autant que mes propres écritures ne soient pas gorgées (volontairement ou non) de tierces voix, d’écritures autres. De toute évidence, je travaille beaucoup autour de la réécriture (Morphine ou ///, Eff). Mais je n’ai jamais écrit de pastiche, comme l’a fait Gabrielle Wittkop dans Usages de faux. Par moment, à la lecture, traversant un auteur, ici en l’occurrence Flaubert, on en vient à se dire : d’accord, c’est Flaubert. Mais c’est quel Flaubert ? Plus tard, dans un court pastiche de Proust, ce passage : La robe de ce jour-là ne laissait nul repos, tant fallait-il sans cesse revenir sur une impression, un jugement, une couleur, une idée, car à peine avait-on vu en elle quelque nature végétale, qu’elle devenait soudain océane, le brun et le rose tournant au vert profond, à cette sombre richesse des mares troubles laissées sur les grèves par le reflux et où tremblent des formes si vagues qu’on ne sait si elles sont d’algues ou de bêtes oubliées 1. S’agit-il d’un jeu ? D’une gamme, pour reprendre le mot choisi par V. ? Quelles sont mes gammes ? J’imagine que d’écrire pendant près de deux ans 500 mots d’Eff par jour (voir plus), parfois complètement en roue libre, parfois sachant que ça ne donnerait rien, ce sont mes gammes. Quelque part, je reproduis ce schéma avec Chiasma, même si je ne me fixe aucune contrainte. Mes gammes, c’est la quotidienneté. Mes gammes, c’est celles d’un temps extrêmement comprimé, quinze minutes, peut-être trente minutes par jour. Rarement plus. Mes gammes, c’est ce journal. Écrire dans les pas de l’autre, c’est une évidence, mais est-on pour autant hanté par ceux qu’on lit ? Hanté voire possédé. Cela nous arrive fréquemment dans les manuscrits qu’on reçoit. Ce qui peut conduire à des scènes assez cocasses : le point positif dans ce texte, c’est que c’est du Guyotat ! Le point négatif, c’est que c’est du Guyotat. Nous n’avons pas publié ce livre.


  • ↑ 1 Gabrielle Wittkop, Usages de faux, Verticales, P. 82.