VV



  • 240420

    24 mai 2020

    On gagnerait à scrupuleusement noter les premières pensées qui nous viennent au réveil, et en tirer des enseignements pour la journée qui s’annonce. Ce matin : fous-moi la paix, monde des vivants. Leopardi : Les illusions ne peuvent être condamnées, dédaignées et traquées que par ceux qui rêvent et croient que ce monde est, ou peut être, vraiment quelque chose, quelque chose de beau 1. Je ne me fais pas d’illusions. Sur rien. Ni sur l’issue de la crise, ni sur l’invention d’un vaccin exploité par l’industrie pharmaceutique comme produit, ni sur le plan à l’œuvre pour rouvrir des écoles Potemkine et faire ainsi semblant que les dires d’un président dix jours plus tôt sont paroles d’évangile. C’est plus simple, et plus sain, comme ça. Je ne me fais pas non plus d’illusions sur ce que j’écris, quand j’écris (Œ, VV). La plupart du temps, j’écris sans mouvement. S’il n’y a pas de mouvement, il n’y a pas d’amplitude. S’il n’y a pas d’amplitude, il n’y a pas de courant qui te porte. Tu n’avances pas quand tu lis et, la plupart du temps, tu cesses de. Paradoxalement ou pas, j’arrive à créer du mouvement sur de très petits espaces (plus j’écris dans de petits périmètres, plus j’y mets de profondeur de champ, d’épaisseur de background ; plus j’écris long, plus je m’attarde sur le microcosme, et plus c’est clinique), mais pas à le maintenir en vie assez longtemps pour en faire un récit cadencé. Tout le contraire de ces mêmes récits quand ils sont vivants dans ma tête avant que d’être fixés dans l’écriture mortifère que je m’applique à produire pour me conformer aux ciments des normes. Pensant tout cela, je me dis : tu ferais mieux d’utiliser ton temps à trouver un écrin (dans l’écran) à « Bara no hanayome », qui lui existe déjà, et le mettre en ligne plutôt que de chercher à réécrire en moins volatile ce que tu as déjà écrit en ultra condensé là-dedans. Ou tu ferais mieux de regarder dans un épisode de The Twillight Zone comment la bascule fantastique peut, ou pas, s’opérer. Bascule, transition. Transition, oui. Voilà ce qui me manque dans ce que j’ai commencé à essayer de faire, mais que j’échoue à réaliser. J’arrive à créer un background, mais je ne sais pas faire l’articulation entre ce passé narratif et le présent du récit. C’est qu’en réalité mon désir de transition est double : celle de l’intrigue racontée, d’abord, et celle qui consiste à passer du général au particulier. Pour ce faire, il me suffirait de corseter les deux. Chez Nathalie Sarraute, Le planétarium :

    Il n’y a de fusion complète avec personne, ce sont des histoires qu’on raconte dans les romans — chacun sait que l’intimité la plus grande est traversée à tout instant par ces éclairs silencieux de froide lucidité, d’isolement... (...) il suffit de s’écarter de soi-même et de se voir comme les autres vous voient, et aussitôt cela crève les yeux...
  • 250420

    25 mai 2020

    12g, pas 13. Cocher des tâches quand elles sont faites, quelles que soient ces tâches : dopamine. Media queries pour le site (mal). Cache encore. Suis donc jamais pressé que tout soit bien ; quand tout est bien, il n’y a plus rien
    à faire. Bip : 16 heures déjà ; l’heure de te reseter les yeux. Pour parvenir à écrire ce que je ne sais pas écrire : 1) N’importe quel épisode de The Twillight Zone. 2) Relire Prose de l’automne à Gérone. 3) Relire Vivant Denon.

  • 030520

    3 juin 2020

    Dans Avalon, de Mamoru Oshii, la scène la plus humaine du film est celle de la préparation d’un repas pour un chien. Nesco me manque. En quoi est-ce que je mens dans un journal si je dis que les textes du jour sont composés pour la plupart mentalement dans l’état de semi-conscience qui précède l’éveil pur ? Pure hérésie : ne rien écrire de tout le week-end, chercher à la place des images de villes brutalistes. Cette ville, je veux dire la nôtre, bien que je ne m’y attache guère, je crains maintenant de devoir la quitter comme un voleur sans avoir eu la possibilité de faire en elle ce que je n’ai jamais fait en X ans de vie là. La courbe de la pression atmosphérique est sous les 1020mbar. Partout le bruit des chouettes et des hiboux, de jour comme de nuit. Nuit douce et sans rêve (faux). Faut faire revenir la polenta comme un bloc d’elle ou comme un steak, et dans de l’huile de l’olive. Olive et Tom = Captain Tsubasa. Ça me fait bizarre de commencer enfin Pedro Páramo ; mais si j’ai la sensation de l’avoir déjà lu, alors qu’en réalité non, c’est probablement que tout ou partie des auteurs mexicains que j’ai pu lire par le passé sont comme issus de lui (spontanément, je pense à David Toscana, Daniel Sada, Sergio González Rodríguez, Mario Bellatin — mais ai-je jamais lu Mario Bellatin ?) Fut un temps, Craig Bellamy menait (ou secondait) ma ligne d’attaque à Liverpool. Ou le cache me joue encore des tours, ou mon {display: none;} n’est pas pris en compte par les navigateurs quand je teste (et je teste), et plutôt que d’intégrer les media queries dans la même feuille de style que tout le reste, je crois que je vais finalement opter pour charger une autre feuille de style spécifique pour les écrans de moins de 1024 pixels de large, avec un design allégé. J’ai bien du mal à écrire allégé. Et je crois que je suis un piètre écrivain porno ou érotique. Que faut-il faire lever (dans le texte) pour qu’il y ait du désir ? Désir et pour qui ? Il se trouve qu’à l’origine, je ne me voyais pas écrire quoi que ce soit dans cette direction-là et puis, comme souvent, c’est une idée qui déclenche tout le reste, idée qu’H. a résumé comme étant les ébats d’une belette et d’un aspirateur. Heureusement, il n’a encore rien lu.

  • 090520

    9 juin 2020

    Trente minutes « RAVUS AETERNA Extended ». Il n’y a pas que dans la vie que les lapins (ou lappis) ne s’entendent pas : dans la fiction aussi 2. Thunes : reprise des comptes après semaines sans. On pourrait croire qu’on dépense moins à ne rien faire qu’en faisant (non). J’ai acheté plus de livres (numériques donc) en deux mois que le total 2019 je crois. Il est vrai que je faisais jeûne de la consommation de livres. Plus de soupes kanten au supermarché, shit. Où ça se trouve des munitions de mitraillettes pour Prompto ? Little Richard est mort : en fonction des papiers nécrologiques dans la presse, son âge oscille entre 76 et 87 ans. Déception : Les chauve-souris sont indifférentes à nos activités. J’ai tendance à vouloir écrire existentiel existenciel. C’est joli. D’ailleurs pourquoi utilise-t-on ces horribles néologismes dans le monde de l’éducation confinée : présentiel, distanciel ? Ne pourrait-on pas plutôt parler de cours ubiquitaire ? Voire (recours dickien) d’ubikours ? Nous aurions donc des proxikours et des ubikours. Avec un k, ça sonne mieux. Une amie m’envoie un email dans le passé, il y a presque trois semaines : je le retrouve. Et puis à la fin son antivirus la fait dire : garantie sans virus. Pour les besoins de cette nouvelle classée X, qu’on appellera VV, je cherche des synonymes de sucer et de douleur. Hier j’écrirai à l’un des deux éditeurs pornographes à qui je la destine : je peux aussi bien avoir fini dans deux jours que dans deux ans. Il faut toujours que ce soit le jour de quelque chose. Si l’on en croit Twitter, c’est soit le jour de Goku, soit le jour de l’Europe. Manifestement, l’un est plus capable de sauver le monde et l’univers que l’autre. Pendant cette brutale averse nous regardons la pression atmosphérique (et non artérielle, comme j’ai d’abord failli l’écrire) chuter. Je passe mille ans à tâcher de retrouver un dessin d’Otomo qui m’a débloqué dans ma représentation d’un personnage pour VV. N’y arrivant pas, me voilà à MP un otomiste que je suis pour lui dire en substance un mec avec un casque d’aviateur et un robinet à la place de la teub ça te dit quelque chose ? Ambiance. Mais il trouve : ça vient de Highway Star. Merci à lui. Ce radis noir est infect. C’est un péché de manger un radis noir en plein milieu d’après-midi ? C’est un péché d’écrire des trucs porno ? Mais après tout qu’est la vie, sinon un péché ?


    — N’est-ce pas que la nuit est pleine de péchés, Justina ?
    — Oui, Susana.
    — N’est-ce pas que c’est vrai ?
    — Ce doit l’être, Susana.
    — Et que crois-tu donc qu’est la vie, Justina, sinon un péché ? N’entends-tu pas ? N’entends-tu pas comme la terre grince ?
    — Non, Susana, je ne peux rien entendre de tel. Mon destin n’est pas aussi grand que le tien.
    — Tu en serais effrayée. Je te le dis, tu serais effrayée d’entendre ce que j’entends.

    Juan Rulfo, Pedro Páramo, Gallimard, traduction Gabriel Iaculli

  • 170520

    17 juin 2020

    Je ne me fais aucune illusion sur ma capacité à pouvoir dessiner quoi que ce soit, ou à construire des genres de montages graphiques convaincants pour Grieg. Voilà pourquoi je m’en remets à 80% dans les fonctionnalités basiques d’un truc comme Amorphous, qui me permet de maquiller des scènes, de faire des découpages. Les 20% restant doivent se répartir entre des idées de narration graphique (architecture dans le cadre de la page) et ma persévérance dans la recherche interminable de la photo parfaite dans les banques d’images libres pour incarner telle X case. Il va de soi que ce que je fais pour ce générique, je ne le ferai pas pour chacun des chapitres. Mais tout de même. C’est plaisant. Le truc, c’est que pour que les images soient claires, elles doivent être flagrantes (ça parait basique dit comme ça). Hier je cherche une photo de porte depuis l’intérieur d’un logement. Ça n’a l’air de rien, mais en réalité les banques regorgent surtout de portes (anciennes ou, disons, singulières) vues depuis l’extérieur. Fini par prendre une photo de notre porte, laquelle a un système de fermeture et de serrure assez atypique. En dépliant l’image, et en la pointillant, je réalise que 1) on ne comprend pas que c’est une porte et 2) on ne comprend pas ce qu’implique cette image, en l’occurrence qu’un personnage s’apprête à la franchir. Pour bien exposer ça, il faut que la porte ressemble à une porte, et qu’elle soit entrouverte. Révélation. Mais cela n’a aucune importance : après une ultime relecture, je range ma nouvelle VV dans un dossier Pornographie cyberpunk et je l’envoie aux éditeurs pornographes à qui je la destine (et peux dès à présent cesser d’y songer).

  • 220520

    22 juin 2020

    Les cerises sont pleines d’eau. Qui achète sciemment du thé vert gingembre hibiscus ? Moi. Denrées douteuses : maquereaux, viande rouge industrielle (même bio), bananes. Maté en sachet : une hérésie. Masque sur la gorge, masque sous le nez (sur l’air d’« Alexandrie Alexandra »). Demain la pression atmosphérique atteint des sommets inégalés depuis qu’on en est réduit à checker des trucs aussi absurdes que la pression atmosphérique et ses sommets inégalés. Comprendre : 1030mbar. Comprendre que c’est le moment, ce week-end je veux dire, pour reprendre VV et corriger quelques nouvelles d’Amy Hempel en free sample. Passer à autre chose après. Au doigt mouillé : 200% de like et de RT en plus quand le journal est partagé en ligne avec une photo de lapin. Chaque fois qu’on me propose de me voir dans un cadre informel, je décline. Décliner est un truc que je sais faire. Et toi, tu fais quoi dans la vie ?
    — Je décline.

  • 230520

    23 juin 2020

    Pour finir deux paquets de pâtes, j’en ai ouvert un troisième. 100g répartis comme suit : un tiers de pâtes de pois chiches, un tiers de pâtes de riz-maïs et un tiers de pâtes de lentilles. Ok elles ne cuisent pas à la même vitesse et elles moussent, mais arrosées d’un peu d’huile d’olive, servies avec une tomate, du thon, du poivre (pas de sel, le thon est déjà assez salé de base) et un peu de tabasco, tu ne sens le goût ni du pois chiche, qui est fort, ni des lentilles, qui est lourd. C’est juste un sympathique plat de pâtes. C’est juste une feuille de papier qui explique les conditions d’utilisation d’un masque barrière, il est dit : lavage en machine (...) de 30 minutes à une température de 60° (mais qui va faire tourner une machine simplement pour un, deux, masques ?), un séchage mécanique dans un délai inférieur à deux heures, les masques ne doivent pas sécher à l’air libre (ils sécheront à l’air libre). Bien sûr, tout cela est absurde. Comme, probablement, c’est absurde d’avoir travaillé un mois durant le texte d’une nouvelle pour me rendre compte à présent que ça ne fonctionne pas comme je l’aurais souhaité. Je veux dire : ça fonctionne peut-être, mais pas dans la direction prévue à la base. Et je me trouve plus happé par l’énergie narrative qui s’en dégage que par l’énergie du désir. Je reprends néanmoins chaque passage, et de fait, les retours et remarques d’Antonin (qui après m’avoir subi deux fois dans l’espace de commentaire de ses deux romans pendant leur travail éditorial inverse les rôles) sont très fins, très justes, et proposent les bonnes solutions pour éclaircir les zones d’ombre. Le truc, c’est que le travail que je fais aujourd’hui (réécrire certains passages, simplifier ce qui peut l’être), je l’ai déjà fait hier soir. Le fichier odt, corrompu, ne pouvait plus s’ouvrir. Alors, aujourd’hui, après l’avoir converti X fois, je l’explose en plein de petits fichiers xml et c’est depuis l’un de ces fichiers xml que je reporte une à une mes corrections de la veille au lendemain. Je ne sais pas dans quelle mesure ça a joué, mais enfin via deux outils très différents, c’est la deuxième fois en quinze jours que je perds deux heures de travail sur ce texte. C’est peut-être un signe ? Le signe, c’est que la temporalité n’est pas bonne ; il faudrait urgemment le laisser végéter quelque part. L’oublier.

  • 260520

    26 juin 2020

    Une application d’apprentissage des langues s’inquiète de ne plus me voir me connecter pour mes leçons de japonais. Un spam persiste à me demander Kannst du mir helfen ? et si je comprends ce qu’il me dit, je n’ai pas le moins du monde envie de l’aider. C’est une journée très internationnale. J’ai de nouveau des idées et des envies pour LS, après des mois à ne plus pouvoir ne serait-ce que me mettre à y penser. Des trajectoires, des répliques, des scènes de décapitation râtée, puis réussie. Le minuteur du four joue Bach. Tout roule. Dehors les gens sont avec masques. Je ne sais pas s’ils sont ou non eux-mêmes. Ils sont. En plus de deux mois de pandémie, personne n’a semble-t-il eu l’idée dans la résidence de désactiver le code à l’entrée pour laisser la porte ouverte, du moins la journée. On préfère faire en sorte que l’ensemble des locataires aillent mettre son pouce sur le même bouton. Monoprix est plus light qu’avant sur le filtrage à l’entrée du magasin (oui mais, eux, ils ont des nouilles de riz). Il paraît que les parterres de plantes et de fleurs qui se trouvent à la base de notre bâtiment cinq étages plus bas sont infestés de rats. Celles et ceux qui vivent au premier les voient faire. Quoi ? Engendrer des litres de bactérie mangeuse de chair, sans doute. Ce n’est pas grâce aux rats mais je crois avoir trouvé un moyen de sauver VV ce soir. Ce n’était pas un problème de désir, ou d’X barrière à franchir (dire ou ne pas dire), c’était un problème de mise en scène. De cadrage. Là où il est placé, le narrateur ne peut pas voir correctement ce qu’il se passe. Or, il a besoin de l’œil pour voir. Je veux dire, il a besoin de voir l’œil du protagoniste pour qu’opère le désir. Les deux yeux. Raconter, c’est voir. Désirer, c’est regarder. Regarder, c’est écrire. H. : tu dirais que tu l’as rendu, quoi, 20% plus porno ? 30% ?
    — Eh ben, j’ai mis Courbet là-dedans et contre toute attente ça l’a rendu plus porno, je crois.

  • 200720

    20 août 2020

    L. m’offrira des muffins au Nutella ainsi qu’un chiotte en acrylique volé à la BNF. C’était écrit dessus, Propriété de la BNF ce qui est, au fond, hautement suspicieux : je ne crois pas L. susceptible de voler un bloc WC pour l’offrir à un tiers, je ne crois pas que la BNF ait fait écrire sur ses chiottes qu’ils étaient la propriété d’elle, et je ne crois pas non plus avoir pu lire un message disant textuellement Propriété de la BNF à cause de la loi psychique qui veut qu’on ne soit pas capable de lire réellement quoi que ce soit dans un rêve. En revanche, on peut interpréter un message et c’est ce que j’ai fait. C’est ce que nous faisons tous : puisque depuis le début de l’année grosso modo la vérité a pris la forme d’une courbe (n’importe quelle courbe), avec l’évolution des nouveaux cas de covid, l’évolution de la mortalité, l’évolution des entrées (et sorties) en réanimation, nous passons notre temps à prendre pour argent comptant n’importe quelle courbe que nous voyons passer, où que ce soit, quel qu’en soit l’émetteur, peu importe qui la propulse ou la relaye. Une courbe est en soi suffisante à nous faire comprendre : voilà la réalité brute. Or pas du tout. On pourrait écrire : Une courbe est une courbe est une courbe. Je suis bien mal placé pour faire la leçon quant à celles et ceux qui passent leur temps à consulter, relayer, qui sait produire ces courbes. Des courbes, j’en dessine sur mon temps libre depuis des semaines. Sept à ce jour, synthétisant l’évolution de la douleur le long de crises. Ce que j’en conclus lorsque je les étudie ? Que la forme que prend la douleur est toujours la même : une première vague suivie au moins d’une deuxième, une décroissance hachée mais progressive, des moments clés d’à-pic (la nuit, le levé) ou de déréliction (après un repas). Mais aussi que la forme que prend la douleur n’est jamais la même : chaque crise à son profil qui lui est propre. Voilà ce qu’est au fond la vérité quand elle sait déferler sur nous : tout est dans tout, et rien n’a de sens. Sauf peut-être ceci : Antonin, qui m’a montré un brouillon de couverture vendredi, va bientôt maquetter VV, qui s’intitule en réalité Vers Velvet. Je valide les dernières modifications. J’en commets une ou deux autres. J’envoie.

  • 040920

    4 octobre 2020

    Rabelais use du mot acromion à un moment donné de son œuvre 3. Si je le sais c’est que je relis les dernières épreuves resserrées de Vers Velvet, une histoire pédée pour la prochaine saison des Histoires pédées. Tout tient, sauf quelques approximations plurielles. Et si j’écris je vous écris de mon jardin c’est que c’est le cas.

  • 180920

    18 octobre 2020

    Maintenant avec le masque on peine à se comprendre.
    — Pardon ?
    Je disais, maintenant avec le masque, etc. Avec Lou dans les rues de Blois, elle me guidant, moi ne voyant pas très nettement (attends, c’est des papillons ? / ça, on ne le comprend pas quand on le regarde, mais c’est des salamandres) où on est. On me dit plus tôt dans la journée que dans les petites ruelles du vieux centre, passée telle heure, on pouvait se perdre. Il y a une espèce de bal en fond sonore ou de karaoké. La, la, je t’aime à l’italienne-euh. Bien. On mange à la thaïlandaise, or donc avec des fourchettes et non des baguettes (bo bun de bœuf sans cacahuètes, pas de déssert, de l’eau). Un quad passe bruyamment dans la rue et si on ne refait pas le monde, c’est donc qu’on le défait. Des fois dans l’écriture on n’a besoin que d’un petit coup de pouce, quelqu’un nous disant quand on en vient à exprimer des doutes (que n’exprimerai-je sinon des doutes ?) : mais il faut absolument que tu fasses ça. Comme souvent, c’était vrai. Elle a publié Poétique réjouissante du lubrifiant chez Monstrograph il y a peu, livre qui sera repris au Nouvel Attila cet hiver du fait de son succès ; je lui parle de mon histoire pédée à paraître dans quelques semaines, deux livres pour lesquels on se dit que nos familles en sont ou en seront peut-être embarrassés (ou pas après tout). Il est tard, il est trois heures du mat. Sauf qu’il est vingt heures trente.

  • Vers Velvet

    31 octobre 2020

    Vers Velvet, Pou, 32 pages, 4€ (9782957379415), numérique 1,49€

    Présentation des histoires pédées

    Vers Velvet est une nouvelle de pornographie cyberpunk (!) qui prend place dans la saison 2 des Histoires pédées proposées par les éditions Pou, et dont voici le line up :

    Le triton à la perle est un jeu où l’on apprend à faire connaissance (en se déshabillant).
    La Piscine tournesol est un endroit où l’on nage (et quand on ne nage pas, devinez ce qu’on fait ?).
    Ce soir c’est moi le chef !, c’est Alice au pays des Merveilles, mais sans lapin blanc (et avec des pédés).
    Vers Velvet est une dérive dans la ville sombre (éclairée seulement par nos désirs).

    Extrait

    Ce corps-là, n’était-il pas apte à synthétiser les lumières de la ville en inépuisable énergie du désir ?

    (La réponse est oui).

    Presse

    La saison 2 des Histoires pédées lue par Nikola Delescluse (Paludes) :

  • 311020

    1er décembre 2020

    Ce qui est bien avec les aventures éditoriales artisanales, c’est la transparence. La saison deux des Histoires pédées, incluant donc VV, est à peine lancée qu’on reçoit déjà un message nous faisant un point sur les ventes et les précommandes, le tout doublé d’un règlement de droits d’auteur. Mieux qu’un à-valoir, un à-valu. L’aventure est collective, tout le monde s’y retrouve et je réponds : c’est Noël avant la fin du confinement. Ensuite, je mets 70€ dans une caisse noire destinée à nous approvisionner en bobuns pour le prochain mois et ces deux situations n’ont rien à voir, si ce n’est qu’elles se sont déroulées le même jour. Le même jour, plus j’approfondis mes lectures et mes écoutes sur la nature du métier d’éditeur, que je suis censé faire depuis plus de cinq ans, plus je saisis que je ne saisis rien : au fond personne ne sait en quoi ça consiste, chacun y met une forme d’investissement qui lui est propre, priorisant ce qui lui paraît bon. Bon pour lui ou bon pour la maison (d’ailleurs d’où vient ce mot étrange, maison) ? Bon pour le système ou bon pour l’auteur ? Bon pour l’auteur ou bon pour le lecteur ? Bon pour qui et jusqu’à quel point ? C’est là toute la question, et personne ne pourra m’en apporter réponse, quelles que soient mes lectures ou mes écoutes en la matière. Si c’est un jeu auquel nous jouons, je n’ai pas la sensation que les règles soient les mêmes, ni mêmes les enjeux. Il y a un mot qui revient ces jours-ci, qui est un mot de Benoît Vincent : forcener le texte. Voilà, c’est dans cette direction que j’aime(rais) aller. Même si je ne sais pas encore précisément ce que ça recouvre, et jusqu’où. Et jusqu’à quand.

  • 211120

    21 décembre 2020

    Qu’il s’agisse de réécrire Mueller ou de bricoler des images pour Grieg, le problème est le même : j’ai besoin d’un protocole et de m’y tenir. Ne serait-ce que pour nommer mes fichiers et ne pas m’y perdre, dans Grieg, j’ai besoin de suivre un schéma précis. Ou pour établir des prototypes de PSD pour pouvoir y revenir et modifier à la marge, plutôt que de jongler entre les applications et repartir de zéro à chaque fois. Ou pour ne pas m’épuiser à aller et venir du PDF relu de Mueller à la version dans Acode pour y vérifier mes annotations de la première relecture et les reporter dans le second fichier : j’aurais mieux fait de tout avoir dans Acode et de noter mes commentaires à même les vers : on voit très bien alors puisque les lignes débordent en un coup d’œil où il faut aller si on veut passer de commentaire en commentaire. Commencer déjà par dresser une liste des étapes à mener et surtout dans quel ordre : par exemple, je ne peux pas corriger à la fin, puisque la correction de coquilles peut amener à décaler les vers. Je dois donc anticiper un minimum. J’ai noté douze étapes, de relecture PDF à good to go. Je termine l’étape trois, ce qui pourrait donner l’impression que je n’ai fait qu’un quart du travail, mais j’ai fait considérablement plus, la phase la plus longue de réécriture étant derrière moi. Je peux donc avancer, quel que soit le sens que l’on prête à ce mot. Et quand j’en viens à entendre, pour sa chronique radio dans Paludes, la lecture des premières pages de VV par Nikola Delescluse, je me dis que s’agissant de ce texte c’est bon, j’ai fait mon travail : le rythme est là. Le truc, c’est que j’ai envoyé certains exemplaires de VV à mes proches, comme si ce n’était pas un récit porno, ce que c’est par ailleurs, tout en n’étant pas. N’est-ce pas bizarre d’envoyer un récit porno à ses proches ? Savoir ce que Lucy Ellmann en pense :

    the fact that men act like it’s their duty or something to look at all this porn, like it’s their job, “Don’t worry, I’m on the case, Roger and out,” the fact that they get up in the morning and look at porn, and go to their actual jobs and sneak in some more porn there, and then they go home and watch porno movies all night, the fact that what am I talking about, the fact that I don’t know what most men do, and it’s probably just as well, by the sound of things, the fact that I’d never say any of this to Leo, the fact that it would just make me sound bitter, but it does make me kinda mad sometimes, the fact that I get kinda crazee, the fact that all I know is sex used to be important, and meaningful, and yes, loving, and now it’s all just rape and some sort of crash course, Sex 101, like birdwatching
  • 150521

    15 juin 2021

    On est censé attendre la lune rousse mais pour quoi faire ? L’histoire ne le dit pas. La meilleure façon de perdre la notion du temps, c’est de se plonger dans du code. Article d’Ahmed Slama sur VV. Il pleut une bonne partie de la journée. Il fait clair tard. Finir le curry japonais avec des haricots rouges, du maïs, des courgettes, des oignons, et voilà.

  • 111221

    11 janvier 2022

    C’est bien la première fois qu’on réimprime un de mes livres (et quel livre). Je ne suis pas sûr que Soy Nero soit en noir et blanc, contrairement à L’homme de la rue qui, lui, l’est. L. partage une photo d’une pierre qu’elle a gravée, on y lit C’est pas faux et je veux ça sur ma tombe. Il est mort ? C’est pas faux. Je dois faire trois Monoprix pour trouver de la Ouf. Je me rends compte moins d’une heure avant de prendre mon train du retour que j’ai oublié ma CB à P., preuve que j’ai traversé ces deux jours ici en payant en tout et pour tout moins de 20€ d’achat en espèces, que j’ai coutume à qualifier d’argent gratuit puisqu’on n’en trouve pas trace dans les écritures en ligne. Ça faisait longtemps que je n’avais pas brunché. Ça faisait longtemps qu’un lapin n’avait pas mangé mes écouteurs filaires. J’avais qu’à avoir des airpods.

  • 190122

    19 février 2022

    Nul n’est censé ignorer que la DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) est devenue la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) mais savez-vous que la DDCS(PP) et la UD DIRECCTE ont fusionné pour devenir la DDETS (Direction de l’emploi, du travail et des solidarités) ? À moins qu’il ne s’agisse de la DDETSPP (Direction de l’emploi, du travail, des solidarités et protection des populations) ? Le plus important, c’est de se sentir protégé. L’autre jour les mots bureautique soviétique me venaient à l’esprit par erreur, car ils ne veulent rien dire, mais on n’est plus à ça près. Feldman 4 : Nous tous, ce que nous faisons, c’est émettre des jugements de valeur, essentiellement esthétiques, qui sont une perte de temps absolue. (...) Le plus grand problème, je crois, c’est que nous avons le sentiment qu’il faut avoir des opinions. Le reste de la journée consacré, après avoir reçu des exemplaires du nouveau tirage de VV, à boucler la demande de solde d’une subvention de l’an dernier et l’envoi des courriers recommandés visant à me convoquer moi-même, et J., à des entretiens préalables à licenciement aux premiers jours de février.

  • 310823

    30 septembre

    Pendant un temps assez bref, dans un lieu que j’ai peine aujourd’hui à situer autrement qu’en recourant au mot ailleurs, on ne disait plus réfléchir mais chiflérer. Je ne suis pas sûr que ce faux verlan ait pris, mais l’essentiel est ailleurs, et cette phrase (la précédente) ferait une bonne première phrase. La première phrase du livre que je lis est Fus s’arrache sur le terrain. Il y a deux cœurs rouges collés sur la couverture, garnis de deux prénoms chacun, comme autant de bibliothécaires y ayant adhéré, et le bandeau dit à la fois que le roman a reçu un prix il y a quelques années, et qu’il a figuré dans au moins deux sélections d’autres. Au verso, on trouve un blurb d’un organe de presse nationale sans imagination, comme souvent les blurbs. Le livre lui-même ne semble pas mauvais, si ce n’est qu’on y retrouve la langue brève et épurée qu’on trouve partout, et qu’on devine tout à fait l’éditeur, l’attaché de presse, le libraire, le journaliste, le lecteur, se dire c’est le nouveau Nicolas Mathieu ! Comme on dit, ça se lit. C’est juste dommage de voir la machinerie opérer, de savoir que si ellipse il y a, ici, c’est qu’on n’est pas parvenu à écrire l’élément perturbateur, comme on dit, et qu’on a trouvé plus adapté de couper la scène au montage (de fait, ça fonctionne). À l’intérieur de ce livre, emprunté, donc, à la bibliothèque, quelqu’un a oublié une page de carnet petits carneaux sur laquelle on peut lire les mentions suivantes, écrites de différentes couleurs et d’une écriture enfantine : Renault Clio, puis 19/04/06 : 107660km, puis : 30/04/06 -> Achat : 107925km, puis : 06/09/06 -> Vidange + Cartouche 110953km, et enfin : 28/03/07 -> Changer bougies et filtre à air à 115000km. C’est tout. Dans le métro pour rejoindre A., J. et H. au Thabor je tombe nez à nez sur quelqu’un qui ressemble assez à l’image que je me faisais d’un personnage écrit dans Vers Velvet et le regardant je me dis : on peut très bien être moche et sexy. Ce sont deux choses différentes.


  • ↑ 1 Traduction Bertrand Schefer, Allia. La suite : Immense illusion : ainsi, le demi-philosophe combat les illusions précisément parce qu’il a des illusions, le vrai philosophe les aime et les défend parce qu’il n’en a pas ; combatre les illusions en général est le signe le plus certain d’un savoir très imparfait et très insuffisant, et d’une évidente illusion. (16 septembre 1821).

    ↑ 2 Mainant les lappis sont dans leur cage et ils regardent dehors. On a fermé les cages avec le cadenas, zéro risico. Dans la cage de gauche, y a les deux mâles avec leurs poils bruns. Mais ils ne sont pas ensemble, il y a une planche au milieu de la cage et deux portes devant, sinon ils se tapent dessus, dit le Fatre. (Arno Camenisch, Derrière la gare, Quidam, traduction Camille Luscher)

    ↑ 3 Le moyne avec son baston de croix luy donna entre col et collet sur l’os acromion si rudement qu’il l’estonna.

    ↑ 4 Au-delà du style, Éditions de la Philharmonie, traduction Jérôme Orsoni, P. 93