Fallait-il s’étonner si son cœur agité s’arrêtait de battre ou s’emballait lorsqu’il contemplait son cadeau et se mettait à tout récapituler et repenser, adossé à ce banc rustique, les bras croisés, la tête penchée vers l’épaule, face au murmure du torrent et aux ancolies bleues en fleur ?
Thomas Mann, La Montagne magique, Fayard, traduction Claire de Oliveira
C’est fini. Une dernière traversée du quartier, [illisible] sur le GPS, vers la gare d’ Ikebukuro, un dernier aller simple par la Yamanote puis, à (...)
Qu’est-ce que le temps ? Un mystère ! Inconsistant et tout-puissant. Une condition du monde phénoménal, un mouvement scellé, soudé à l’existence des corps dans l’espace, et à leur mouvement. Mais est-ce que, sans mouvement, il n’y aurait pas de temps ? Et, sans le temps, pas de mouvement ? Tu n’as qu’à demander ! Le temps est-il une fonction de l’espace, ou l’inverse ? Ou bien les deux sont-ils identiques ? Vas-y, demande toujours ! Le temps est agissant, sa nature est celle d’un verbe, il « sous-tend ». (...)
Fin de Eff. Du moins, d’une première forme de Eff. C’était prévu comme ça. Terminer avant demain. Ce n’est pas tout à fait exact : il manque le tout début et la toute fin (qui sont une seule et même entité). Mais ça, je le ferai plus tard, lorsqu’il faudra couper, couper, couper. Dans quelques années, je pense. Je veux d’abord l’oublier complètement. Lui laisser le temps de muter bien. Devenir autre chose. Radicalement autre chose. Et, peut-être, de le laisser entièrement tomber si ça ne revient pas, (...)
13. J’ai rêvé que je lisais Stendhal dans la Centrale Nucléaire de Civitavecchia : une ombre se glissait entre la céramique des réacteurs. C’est le fantôme de Stendhal disait un jeune homme en bottes et torse nu. Je lui ai demandé et toi qui es-tu ? Il a dit je suis le junkie de la céramique, le hussard de la céramique et de la merde.
Roberto Bolaño, Un tour dans la littérature in Trois, Christian Bourgois, traduction Robert Amutio, P. 88
De la chaleur et de la chaleur et de la chaleur dans le corps, (...)
Dépression profonde. Ça me fait du bien. Le plaisir de détruire, cette satisfaction particulière est un bonheur, à sa manière. Le malheur est en définitive un bonheur, naturellement. Pour autant qu’il soit délectable, or il l’est. Le malheur contient aussi de la libido.
Imre Kertész, Journal de galère, Actes Sud, traduction Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba, P.243
Tenu : un jour par extrait d’I loved you more à faire. Là le dernier. Tout envoyé à H. pour lire. Pas tant que ça éloigné du texte, (...)
Pour la soirée Publie de mardi j’ai proposé de lire un bout de mondeling. Ce truc est terminé depuis près de deux ans et j’avais décidé, à l’époque, de ne pas le relire, de le laisser au fond de moi, de n’y revenir qu’à la publication, voir l’effet, la substance, la matière. Aujourd’hui, en relisant la chose, prenant appui sur le texte que je pensais lire, je me dis putain, c’est in-lisible [1]. Pas une bonne stratégie peut-être bien. Pas d’élections non plus : hier H. m’a dit qu’on ne votait pas ici. J’ai (...)
Quelle heure est-elle cette heure où la nuit tombe ? (le ciel froissé par des ailles noires et ça croasse, demain c’est le solstice) La fin du monde annoncée pour demain prévoit son lot de divinités appelées, paraît-il, à descendre sur terre pour opérer sur le temps un grand reboot total. Je me demande, aussi, quelles têtes auront cesdites divinités (je pense qu’elles sont déjà autour de nous, elles ont des yeux, elles zyeutent, elles naviguent entre nous et nous ignorons tout d’elles).
Lucien Suel me (...)
Je suis allé faire mes adieux à Svetlana et lui confier copie de mon contrat de travail, celui fraîchement signé chez STAT dix jours plus tôt. Un peu avant, englué dans mon fauteuil bouillant, salle d’attente la même que d’habitude, j’écoutais les échos d’un dialogue entre un mec et un autre, costard cravate les deux, l’un conseillant à l’autre les meilleurs trucs pour licencier utile et tout ce qu’il faut savoir sur les congés de reclassement, les fautes diverses, la CRP et puis les trucs à éviter. J’ai (...)
On nous refait le coup des livres qu’il faut choisir et emporter avec nous en cas de départ soudain (subis ? cédé ?) sur une île déserte, tant qu’à faire située au bout du monde, celui-là, le dernier, et Céline Minard aurait tranché, ce serait visiblement comme une anthologie de l’espèce humaine et de ses mythologies, c’est à dire qu’elle aurait triché, comme quand on répond à un génie qu’on veut un milliers de voeux plutôt que trois, voilà mon sentiment. Le dernier monde est paru en 2007 chez Denoël, repris (...)
Moi sur la ligne, la mienne, celle à jamais franchir. Je me souviens de cette journée de fin de tournoi, fin d’année, fin de parcours. Sorti en demi je crois. Je nous revois, nous tous, sur le terrain encore vidé après défaite et moi rester sur la ligne. Je voulais rester sur la ligne. On s’est fait sortir sur un but, pendant prolongation, avant le terme, un but de crevard, si tu te souviens (moi oui). Un coup de bol, corner, billard dans la surface, un con qui tend sa cheville sans même voir et (...)
Fini, bouffé, perdu ailleurs, demain rentrer en direction d’Y., cela s’appelle une fin, je crois. Fini aussi, pas mieux, l’Infinite Jest de DFW, et finie également la dixième identité du Docteur, et dire, pourtant, que je n’aime pas les fins, ici pourtant, ailleurs plutôt, je les cumule, je suis du genre à vivre avec toutes mes contradictions.
The memory hung somewhere just out of conscious reach, and its tip-of-the-tongue inaccessibility felt too much like the preface to another attack. I accepted (...)
Ce n’est plus l’après Coup de tête que je vois pointer à présent, c’est la fin. Une autre. Comme lorsque je gribouillais Cette vie et que je modifiais la fin à la moindre relecture. C’est encore la même chose. Chaque version propulse une fin qui lui est propre. Mon plan imprimé-papier noir sur blanc en a verrouillé une, qui n’est sans doute pas la bonne. Il dit : Et j’appuie exprès sur la négation : je t’en supplie ne me lâche plus. Vraiment. Je repense depuis ces derniers jours à la fin, la bonne, celle (...)
Coup de tête terminé à peu près aussi souvent que commencé, c’est à dire beaucoup. Je n’ai pas compté, estimé juste. Je me demande combien d’octets précisément pourraient peser toutes les fins conjuguées jusqu’à présent. Interrogation en suspens.
La fin pour moi reste une impasse. N’importe laquelle. Je redessine au fur et à mesure des réécritures des bouts de bout du tunnel. Parfois plusieurs embranchements possibles, parfois fins à choix multiples. Les premières fins esquissées étaient, à quelque chose (...)
Dehors
Depuis trois jours tombe sans interruption la même averse, le même orage. La nuit, les éclairs convulsent contre la vitre gauche de la chambre. Les trains à l’extérieur restent exposés au ciel toutes vitres ouvertes. Le matin, dans les wagons inondés, le sol coule fonction du sens de la marche, du rythme des arrêts. Les sièges sont imbibés, on s’assoit un sur deux. On se croirait pressé dans une fiction-bis qui aurait pu être, un tracé parallèle potentiellement prenable mais qu’on s’est retenu (...)
Comment (re)lire un livre après Les détectives sauvages ?
Je suis elle et elle est moi (admettons). Admettons aussi que les lignes suivantes soient truffées de spoilers tentaculaires (fictifs ou non) sur la série The Shield, diffusion terminée depuis quelques mois. Pour ceux qui ne sont pas allés au bout et qui envisageraient de le faire, cette note est d’ors et déjà terminée et les lignes suivantes se défont.
Nous sommes entre adultes consentants, nous pouvons parler, je dis. Un doigt sur l’enregistreur numérique, je l’allume. Je lui dis allez-y. Je lui (...)
Comprendre quelle meilleure fin correspondrait le mieux pour la première partie de Coup de tête : quoi dire, quoi garder hors texte. Celle-ci déjà amputée de son dernier jour originel lors de la refonte au printemps dernier et l’écriture de la troisième version. A présent choisir précisément sur quels mots s’arrêter.
Ce chapitre se termine sèchement sur un fantasme avorté. On glisse ensuite du présent au futur anticipé, lorsque le narrateur s’adresse directement à Ajay, destinataire muet de l’ensemble du (...)
Je termine aujourd’hui le Journal de Kafka, hier le jeu MGS4, demain le dernier tome des Passagers du vent, la semaine d’avant le dernier épisode de Californication saison 1, encore avant Paradiso ou Six Feet Under et des milliers d’autres histoires, fictions, étapes d’une vie décalée que je mène en parallèle de l’autre, celle-là non-fictive, sans grand intérêt.
Et je déteste terminer les choses, buter contre le point final d’une fiction qui, pour moi, se sera diffusée sur plusieurs jours, semaines (...)