Shūzō Oshimi



  • 290123

    1er mars 2023

    C’est la fin de la V8 d’AQ. Enchaîner sans attendre sur un autre projet d’écriture (lequel ?) c’est (vraiment toutes proportions gardées) se remettre à dessiner des bonshommes bâtons après avoir fini les dernières retouches au plafond de la chapelle Sixtine. Mieux vaut se mettre en quête d’un jaune. En l’occurrence #EDB507.

  • 300123

    2 mars 2023

    L’une des offres d’emploi à laquelle j’ai postulé m’a répondu un message automatique manifestement resté bloqué dans le passé (ou, qui sait, le futur), lequel me souhaite patience, vigilance et bonne humeur pour toute la durée de ce confinement. Un peu plus tard, ce sera un autre message type. Vers 18h quelqu’un m’appelle pour me demander des compléments d’informations qui figurent pourtant dans une autre de mes candidatures. J’écris le nom de la maison d’édition concernée sur un carnet (ça ne me dit rien), que je finis par barrer après avoir demandé à la personne de le répéter et de l’écrire cette fois correctement (là, je vois ce dont il s’agit), puis je dessine une flèche à côté laissant à penser que je vais compléter par des informations qui méritent d’être retenues, avant de ne rien noter du tout car la personne termine par je vous envoie un mail... Avant de ne pas me l’envoyer. L’ayant plus tard à nouveau en ligne, qui sait pour vérifier l’adresse mail, la personne m’avoue finalement que ça ne le fera pas, car je suis toujours associé chez publie et que ça n’est pas possible du fait de leur clause de non-concurrence. Malheureusement, je n’ai pas la présence d’esprit (ni la répartie) de faire remarquer à ce type que de recruter quelqu’un en freelance et d’espérer qu’il respecte une clause de non-concurrence, c’est un peu fort de café, et finalement heureusement que je ne le dis pas, vu que ça m’aurait encouragé à l’insulter dans la foulée. Merci de m’avoir rappelé tout de même, me dit-il bêtement, docilement, petitement, tellement les gens peuvent être quand même de sacrées baltringues, téléphoniquement parlant (ou pas). Ça n’a probablement aucun rapport, mais en écoutant l’OST de Fez (à ne pas confondre avec Rez), ou en lisant cette phrase de Grégoire Bouillier 1, je ne sais plus (l’écriture des gens ne révèle, en général, pas de signes de violence), je me suis souvenu avoir très mal dormi cette nuit, bombardé tout du long par une quantité anormale de rêves, que j’avais qualifiés, précisément dans l’un de ces rêves, durant son écoulement, de cartes postales. Pourquoi ?

  • 310123

    3 mars 2023

    Comment s’appelle le chef des Enfants perdus dans Peter Pan ? Spontanément, je pense Mercutio, tout en sachant que ce n’est pas Mercutio. En fait, rien ne va. Le nom du personnage que je cherche est Rufio, et Rufio n’est pas un personnage des Peter Pan originaux (J. M. Barrie) mais du film Hook. Tout l’intérêt du personnage (au-delà de ses atours eightiesement punks qui ont, semble-t-il, fait son succès) est qu’il en veut au Peter Pan adulte d’avoir retrouvé le cours de sa vie, pendant que les Enfants perdus ne vieillissaient pas. En me renseignant là-dessus, je réalise qu’avant d’être un film à mes yeux, Hook était une BD, et je me revois la lire en voiture (?), c’est-à-dire le comic book Marvel du début des années quatre-vingt-dix, dans une pauvre version imprimée, sans doute dans un magazine, ou qui sait offerte dans un paquet de Chocapic. En fait, c’est le contraire, la BD est une adaptation du film, et a priori elle n’a connu que quatre épisodes. Le dessin n’est pas extraordinaire, les couleurs sont très datées. C’est un produit dérivé. Ce sont les (pour le coup extraordinaires) vampires en pyjama d’Happiness qui me font penser à tout ça.

  • 020223

    4 mars 2023

    Porcmag recrute toujours. Rien que ce matin, j’ai encore reçu trois alertes qui m’en informent. Ou bien : L’entreprise est co-dirigée par un binôme femme/homme, parfaitement complémentaires. Ou bien : Géant de ferme (90 000€ par an), sauf que je ne mesure qu’1m79 et qu’il fallait lire gérant de ferme. Ou bien : Tu maîtrises parfaitement MS Office et l’outil Internet. Ou bien : L’idée c’est d’être des faiseurs. Pas des suiveurs. Ça fait plusieurs fois en l’espace de quelques jours que je vois passer cette expression (faire, être un faiseur), dans des contextes complètement différents, et pas nécessairement (comme ici) ineptes, vu qu’il est vrai que quelle soit la discipline (artistique) en jeu, en écriture mais pas qu’en écriture, ce qui importe c’est de faire. Sans attendre aucun résultat. Juste être dans le moment présent de l’action en train de s’écouler, comme 2 lorsqu’il n’y avait pas encore de son, ni d’oreille pour l’entendre, avant que le tout premier et imperceptible mouvement ne produise du son, avant que la toute première gouttelette d’eau à peine formée, inaudible, depuis toujours pensée, ne tombe d’une voûte souterraine sur un miroir d’eau primordiale, et ne déclenche le chaos... et pas dans la projection de ce que ça pourrait devenir (idées, images, formes, produits), et pas dans la déception (ou, quand ça arrive, l’appréciation) de ce que c’est véritablement une fois qu’on y revient dessus. Il vaut mieux oublier de revenir sur rien, jusqu’à ce qu’un beau jour (ou pas) on se dise ah tiens, j’ai commis ce truc-là, ou, pour être plus précis, quelque chose en moi l’a commis. Paul Gadenne 3 : Je me suis si longtemps tenu à l’écart de la vie que j’en suis coupable comme d’un crime.

  • 040223

    5 mars 2023

    Hier à peine j’écrivais à quelqu’un les mots adieu productivité ! ; ce matin j’installe une nouvelle application de gestion de to-do lists. Je fais le contraire de ce que je dis. Ce que je dis n’a aucune valeur, même quand ce que je dis n’est pas parlé (j’ai écrit ces mots, adieu productivité !, dans un message à un tiers). Ce que je dis, c’est le babil du vent qui me traverse comme si je n’étais (et de fait je ne suis) rien. C’est rassurant de se dire qu’on n’est rien. C’est commode. C’est confortable. C’est sans doute plus pratique pour que ceux qui fustigent ceux qui ne sont rien n’aient aucune prise sur soi. Quand j’ai fini de faire le contraire de ce que je dis, je dis le contraire de ce que je fais. J’allais écrire que c’est normal, c’est mon métier, sauf que ce serait mon métier si je gagnais ma vie en écrivant (or non). Le lieu le plus représentatif de cette diction du contraire de ce qu’on fait, c’est le CV, et je passe un peu de temps aujourd’hui à refaire mon CV pour qu’il colle moins à ce que je suis qu’à ce qu’on voudrait que je sois. Une fois que j’ai fait ça, je coche la tâche Refaire CV dans ma todo list. En réponse, mon application m’envoie des confettis virtuels pour fêter l’accomplissement de cette tâche et me dit profitez bien de votre jour de congé, G (dans cette application, j’ai paramétré mon compte pour que je m’appelle G), rechargez vos batteries, vous le méritez ! Or, je ne mérite rien. Ni en bien ni en mal. Je veux dire, je suis à l’équilibre. Neutralité émotionnelle. C’est très dur à accomplir. J’en ai conscience. Je veux dire, je mesure ce que ça implique. Une fois que j’ai updaté mon CV, je peux postuler pour une entreprise qui a reçu la certification Great Place to Work même si moi je ne jouis d’aucune certification Great Guy to Work with. Et s’il y a une chose que j’aimerais retenir de « Comment composons-nous notre propre musique ? » 4, c’est celle-ci :

    La connaissance d’une personne ne peut pas être transmise à quelqu’un d’autre. La concentration de Beethoven et sa maîtrise de l’harmonie n’ont pas été transmises à Schubert. En même temps, il n’y a rien qui cloche chez Schubert. Donc le grand problème, c’est : qu’est-ce qui est transmis ? Et je pense que ce qui est transmis, vraiment, c’est qu’il est important de comprendre que nous devons développer un sens de la réalité pour ce que nous faisons — et chacun a une perception différente de la réalité. Encore une fois, comment savoir ce que nous ne savons pas ? Comment savoir que ce que nous faisons est vraiment ce que nous faisons ? (...) Peut-être que, pour le monde extérieur, ce qu’il y a de meilleur dans ma musique, ce sont les choses qui me font le plus de peine et dont je pense qu’elles ne devraient pas s’y trouver. Et je suis certain que ce que vous aimez le plus chez Xenakis, ce sont précisément les choses dont il pense qu’elles ne devraient pas y être.
  • 050223

    6 mars 2023

    J’avais un problème, mais il a suffi de neuf signes (max-width) pour le régler. Je me suis souvenu que Katsuhiro Otomo s’était servi dans certaines de ses trames d’Akira d’un motif emprunté à Gustave Doré (un paysage de Don Quichotte) alors je suis allé cherché des gravures de Rembrandt ou des œuvres de Seghers pour m’aider à reprendre le générique de Grieg de zéro. Le reste, ce sont des tableaux en HTML. Ce n’est pas encore ça mais enfin on se rapproche. Moresco 5 :

    Le soir et au début de la nuit, je faisais encore du vélo dans le parc. Il arrivait que l’Albinos bondisse par surprise derrière moi, sur la remorque, alors que je pédalais déjà. Sa tête apparaissait presque phosphorescente dans l’obscurité de la nuit et si, par hasard, quelqu’un regardait le parc depuis les fenêtres de la bastide, il ne pouvait certainement voir que cette tête-là, comme si elle se déplaçait toute seule dans les allées, et peut-être aussi les simples contours de son corps comme radiographiés dans l’espace.
  • 070223

    7 mars 2023

    Déboucher les égouts va devenir une activité très lucrative, prophétise un savant qui annonce la mort des métiers intellectuels. On recrute aussi des ramoneurs, même sans expérience de ramonage, mais il faut avoir le permis depuis plus de trois ans, pas depuis moins un mois. Les ouvertures 6 : Ce n’est pas si difficile de conduire en dormant, me disais-je. Il suffit de rêver à ces routes sur lesquelles on est en train de rouler. Une offre d’emploi sur le vaste web : vous êtes sensible à l’univers du luxe (...) Salaire : à partir de 4,05€ par heure. Si je devais sommairement décrire mon quotidien idéal, nonobstant la finance et les revenus, je dirais que je ferais de mes jours un genre de tranche napolitaine, et je travaillerais à un projet différent par heure, les miens ou ceux des autres indifféremment, et certaines de ces tranches seraient purement des lectures, et d’autres purement de l’écriture, et d’autres purement de l’édito pour d’autres, et d’autres de la pensée, purement. Et voilà. Notons que c’est un peu ce que je fais de ma vie en ce moment.

  • 120323

    12 avril 2023

    On n’apprend pas la langue, écrit Arnaud Maïsetti 7, on la fait en soi. Je déteste attendre. Je ne fais qu’attendre. J’attends quelque chose. Je ne sais pas quelle est cette chose. Si bien qu’une fois advenue, si elle advient, je ne sais pas la reconnaître. Il pleut. Ce n’est pas de la pluie que je cherche. Je ne cherche rien. J’attends quelque chose. Pas de la farine périmée non ouverte, et pourtant il y en a. Qu’en fais-je ? Rien. À la place, j’ouvre mon fichier récolte et je rajoute un onglet au tableur pour, en parallèle des phrases du journal, stocker celles issues des carnets. Il y en a 90, ce qui est à la fois beaucoup et peu, depuis 2019 que je tiens ces trucs, ou plutôt non que je prends note de phrases de fictions dans ces trucs. La dernière entrée est de ces jours : résultat de quoi, il lui petafina la vésicule biliaire.

  • 150723

    15 août 2023

    J’imagine que la première question qu’il convient de se poser lorsqu’on lit quelque chose, c’est de quoi parle-t-on, sous ce dont on fait semblant de parler ? Voire même : chaque fois qu’on s’adresse à quelqu’un, ou que quelqu’un s’adresse à soi ? Je ne crois pas que ce soit le cas dans nos échanges avec Q., de passage à P., pendant que le vent souffle et que le soleil tourne. J’oublie de lui dire que la meilleure chose que j’ai lue cette année, c’est Happiness de Shūzō Oshimi, comme j’ai oublié de dire l’autre jour à une collègue que la meilleure chose que j’ai lue l’année dernière, c’est How to be both d’Ali Smith. Sans doute car je parle à retardement quand je parle à quelqu’un, poursuivant dans ma tête des conversations plusieurs heures après qu’elles ont été jouées.


  • ↑ 1 Le cœur ne cède pas, Flammarion

    ↑ 2 Antonio Moresco, Les ouvertures, Verdier, traduction Laurent Lombard, P. 25

    ↑ 3 Le long de la vie, Éditions des instants, P. 41

    ↑ 4 Morton Feldman, Au-delà du style, Éditions de la Philharmonie, traduction Jérôme Orsoni.

    ↑ 5 Les ouvertures, Verdier, traduction Laurent Lombard, P. 159-160

    ↑ 6 Antonio Moresco, Verdier, traduction Laurent Lombard, P. 286

    ↑ 7 Brûlé, L’arbre vengeur, P. 84