Les hommes en quête de vie éternelle qui momifient les corps et ceux qui fabriquent des tomates séchées sont mus par un même désir.
Ryoko Sekiguchi, Nagori, P.O.L
Tempo, le chien de D., veut goûter mon lucky charm d’Asakusa. C’est en quoi, en buis ? Moins que zéro ici. Combien, je sais pas mais moins oui. Une espèce de brume blanche est tombée sur la ville et dans une nuit phosphorescente L. m’apporta un Comté du Juras. N. un moment pour parler (N. me dira que je faisais mon âge). Je suis passé au (...)
Parce que je fais deux choses en même temps complètement différentes mais néanmoins semblables, je me retrouve à m’égarer mentalement plusieurs fois. Plusieurs fois plusieurs fois en fait. Par exemple, préparant mes affaires pour partir à Toulouse pour trois jours, et parlant de tout autre chose avec H. qui réserve des trucs, j’en viens à confondre les deux et me dire : comment je vais faire pour gérer le décalage horaire là-bas ? Ou encore : qu’en est-il de la langue ? Il fait de plus en plus froid (...)
Chère Madame, Cher Monsieur,
S’il vous pèse aujourd’hui que je vous écrive, imaginez-vous toutes les fois où je ne l’ai pas fait. Les fois où je me suis ravisé, les fois où j’ai comme arrêté un geste à moi ou pas à moi qui s’apprêtait mais, non, je l’ai retenu de jaillir. Par exemple par pudeur. Mais aujourd’hui, comment voulez-vous que je fasse autrement que faire ça, c’est-à-dire écrire ? Il se trouve que cette histoire prend sa source il y a plus de vingt ans, lorsque vous (non pas vous personnellement, ni (...)
Partout, ce sont les animaux sauvages qui vont et viennent, entrant dans ce tableau, le traversant, les ratons laveurs qui sont des ours miniatures, mais féroces comme les grands, les opossums qui ont vécu en voisins des dinosaures et les crocodiles qui sont aussi des dinosaures et qui, je le crois, ont survécu non pas à cause de leur férocité, de leurs crocs, de leur carapace, mais parce qu’ils ne sont que tendresse et précision. Hier, j’ai vu une mère alligator au bord de la route. Elle prenait le (...)
J’ai tout oublié du premier but de la France contre la Croatie en finale. Je sais plus qui l’a marqué, comment. Personne cette semaine à Paris, tout est fermé partout, et si je travaillais encore chez STAT (je travaille plus chez STAT depuis trois ans mais je me dis toujours si je travaillais encore chez STAT) j’en serais à errer dans les rues le midi en quête d’un truc ouvert pour bouffer. Pour autant, même si la ville est vide, il y a des corps qui marchent devant ma fenêtre, là, au cinquième étage, (...)
Le docteur est devenu une femme (comme Samus Aran est une femme). Il s’est régénéré. Un moment chez D. et M. à jouer à la Super Nes Mini. L. un peu plus tôt dans l’après-midi. C’est un thé au jasmin quelque part (j’ai oublié le nom de ce truc place Dorian, disons simplement que c’est orange). Le masque magnétique a des effets (lesquels ?). Super Metroid, c’était le premier pas dans le futur. Je nous revois l’avoir acheté (donc quelque chose comme 1995), aller chercher à l’accueil de l’Auchan le guide (...)
Là où on est allé ça s’appelle
j’ai oublié. D. et R. habitaient là du temps où ils habitaient là et
il y aura un canal qu’on peut longer jusqu’a des bois (chiens,
chevaux, vélos, promeneurs repus après l’agappe, enfants
dotés de leurs cadeaux tout neufs, poissons). Il fait
un soleil blanc, non
très clair pour la toute première fois depuis mon arrivée le 20 et c’est
ça le problème. Le masque magnétique c’est pas très efficace quand la lueur a pris
à l’intérieur de ton propre crâne mais j’avais l’air
d’être un (...)
Vu L. un moment (une histoire de clées), vu D. un moment (une histoire de chien). Cette journée est une succession de moments. Et je n’ai pas lu une ligne depuis mercredi.
Septième et dernier jour sans eau chaude. Après-midi passé entre les deux plombiers occupés à changer le ballon, un gigantesque courant d’air, une panne massive sur les serveurs d’OVH et des relectures d’un essai sur des Forêts. Pas eu le temps de manger, je mangerai quelque chose en vitesse dans un train peu après. On est trois pour m’attendre à la gare. Je lis des trucs je n’y suis pas. J’ai quatre minutes de battements, là. D. il va prendre un chien (la chance). Je suis allergique à son chat, je (...)
Ce moment délicat où tu as envie d’écrire autre chose, quelque chose de magique (toujours magique quand encore à écrire), partir du rêve de Bakou pour en faire une fille et qui court pendant des kilomètres, partout. On doit avoisiner les 40 000 mots de L’effervescence, ça m’a remis en selle mais c’est sans intention, gratuit, rien qu’en langue, vain peut-être. Et aller où avec ça ? Le plus sage serait de rester focalisé sur, d’oublier. Ne le ferai pas car je suis mais irrécupérable. Et, oui, effectivement, (...)
Le café livres c’est à gauche en regardant dans l’autre sens. Rendez-vous là où c’est calme. On me dit que je suis assigné à résidence à cause du fait que la porte de l’immeuble est bloquée sur le coup de midi et quelque. Je suis là derrière la vitre à voir venir la folle du six qui me dit avec des gestes que c’est clos, c’est fermé. Grâce à l’aide providentielle d’une voisine du rez-de-chaussée qui me fait transiter, moi et une autre voisine bloquée ici comme moi dans cette soudaine temporalité, par sa cuisine, (...)
Le premier truc du jour c’est un texto : Bowie est mort. Faut vérifier la tête encore pleine de la suie que c’est vrai. Pas possible. Pas besoin d’aller loin : deux cent mille tweets sur son nom dès les huit heures du mat’. À quinze heures, on sera deux millions cinq. Et après je sais pas. Hier soir ce docu sur France 4 en replay, Le fantôme d’Hérouville. Blackstar c’est sorti vendredi. Dans le clip de Lazarus, mis en ligne, je sais même plus, il y a moins d’une semaine, Bowie mais c’est un crâne. J’ai (...)
On me pose en voiture quelque part où c’est l’aube. Quand je tourne la tête on m’attend, on croit que je suis venu exprès mais c’est faux. C’est une grande surprise que je sois là avec eux, et je salue tout le monde, je fais comme si j’étais venu de mon plein gré ici. L’un des mecs est chilien, parlons la langue intermédiaire pour nous parler. Il me dit être chilien mais il porte un maillot de l’Algérie, me parle de Zokora. En anglais toujours : est-ce que tu sais que mon frère possède un maillot dédicacé (...)
Le paradoxe n’est pas que verbal. Il en existe de troublants qui concernent l’action. Plus vous envisagez de faire quelque chose, plus ce que vous faites produit le contraire de ce que vous aviez envisagé. De sorte que le résultat de votre action contredit son intention première.
Bruce Bégout, Les figures de Lichtenberg in L’Accumulation primitive de la noirceur, Allia
Retour Paris via le 6693 de 10h. H. m’envoie une vidéo avec des éléphants. Quelqu’un dit derrière moi « on arrivera à et cinquante (...)
"So, what do you think about that ?" he asked cautiously, wanting to get her opinion on the whole Daniel thing. Bekka shrugged and chewed. "Whatever," she said, her new word for "You’re welcome," "Hello," "Goodbye," and "I’m only eight." "I really just don’t want all his stuff there. His car already blocks our car in the driveway." "Bummer," Ira said, his new word for "I must remain as neutral as possible" and "Your mother’s a whore." "I don’t want a stepfather," Bekka said. "Maybe he could just (...)
Parti courir avec mon père tout près de mon ancien lycée. 43min41. 6.68km. Steve Reich, Max Richter, Vivaldi. Des canards, des tortues et puis des trous de lapins.
J’ai découvert une page qui parle de moi comme si j’étais quelqu’un
d’autre. Ce que j’apprécie surtout c’est qu’elle est
presque fictive.
Mes parents me racontent qu’en Haute-Loire il existe des courses de porcs post-apocalyptiques. Mon frère dans son nouvel appart. Plus loin un chien avec une tête humaine. Discuté via Twitter sur ce que je (...)
J’écris peut-être ce livre pour ne plus avoir à parler.
(...)
Je ne cherche pas la nouveauté, mais la justesse.
(...)
Je fais des enregistrements modifiés de Wagner où je ne garde que les parties qui me conviennent, lentes, tristes et sans voix.
(...)
Je rêve d’une écriture blanche, mais elle n’existe pas.
(...)
Être artiste et écrivain me permettrait de devenir fou sans m’en apercevoir : on sollicite mes excentricités, comme je travaille seul, personne ne vérifie ce que je fais, il faudrait un (...)
J’ai un corps différent dans la glace, tout près du poing de mon frère, dans la porte de la salle de bain rose. Ce corps est plus grand que mon corps. Il a les cheveux longs et noirs et des épaules. Une bouche plus large et des yeux grands ouverts. Je dois fermer les miens pour faire réapparaître le corps que je connais et lorsque je le vois, effectivement, réinventé sur le miroir, c’est à la fois un soulagement certain et une espèce de honte, un regret, celui de n’avoir pas profité plus longtemps de (...)
Bientôt la ville entière, y compris la Vieille Ville, fut pleine de destructions, on eut bientôt l’impression qu’il y avait plus de maisons d’habitations et d’édifices publics complètement détruits ou ayant gravement souffert que d’autres constructions. Des heures entières, complètement soumis à la fascination de ce qu’on appelle la guerre totale, qui tout à coup s’était acclimatée dans cette ville, avec mon cartable j’ai parcouru la ville en tout sens assis n’importe où, sur un tas de gravats ou sur le (...)
Shooté de chez shooté putain. 3.6g de paracétamol dont deux opium ces dernières vingt-quatre heures et la limite c’est quatre. Au-delà je sais pas ce qui m’arrive. 2 gélules vertes du Dr Leprechaun au cours de la même nuit c’est une première. Voilà d’où il me vient ce shoot. J’ai toute la tête entre les omoplates et que dalle dans les genoux. Et pour la première fois une gélule verte (deux même) ça suffit pas.
L’opium m’a fait entendre des grecs me chuchoter sur la paroi du mur, ce sont les dieux d’Ilium qui (...)
Le train à 6h58. Dans la rame ce que je lis ne s’appelle pas La voix itinérante mais Il y a quelqu’un ? via le site-revue Nerval. Corne cette phrase :
Après tout, n’avons-nous pas pour origine le même drame, celui d’avoir été propulsé d’un utérus dégueulasse, et la tête la première en plus, dans ce monde où dès les premières secondes nous n’avons su que hurler et pleurer, comme si naître était là le début d’une longue torture ?
Elle me ramène encore à l’Adam Kadmon aperçu dans l’Ulysse (à venir) 598 : A (...)
cela se termine ou commence là certains soirs
une pâtée de nerfs
Antoine Emaz, Boue, Deyrolle Editeur, P.21
Le mercure (c’est-à-dire nos pixels embués sous la couche LCD de nos petites météos portatives) remonte. Zéro poudre fumée hors de ma gorge ouverte (dehors patiente). Un mec (ce mec) attend le train comme chaque lundi au même endroit et moi, au même endroit comme chaque lundi devant le train venant, je le prends (paume), fictive photo carrée (Brannan le filtre).
Un autre refus, pixel (...)
Où l’on archive, par pur souci de restitution mémorielle, tous les morceaux enfouis appelant entre leurs griffes des souvenirs coincés. La musique est une éponge, je l’ai écrit très loin de moi. Ces chansons sont dans ma moelle. Cette page un abécédaire inépuisable. Fort heureusement inépuisable.
Première publication le 24 août 2011
C
Creep, Radiohead (Pablo Honey, 1993)
D. mon frère, frôler les murs de sa chambre à même les briques le long les doigts, vibrent les murs quand les guitares saturées là (...)