4 novembre 2011Je suis un cœur. Je bats habituellement dans une poitrine, derrière des os et d’autres bouts de A ce que j’ai pu en voir, et ce fut très rapide - car il m’est tout à fait interdit de prendre l’air - Il y avait un homme de l’autre côté de la route, là où se trouve le centre commercial. Il Je suis sûr que l’histoire de l’accident là il est allé la raconter à tout le monde. C’est bien un Voilà il est mort c’est tout à fait con. Il s’est fait tuer par un parfait inconnu avec un fusil
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Plaisir de poursuivre ce rendez-vous des vases communicants avec Quentin Leclerc, à suivre au quotidien dans son Journal(s) et sur Twitter, et récemment via la revue Auguste, 100% numérique et à découvrir. Nous avons tous deux exploré le même genre de trame, le tout vu depuis deux points de vue différents, je vous invite donc à mélanger les deux textes, lui chez moi et moi chez lui et/ou inversement. Voilà la liste complète des vases communicants pour novembre 2011 : – Guillaume Vissac et Quentin
5 octobre 2012
Respecte assez une langue par laquelle on peut dire I ache. Et si je me plonge littéralement dans tant de vies des autres, journaux, celui-ci Seb Ménard, celui-là Quentin Leclerc, tant d’autres encore, c’est que naïvement j’espère pouvoir en acquérir une certaine connaissance telle que je pourrais prendre leur masque et être, être eux à mon tour, à commencer par écrire, écrire comme eux alors, je te laisse imaginer ce qui est vrai et faux là-dedans, plausible ou pas, crédible ou je ne sais quoi. Te laisse imaginer aussi la déception que c’est quand au matin on se retrouve encore catapulté en soi, comme tant d’autres putain de jours avant ce jour ci. 25 octobre 2012
L’anthropophage a une assistante jeune et belle, peut-être ou pas déjà rompue ou initiée par le patron à l’anthropophagie. Je lui confie encore mes yeux. Ca marche toujours pas. Je vois moins et ça tourne. La correction des verres est bonne. Elle me les tord et marche. Suis-je au-delà d’hier ? Je sais plus rien du coup. J’échange mes yeux, mes verres, toutes les X secondes, et passe tout sous le rayon rapace de mes quatre yeux pour voir lesquels savent voir le mieux. Je n’ai pas la réponse. Tête qui tourne. Mais n’a-t-elle pas tourné, aussi, durant la migration du jour, avec les autres verres, les vieux, ceux censés être bons ? La vérité c’est que je suis épuisé par tout ou partie de rien. J’ai commencé, hier, Le joueur, pris au dépourvu par la fin inopinée d’A Scanner Darkly, téléchargé en vitesse via Feedbooks sur l’iPhone, Quentin Lerclerc en vient, peut-être, et c’est chez lui que je l’aurais, peut-être, attrapé. Je découvre, fragmentaire, car Spotify n’a pas les droits de toutes les pistes, connerie, le Four Movement for Two Pianos de Philip Glass (ma lecture terminée d’A Scanner Darkly m’intime l’ordre de ne plus, pour le moment, remettre en marche aucune des Metamorphosis dans quelque lobe que ce soit) et c’est superbe, oui, mais je dois m’en extraire, vite, car c’est encore la même musique de la mélancolie et de la dépression que cette musique cyclique et elle me happe, c’est vrai, anthropophage ou pas, vertige ou non, tout contre tout contre elle. 4 octobre 2013Cette histoire de muscler les moelles du rêve pour apprendre à mieux les tenir au réveil ça fonctionne (déjà fait l’expérience durant la période des rêves 140c). Même chose alors, même si je ne prends en note qu’un fragment télégraphique de chaque (encore que). Dans celui-ci, il n’est pas réellement important de savoir que j’ai créé une machine d’art contemporain dont l’apparence est la suivante : un grand mur d’écrans disparates via lesquels sont projetées, pour la moitié d’entre eux, les images diffusées en direct depuis la vidéosurveillance présente dans la pièce où se masse le public, et sur l’autre moitié l’extrait d’un film automatiquement généré et puisé dans une base de données en fonction de sa concordance avec les images issues de la surveillance. Par exemple, si un gorille était présent dans la pièce, devant l’installation (ce qui n’est pas le cas dans le rêve), des images de King Kong seraient automatiquement générées et diffusées autour ou entre les siennes. Dans le rêve, ce sont des extraits de Jurasic Park. Mais ça n’est pas important : pas important non plus la rencontre d’une certaine Sylvianne Py dont j’ignore tout or le nom, idem l’atelier d’art rouillé dans lequel je me trouve. Tout ce qui m’importe me concerne : je suis dans une bibliothèque, accroupi sur le dernier rayon. Je cherche le livre de V. au rayon poésie. Quelqu’un me dit la couverture aurait dû être en laine et tricotée mais ça n’a pas été possible, à cause de l’éditeur. Si je ne trouve pas le livre, c’est que j’ai déjà vécu cette scène une première fois et que je l’ai déjà acheté. Je le cherche quand même. Cette phrase surréaliste concernant ce qu’ils appellent déjà (les claviers et les ondes l’appellent déjà) la tragédie de Lampedusa : « Il faut que les caméras de télévision viennent ici, montrent les cadavres, sinon c’est comme si ces tragédies n’existaient pas ». Cette dépêche concise (604 mots avant d’être reformatée), qui ne nous apprend en réalité très peu de choses, comporte neuf fois le mot tragédie (une fois tous les 67 mots). Bien sûr, c’est souvent du discours rapporté : c’est la même chose pour la télévision. Quentin nage à travers les mines : je pense aux mines sous terre. Par ailleurs, nouvel épisode, chez Joachim Séné, de sa série Je ne me souviens pas, auquel je raccroche cet extrait d’Eumeswil, lu matin.
14 novembre 2014
Vie grise. Combien de temps passe-t-on devant la machine en attente que la machine émette sur son visage l’écran espéré ? Devant le moulinet perpétuel du sablier rond j’ai sorti le portable et j’ai chronométré. Il y en a pour trente-neuf secondes. Trente-neuf secondes pour une recherche. À cinq-cent-quarante-deux recherches le mois dernier 1, cela fait un total de vingt-et-un-mille-cent-trente-huit secondes passées à attendre que l’écran se révèle. Soit trois-cent-cinquante-deux minutes. Soit, si je ne me suis pas trompé dans mes calculs nébuleux 2, un peu moins de six heures. Le reste de mon temps je le passe à quantifier les heures du stagiaire gauche, ça ne pèse pas très lourd. Je regarde vers l’avenir, j’apprends à respirer. Ce week-end est un week-end prolongé à cause du changement d’heure. Ces sons issus de l’univers retransmis par le SoundCloud de la Nasa, je me demande : ont-ils un copyright ? Non, semble-t-il. Lu ça chez Quentin Leclerc, merde, c’est bien. Ce qui m’agace c’est n’avoir pas de prise sur ces relevés (sûrement ça aussi qui attire) : à cause de l’absence de flux rss, à cause de l’absence de date, à cause de l’absence d’export sur liseuse via Pocket ; ça me rend la lecture continue impossible, suis obligé de lire dans le désordre ou bien de ne pas lire, ça rend les choses contraignantes.
30 novembre 2014
Retour sur les Relevés. M’étonnais hier de la disparition de Quentin sur les réseaux 3 Repris le fil des relevés, à la verticale, partant de plus récent, c’est la colonne 2014. L’une des œuvres web que je trouve la plus singulière et la plus déroutante. Dû sans doute à sa très grande simplicité formelle (une page html par année, rien d’autre). C’est un mur lisse à escalader et à l’envers : du haut vers le bas. Pas de prise pour les mains ni les pieds. Je lis Quentin depuis quelques années maintenant : toujours pris ses relevés pour un espace indéterminé, pas un journal, pas de la fiction, pas un texte qui se lit dans l’ordre, pas un récit suivi non plus, pas une série de notes éparpillées. C’est cohérent et ça n’est pas cohérent. Et lorsqu’on reprend le fil des relevés (lorsque l’on veut reprendre le fil des relevés), quelques jours après son dernier passage, pour prolonger la descente dans la page : la confusion la plus totale : toujours cette impression que les blocs ont bougé, qu’ils s’affichent aléatoirement sur la page et qu’il est impossible de retrouver son chemin. Le strict minimalisme de la page nous amène à une incertitude constante à savoir : ça a été écrit quand ? c’est quoi ? c’est qui ? c’est d’où ? La langue elle-même est très intéressante, à l’image du texte, entre deux temporalités, à cheval. Couru 29min40, 4km37 4, sous la bruine sèche du mois. 22 avril 2015
Plusieurs fois à voix haute, par écrit, la phrase je dors debout (c’est vrai). Besoin d’être vidé pour vivre. Besoin d’eau froide pleine gueule pour respirer un peu. De fatigue pour dormir. Je termine Quelques rides, pense à Où que je sois encore, à Monkey’s Requiem, aux Relevés de Quentin Leclerc 5. On peut lire des phrases comme Il pleut sur la pizza factice. On peut quiner des fois, à la lecture, revenir bien souvent en arrière, perdre le fil, comme quand on lit Pynchon, quand on peine à prendre part à la langue et puis voilà, ça y est, finalement on a prise, lire ça se mérite, même qu’il faudrait re, lire, car c’est un récit riche. Dans Baleine paysage 6, mon nom est apparu, je ne savais pas. Je ne l’ai peut-être même pas vu à l’époque lors de la mise en ligne, et puis je suis resté très à distance de la fabrication du livre (par Christine, Jean-Yves, Louise et Roxane). Je suis allé le retrouver en ligne pour me reporter au jour même. C’est un voyage dans la tentation du passé. 20 juin 2015
Quelqu’un dit sous la terre je suis un être humain avant de mettre les pieds ici. Je n’ai pas le contexte (j’ai rarement le contexte). Fini par trouver une version piratée de ce livre, Ongoingness, dont l’éditeur US a interdit l’achat en dehors de ses frontières. Vu Quentin quelque part il me dit je porte une veste en jean’s un sac en bandoulière. Facile. On est près des quais en terrasse, il y a de la lumière, c’est sans gluten. Parlons de nos projets divers, des splendeurs et misères de la littérature passée-présente-future, des longs paragraphes denses et sans ponctuation. De Farigoule Bastard. De Volodine, de Volodine. De Navigations (il faudrait que tu le lises). Est-ce que ça change quelque chose quand on lit quelque part la langue de quelqu’un dont on connaît désormais le visage, dont on a vu la voix ? |
5 juillet 2015J’essaye de lire Les onze. Je laisse passer un truc. J’ai des yeux dans la tête (ils sont noirs). Thomas m’avait dit quelque chose sur Les onze, j’ai oublié une partie de ses dires sur Les onze. Pas possible. Y arrive pas. Du mal à me concentrer sur autre chose que moi-même. Il fait une chaleur épouvantable ici. Le roi d’Espagne a disparu. Un orage devait éclater en fin d’après-midi mais non. Quentin dans ses relevés écrit mon nom. C’est du direct son truc. Je veux dire : il n’y a pas de décalage entre l’écriture et la publication (semble-t-il). Je respire mal, il faudrait que je respire. 25 janvier 2016Faisons-en une règle 7 : pas de visite libraire en décembre. Quentin à Corvisart. Il va pleuvoir quand on ressortira le sol mouillera la couleur jaune qui se prend dans la nuit, le jaune de l’électrique, baveux mais cuit quand même (c’est dans une onctuosité), un jaune que j’aime assez. Il est question de pas mal de mots différents, ce serait maladroit de les reporter là, ici, sans compter qu’il n’y a pas que de la parole. Regrettons l’absence de vaisseaux spatiaux dans l’Œuvre de Pierre Guyotat. Et quand je parle à Quentin de La supplication (mais sans le titre, j’ai oublié le titre) de Svetlana Alexievitch (mais sans le nom, j’ai oublié le nom aussi), derrière la nuit venue dans l’électroluminescence de la lecture sans un Watt de lumière il y aura ces trucs terribles, ce passage issue d’une oralité collective (on a parlé de Volodine aussi, Volodine il est là) :
18 mai 2016Beaucoup plus de temps laissé ouvert à la veille, à la lecture, à la respiration. J’avais un temps prévu ne rien écrire. À un moment très précis il y a Nils Frahm en fond sur la chaîne, un appel en cours au portable dans le creux de l’épaule et, par dessus, la musique du fixe qui sonne (c’est Bach mais en midi) puis le son d’un message s’écoulant à voix haute, la voix tout venant au haut parleur. Je dis à H. c’est un message. Parlait avec les mains. Je ne sais pas pourquoi il se met automatiquement en haut parleur, je m’en fous. Chez Quentin, cette phrase : C’est un processus de déconstruction de l’espace public essentiel à la réappropriation du territoire. Je reprends le Bajir du début. Je lis tout, y compris les deux chapitres hors ligne 8, que je reprends un peu, complète. Je me dis que c’est un vrai truc, Bajir. 27 mai 2016Il y a un lapin bélier sur le quai de la 8 à Ledru Rollin. Il est blanc, une tâche sur le nez presque et il ne craint jamais l’arrivée de la rame qui remue. Il saute sur la partie haute en céramique et il ne glisse pas. Saccage est dans ma boîte aux lettres. Me demande à quoi m’attendre après avoir lu plusieurs autres versions (des versions souterraines). Ma pile de livres à lire c’est pas une pile et elle git à ma droite. Une espèce de serpent métallique semble-t-il. 25 juin 2016
À la maison des Métallos pour une lecture de REFU(S)GE, une pièce de Marina Damestoy. Je ne sais plus très bien où j’en suis en sortant, notamment rapport à la douleur. Je sais que j’en sais rien, notamment les visages d’autrui. Je retiens que rarement un visage. Dans la rue Jean-Pierre Timbaud 9 les burqas sont en soldes. Ils ont fait vite pour remplacer les affiches lumineuses vouées à la publicité dans les couloirs de Nation. Lisant Arnaud sous terre, je tisse un lien entre ce qu’il l’appelle l’effondrement des pensées et ce qui est revenu plusieurs fois dans mes doigts, via le journal ou dans Чарнобыль, sous la formule l’abolition du langage. J’hésite à préciser. Il fait presque beau de nouveau. 26 juin 2016Brumes. Dans un avion qui frôle le pic d’une montagne à Guernesey. Pays figé dans une cendre antédiluvienne. Par exemple : des rochers de boue grise. Il y a des bavardages et des noms de marque dit oralement, à l’américaine, preuve qu’on a dû payer pour s’insérer dans ma tête, comme dans Futurama 10, et placer une annonce. La journée déphasé au sens propre : essayer d’accoler une ligne d’image à une ligne de son sans dissonance. Enregistrer des extraits de choses dites bouffés par la machine. Et voir le noir bouffer le bleu (ça ou l’inverse) à cause de l’impression. Tu branches ton portable pour recharge à un fil branché nulle part de l’autre côté. C’est et ça n’est pas une métaphore. D’autres dizaines de cars de CRS défilent encore sous gyrophare. Où est la manif ? On ne voit que les effets secondaires de la manif, pas l’épicentre. On me demande où c’est l’Avenue du Maine et en anglais j’en ai aucune idée. Quelqu’un dit eh, j’pleure, eh, j’pleure. Je sers à rien là où je suis. Sur l’écran tu lis des trucs comme Entre 18 000 et 100 000 manifestants contre la « loi travail » à Paris, comme Le Royaume-Uni va-t-il légiférer sur les escarpins en entreprise ? T’as trop froid t’as trop chaud. Il fait poisseux dehors, et blanc. Des sirènes de flics, là. T’écoutes Les contremplations pour avoir dans la tête quelque chose qui sache t’émouvoir pendant quelques secondes. La nuit 56 est arrivée, c’est celle qui dit c’est un fragment infime de la folie de ceux qui avaient comme forces la foudre et le veut, les marées et le soleil, la gravité et l’électromagnétisme, toutes à portée de main, et qui sont allés chercher la fission de l’atome. Là comme un animal. Anh Mat pose cette citation de Duras que j’ignorais : il faudrait ecrire un journal comme on marche dans la rue. Toujours concernant l’exercice du journal (si c’en est un), Quentin en ses Relevés quand il écrit :
30 juin 2016
Cette interview débile de John Irving dans L’Express. L"invitation à la paresse, à la triche et au plagiat que représente Internet. — Aujourd’hui, l’écrasante majorité des passagers [du métro] sont obnubilés par leur portable, sur lequel ils ne dévorent pas Moby dick. — Plus l’âge moyen du public augmente, plus la part des hommes se réduit. Ou bien encore la trame de son dernier roman : écrivain à succès, il mène une vie d’adulte ennuyeuse. Kalia, le nouvel album de Chaplier fou, est bizarre. L’un des enjeux à éditer un livre comme Saccage c’est : comment mesurer l’unité d’un livre polyphonique ? C’est pas un recueil de nouvelles, je sais pas si c’en est un (roman), mais comment monter le truc pour en faire un truc un ? Le chapitrage ajoutés aux titres des parties, la déconstruction des paroles (écho) avancées comme prémonitoires et lâchées dans le texte avant leur apparition. Ça fonctionne. Lisant les Versées comme un jeu de tarot il y a souvent cet écart en fin de carte, l’avant ou bien le dernier vers qui boite ou qui dissone. En tout cas qui sort de la marche. C’est souvent là dans cet écart, dans l’arythmie : le geste. C’est ça que j’aime attendre. Il y a encore des sirènes de police au-dehors (je ne sors rien de moi) et des articles relayés partout sur des actes de violence, des bavures, des coups, des brutalités policières. 2 juillet 2016
De l’eau jusque dans mes rêves. L’eau un moyen de locomotion pour aller quelque part. Je sais plus où on va ni avec qui mais l’eau est ocre et rose, quelque chose dans des tons finissants. Des branches se mirent dedans. Ce matin, autre chose. Pas réveillé par l’écoulement de la pluie sur le monde 11 pour une fois. Pleut pas mais froid. Blanc. Tout est humide, partout, à commencer par tout. Les draps, le corps, les vêtements, le bois, les stores, les emballages carton, le pain, la peau, le papier quand il y a du papier. L’Instin collé derrière mon tel déteint. Le rouge effacé fuit. J’ai l’impression revivre la scène de Sarasota dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind : une plaque en plexiglas entre moi et le reste du monde. Je suis enfoui dans les chiffres tout le reste du jour. Finalement je m’y sens à ma place — mais à ma place ça ne veut pas dire bien. Je suis tombé au fond tout au fond de ma tête. Quelques pas dehors avec H.. Je suis sonné par à peu près n’importe quoi. Je parle par bribes ou par monosyllabes mais mine de rien ces quelques pas dehors me font du bien. Nous sommes bombardés de mails mais de bons mails. Je mute le son quand même. Termine ma dernière lecture de Saccage 12. Il y a dans ce livre un élan que je n’avais pas vu avant. Quand est-il apparu ? J’ai l’impression qu’il y a un truc qui rate, la construction du terrain. Là, j’ai l’impression qu’il y a encore la langue d’un côté et le terrain de l’autre. Le décor. Le contexte. Peut-être que je me trompe. Peut-être que Quentin s’en fout. Je préfère la fin au début 13. Peut-être parce que je suis moi-même en meilleure condition humaine à le lire ? Mais c’est faux. Au bord de la nuit, je suis incapable de savoir si mes yeux sont ouverts ou fermé. 10 juillet 2016Marché de la poésie, troisième jour. Mal aux talons (re). Avant partir des mails. L’article sur la poésie numérique est en ligne. Du monde puis rien. Laurent est là, Sabine. Quelqu’un cherche Corti. Jacques Ancet. François, Julien. Puis Quentin, et avec lui l’Ogre. Dans la boîte de bonbons ne reste plus que ce que personne veut. Goût de fraise tagada bleue. Dégueulasse. Dans un restaurant italien a côté. Santa Lucia. Du foot sonore. Quelqu’un dit le politique n’existe plus que comme rempart à la catastrophe. Julien parle bien de son projet de langue. Son travail d’écriture. Gnocchis à la piémontaise. Un mec avec un drapeau bleu blanc rouge sur la joue. Quelqu’un dit Érotisme morbide. Grondement, 1-0. Est-ce que je crois en quelque chose. 1-1, penalty. Un chien aboit noir vers quelqu’un qui le singe. Gary Lineker me dit but de Payet et 2-1. 3 septembre 2016janvier❆– Svetlana Alexievich, La supplication, JC Lattes ⇄ journal du 151215, 181215, 211215 & 030116.
février❆– Clarice Lispector, Un apprentissage ou Le livre des plaisirs, Éditions des femmes ⇄ journal du 310116 & 050216
mars❆– Pierre Senges, Achab (Séquelles), Verticales ⇄ journal du 260216, 040316, 070316, 250316 & listing adolescent
avril❆– Éric Hazan, Une histoire de la Révolution française, La Fabrique
mai❆– Frank Herbert, Dune, Chilton Books ⇄ journal du 060516, 280516
juin❆– Frank Herbert, Dune, Chilton Books ⇄ journal du 060516, 280516
juillet❆– Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier
août❆– Edgar Lee Masters, Spook River, Nouvel Attila ⇄ listing adolescent
26 novembre 2016
Je suis au bord d’un fleuve ou d’une rivière d’eau sombre, il fait nuit tôt ici, je suis debout alors. C’est une performance mais je ne vois pas s’il y a du public et surtout : surtout c’est impossible d’émettre un son. Je dois lire à voix haute des extraits de Saccage, qui est un livre à la couverture noire ici, noire et lisse, brillante, humectée de la nuit, et les phrases se dérobent. Tout ce que je sais dire, ce sont des occlusives, ou bien les bruits qu’ils font au bord de la mort, dans Dragon Ball, quand la VF s’efface sous le doublage originel. Spartoo récompense ma fidélité avec un bon d’achat de 8,44€. Cagnotte disponible dans votre compte. Stop au 36616. Il pleut que quand je sors et puis que là où je vais. Je laisse mes coordonnées sur un papier blanc sans en-tête avec de l’encre, une empruntée. Doucement Sombre aux abords. Pas des nouvelles, je confirme, mais des chansons en prose. Ou des fictions parlées.
16 décembre 2016Réveil dans le brouillard. Rêvé de quelque chose mais quoi ? H. me dit Trump est sur le point de gagner, ou va gagner, ou c’est Trump. Je ne sais plus exactement comment il me dit ça mais c’est une réalité. Scotché un moment sur le fil d’actu des élections US et. Ici et là des périphrases journalistiques plus ou moins acrobatiques pour ne pas dire les mots extrême droite. Ce texte qui a pas mal tourné sur les réseaux ces deniers jours (semaines) : I want a dyke for president (je veux qu’une gouine soit présidente, version traduite à lire ici). J’ignore qui est Zoe Leonard mais je l’écris. Là. Ici. Le reste de la journée sur le Kalces web. À quelques heures d’intervalle deux passages dans deux livres différents : Paysage de fantaisieil rentre de la ville en fin de semaine il retrouve le grand pavillon sur les hauts du village le parc sa femme et ses enfants il distribue les baisers les cadeaux les ordres et les nouvelles on grimpe sur ses genoux on lui montre à la balustrade le val des bois et la rivière on tue un lapin ou un canard pour son dîner puis on couche les petits et il soumet sa femme au devoir conjugal il réclame qu’elle le suce comme les filles de Bordeaux ou qu’elle ôte sa chemise de nuit pour montrer tout comme les catins d’Angoulême ou qu’elle crie foutredieu en jouissant comme les grognasses du Périgord elle goûtait les romans elle gardait les anglaises blond vénitien de son enfance dans un coffret tissu d’autres cheveux que je remonterais jusqu’à l’âge des cavernes en suivant leurs nostalgies à chacun j’ai préféré une maison close je choisis ce chapeau gris et je prends la route j’y serai dans deux heures l’établissement est en province une belle demeure vendue à perte parce que des crimes sadiques y avaient eu lieu le coupable eut la tête coupée devant les journalistes c’était une très grande punition ici on nous prive seulement d’éclairs au chocolat ou de baignade après la sieste et La petite lumièreJe me surprens à songer : « Savoir qui a bien pu s’y coucher, sur ce sommier ? Quand ce hameau était encore habité, quand il était encore posé sur un châssis de métal ou de bois, et qu’il soutenait un matelas de laine de plus en plus tassé qu’on cardait peut-être de temps en temps, ou peut-être pas, parce que le cardeur, avec sa machine garnie de pointes opposées qui griffaient les bourrelets de laine tassée, ne montait pas jusqu’ici, il y avait trop peu de gens pour que ça vaille le déplacement… Quelque personne seule qui se couchait chaque nuit sur l’épaisseur de plus en plus réduite du matelas, durant les mois froids de l’hiver, à l’étage d’une de ces maisons qui sont désormais des ruines envahies par la végétation et où hibernent les chauves-souris, accrochées aux poutres, où autrefois ils mettaient le foin pour les bêtes qui étaient au rez-de-chaussée, dans l’étable, avec ces trois marches de pierre fendues où les vaches montaient en glissant sur leurs sabots, incitées par les cris de quelqu’un qui était derrière et leur frappait la croupe de la main et les poussait avec force pour les faire entrer. Des maisons qui n’étaient pas chauffées parce que la cheminée était en bas, et éteinte, il n’y restait à présent que quelques braises froides et noires. Ou bien quelque vieille restée seule. Ou, bien avant encore, quelque couple plus jeune. Et l’homme se couchait sur la femme, sur ce sommier-là, il entrait dans son corps à moitié endormi et engourdi par le froid, même pas lavé parce que la nuit l’eau gelait, le châle de laine sur la chemise de nuit soulevée à la hauteur des hanches, lui avec un pull de travail troué qu’il gardait même la nuit, de plus en plus rapidement dans le corps de la femme qui continuait à dormir, dont la respiration devenait parfois plus lourde, plus rauque, et on ne comprenait pas si c’était à cause du poids de l’homme sur son corps ou bien parce qu’elle ronflait, et alors le lit grinçait un peu plus fort. À la fin, tous les deux avec les couvertures tirées jusque sous le menton pour ne pas attraper froid. Et c’était comme ça toutes les nuits, toutes les nuits, tandis que quelque chose grandissait dans le noir à l’intérieur du ventre de cette femme à moitié endormie et engourdie, sur ces sommiers qui sont là désormais et servent de porte aux potagers abandonnés, quelque petit être désespéré avec sa petite queue remontait le canal vaginal pour être le premier à briser la membrane d’un des ovules qui pullulaient aveugles dans la matière aveugle de sa chair, pour donner vie à de nouveaux corps et à de nouveaux petits êtres dotés d’une queue et à de nouveaux ovules au milieu de tout ce désespoir végétal et de ce froid. Pour quelle raison ? Pourquoi ? Comme ces surgeons qu’il y a partout et qui s’élèvent le long des arbres presque à les étouffer, toujours plus haut, plus haut, qui arrivent presque avec leurs feuilles à la cime de l’arbre autour duquel ils ont poussé jusqu’à l’emprisonner. Il se passe la même chose avec les êtres de notre espèce. Toutes ces vies qui s’emprisonnent les unes dans les autres, cette création continue de colonies pour occuper des portions de plus en plus grandes de territoire en les soustrayant à d’autres. Pourquoi ? Pourquoi ? Pour perpétuer son propre ADN ? Alors que, de toute façon, après seulement quatre ou cinq générations, un battement de cils dans le temps, il ne reste plus rien du patrimoine chromosomique ni de l’ADN originel dans les nouveaux êtres qui ont pris vie, lesquels à leur tour, après quatre ou cinq générations, ne transmettront rien de leur ADN dans les nouveaux êtres à qui ils auront donné vie ! Je ne sais pas si c’est la même chose pour les arbres, les ronces, les féroces pariétaires qui envahissent tout, et qui semblent toujours pareilles à elles-mêmes, toujours les mêmes feuilles, les mêmes tiges à l’étrange couleur rougeâtre qui se cassent dès qu’on les arrache, et pendant ce temps le reste de la petite plante continue imperturbablement à bourgeonner, et plus loin toujours les mêmes colonnes de bois qui se dressent vers la lumière, mais les individus de notre espèce, eux, apparaissent différents les uns des autres, ou alors ils ont seulement une apparence différente, ou bien c’est comme ça qu’on imagine qu’ils sont tandis qu’on les regarde à travers le diaphragme déformant de l’atmosphère, derrière le voile dense et noir et ondoyant au vent, et qu’on essaie d’interpréter d’après les configurations de leurs visages ce qui se produit dans l’entonnoir sombre de leur vie, comme lorsque la nuit on voit frémir près du rivage cette écume soudaine des vagues de la mer noire… » (et bien sûr souvenir de ce passage dans Herbes et golem de Manuela Draeger il y a quatre ans). Y a-t-il du sens à lire ça ici et aujourd’hui, maintenant ? Écouter des Rushes, Rushes To, ça me touche beaucoup au niveau d’une espèce de brisure ou de truc ébréché. Cette phrase aussi lu chez Duvert (et de tout ce passage je remonte plus aisément à un chapitre de Saccage, c’est si réel comme parenté) : ils marchent mieux que moi je les crains ils me détestent je dois être jeune et quelqu’un m’a donc évité la mort des autres aucun n’était accroché par le sexe c’est peut-être ce qui m’attendait ou même ce que j’ai subi quelques temps. Puis, à peine plus loin : un vaste jardin d’herbes et d’ombrages où s’élève l’arcade d’une ruine oubliée mais je ne comprends pas que la mer apparaisse devant moi cette étendue grise lisse sans odeur et qui porte le vent. Un chapitre, si on peut appeler ça comme ça, tellement plus fort et plus terrible qu’aucun des délires orgiaques qui mouchètent le reste du livre. Dragon Ball Super. Il faut attendre l’épisode 38 pour voir une goutte de sang. La nuit venue mal à la gorge. Thé blanc. 1230 mots mis sans me retourner. 25 décembre 2016
Firminy Vert. Tout est encastré, tout est tagué et vide. Plus personne vit ici. Un mec me parle, il sillonne la France pour se faire retirer des tumeurs dans plein de villes différentes. Il appelle ça la part de Satan. J’essaye de prendre en photo la fumée lumineuse qui s’échappe à l’horizon, entre les tours, derrière le city stade, sauf qu’on bouge. Ce sur quoi je suis monté c’est pas fixe, c’est un véhicule en mouvement. Enfin finir la version web de Kalces. Heureux du résultat mais j’avais l’impression, à tort, de ne jamais en voir le bout. Il est là. Parution demain. Derniers messages, derniers réglages avant publication. Les auteurs sont contents, mails émouvants. Une première partie du boulot est faite. Pas la plus dure. Mais je ressemble à rien. Reçus de la Poste qui trainent sur le bureau. Fait pas si froid dehors. Une vidéo en accéléré pour notre soirée de lancement de La Vie verticale en octobre. La chute du ciel derrière. Quentin m’a envoyé un livre : L’apocryphe. Ça me touche assez. Pendant plusieurs dizaines de seconde ça me coupe de la course du jour, comme une respiration, à regarder l’enveloppe, le dos, l’adresse, le nom du livre et le post-it dedans. Dragon Ball Super : il faut attendre l’épisode 48 pour que ça devienne bien. On m’informe que mon conseiller bancaire a changé de numéro. J’avais un conseiller bancaire ? Au bout des 10’21 de la Metamorphosis II : 796 mots au terme desquels, plot twist, je me surprends moi-même. Duvert : les siennes nous si.
30 décembre 2016Mets juste une photo aujourd’hui, je sais pas, une photo que t’as pas prise, parce que pas le temps ou pas pensé, un moment sans légende, ce chien à la patte bandelée qui claudique, ou par exemple trois livres mis les uns à côté des autres et, je sais pas, des mots émanant d’eux. 25 juin 2017Pas grand chose à dire sur cette journée. Un moment avec Joachim et Roxane vers Saint-Lazare. Les pollens, encore les pollens. Ils me sont bombardés. H. me file un médoc que j’avale sans même regarder ce que c’était. Je n’avais pas besoin du médoc, je lui dis après coup : les symptômes se sont arrêtés juste après que je l’ai pris. Quentin m’a envoyé son nouveau livre, La ville fond. Baptiste Morizot termine son livre 14 Les diplomates par la phrase suivante : le loup est un whistleblower à l’égard des structures écologiques et ontologiques les plus architectoniques des Modernes ; il les fait saillir en pleine lumière. 3 août 2017Quelqu’un se fera livrer deux bibliothèques entières de livres avant de déclarer à qui voudra l’entendre : demain à 17h je me pendrai. Puis derrière c’est une petite boite en carton oubliée dans un train : tu l’ouvres et deux grenouilles naines et rouges s’en échappent en sautant. 866 mots pour Eff. I. quelque part près de la place d’Italie pour un verre. Je lui parlerai d’Eff en quelques mots. De quoi prendre en note cet autre extrait 15 issu du Lac sur la mort de quelqu’un, et j’ai besoin de ça pour Eff justement. Corner, ailleurs, des pages de La ville fond, que je commence la nuque endolorie d’elle-même. J’apprécierai retrouver des bribes de trucs lus déjà dans le chaos des Relevés mais refaits, sans doute, ou réécrits, je suppose. Ou par exemple, cet effort de micro-répétitions qui se jouent de la chose narrée, des éléments factuels venant gonfler l’intrigue et qui saccadent, ça saccade, il y a du cliping, on est proche du bug d’affichage ou du glitch à l’écran. Ici page 31 : Il descendit au rez-de-chaussée et s’assit à la table de la cuisine. Bram était absent. Sur la table de la cuisine, un mot de Bram indiquait qu’il était absent. Je suis absent — Bram, disait le mot. La table était mise. Il y sans doute des éléments de réponse à chercher dans L’apocryphe de Robert Pinget que Quentin m’avait envoyé il y a quelques mois. Dans une forme de compartimentation méthodique d’éléments de narration. Je ne trouve pas les bons mots pour le dire. Ou bien page 36 : Depuis que la ville fondait, c’était un luxe d’attendre. Cela, Bram l’ignorait. Formule qui revient très souvent ét(r)eindre les paragraphes en fin, pas réellement comme un slogan, plutôt comme forme de routine. |
↑ 1 Ces chiffres sont issus des rapports officiels.
↑ 2 C’est tout à fait possible, je le crains.
↑ 3 Un mal contemporain ce truc : la disparition de qui que ce soit sur les réseaux.
↑ 4 Molly for two pianos encore, Electric Counterpoint, dans le désordre.
↑ 5 Les trois mousquetaires de la littérature fr de demain ?
↑ 6 Ce serait donc là que j’ai pêché mes quelqu’un dit ?
↑ 7 Une règle à saucissonner. Quant au saucissonnet ci-joint, il vient de là.
↑ 8 Dans l’un d’eux ce lapsus : Toujours vu de dos où qu’il aïe.
↑ 9 Est-ce que devenir adulte c’est nommer les rues ?
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la neige qui ruisselle sur les toits, les gouttes sur la vitre, les souliers qui prennent l’eau, le loyer à payer, la peur de la vieillesse, la lumière cendre olive au-dessus du fleuve, toutes ces choses penchées, glissant en un éboulement sans finJacques Ancet, L’incessant, P. 66, publie.net
↑ 12 Lu aussi dans ses Relevés ce truc, « Je suis descendu jusqu’au lac ». Sans hiérarchie dans l’écriture du journal (en est-ce un ?), et on ne sait pas jusqu’où littéralement le texte va descendre.
↑ 13 Chapitre du pêcheur, et puis ce bout de phrase ici : désormais, je suis bien pire que ça : je suis une mante.
↑ 14 Une page plus tôt : Il n’y a pas de nature dont nous soyons dehors.
↑ 15
(...) parce que, dit l’aînée, tant qu’on n’a pas perdu son père ou sa mère on ne peut pas savoir, pas comprendre, ni seulement imaginer quel bouleversement représente un tel événement, comment sa propre vie sera à jamais dévastée, puisque ensuite on ne vit plus qu’occupé de cette peur-là, celle de la perte possible, dans la conscience aiguisée que nul recours ne sera possible.