Ernest Hemingway



  • 170212

    17 février 2012

    Sorti du taf des calcaires de béton dans le tube de la gorge. Envie de gueuler je sais pas quoi gueuler puis de sortir un flingue, quarante, et de rouler à contre-sens de la bretelle avec un tank, de faire feu sur la lune. Mais j’ai pas d’écran pour. Et back home tous les câbles bouffés. Alors le faire, le boire, le vivre en vrai ? Chercher le tank.

    Tombé du train sur fil Twitter et le hashtag repris ici en titre. Pris le wagon en marche. Atterré comme beaucoup par le comportement de Gallimard et de sa lettre aux revendeurs, sans contact préalable avec l’auteur de la (sic) contrefaçon : une traduction du Vieil homme et la mer d’Hemingway par François Bon. Et ça parle de texte comme on mentionnerait, en d’autres circonstances, une sale paire de godasse. Le vieil homme et la mer, je l’ai pris, sur Publie, hier ou il y a quelques jours, je sais plus. La meilleure manière de défendre Publie c’est encore, ce texte interdit, de le lire. J’adhère au geste de Daniel Bourrion et propose donc, également, à mon tour, copie de cette traduction du Vieil homme par François Bon dont voici, ci-dessous, présenté l’incipit.

    Le vieil homme pêchait seul dans le Gulf Stream sur son canot depuis quatre-vingt-quatre jours sans avoir pris un poisson. Les quarante premiers jours, le garçon était venu avec lui. Mais après ces quarante jours, les parents du garçon lui avaient dit que le vieil homme était finalement et définitivement salao, ce qui est la pire forme pour dire pas de chance, et selon leurs ordres, le garçon était parti sur un autre bateau, lequel avait pris trois gros poissons la première semaine. Cela le rendait triste, le garçon, de voir le vieil homme revenir chaque soir le canot vide, et toujours il le rejoignait pour l’aider à porter les lignes enroulées, la gaffe, le harpon et la voile ferlée autour du mât. Une voile rapiécée avec des sacs de farine qui pendait ainsi comme le drapeau d’une permanente défaite.

    Ernest Hemingway, Le vieil homme et la mer, Publie.net, traduction François Bon

    Terminé comme convenu, note interne à moi-même, lecture du Second journal parisien de Jünger puis enchaîne, logique, à même le rail, sur l’Abatoir 5 de Kurt Vonnegut. C’est bien le bombardement de Dresden qui me conduit, captif, de l’un vers l’autre.

    J’ai l’impression de me mouvoir à travers les cabines d’un navire, surtout lorsque mes regards effleurent le cadran illuminé de la T.S.F. qui, avec le rayonnement rougeâtre des poêles, traverse seul l’obscurité des pièces rigoureusement obscurcies. La voix asexuée de la speakerine nous signale le déplacement des avions jusqu’au moment où elle annonce : « Formations ennemies au-dessus de la ville, bombardement imminent. » Parfois, j’écoute d’autres stations ; en maints endroits de la planète, on joue de la musique de danse, en d’autres on tient des conférences scientifiques. Radio-Londres donne des nouvelles, dit des gentillesses, invite les auditeurs à changer de longueur d’onde et, au milieu de tout cela, on entend rouler les chapelets de bombes.

    Ersnt Jünger, Second journal parisien, Livre de poche, traduction Henri Plard, P.348-349

  • 100712

    10 juillet 2012

    Et ceux qui avaient pris des requins les avaient portés à l’usine à requins, de l’autre côté de la baie, où ils seraient hissés par une grue, leurs nageoires découpées, leur foie extrait, la peau retournée et la chair découpée en lamelles pour le salage.

    Ernest Hemingway, Le vieil homme et la mer, Publie.net, traduction François Bon

    N. lit Robinson et visite le musée de la Vie romantique. Dans le dernier train retour Y., après l’avoir vu, un steak me chope l’iPhone, depuis dehors le quai, une paume la vitre ouverte, puis part avec, le train aussi, dans l’autre sens. Portrait robot de son sac plastique : à l’intérieur y a une bouteille de Coke, de Rhum ou Vodka plus des dreads. Suppose que c’est ce qui arrive quand on se balade en permanence avec des pièces technologiques à des XX€. Balance par la fenêtre les écouteurs Sennheiser décapités. Pendant une demi-heure je cherche à me souvenir de mon 17h34 d’hier, dans la poche de ce type ; pouvoir le reproduire, demain, à l’identique. Samedi une alarme lui dira DNF les impôts, les payera-t-il ? Perd avec l’os quelques photos, des historiques conversations, pas plus. Mes notes synchronisées, tant mieux. Des enregistrements de la mer et des fenouils mâchés. Coupe mes accès, charcute tous mes mots de passe. Bien plus lié aux données qu’au matos. Et, au-delà, des données, ma propre tête ouverte. Je firewall alors.

  • 120712

    12 juillet 2012

    Il aimait les tortues vertes et celles à bec de faucon avec leur vitesse et leur élégance, leur grande valeur, et avait un rapport amical aux tortues à tête de bûcheron, géantes et stupides dans leur carapace jaune armoriée, aux amours étranges, et dégustant joyeusement les méduses les yeux fermés.

    Ernest Hemingway, Le vieil homme et la mer, Publie.net, traduction François Bon

    Voyage dans le temps depuis mes propres pompes : l’écran du 3GS, à côté du Retina du 4, c’est un Minitel. Je parle pas de ça. Suite au vol de l’iPhone avant-hier, récupéré celui d’avant, y compris ses playlists, celles 2011, alors je baigne dans. Les pixels de l’appareil photo. Les notes. Le bruit de la coque bombée sur le bureau à gauche.

    « Maintenant respire », qu’elle dit, la télé, « et sois un loup-garou. Sois un homme ! » 1

  • 230321

    23 avril 2021

    Une fiction de l’angoisse en sept mots (à peine plus donc que la fameuse nouvelle faussement attribuée à Hemingway 2) : Cent-onze euros de frais de douane. En note, cette réplique : Fuck le pape. C’est tout ce qu’il y a à dire de cette journée.


  • ↑ 1 Savoir pourquoi les loups-garou de maintenant préfèrent se faire enfermer dans des cages tous les jours de pleines lunes, et pourquoi les vampires bouffent des poches de sang blanc, des carotides de rats ; pourquoi être humain vouloir l’être ?

    ↑ 2 For sale : baby shoes, never worn.