160113
Magma durant trois jours, l’ai lu exclusivement sous terre, c’est un texte étonnant, qui se termine un peu après les mots [j]ouïr la mer en coquillage quand la mer est gelée. Toujours en le lisant lever la tête voir les briques blanches des souterrains me dire : je suis bien là où je suis censé être ?
Le jour : oscillations proche zéro, nous cachons dans nos poches quelques mains mais en laine. Le ciel est sec. Cette chanson je l’écoute, cherche pas à comprendre, ce qu’elle dit, je suis à peu près là.
Sais très bien à qui je pense quand j’écris : nous gardons tous nos monstres au plus près de nos yeux pour bien les voir venir quand ils viendront nous prendre.
L’obsession de cinq mots notés hier pour Mueller : un casque à bec d’ovipare.
Ce soir ce luxe : ne s’attarder devant nul autre écran que celui qui porte en lui la langue, le texte (cet écran c’est les yeux).
D’après l’historien chinois Sseu-ma Ts’ien, c’est dans la seconde moitié du
IIIe siècle avant Jésus-Christ que les Hiong-nou paraissent s’être constitués
en une nation unie et forte. A leur tête un chef appelé chan-yu, dont le titre
complet est en transcription chinoise tch’eng-li kou-t’ou chan-yu, mots que
les Chinois traduisent par « Majesté Fils du Ciel » et sous lesquels on discerne
des racines turco-mongoles, tcheng-li, notamment, étant la transcription du
mot turc et mongol Tängri, Ciel. Au-dessous du chan-yu se trouvaient
« deux grands dignitaires, les rois t’ou-k’i, c’est-à-dire les rois sages de droite
et de gauche » la transcription chinoise t’ou-k’i étant rapprochée du mot turc
doghri, droit, fidèle. Dans la mesure où on peut parler de résidences fixes
pour un peuple essentiellement nomade, le chan-yu résidait sur le haut
Orkhon dans la montagneuse région où s’élèvera plus tard la capitale des
Mongols gengiskhanides, Qaraqoroum. Le roi sage de gauche, qui est en
principe l’héritier présomptif, réside à l’est, sans doute sur le haut Kéroulèn.
Le roi sage de droite réside à l’ouest, peut être, pense Albert Herrmann, du
côté de l’actuel Ouliassoutaï, dans les monts Khangaï. Au-dessous
s’échelonnaient dans la hiérarchie hunnique les « rois » kou-li de gauche et de
droite, les généralissimes de gauche et de droite, les grands gouverneurs de
gauche et de droite, les grands tang-hou de gauche et de droite, les grands
kou-tou de gauche et de droite, les chefs de mille hommes, de cent hommes
et de dix hommes.
René Grousset, L’empire des steppes, Bibliothèque historique Payot, P. 54.
21h32 : casse les couilles d’H. au sujet du participe passé pour la phrase dans Mueller : Les corps se sont caché la gorge avec leurs coudes.
Mueller (suite) : 311 mots.
Nous sommes devant la porte rouge, nous avons un
peu de la rouge dans les bronches & le froid via
les os nous sillonne. L’un des corps caresse son
casque, celui trop nain pour son crâne, trouvé à
même la rouge plus tôt durant la marche. Mueller
s’agrippe aux cordes comme on attrape la main de
son dieu bras tendus vers les vagues une nuit de
noyade. Un autre corps mâche ses propres dents &
ses gencives. Grâce à la porte rouge ou au poids
de la ville, les vents ne font que nous fissurer
le visage & les dents. Des centaines d’yeux dans
le khôl de la pierre, tout autour de la porte, à
l’affût de nos gestes, nous observent & veillent
sur nos corps sages. La rouge est dans nos pieds
& ces yeux appartiennent aux corps d’Ixoa, rivés
aux lèvres du Lordofixoa autant que nous, priant
pour une réponse du roi prostré, imperturbables.
Iav Samot a aperçu l’ombre d’un homme, plusieurs
lunes en amont. Après avoir retenu la lente nage
de ses corps, après avoir fait cabrer l’écorce &
les cailles de leurs peaux, après avoir maté les
genoux, les fémurs & les tarses & après avoir vu
s’époumoner cet homme, Mueller a dit : - Surtout
protégez-vous la gorge ! Les corps se sont caché
la gorge avec leurs coudes. L’ombre de l’homme a
enflé (Mueller l’a vue enfler) & une fois arrivé
à notre hauteur il a dit en langue roz : - C’est
inutile de remonter la rouge, Ixoa est une ville
rance. L’homme n’était pas très lourdement armé.
Les corps se sont tenus la gorge. - Quel est ton
nom, muet, a dit l’homme appelé Föl (Föl a donné
son nom). - Met Föl, a dit Mueller comme le veut
la coutume de la langue roz, je suis connu comme
Le Cap sous d’autres lunes. - Met Le Cap, a fait
l’homme prénommé Föl dans la langue de sa gorge.
170113
Celsius : moins deux moins trois. Les gorges condensées la bouche. Le sec.
Tout le jour dans la tête la Nocturne N°2 de Chopin, le soir venu le premier air sorti par Spotify c’est ça : la version Dick Hyman.
J’arrive pas à répondre à mes mails. J’ouvre les mails j’y cris deux mots trois mots et je laisse en brouillon, je ferme. Y a pas les mots qui sortent.
Tolkien, Contes et légendes inachevés (Le Premier Age) : « je suis un esclave en rupture de ban (...), un hors-la-loi, seul dans un pays désert ». Plus loin L’empire des steppes de René Grousset et cette phrase : « La route de la soie, partie d’Antioche, capitale de la Syrie romaine, passait l’Euphrate à Hierapolis (Menbidj), entrait dans l’empire parthe, traversait chez les Parthes Écbatane... » et ce mot Écbatane. Lève quelques uns des fantômes de la langue Guyotat (Tombeau pour cinq cent mille soldats : « En ce temps-là, la guerre couvrait Ecbatane » (Ecbatane sans accent)).
Quand l’histoire de Mueller sera sèche, à son tour, pourquoi ne pas clore le texte par ces mots : Fin du premier chant de l’histoire de Mueller racontée par un âne triste ?
Mueller (386 mots) :
Nous sommes devant la porte rouge, nous avons un
peu de la rouge dans les bronches & cet homme ou
cette ombre d’homme appelée Föl a dit à Mueller,
plusieurs lunes en amont, assoiffé & ruisselant,
en langue roz, les mots suivants : - Cette ville
est rance, la villofixoa. Elle ne vous apportera
rien, peut-être même pas son hospitalité. - Nous
nous dirigeons vers l’est, a dit la gorge de Iav
Samot la main jaune, ses 2 mains à la source des
cordes & chaque corps derrière lui se protégeant
toujours la gorge de leurs épines de coudes. Föl
a craché de la crache dans la rouge. - Là-bas, à
Ixoa, ils n’aiment pas les voyageurs comme toi &
tes corps, a dit l’homme nommé Föl. - Qui es-tu,
toi qui craches sur ces terres ? & bien après le
terme de ce jour, bien avant de nous retrouver à
l’orée de la porte de la ville, Mueller a dit la
phrase : - Cet homme est en rupture de ban... Il
a toutes les raisons de cracher sur cette ville.
Pas nous. L’homme nommé Föl n’a pas répondu. Les
pigments rouges autour des cuisses des corps ont
commencé à fondre. - J’ai une question pour toi,
a dit Le Cap & puis j’ai une question à te poser
& si tu craches sincèrement réponds-moi comme un
cracheur d’eau claire : quelle langue parle-t-on
là-haut dans la ville que tu quittes ? L’homme &
son ombre ont répondu à Mueller & Iav a remercié
Föl en langue roz sans un mot. L’homme est parti
dans la rouge sans même un oeil en direction des
corps, les corps se sont tous cramponnés à leurs
coudes lorsqu’il les a frôlés & Mueller n’a rien
dit à Föl sur le casque trouvé l’avant-veille...
L’un des corps a ôté son coude de sous sa gorge,
voyant l’ombre de l’homme s’éloigner en aval, le
fantôme de ce Föl se désagréger dans les grammes
de la rouge, il a ôté son coude de sous sa gorge
& il a avalé tous les litres de crache & de crin
qui s’étaient collés sous sa langue tout au long
de la scène & il a ri & a caressé le casque nain
coincé là, sur son coude. Tous les autres corps,
à leur rythme & le moment venu, l’ont imité. Ils
ont tremblé hors la peau la moiteur de la trouÿ.
280113
Nous avons perdu la trace des Hiong-nou occidentaux à partir de l’année
35 avant Jésus-Christ, date à laquelle le chan-yu dissident Tche-tche,
après avoir entraîné une partie des tribus hunniques de la haute Mongolie
vers les steppes au nord de l’Aral et du Balkhach, avait été rejoint et tué par
une colonne expéditionnaire chinoise. Les survivants des tribus conduites par
lui dans cette région durent s’y perpétuer pendant des siècles, mais, faute
d’avoir été voisins de quelque grand peuple civilisé qui mentionnât leurs faits
et gestes, nous ne savons rien sur leur histoire. Ce n’est qu’au IVe siècle de
notre ère que nous entendons de nouveau parler d’eux quand leur passage en
Europe les fait entrer en contact avec le monde romain.
René Grousset, L’empire des steppes, Bibliothèque historique Payot, P. 115-116
Oublié, hier, de cut-uper le PSG-Lille comme prévu pour fragment ce que la télé a à nous montrer (2), zappé, vraiment, revenu dans la journée sans prévenir : pas grave : cut-uperai le prochain.
Vérifie quinze fois si le Mueller du jour est bien sauvé avant delete et je le prends comme un signe, ça veut dire bon boulot. L’écris tous les jours et c’est vrai : je sais pas où je vais avec ça. De vagues idées en tête mais jamais je les mets quand j’écris. Un autre truc se pose et les vers justifiés me donnent une langue inconnue, je l’écris. C’est ce rythme de 48 caractères qui me porte. Il raconte ce qu’il veut raconter. Aujourd’hui, une autre histoire de faim. D’autres langues. Visages. La villofixoa en est pleine. N’avais même pas prévu, à la base, de villofixoa car à la base, Mueller, c’était quoi ? un western. Des terres immenses et la marche des corps et Mueller les tirant. Tout ce qu’il y a dans ma tête vide.
C’est pas la postapocaypse, c’est autre chose, sais pas ce que c’est : cet article évoquant le stockage des données dans de l’ADN, mais je note.
Mueller (580 mots) :
Les corps sont affamés. Mueller les nourrit avec
le poing, le poing dedans leurs bouches jusqu’au
poignet, le poing enduit de glose ukmôle, tiédie
à l’air libre, remuée dans les cendres de braise
par une femme ukmôle dont le visage, ridé & sans
dents mais moissonné de haut en bas, ressemble à
la pelure d’une pomme croupie, gorgé de liquides
mûrs. L’ukmôle a refusé son troc. Mueller a posé
sa houppelande sur ses épaules, elle a dit : - O
kmalimo soy, en langue soyuz, avec un accent mek
& sans faire les accords, alors Mueller a repris
sa houppelande. L’ukmôle n’a pas offert sa glose
pour autant. Elle a demandé, en mime, avec toute
sa bouche & ses gencives, de la crache à Mueller
& de la crache mousseuse pour finir sa glose. Il
a craché, Mueller, il a craché dans le pot où la
glose commençait à lever & l’ukmôle a montré les
gencives, elle a dit : - Rakoy, ce qui en langue
soyuz signifie quelque chose de concret & de peu
réfractaire : elle a honoré sa parole : versé sa
glose dans une grande gamelle creuse & remplie à
ras bord de flaques drues. Ca tient sur le derme
quand Mueller serre le poing, tout enduit, avant
de le plonger dans la gorge des corps. Ca colle,
sur la langue & le palais, les dents, la trachée
& la glotte. Ca coule, dedans la gorge ça coule,
sous la succion des corps toutes lèvres ouvertes
& les crânes renversés, à genoux devant leur Cap
& les yeux suppliants, une larme aux commissures
en équilibre, prête à être aspirée par la pluie.
Mueller ouvre les yeux : il a les yeux qui vont,
qui tournent & qui vacillent : la nuit est lente
à tomber ferme sur le mont sage. La nuit oscille
comme oscillent les pupilles de Le Cap martelant
les paupières de Le Cap, comme suppliant d’enfin
les soustraire au jour. Les corps reposent, tous
yeux ouverts. Mueller a dû s’asseoir en tailleur
devant la grange car aucun squelette, dessous sa
peau, ne le soutiendra plus en position debout :
le voilà à présent qui se lèche les mains libres
& les poignets tordus pour s’abreuver au derme &
drainer, via sa langue, tout ce qui lui reste de
glose sur les mains. Il s’aspire les doigts, les
10, les uns après les autres & il racle sous ses
ongles le plâtre dépôt immiscé. Il a favorisé la
bouche des corps. La sienne est vide, est sèche.
L’estomac gronde. Les syllabes dans sa langue se
mélangent & les langues se mélangent. Des femmes
enturbannées de peaux disparates (des cuirs gris
& des cuirs rouges) mastiquent une langue faajne
avec un accent d’est mais Mueller ne les entend,
ne les comprend pas. La tente de l’ukmôle est du
côté des grills, là où le mjek fait griller soit
de la carne soit des abats carcamelés, le matin,
lendemain de massages ou de soins aux soldats de
la garde. Mueller est fier, il ne retournera pas
voir le mjek. Il lui devait la vie, il l’a payée
trop cher. Plutôt que le mjek, il ira trouver la
femme, l’ukmôle, la femme de la glose. Pour cela
il doit encore attendre que la nuit tombe noire.
Elle tombe : si lente : si légère... Or tant que
la nuit n’est pas noire les corps ne sont pas en
sécurité, pas assez. Voilà pourquoi Mueller, fou
de famine, se tord le torse & les épaules, assis
par terre & le crâne renversé, l’orbite orange &
une pupille brûlée, dans l’attente palpitante de
la nuit, encore claire, bientôt & presque noire.
290113
Les Turcs, nous dit Théophylacte Simocatta, tiennent le feu en honneur d’une manière très extraordinaire. De fait nous savons que l’influence du mazdéisme iranien se faisait sentir chez eux jusqu’à l’adoption du dieu Ormuzd ou Khormouzda. « Ils vénèrent aussi l’air et l’eau » et de fait nous verrons le respect des eaux courantes poussé chez les Gengiskhanides jusqu’à l’interdiction des ablutions musulmanes ou du lavage des vêtements en dehors de certaines conditions. « Mais ils n’adorent et n’appellent dieu que l’auteur seul du ciel et de la terre, ils lui sacrifient des chevaux, des bœufs et des moutons », et tel est bien en effet le culte du Tängri, du ciel divinisé, commun aux anciens peuples turco-mongols. Enfin ce que nous dit Théophylacte sur « leurs prêtres qui leur paraissent prédire l’avenir » s’applique aux chamans turco-mongols, encore si influents à l’époque gengiskhanide.
René Grousset, L’empire des steppes, Bibliothèque historique Payot, P. 129
Hier un vidéogramme (le mot vidéogramme donne l’impression de vivre dans une uchronie steampunk), c’est The Social Network. Outre l’exploit d’avoir conçu un film aussi correct sur un sujet aussi rébarbatif, l’arrière-goût d’un dégoût de notre monde réel (encore), obnubilé par la croissance, lakroâssance et ce quelque soit le chiffre en jeu. Et même nous : la croissance : derrière nos microstatistiques : le nombre de clics : de visites : de lecteurs : de RT : ça me gave.
Et lu chez lui ces deuxtrois mots : « la barbarie économique ».
L’arrière-goût lavé par le son du réveil : non plus l’éco, le CAC ou lakroâssance mais un quatuor à cordes et ce truc de Steve Reich : Check it out (City Life) qui me tire genre quinze ans en arrière : moment au cours duquel j’ai fait connaissance avec la glace, non : avec la musique zarb.
C’est lié à ce film, pas que, j’y pense le long : la possibilité de publier Ulysse ou (Dieu sait quand) /// libre de droit directement. Sais pas si c’est possible ni si c’est très malin, j’y pense.
Une semaine que j’ai pas planté mes dents dans de la viande alimentaire (on s’en passe), là Twitter me chuchote que le paracétamol tue (ça je peux pas m’en passer).
Un truc possible pour dans /// : glossaire discret sur une colonne et sur chaque page pour définir les mots trangers, les mots fictifs.
Mueller (446 mots) :
– Ye pieux tie faire de la requinque, mon bieau,
qu’elle lui a dit, la vieille ukmôle, sans dents
mais en chuintant les lèvres, quelque part, près
des bourbes, une fois la nuit tombée, bien avant
l’évasion de Mueller, mais juste après lui avoir
siphonné plusieurs litres de fluides corporels &
les avoir stockés dans des bocaux lucides & gros
dans ses bras maigres. C’est devenu leur cirque.
Chaque nuit Mueller s’en allait la voir près des
bourbes & chaque nuit Mueller faisait don de son
corps pour remplir ses bocaux. Avec elle mitonne
de la glose, de la sioupe, de la mixiure ou bien
de la requinque dont elle offre quelques rations
à Mueller en échange. Mueller, avec, nourrit les
corps, ensuite il se nourrit lui-même & le cycle
se répète. – Tiout le mionde il se triouve kiéks
ciombines piour suvive ici bias, qu’elle lui dit
sans une dent la vieille ukmôle. C’est pas faux.
Mueller ouvre les yeux : 2 pauvres parlent : ils
parlent la langue des cavs (mais ils ne sont pas
cavs) : ils parlent d’eux à la sixième personne,
l’inconséquente : ils parlent d’eux à voix basse
& à tâtons : ils parlent d’eux dans un futur peu
lointain (peut-être hypothétique, peut-être pas)
ou dans un avenir proche : ils parlent & parlent
d’eux devenus citoyens de la ville ensevelie, la
villofixoa réelle & non ce simulacre de ville en
surface : ils parlent d’eux après leur mutation,
de la surface vers les tages inférieurs : ce que
ces pauvres disent, ils le disent le cœur gros,
la voix frêle : ce qu’ils disent est fragile, ce
qu’ils disent est dit en équilibre sur la glotte
comme sur un fil de soie invisible à l’oeil nu :
ce qu’ils disent, et bien, ce sont des contes ni
plus ni moins : ce qu’ils se disent, au fond, ce
sont des histoires de pauvres qui se voient tout
sauf pauvres : ce sont des rêves ouverts mais de
ces rêves sitôt dits, sitôt crus, sitôt fanés ou
morts : ce sont des calchitzes, comme disent les
ukmôles : une chose qui mérite que l’on crache :
d’ailleurs les pauvres savent : ils savent : ils
se parlent en morvant : ils se parlent avec tous
leurs ongles tenus dans leurs paumes respectives
de rage folle de savoir leurs mots faux : ils se
parlent la babine dressée & l’oeil jaune, car en
réalité ils se haïssent : ils se parlent pour ne
pas se sauter l’un & l’autre à la gorge : ils se
parlent pour ne pas l’un & l’autre se décapiter.
Le Cap ouvre les yeux : il cherche sur son corps
la trace, le dénivelé, de sa douzième côte. Elle
était là jadis. Le fait est que la vieille avait
raison : ses mixiures l’ont quinqué. Il le sent.
300113
Le monde est formé d’une superposition d’étages. Les
dix-sept étages supérieurs forment le ciel, royaume de la Lumière, les sept ou
neuf étages inférieurs le monde souterrain, séjour des ténèbres ; entre les
deux, la surface de la terre où vivent les hommes. Le ciel et la terre obéissent
à un être suprême qui habite l’étage le plus élevé du ciel et qu’on désigne
sous le nom du Ciel divinisé, Tängri. Le ciel est aussi le séjour des âmes
vertueuses, comme le monde souterrain est l’enfer des méchants. La
mythologie turque comportait encore plusieurs divinités, dont la déesse
Oumaï, qui prenait soin des enfants, et les innombrables génies qui
habitaient « la terre p.132 et les eaux » (yer-soub, turc moderne yär-sou),
spécialement ceux qui peuplaient les monts et les sources, lieux saints (iduq)
dont nous verrons le culte se perpétuer à l’époque et dans la législation
gengiskhanides.
René Grousset, L’empire des steppes, Bibliothèque historique Payot, P. 131
Les yeux ouverts entre 2h, 4h. Beaucoup gerbé en rêve. Rêvé d’un accident de voiture sur des routes de montagne, moins inhabituel.
Au ralenti j’avance. Dois m’enfoncer dedans des tâches répétitives et aliénantes pour pouvoir faire sans être. Quel soulagement alors que ce soit ça mon job, précisément.
Retour (vivant sur toutes mes jambes) par la 14 car la 8 est stoppée : quelqu’un je crois est mort.
Mueller (280 mots) :
Les gosses à cornes jouent des rythmes ka-nnos &
ils chantent. Ce qu’ils chantent a avoir avec la
tourmente & la poussière intérieure, celle qui a
le temps de s’écouler quand on ravale en soit ce
qu’on porte en nous d’humanité avilie. Mueller :
il sait de quoi je parle (il sait). Mueller sait
aussi que ces chants qu’il supporte (les gosses,
toutes cornes dressées points & virgules vers le
ciel, rocaillent leurs voix antépubères dans les
tempes de Mueller) il les a déjà entendus, avant
ce jour, quelque part près d’ici. – Je t’attends
là, qu’ils piaillent, où rien bouge maintenant !
Mueller ouvre les yeux : il sait : il les a déjà
entendus ces chants : c’était durant les fièvres
de son coma rouge : ses 13 jours de nuit noire à
la suite du malaise dans le lit de la rouge : la
fièvre lui avait façonné dans les yeux quantités
d’images récursives dans lesquelles il se voyait
se vomir lui-même comme un ouroboros à l’envers.
L’entendre à nouveau lui tenaille le bas-ventre.
Quelque chose tape aux parois nombriliennes pour
éclore. – Même si je ne te vois pas, ça braille,
je peux retrouver ce qu’on cherche dans la nuit,
ils chantent fort, même si c’est très difficile,
je danserai mon chemin avec les loups ! Le corps
à la cicatrice stomacale tape le rythme du chant
sur sa gorge & son torse & le corps à sa gauche,
le corps à sa droite & le corps au casque trouvé
sur la rouge vont l’imiter. Mueller, vomi depuis
sa propre gorge comme à l’heure de la fièvre, un
doigt noir pointé vers la grange & les corps, se
tourne face à eux, un oeil noir, pour dire stop.
030213
Coup de tête : une notice bio à faire. Pour l’heure j’en suis à Guillaume Vissac. C’est tout.
Retour Sur les falaises de marbre : ceux qui vivent de la viande (ou au contact de la viande) d’un côté, ceux qui vivent des plantes de l’autre. Les offrandes des bergers : « du beurre fondu, et de la graisse intestinale » (chapitre X), bergers dont on dit sur la même page qu’ils marquent de la même façon, durant la nuit du solstice, « tous les corps qui devaient enfanter, femmes et bétail ». Pour les vignerons (les « poètes »), le recours aux « idoles barbares » marque un retour à « l’antique religion des ancêtres ».
Plus loin, P. 95 : « Nous étions, ainsi l’avions-nous résolu, des chasseurs de plantes et non point des hommes en guerre » (mon moi de 19 ans souligne).
Ceux qui vivent près des viandes sont aussi qui cèdent les premiers aux souffles de la violence. Ancestraux, ces souffles sont les mêmes que ceux qui animaient en leur temps les chevauchées des hordes turco-mongoles (les steppes sont nommées, et, hasard, lu ce passage de L’empire des steppes de René Grousset : « ce pays aux moeurs barbares et rempli des fumées du sang se transforma en un pays où on se nourrit de légumes »), ils proviennent des profondeurs des forêts, l’espace des maléfices du conte. Au cœur de ces forêts il y a ce lieu le Rouissage, dit Köppels-Bleek :
Mais la danse des morts à Köppels-Bleek nous avait pénétrés d’effroi, et nous frissonnions, immobiles dans la forêt profonde, écoutant l’appel du coucou.
(P.108)
« immobiles dans la forêt profonde »... Retour à Dante.
Hors Falaises peu capable de supporter ni l’écran ni les yeux. Attends que le jour s’enfonce via Rork.
Mueller (juste 21 mots) :
Quelques figures géométriques rayonnent, dans la
lumière de l’est, comme des vaisseaux sanguins &
rouges sous le voile mince d’une paupière pliée.
280813
Les steppes regorgent de mots dits magiques. Transbaïkalie, Ibaqa-bäki, ou Témoudjin 1, le nom originel de Genghis Khan.
Quand il devint orphelin (vers 1167), il n’avait qu’une douzaine d’années et son clan, le jugeant trop faible, refusa de lui obéir. Malgré l’énergie de sa mère, OElun-éké, les derniers fidèles de son père l’abandonnèrent, emmenant les troupeaux. Ainsi spolié par ses agnats, l’adolescent restait seul avec sa mère, ses trois frères, Qassar, Qatchioun et Témugé et ses deux demi-frères (fils d’une autre femme) Bekter et Belgutaï. La petite troupe, tombée dans la misère, fut réduite à vivre de chasse et de pêche du côté des monts Kenteï, alors appelés monts Bourqan Qaldoun, aux sources de l’Onon.
René Grousset, L’empire des steppes, Éditions Payot, P.254
050913
Il [Gengis-khan] envahit de nouveau le Ho-pei et remit le siège devant Pékin. (...) Les Mongols prirent la ville, massacrèrent les habitants, pillèrent les maisons, puis y mirent le feu (1215). La destruction dura un mois. Évidemment, les nomades ne concevaient pas ce qu’ils pouvaient faire d’une grande ville, la manière de l’utiliser pour la consolidation et l’extension de leur pouvoir. Il y a là un cas des plus intéressants pour les spécialistes de la géographie humaine : l’embarras des gens de la steppe quand, sans transition, le hasard les met en possession des vieux pays de civilisation urbaine. Ils brûlent et tuent, non sans doute par sadisme, mais parce qu’ils sont décontenancés et faute de savoir faire mieux.
René Grousset, L’empire des steppes, Éditions Payot, P.290
Le DG blanc me tourne autour. Mon écran freeze. Impossible de masquer ce qu’il montre. Je confectionne des cartoons simples sur mon lieu de travail, modèle des visages en collant sur le plâtre de la peau synthétique. C’est un dossier pour une prèz, voilà ce que c’est que je dis, et il me croit lorsque je passe un pouce sur le derme chimique du visage.
Pas le droit de rendre compte des avancées du crâne. Lutter contre le crâne, c’est aussi lutter contre les mots qui le disent. Pour arrêter de le représenter, même mentalement, je dois cesser d’écrire, cesser de dire les mots.
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090114
C’est à la langue d’Imre Kertész qu’il convient de faire le lien, à la crête de deux pages, entre Franz Kafka (« il marche, marche jusqu’à arriver — à lui même. Quel fantastique raccourci ! Pourtant les détours, oui, seuls les détours constituent la vie : parce que le temps de la vie est celui des détours. Arriver au but — à soi — signifie mourir. ») et Tchernobyl (« Tchernobyl : la mort est là. Ne perds pas ton temps en choses insignifiantes. »). C’est donc en 1986 dans son Journal de galère (Actes Sud, P.185-186) et moi, du fait de ma naissance, je me suis souvent dit, c’est vrai, que Tchernobyl, oui, cela me concernait. Peut-être je l’ai entendu dire. Peut-être on me l’a répété. Peut-être c’est un mot qui a trainé le long de moi comme j’ai traîné moi-même le long de moi dans l’ombre des années d’enfance ou bien d’adolescence. Dans L’Encyclopédie, il n’y a pas d’entrée prévue pour Tchernobyl et c’est probablement une erreur ou un manque, étant entendu que ce mot, Чорнобиль, au-delà de son nom, de sa date et de son évènement, constitue un point fixe dans le temps et l’espace, comme dirait le Docteur, rayonnant aussi bien vers l’avenir (l’actuel et le déconcertant présent contemporain) que vers le passé plus obscure (mais néanmoins concerné par notre destruction du monde terrestre encore en cours au moment où j’écris ce journal, encore en cours j’en suis certain là où quelqu’un me lit, bien des années plus tard, peut-être accroupi dans le fond d’un abri anti-atomique ou d’un conduit anti-radiations noires, à supposer que de telles choses existent encore dans les années futures, mais si tu me lis de là-bas camarade mon cœur et mes pensées sont avec toi, et quelque part je te touche à l’épaule pour te dire : mais non tu n’es pas seul, je sais).
Je me retourne : voilà presque une semaine que je n’ai plus de voix. Pourtant, je m’en sers tous les jours. Est-ce possible ? J’ignore quand je la trouverai. J’ignore exactement pour quelles raisons les sbires Djébé et Subötaï, dépêchés par le Khan en 1221 pour poursuivre le sultan Mohammed de Khwârezm ont par la suite poussé jusqu’en Géorgie cette même année. N’y a-t-il pas quelque part quelqu’un qui ait écrit ce périple dans une langue qui puisse nous être offerte ? Voilà pourquoi il est idiot de dire que tout a déjà été fait, dit, pensé, que la littérature est une langue morte. Comment le croire si personne n’a écrit ce voyage (et, au-delà de Djébé et Subötaï, tous les autres, quels qu’ils soient) ?
Lecture : Borges m’oxygénise. Plus loin, première heure d’Einstein on the Beach, un labyrinthe mental (n’aurais pas tenu plus).
Par ailleurs j’apprends par la presse sportive que je consulte chaque jour le coming out de Thomas Hitzlsperger, quelques mois après avoir mis fin à sa carrière professionnelle (car c’est incompatible). J’ai joué avec lui (c’est une phrase virtuelle) plusieurs saisons durant, c’était avec Stuttgart, sur PES peut-être ou sur Fifa sûrement, c’était mon capitaine, il jouait tout devant la défense dans un milieu à trois avec Barreto (et un autre), devant il devait y avoir Schieber en pointe, Sulejmani à droite (et quelqu’un d’autre à gauche), mais peut-être confonds-je les époques et les noms.
Et tout d’un coup : silence : Purcell.
170914
Mongka punit sévèrement ces cousins malheureux. L’ancienne régente Oghoul Qaïmich qu’il haïssait (« femme plus vile qu’une chienne », disait-il à Rubrouck) après avoir été dépouillée de ses vêtements pour être interrogée, fut cousue dans un sac et noyée (mai-juillet 1252).
René Grousset, L’empire des steppes, Éditions Payot, P. 340
L’empire des steppes toujours (lecture lente, souterraine, depuis des mois). Repris avec Mueller, probablement lié. Ici ce passage où il est question de la femme que l’on coud (dans ma tête on lui coud les paupières, les mains et le visage). Mais le champ est vaste et l’amplitude temporelle gigantesque : difficile d’approfondir certains domaines, par exemple : comment faisaient-elles ces hordes pour maintenir leur domination localement sur un territoire aussi étendu ?
L’après-midi entière devant des chiffres et des tableurs. Mon métier par moments se résume à ce que dit Chandler dans l’une des toutes premières saisons : passer des chiffres d’une colonne vers une autre colonne. Quelqu’un m’appelle avant l’H mais ça ne fait rien, je discute avec lui sincèrement et presque avec plaisir. Quelqu’un me dit je t’aime. On hésite à dire noir et pas black, ça se sent dans la voix. Je pensais que ce type de comportement me permettrait d’être bien et donc de ne pas subir l’autre (mais chimiquement c’est faux).
230914
Ma nouvelle vie peut être triste. Ça dépend encore des phrases. C’est avec des phrases qu’on fait des paragraphes et avec des paragraphes qu’on fait des livres. Des livres. Ces deux mots me regardent. Insistent. Il est quelle heure ? Déjà. Ça va vite. Je n’ai même pas eu le temps de dire quelque chose d’intéressant. On est déjà le lendemain. Je dois encore prendre des médicaments. Une poignée de bleuets congelés, une poignée de baies rouges congelées, quatre cuillérées de yogourt à la vanille, cinq framboises fraîches, environ une tasse de lait. Dans le blender, puis dans un grand verre avec une paille bleue. Facebook, un email à Mathieu, tweeter une photo de mon smoothie aux baies.
Vickie Gendreau, Drama Queens, Le Quartanier
Creux. Froid dehors et dedans. Il y a de la douleur mais au-delà de la douleur il y a de l’exaspération. On en revient toujours à ça : ne pas comprendre. Ça me fait chier ne pas comprendre. Hier je cherchais quelque chose à lire avant dormir, j’ai essayé plusieurs trucs ça me tombait des mains, de bons livres très probablement, ils me tombaient des mains, je finissais toujours par repartir sur mon Empire des steppes. Qu’en est-il du Spanbauer nouveau ? 2 Je ne sais pas où il en est ce livre. J’ai commencé L’épée des cinquante ans, c’est beau (c’est de la cacophonie douce, poétique, épurée), mais c’est carrément froid. Pour m’endormir je mets Interrupted by Fireworks, la version in ze game. Je ferai la même chose tout à l’heure 3.
051214
On a vu que la Perse, après sa conquête définitive par les Mongols et la destruction du royaume néo-khwarezmien de Djélâl ed-Dîn (1231), était restée sous un régime provisoire et assez inorganique. L’armée mongole de l’ouest, cantonnée sur les bords du bas Kour et du bas Araxe, dans la steppe de l’Arrân et du Moghân, restait sous les ordres de généraux munis de pleins pouvoirs, Tchormaghan d’abord, le destructeur du royaume de Djelâl ed-Dîn (1231-1241), Baïdjou ensuite, le vainqueur des Seldjouqides d’Asie Mineure (1242-1256).
René Grousset, L’empire des steppes, Éditions Payot, P. 420
Sans savoir ce que c’est, intérêt soudain et neuf pour le royaume néo-khwarezmien de Djélâl ed-Dîn. C’est une histoire de sons. Pareil pour le mot Trekkopje. Et j’ai toujours beaucoup respecté les réactions humaines chez les bêtes comme, mettons : un chien avance sans regarder devant lui et il rentre dans quelque chose ou quelqu’un et il a cette expression dans le regard, une expression de peur et de surprise et de malaise et il dit qu’est-ce qui se passe ? Court concert du Dublin Guitar Quartet qui joue du Phillip Glass aux Tiny Desk Concert, cette pensée apparue : les guitaristes classiques doivent avoir un tout autre rapport à leurs ongles. À un moment donné, avant que je me retrouve à jeter mes deux yeux flous par la fenêtre, une seringue hypodermique sans l’aiguille sous les doigts à malaxer l’eau blanche, quelqu’un en face de moi fumant la fumée de son clope par la fenêtre ouverte, mais après que le type de l’ébouage m’a vendu une photo cartonnée de chaton appelée calendrier 2015, quelqu’un que je n’ai jamais entendu de toute ma vie depuis plus de deux ans que nous vivons dans cet immeuble hurle qu’il est interdit de mendier dans la cage d’escalier et, oui, c’était un mot raciste.
020415
Venu de Mongolie à petites étapes par Almaligh et Samarqand, Hulägu passa l’Amoûdaryâ le 2 janvier 1256. Sur la rive persane du fleuve, il fut complimenté par les représentants de ses nouveaux vassaux, depuis Chems ed-Dîn Kert, mélik de Hérât et le Salghouride Aboû Bekr, atâbeg du Fârs, jusqu’aux deux Seldjouqides d’Asie Mineure, Kai-Kâwous II et Qilidj Arslân IV. Conformément au programme tracé par Mongka, il alla d’abord attaquer les Ismâ’îliens ou Assassins dans leurs nids d’aigle du Mâzandérân, Meïmoûndiz et Alamoût. Le grand maître des Ismâ’îliens, Rokn ed-Dîn Koûrchâh, assiégé dans Meïmoûndiz par Hulägu en personne, capitula le 19 novembre 1256 Hulägu l’envoya en Mongolie au grand-khan Mongka, mais le prisonnier fut massacré en route. Les défenseurs d’Alamoût se rendirent le 20 décembre. La terrible secte qui au XIIe siècle avait bravé tous les efforts des sultans seldjouqides, fait trembler le sultanat et le khalifat, été une cause de démoralisation et de désagrégation dans tout l’Islam asiatique, était enfin exterminée.
Ce fut un immense service rendu par les Mongols à la cause de l’ordre et de la civilisation.
René Grousset, L’empire des steppes, Payot, P. 427-428
Jamais entendu parler de cette secte avant l’aube. J’ai des clous dans le cœur. Besoin de jus besoin
de viscères. Quête aux boites chaque soir un courrier contenant le chiffre de ma vie
à venir. Faudrait que j’écrive quelque chose, prendre appui dans la salive des autres. Pas le temps, pas assez de saveur sur les doigts. J’ai dans le genou gauche soudainement des vagues
de douleur.
Librairie L’Atelier dans le 20ème, lecture entre Juliette
Mezenc et Xavier
Person.
Belle expérience (comme une conversation ponctuée d’à voix haute). Un jus
d’ananas. Un kid
avec un appareil photo.
Quelqu’un qui porte sur son dos le visage de quelqu’un que je sais
mais trente ans plus tôt qu’avant l’heure
c’est un fantôme de son passé cette femme.
Rentré sous le crachin des nuits
prendrai des notes multiples
rérécrirai l’Morphine
en partie.
120415
[Tamerlan] menait de nouveau la vie de chevalier errant, passant au galop, à travers mille aventures, du Khorâssân ay pays de Tachkent où d’ailleurs il ne craignait pas de pactiser une seconde fois avec les Mongols de l’Ili, ces ennemis héréditaires de son peuple. Pis encore : il s’efforça de provoquer pour le printemps suivant une invasion de ces Mongols-Djaghataï de l’Ili en Transociane. Ainsi, après avoir affranchi d’eux la Transoxiane, il se préparait à la reconquérir à leur tête sur l’émir Hossein. La rhétorique du Tafer nâmé s’essouffle à découvrir des prétextes moraux pour cette période de la vie du grand aventurier. Ajoutons que Tamerlan n’eut pas besoin d’aller jusqu’à la trahison intégrale. Devant la menace d’une invasion mongole, cette fois conduite par son rival, Hohhein prit peur. Il proposa à Tamerlan la paix, en alléguant, bien entendu, l’intérêt de leur commune foi musulmane, l’obligation de s’unir pour empêcher les Mongols à moitié « païens » de l’Ili et du Youldouz de venir piller la sainte terre de Transoxiane.
(...)
C’est que la survie gengiskhanide s’explique par les assises sur lesquelles l’empire gengiskhanide avait été construit. Ce qu’avait relevé Gengis-khan, c’était le vieil empire de Mongolie, l’éternel empire des steppes qui, avec son centre sur l’Orkhon, durait depuis le temps des vieux Hiong-nou, l’empire que les Huns avaient passé aux Jouan-jouan et aux Hephtalites, les Jouan-jouan aux T’ou-kiue, ceux-ci aux Ouigour et dont, à la naissance de Gengis-khan, les Kéraït étaient en train d’hériter. Il y avait là un cadre physique, celui de la steppe, un cadre ethnique et social, celui du nomadisme turco-mongol, d’autant plus solide qu’il était plus simple, qu’il s’agissait seulement de cette loi de la nature qui pousse le pâtre nomade à venir piller et, s’il se peut, domestiquer l’agriculture sédentaire ; la fondation et la résurrection périodique de l’empire des steppes représentant à cet égard comme une loi de la géographie humaine. Jusqu’au jour, encore lointain, où les sédentaires de la périphérie auront, par les armes scientifiques, acquis une supériorité artificielle, le nomade les domine, son empire se reconstitue à époques plus ou moins espacées, comme un fleuve déborde.
René Grousset, L’empire des steppes, Payot, P. 490 et 496
Commencé à lire les Steppes il y a plus de deux ans, aujourd’hui tout oublié d’Attila et de Gengis-Khan. J’en suis à Tamerlan. L’impression de lire les Contes et légendes de la Terre du Milieu. On dirait de la géopolitique fictive. Et Don Quichotte c’est Tamerlan. Et Private Eye c’est terminé. Deux ans aussi, dix épisodes entièrement balancés en pay what you want sur le net, avec le certitude que ce serait un échec retentissant (mais non). J’ignore tout des détails comptables de Pannel Syndicate (ce serait bien de savoir) mais le truc est arrivé au bout. Un exemple d’univers d’anticipation cohérent. Vraiment bien. Deuxième série lancée. Universe. Fun. Un autre exemple à suivre pour nous qui tentons de faire germer des choses, des idées.
Fin de saison ennuyeuse à Albacete, promu en Liga depuis des semaines, plus d’enjeu. À présent monter une équipe compétitive pour l’élite avec un budget transfert d’à peine 7 ou 8M€, pas simple. Dans l’idéal recruter un joueur par ligne. Un gardien international équatorien (libre), un chilien de 33 ans à la récupération (libre), un latéral droit péruvien inconnu (libre) et Sergio Sanchez, recruté chaque année quel que soit le jeu ou le club, pour 3.5M€, en provenance de Malaga. Surprise : Raul accepte une dernière pige chez nous et rentre du Qatar pour une saison à 400K€, voilà qui devrait nous apporter l’expérience qui nous manque devant et bon point de fixation (une ou deux pointes, à voir). M. Suarez en provenance de Séville clos le mercato à 1.4M€. Il secondera Thomas Moutinho en 10 ou pourra évoluer, si besoin, sur un côté.
Couru 28min09, 4km38 (Repeating History), puis V. par Skype. Me parle de The Man Who Mistook His Wife for a Hat et je lui dis c’était très gauchisant, donc j’ai pensé à toi. Je l’aurais eu plus tard, heure française, je lui aurais dit sans doute qu’Interstellar est un bien mauvais film et qu’un seul vers d’Aurélien Barrau valait bien ces 2h45 englouties dans l’espace : L’hors est toujours trop loin de l’uncliné.
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