14 février 2013Soit je me suis précipité hier pour le dire, soit c’est faux, soit l’oeil ment mais voilà : l’oeil gauche est reparti, il saute. Je pose mon doigt dessous pour sonder les mouvements et je le sens se battre. J’ignore si c’est à classer dans toutes les merdes de la postapocalypse mais c’est un soulagement d’avoir stoppé la viande alimentaire à l’heure de lire ces compte-rendus de bouffe et de cheval mixés dans la viande destinée à des plats préparés. Il semblerait que cette mixture ait un nom, ça s’appelle du minerai, ça comprend de la viande dernier choix de cheval, des muscles, des os, du collagène, on dit même qu’il pourrait y avoir de l’âne ou du mulet, ce qui m’attriste assez, sympathiques animaux. J’espère n’avoir jamais mâché de baudet en guenilles. Mais rien à voir avec la postapocalypse : c’est notre réel bien présent, c’est notre époque, voilà. Lis via Le Monde l’interview de Philip Roth avec cette impression qu’aurait peut-être un toxico entendant témoigner un ancien toxico de sa vraie vie passée, l’addictive, et de sa vie présente, clean. Il parle de ne plus écrire. Mais je n’ai jamais aimé Philip Roth (ou, tout du moins, ce que j’en ai lu, et le fait est que je n’ai plus aucun souvenir ni de J’ai épousé un communiste ni de A Plot Against America). Et n’ai jamais compris quiconque distingue des vrais lecteurs d’autres lecteurs, mais faux. Roth nous donne une recette : un vrai lecteur lit le soir, de vrais livres, en papier, au moins « quatre fois par semaine », et jamais sur la plage, et plutôt des romans. Quant à l’agitation médiatique autour de sa décision, voilà simplement un vieil homme de soixante-dix balais qui a pris sa retraite. Tenter d’éradiquer de mes pensées automatiques ce genre de phrases, celles qui disent : je suis sûr qu’il gagne plus que moi. Vite l’éradiquer. Peut-être que la postapocalypse, la vraie, sauvera l’Homme de notre âge actuel, l’âge des thunes.
La lecture d’Horace version Danielle Carlès est surprenante. J’ai peu suivi finalement la mise en ligne au jour le jour de ces Satires (contrairement à L’Énéide dont je ne manque pas une miette), alors je les découvre. Étonnamment modernes. L’impression d’y lire comme un autre journal. Pour cette raison ce devrait être une lecture soir et non une lecture diurne (et encore moins une lecture souterraine) et pourtant je le lis en lecture principale dans les wagons, les rames.
Le soir ils bivouaquent sous une longue vague de 28 novembre 2019Il y a un bug amusant avec cette série d’articles parus dans la Paris Review que j’ai mis de côté via Pocket il y a des années (et oublié de lire) : ils se sont mélangés. Je veux parler de ces interviews d’auteurs illustres qui ont fait la renommé de cette revue : The Art of... À compléter par le nom de la personne concernée. J’ai enregistré celui menant vers William Gass, j’ai eu P.D. James (!). Alice Munro ? Non, David McCullough. John Steinbeck ? Philip Roth. J’ignore à quoi c’est dû, et en définitive je m’en fiche. J’en viens même à me dire que ce n’est peut-être pas plus mal, car autrement je n’aurais jamais cliqué sur l’entretien menant vers Philip Roth, alors que là je l’ai lu. Il dit quelque chose d’assez fin sur l’entrée dans un nouveau manuscrit, et comment la plupart du temps, les premières pages qu’on commence ne sont en rien le début du livre : elles le précèdent. Voilà le passage en question : I type out beginnings and they’re awful, more of an unconscious parody of my previous book than the breakaway from it that I want. I need something driving down the center of a book, a magnet to draw everything to it—that’s what I look for during the first months of writing something new. I often have to write a hundred pages or more before there’s a paragraph that’s alive. Okay, I say to myself, that’s your beginning, start there ; that’s the first paragraph of the book. I’ll go over the first six months of work and underline in red a paragraph, a sentence, sometimes no more than a phrase, that has some life in it, and then I’ll type all these out on one page. Usually it doesn’t come to more than one page, but if I’m lucky, that’s the start of page one. I look for the liveliness to set the tone. After the awful beginning come the months of freewheeling play, and after the play come the crises, turning against your material and hating the book. J’en parle à T. dans un café étrange. En sous-sol, dans les toilettes, une affiche de The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars. Le tout dans un quartier pas très accueillant il faut bien le dire mais (je crois que c’est comme ça qu’on dit) touristique. Qu’on le veuille ou non, le Louvre est à quelques minutes à pied même si, à pied, dans la nuit et le tissu de faisceaux électriques des éclairages publics et des phares des voitures, je peine à me situer. Quelques heures plus tôt j’écris à T. je n’ai pas mes lunettes, ce sera à toi de me trouver. Et il le fait. |
↑ 1 Note du 20/02 : Suite à une erreur de mise en ligne sur l’article d’hier, le Mueller du jour est une redite de celui de la veille, désormais corrigé...