Virginie Despentes



  • 040813

    4 août 2013

    Croquis méduses, par Des Geeks et des lettres (CC BY-NC-SA 2.0).

    J’ai retwitté hier une citation du livre Méduses d’Antoine Bréa propulsée sur les réseaux par Quentin Leclerc, a.k.a @valtudinaire, dont voici la copie :

    Suite à quoi Isabelle Pariente-Butterlin (@IsabelleP_B) et Emmanuelle Tricoire (@Lecritoire) expriment leur dégoût (je ne crois pas que ce mot soit trop fort ou inapproprié) de voir passer dans leur time-line la phrase en question. Je ne vais pas reproduire la nature de nos échanges intégralement ici, ce n’est pas le but. Mon incompréhension d’alors, sur le moment, ne m’empêche pas de réaliser, a posteriori, que, bien entendu, cette phrase isolée de cette façon est une phrase violente, ce qui m’amène à réfléchir sur cette façon de l’avoir diffusée sur les réseaux immatériels et, pour parler le plus simplement possible, sur le geste de propagation.

    Comme me l’a indiqué Isabelle peu après, et comme elle le suggère également dans l’article qu’elle a mis en ligne sur son site un peu plus tard, la question n’est pas de débattre du livre d’Antoine Bréa mais de discuter la diffusion de la phrase, cette phrase, celle de sept mots. Sur la phrase en elle-même, il est important de noter que la citation est clairement indiquée par le biais des guillemets et par la mention du nom de l’auteur, précédé d’un dièse pour former le hashtag #Brea. Le plus intéressant, dans cette technique de tagging, c’est encore de pouvoir cliquer sur le mot concerné et accéder, via ce mot-clé, à toute une autre série de tweets en rapport avec la question. Le hashtag #Brea conduit surtout à d’autres citations de différents livres d’Antoine Bréa diffusées par Quentin littéralement le long de sa lecture (il décrit d’ailleurs parfaitement sa démarche en commentaire à la suite de l’article d’Isabelle). La phrase "Je la violais souvent, même le dimanche" a cela de particulier qu’elle permet parfaitement de synthétiser à elle seul le texte qu’elle illustre et qu’elle en est à la fois évidemment réductrice. En cliquant sur le hashtag #Brea, il est donc possible d’accéder à ce qu’on pourrait appeler un portrait robot du bouquin, portrait robot tout à fait fidèle du texte, par ailleurs. Voici le compte-rendu exact de la lecture de Quentin dans l’ordre dans lequel ces fragments ont été publiés (il me semble que toutes ces citations ont été prises dans Méduses mais, n’ayant pas le livre avec moi, je peux me tromper sur certaines) :

    "mais ça allait, j’étais bien, terrassé par ton absence." #Brea

    "En me rasant, par mégarde, j’avais manqué de peu de me taillader les veines des poignets." #Brea

    "J’allais bien, juste un peu envie de crever." #Brea

    "Je la violais souvent, même le dimanche" #Brea

    "J’étais le fils du néant, l’enfant au regard dévoré des méduses" #Brea

    "A présent je m’en sors. A présent tout est clair. J’arrive à la fin du naufrage." #Brea

    "J’avais pas mal éclusé, et pour tout dire j’étais complètement raide, la gueule en vrac." #Brea

    Je suis régulièrement les citations de Quentin, je les retwitte parfois, partageant bien souvent une bonne partie de ses goûts littéraires. La raison pour laquelle j’ai retwitté cette phrase, cette phrase précisément, est très simple, et tient à deux choses :

    • je sors, plus ou moins, littéralement de cette lecture, Méduses, terminée il y a quelques semaines tout juste, et j’ai reconnu le livre du premier coup d’oeil.
    • cette phrase je l’ai notée moi-même, mentalement notée entendons-nous bien, lors de ma lecture, il y a quelques semaines tout juste, à l’origine dans le but de la citer dans le journal, finalement je ne l’ai pas fait, principalement car j’ai plutôt tendance à citer des paragraphes entier et pas des phrases isolées comme celle-là ; quoi qu’il en soit cette phrase est forte, elle sort en surbrillance de mon expérience de lecture.

    Isabelle Pariente-Butterlin pose la chose suivante :

    Ce ne serait donc pas un problème de littérature (ça je le comprends parfaitement) mais de contexte (en l’occurrence d’un manque de contexte) ? Pourtant je ne me souviens pas avoir assisté à ce type de réactions, comme l’a d’ailleurs dit Quentin à un moment donné, lors de tweets plus graphiques, par exemple lorsqu’il mentionnait Guyotat. Je pense aussi, c’est plus récent, à l’extrait suivant :

    Emmanuelle Tricoire dit 1, un peu plus tard, en substance (j’espère ne pas déformer son discours), que ce qui la frappe c’est que l’insupportabilité relevée par deux femmes ne soit pas relevée de la même façon par deux hommes. Puis, dans un autre tweet, que le viol ferait référence pour les femmes à quelque chose de bien plus ample et ancré. C’est le second volet de mon étonnement (le premier est réglé depuis longtemps : l’assimilation de cette phrase par quelqu’un, quel qu’il soit, n’est pas la même selon qu’il ou elle a lu, ou non, le livre concerné et connaît donc le contexte dans lequel cette phrase est lancée). Ce serait donc une question de genre. C’est dans ce sens que va d’ailleurs le billet publié par Emmanuelle ce matin. La situation est d’ailleurs présentée de cette façon (c’est aussi, en partie, l’axe qu’a choisi de prendre Isabelle dans son propre billet) :

    Retweet d’un homme par un autre, Guillaume, et citation d’un auteur homme.
    Quelqu’un réagit. Sur l’isolation de cette seule phrase. Une femme.

    Est-ce à dire que la phrase, légèrement modifiée, aurait eu moins d’impact, si elle racontait : "Je le violais souvent, même le dimanche." ? En réalité, d’un point de vue strictement syntaxique, quatre possibilités s’offrent à nous :

    • Il la violait souvent, même le dimanche.
    • Il le violait souvent, même le dimanche.
    • Elle le violait souvent, même le dimanche.
    • Elle la violait souvent, même le dimanche.

    Comme je l’ai expliqué plus en amont, je conçois tout à fait que cette phrase puisse choquer, balancée comme ça sans contexte un matin sur le réseau. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi, selon que l’action est effectuée par un homme ou par une femme, en direction d’un homme ou d’une femme, cette même phrase soit perçue plus ou moins violemment. De la même façon, le genre du twitteur initial (ici Quentin) et du retweeteur (donc moi) change-t-il quoi que ce soit à la nature de la phrase publiée (et à son impact) ? Et un peu plus loin encore, le fait que l’auteur soit un homme ou une femme, cela change-t-il, là encore, le degré de violence intrinsèque de cette phrase ? Raison pour laquelle il m’est venu, un peu plus tard (et d’ailleurs je l’ai partagé, en MP cette fois-ci, avec Quentin) cette phrase de Virginie Despentes, tirée d’un livre que je n’ai pas lu, je le précise, mais elle m’est montée de suite en tête, voilà ce qu’elle dit :

    Après [Sous-entendu, après l’avoir violée.], on l’a laissée là. Mais on lui a pissé dessus avant de partir, elle s’en est même pas rendu compte, elle était à poil, sur le dos. »

    Virginie Despentes, Apocalypse Bébé

    Là encore, c’est une phrase (deux en réalité) très violente qui, si elle avait été propulsée sur les réseaux, aurait pu frapper un oeil au hasard. Mais elle n’est pas plus ou moins violente selon que son auteur est un homme ou une femme. J’apprécie l’effort d’explication dont a fait preuve Emmanuelle dans son article, mais je ne crois pas à la lecture genrée qu’elle tire de cet incident (si c’en un). Le titre de l’article étant "L’insupportable et la littérature", je m’exprimerai simplement sur ce sujet comme je crois l’avoir toujours fait et, me semble-t-il, ma position n’a pas bougé là-dessus depuis plusieurs années : mon oeil, mon attention, mon engouement sur ce type de texte (on peut parler de Guyotat, Céline, ou, je ne sais pas moi, Palahniuk, par exemple) sera toujours focalisé sur la littérature. Le reste, et je le dis très sincèrement, m’intéresse beaucoup moins.

    Il y a une autre question intéressante que soulève cette histoire et elle tient du mode de diffusion de ces échanges. Tout d’abord, comment me suis-je retrouvé embarqué là-dedans ? Je ne suis pas l’auteur de cette phrase, c’est Antoine Bréa le coupable. Je ne suis pas non plus celui par qui la phrase s’est retrouvée sur les réseaux immatériels, en l’occurrence Twitter, c’est Quentin. Mais, sauf erreur de ma part, ni Isabelle ni Emmanuelle ne followe @valtudinaire. Sans ma participation (RT), elles n’auraient pas eu accès à ce tweet. Merde alors, je suis donc bien celui par qui tout, semble-t-il, s’est déclenché. Retweeter une phrase, c’est l’affaire d’une seconde, soit le temps qu’on prend à déplacer le pointeur de la souris sur le bouton RT et cliquer. Pour autant, ce n’est pas non plus un acte dépourvu de sens. À la suite du déraillement du RER C à Brétigny j’ai lu cet article très intéressant sur le rôle particulier des réseaux sociaux (et notamment des photos prises sur place) durant cet incident. À la fin de l’article, l’auteur s’interroge sur la valeur de la mention j’aime / like, héritée de Facebook ou, pour formuler les choses différemment : lorsque l’on clique sur le j’aime qui accompagne la photo d’une catastrophe, qu’exprime-t-on réellement ? C’est la même chose avec le RT. Quel est le sens intrinsèque d’un retweet ? Dans notre cas, il ne s’agit pas d’un partage d’information ou d’une volonté intentionnelle de propulser des phrases acides dans la time-line des autres 2. Alors quoi ? Si tu veux que je te réponde honnêtement, le plus honnêtement possible, je vais te dire exactement comment j’interprète moi-même ce geste qui, comme expliqué un peu plus haut, tient tout autant de l’intention que du réflexe numérique. Ma volonté première, en réaction à ce tweet, c’était de répondre à Quentin pour parler du livre, Méduses, que j’étais surpris de voir cité ici, et que j’avais plaisir à voir ainsi propulsé sur ma TL. Le retweet, quant à lui, tient presque de la recontextualisation : avant de réagir à partir de cette phrase il me fallait au préalable la relayer.

    Il y a quelques semaines, je me souviens avoir retweeté un article du Monde dont le titre était autrement plus éprouvant (j’en avais d’ailleurs fait mention dans le journal du jour correspondant). Ce titre, qui est aussi une citation tirée de l’article, est le suivant : "On viole en République démocratique du Congo. Des femmes, des filles et depuis peu des bébés." En réalité, ce lien que j’avais trouvé dans ma time-line était déjà, à la base, un retweet (l’info se propageait), et l’auteur de ce RT, @laxolotl, avait même cru bon d’ajouter l’info suivante à la suite de son RT (je n’avais pas pris, pour ma part, cette précaution) :

    Pour autant, je n’ai eu aucune remarque ou réaction suite à ce retweet, et pourtant, indépendamment de la qualité de l’article et de l’importance des témoignages qui s’y trouvent, il y aurait beaucoup à dire sur l’usage marketing de ce type de citation mise en titre afin de susciter l’intérêt et, donc, l’envie de cliquer sur le lien qui l’accompagne. L’utilisation des réseaux sociaux qui est effectuée par des médias par ailleurs tout à fait respectables tient parfois du titre vulgairement accrocheur de la presse à scandale.

    Quant à moi, je m’essaye, à l’intérieur de Fuir, à la recherche suivante : le mot viol et ses dérivés (violer, violeur...), mais sans bien sûr retenir les occurrences de violence ou violent. Il se trouve que 20 pages du site mentionnent, à un moment donné, l’un de ces mots ciblés. On peut les isoler comme suit :

    • Un exercice de style (qui a pour titre viol, justement)
    • 13 mentions faites ou ayant rapport à d’autres textes cités (Guyotat et Bolaño sont les auteurs les plus représentés)
    • 2 compte-rendus de rêves
    • 2 mentions dans le journal
    • 2 mentions dans le compte-rendu Fragmenter

    Si je me souviens parfaitement les conditions et le contexte ayant conduit à l’écriture de ce truc, viol, je (re)découvre en revanche les compte-rendus de rêves et les trucs Fragmenter. Suis notamment surpris, dans les rêves, par le côté récréatif et décontracté de ces situations de viol évoquées, je cite :

    #rêve celle en tailleur pro, réunion entre nous informelle, qui nous poursuit finalement tous pour viol. Viol ? Oui sur un survêtement bleu.

    #rêve un viol à l’envers. Les os l’agresseur & la peau la victime. Le violeur pleure. Et le violé tape sur les bambous de sa tête (humaine).

    #rêve un Titanic en 3D projeté sur la peau. Dans cette version Jack force Rose à le suivre proue pour un viol en relief. King of the world !

    Ces viols mentaux ne sont pas des cauchemars. De même, si ma mémoire est bonne, le fameux viol souvent, même le dimanche de Méduses, ne correspond pas réellement à un viol mais tient plus d’un travestissement du langage, qui participe de l’esthétique du texte : c’est une autre façon de dire, d’une langue presque déviée de son axe, je la baisais souvent, même le dimanche. Du moins, c’est comme ça que je l’ai lu, et c’est comme ça que je m’en souviens, quelques semaines plus tard, et dans l’incapacité momentanée de reprendre le livre pour confirmer mes dires.

    Peut-être que cette vérification dans les archives de Fuir correspond à ce que Isabelle appelle dans son article la fascination du viol. Honnêtement je ne sais pas. J’essaye de me servir de cette histoire et mon raisonnement, maladroit je veux bien l’admettre, ressemble surtout à ça : tiens, je viens de passer une bonne partie de ma journée à rédiger ce texte interminable : pour quelle(s) raison(s) ? Qu’est-ce que ça remue en moi que ce mot ? Quelque part, vérifier dans les rêves, c’est vérifier à la source. Et peut-être que je suis, aussi, le fruit d’une culture et d’une époque, nécessairement violente, pour qui (ou pour quoi) la notion même de viol est devenue, sinon banale, au moins banalisée 3. Plus généralement, c’est notre rapport à la violence qui fait débat. Oui, cette phrase est violente. La diffuser de cette façon et la relayer de cette façon c’est certainement, oui, un geste violent, tout comme l’écrire, à la base, avait été, il me semble en tout cas, un geste violent. Au-delà de ce simple constat, présumer des réactions de chacun, untel parce qu’il est un homme, unetelle parce que c’est une femme (notons que cette phrase fonctionne avec n’importe quel groupe social ou communauté humaine), c’est toujours, c’est du moins mon avis, se mettre du shampoing dans les yeux : on voit moins bien et puis en plus ça pique.

  • 271114

    14 décembre 2014

    Elle souffle bruyamment sur sa main gauche avant de commencer la droite. L’enfant lui fait penser à une vierge égarée dans les douches d’une prison pour hommes. Le monde ambiant l’offense avec un acharnement lubrique. Il est effarouché par tout ce qui l’entoure, et le diable use de tous les coups de vice pour lui défoncer la pureté.

    Virginie Despentes, Baise-moi, Grasset

    La fatigue. Reste un mois à tirer. Peut-être que c’est dû à la bouffe. Peut-être je manque de quelque chose. À quelqu’un j’écris entre les parenthèses otherwise I would be dead or something. À quelqu’un je réponds c’était comme ça au Moyen-Âge. Quelque part j’oublie d’écrire when is my mind ? À quelqu’un je prétends que mon cœur est brisé.

  • 011214

    18 décembre 2014

    Ils nous ont dit, en nous autorisant à écrire cette lettre, qu’il nous est interdit d’être « poétiques » dans le style. Je crois que la surveillante a voulu dire hermétiques, parce qu’elle a précisé que la condition sine qua non pour que cela vous parvienne à vous est que les surveillants de la section Censure puissent comprendre ce que nous disons, et aussi ce que nous essayons réellement de dire (a-t-elle dit), du premier jusqu’au dernier mot. Je vais donc m’employer à être directe, puisqu’il n’est pas simple pour moi de sauter par-dessus ma propre nature divagatrice : on verra ce que j’obtiens.

    Alicia Kozameh, Le dernier message in La peau même en offrande, traduction Anne-Claire Huby, Zinnia Éditions, P.90-91

    On s’enfonce dans les plus bas celsius. Ça pique. Encore un autre jour dont on pourra dire, s’étant finalement retourné sur nos propres épaules et regardant vers l’arrière, je suis sauf. Reporting de mes couilles à refaire, chaque mois, ici c’est l’avant-dernier mois, à cause de la masse monstre de retard cumulé. Lire Baise-moi, je dis à voix haute à un moment quelconque de la journée, c’est très intéressant. Ici, l’une des deux héroïnes dit, Quand j’étais gamine, je m’imaginais volontiers solidement ligotée sur une table de bar, mon cul bien ouvert, et de nombreux messieurs dont je ne pouvais pas voir le visage me faisaient des choses déroutantes. Et très dégradantes. Et très agréables. Et l’autre qui répond, on a toutes des rêves d’enfant, je respecte ça. Lire ça, c’est à la fois très drôle, très froid, émouvant. OR Books fête ses cinq ans avec une offre à 1$ l’ebook. Quatre bouquins, 3.37€. J’achète plus que je sais lire. Poursuit Morphine, l’interlude #2. Content d’avoir choisi l’épisode, la série, ça se prête bien à l’exercice de style : peu ou pas de dialogue, une description mécanique simple, froide. À cause des vers, j’écris un clope, pas une. À cause des vers et à cause de Mìssios. Me souviens d’avoir lu Volkovitch écrire, dans ses carnets, comment il était allé voir quand précisément le mot clope avait changé de genre : en quelle année. Il faudrait que je le recommande à V. ce livre (peut-être je l’ai déjà fait ?), et, au-delà, sur l’écriture pénitentiaire encore, oui, bien sûr, Alicia Kozameh 4.

  • 021214

    19 décembre 2014

    Toute la journée durant pensé à quoi pensé à l’alignement de mes mecs sur le champ de bataille devant le colosse Belias (il est trop fort Belias). Pas de problème pour battre Wiegraf en tête à tête (deux sauts à 150 le saut ça suffit). Après Wiegraf il se transforme en monstre, se transforme en Belias. L’alignement des mecs c’est donc : Ramza devant, un Ninja un pas derrière lui sur sa droite, une summoneuse tout à gauche, Mustadio à droite en soutien de Ramza et Agrias proche de la Ninja pour agir. De cette façon le premier coup d’avance de Ramza lui permet de se replier entre eux tous et de faire Kiyomori qui met Protect plus Shell sur tout le monde. Ensuite avancer la Ninja pour balancer une Giant axe dans la gueule à Belias (moins 108 HP quand ça touche). Si Belias tue personne et me laisse tranquille avec ma summoneuse : lancer haste sur le plus de personnages possibles et derrière invoquer le machin Lich. Je suis mort une dizaine de fois en procédant comme ça hier. Peut-être que c’est pas ça la solution 5. Peut-être il vaut mieux attaquer ses démons en premier 6, faire de l’espace autour de lui. Peut-être.

    Cette façon qu’a Kertesz de dire craft sentences 7. Du grésil ou quelque chose. Ça brûle rouge. J’ai menti à quelqu’un. Cette façon que Despentes à d’écrire que quelqu’un intervient, résolue à s’imposer comme un personnage parlant

  • 031214

    20 décembre 2014

    Il revient, pose un plateau avec le café sur une table basse en verre fumé. On ne l’imagine pas en renverser à côté, faire un faux mouvement. Un homme comme ça ne dérape pas. Sur sa peau, ça s’inscrit en gros : « Je respecte mon corps, je mange sainement depuis ma plus tendre enfance, je baise bien, de préférence des femmes de qualité que je fais souvent crier pendant la besogne, j’ai un travail qui m’intéresse, la vie me va bien. Je suis beau. » Le genre présentable au réveil, à mille lieues des lois de la gueule de bois. Il fait exception à la plupart des règles, il jongle au-dessus de la mêlée. Désinvolte et précieux.

    Virginie Despentes, Baise-moi, Grasset

    Passer du temps sur la promo, sa promo, la promo de ses textes, c’est une vraie question, vraie recherche, vraie interrogation. On rechigne tous à bombarder tout le temps tout le monde de nos trucs. Ce n’est pas de ça dont il est question. Pas question non plus d’engager tout ce temps dans ce geste-là, ne pas remplacer l’écriture par la vente, mais trouver un bon équilibre, et surtout, trouver un moyen de prendre plaisir à le faire, pour tout le monde, et rendre ça ludique. Le truc, c’est que ça s’arrête aux frontières des réseaux dits sociaux. Éventuellement bien sûr nos connaissances directes. Difficile de percer au-delà et de toucher ceux, celles, qui ne nous connaissent pas, déjà, encore. Difficile de ne pas tomber dans l’écueil du tout à vendre et tout le temps car tout le monde a quelque chose à refourguer et quand ce n’est pas à proprement parler quelque chose (ici un livre), c’est soi-même que l’on vend : sa personnalité, ses idées, ses pensées, ses coups de cœur, ses que sais-je ; soi.

  • 291119

    29 décembre 2019

    Dans les dernières pages d’Un homme qui dort, Perec écrit : Les désastres n’existent pas, ils sont ailleurs. Le livre est paru en 1967. Deux ans plus tôt, le 6 juillet, Jünger (alors embarqué sur un paquebot) écrit dans son journal : Le coffre-fort du navire contient une enveloppe scellée, pour le cas où une guerre mondiale éclaterait. 8 Un peu plus tôt, on peut lire ceci :

    « Des radiations... je n’y avais pas songé... beaucoup, beaucoup... sont-elles dangereuses ?... Camarades, vous ne pouvez rien faire ?... écoutez-moi donc... une horrible solitude. » La bande magnétique enregistre des crépitements, puis, quelques secondes, des froissements comme ceux d’ailes gigantesques, puis plus rien. On est le 12 novembre 1962, à 8 heures 09, heure de Turin. De toute évidence, l’une des voix de cosmonautes sacrifiés, qui tournent sur orbite. Leurs conversations sont parfois captées par des amateurs. Cela dépasse tous les fantasmes de l’horreur, et même le fantastique d’un Poe.

    Ibid, P. 12

    J’ai beau faire des recherches sur les accidents et incidents liés à la conquête spatiale, je ne retrouve pas la date mentionnée ici. Il n’y a pas de note de bas de page pour en clarifier le contexte. Était-ce un rêve ? De la fiction ? On ne saura pas. Ce qu’on sait en revanche, c’est que je n’ai jamais lu Poe que via la voix de Baudelaire, ce qui est sans doute en soi une erreur. De même que je n’ai jamais lu Dickens ou Hawthorne, et que s’agissant de Melville je m’en suis tenu aux deux extrémités du spectre signalé par Bolaño dans 2666 9 : Bartelby et Moby Dick. Qui sait quelles genres de teintes intermédiaires on peut trouver dans ses autres livres ? L’autre jour, T. me recommandait Vernon Subutex alors je commence Vernon Subutex. Curieusement, je m’intéresse à des trucs très concrets : comment fonctionne le récit temporellement parlant ? Nous partons d’une situation présente et nous remontons dans le passé pour contextualiser le personnage. Quelque part, c’est assez classique. Mais en réalité, c’est précisément le contraire. Le problème avec le présent, c’est qu’il est trop frontal. On a continuellement besoin de tisser des trajectoires (vers le passé, vers le futur) pour reconstituer une forme d’épaisseur et de profondeur de champ qu’on trouve naturellement dans un récit classique au passé (simple ou pas). On pourrait aller plus loin. Regarder comment Simenon fait dans ses romans. Comment fonctionnent Fantômas et Bob Morane. Ce qui fait tenir Arsène Lupin et Jean-Patrick Manchette. Tous ces livres ne vont certainement pas très bien ensemble mais enfin, venant de quelqu’un qui se prépare à déjeuner des betteraves, un avocat, un reste de semoule de maïs, des pâtes de sarrasin et des maquereaux, ça a du sens de mélanger n’importe quoi. Le soir même, rebelotte avec une courge butternut, une grosse échalotte, de la coriandre, de la crême fraiche, du fromage frais type Mme Loïk (la marque, pas la personne), du sel, du poivre, du curry, et enfourner le tout dans la machine à soupe (en réalité juste un blender chauffant, mais je préfère dire machine à soupe). Contre toute attente, c’est bon. La texture est bonne. Les goûts se répondent. C’est onctueux. Autant de choses que je ne peux pas dire de ce début de texte que j’essaye autant que faire se peut de reprendre chaque soir, me disant chaque soir après une heure de travail que j’y suis parvenu, et revenant le soir suivant sur moi-même avant de tout recommencer une nouvelle fois. Je dis cela, mais ma soupe a été faite au hasard, et je suis quelqu’un qui confond sans cesse les dattes avec les figues, faute de manger sans doute ni les unes ni les autres. On ne peut donc pas me faire confiance, et je devrais poursuivre sans m’attarder dans la lancée de ce texte (ce que je ne ferai pas). À la place, j’essaye de traduire cette nouvelle qui n’est pas une nouvelle, le tout sans recours possible à aucun dictionnaire anglais-français, n’ayant plus les yeux ce soir pour aucun rétroéclairage, et n’en possédant pas dans ma bibliothèque, notant entre parenthèses à chaque fois que je ne parviens pas à trouver quelque chose qui sonne juste lors des nombreux jeux sur le langage qu’on peut y trouver la mention arg faisant suite à la traduction littérale, faute de mieux (signe qu’il faudra y revenir).

  • 031219

    3 janvier 2020

    Relevé intérieur du grésil : 11h33 (203 lux), relecture sur liseuse. 14h12 (130 lux), écriture manuscrite. 16h02 (65 lux à tout péter), retour à l’ordi. 16h46 (moins de 20 lux, est-ce seulement possible ?), emails, la ville en latéral. À compter de cette heure, grésil continuel sauf quand je mange car la nuit est tombée, et particulièrement 21h27 quand l’écran est rouvert. Le BM3 est repassé plein pot dans la nuit : c’était une promo temporaire (cyber monday). Je connaissais les cybermen 10, cyberax ou cyberdyne mais pas le cyber monday. Notons que tous ces termes de SF renvoient à des trucs qui craignent un max. Là, c’est un genre d’écho du black friday. C’était 60 balles. Pendant un moment je me dis : il est encore en cours aux États-Unis, le cyber monday, et le dollar est faible face à l’euro, j’aurais donc pu économiser plus d’une centaine d’euros à vue de nez, à quoi il fallait malgré tout rajouter les frais de port, 20$. Mais le temps que cette pensée germe, c’était aussi terminé aux US qu’en France et j’en suis à me dire : créer un compte Amazon Business, utiliser un code promo pour une première commande dessus, revenir aujourd’hui au prix qu’il était hier. En somme, remonter le temps. Pas sûr que mon statut d’auto-entrepreneur me permette d’ouvrir un compte pro où que ce soit. En fait si ! Mais le code promo n’est plus valide. Mais si je le paye en dollars sur un site américain, c’est moins cher. Mais il y a la livraison. Je pourrais faire comme Vernon Subutex et vendre mes Pléïades (mais c’est plus facile de vendre des Pléïades quand ce ne sont pas les tiens). Je peux, en revanche, me faire rembourser par ma mutuelle de deux visites chez l’ostéopathe cette année. Et voilà que je viens de retrouver 15€ en liquide dans un vieux portefeuille ! La chance me sourit. Mais on peut supposer que je les dépenserai aussi sec en voyant T. ce soir. Sauf que nous ne nous voyons plus ! Mais on se verra demain. Que suis-je donc devenu ?

  • 041219

    4 janvier 2020

    Je dois retrouver T. aux abords de la Gare de Lyon. Finalement, nous options pour Jaurès. En fait, ce sera Saint-Lazare (et ça s’écrit avec un e, pas avec un d). Je me souviens avoir pensé à quelque chose qu’il me fallait prendre en note, une scène à écrire, un concept, un bout de dialogue. Je ne l’ai pas fait. C’est désormais perdu dans les limbes. C’est une petite brasserie pas chère avec vue sur le parvis, pas là où ils ont installé un genre de marché de noël pop-up-storé triste à souhait, mais là près de la Fnac. À l’intérieur, des guirlandes de noël clignotantes, de la bouffe de cantine. C’est bon ?
    — C’est pas cher.
    Il est question de Vernon Subutex et de Saer, de la grève de demain, de mutation et de camionnette überisée. Il y a toujours des métros quand on se sépare et moi je fraude par inadvertance (c’est comme ça).

  • 081219

    8 janvier 2020

    J’écoute L’attentat en direct de Claude Ollier et je me souviens combien, quelques semaines ou quelques mois après les attentats de novembre 2015, plusieurs pontes ou journalistes de chaînes d’infos en continu se sont gargarisés de voir leurs audiences records être distinguées par médiamétrie, boostées par l’afflux généré par les tueries. Dans la pièce de Claude Ollier, il y a cette réplique : Ne regrettons pas nos facilités de trésorerie. Dès demain, nous en compterons les fruits. J’écoute Hiroshi Yoshimura, History of Nine Post Cards et je me dis : voilà ce dont j’ai besoin. La fin de Vernon Subutex, c’est aussi la fin du Journal du brise-lames. Dans Disparaître de soi, David Le Breton décrit le manque ou le sevrage chez un toxicomane comme des douleurs du membre fantôme. Ce qui m’amène à réaliser : je ne suis pas seulement en sevrage de Nocertone, je suis aussi en sevrage de triptan. Je suis aussi en sevrage d’anti-inflammatoire, sauf à considérer le maté comme un anti-inflammatoire. Que faire de ça ? Un jour, pour un exercice imposé, j’avais dû me décrire sans me référer à mon travail. Qu’avais-je dit alors ? C’est la même chose quand on me demande quoi de neuf, je n’ai rien dans la tête à répondre. Il n’y a jamais rien de neuf. Je commence à tomber malade (gorge, voix, fatigue). J’espère que ça ne viendra pas niquer mon expérience d’abstinence médicamenteuse. Aucune conséquence ne saurait être tirée de cet exercice, du moins pas tant que le sevrage du Nocertone ne sera pas terminé. Pendant un moment, j’ai enfilé avec soin les vingt-quatre perles qui composent le porte-bonheur d’Asakusa sur un fil en nylon élastique, mais sans néanmoins finir le travail, c’est-à-dire en laissant ledit bracelet infermé, du fil de part et d’autre de lui comme deux lambeaux de blanc en attendant que sais-je. Il faut réaliser un nœud papillon et j’ai besoin de Youtube pour ça. D’un tuto avec des doigts en gros plan et une voix, hors champ, qui commente ce que l’extrémité d’elle accomplit dans le cadre. Dans le cadre de ce tuto. Alors il faut m’imaginer pester seul et parler, dire à la fille mais c’est n’importe quoi ça marchera jamais (ça finit par marcher). Hier, j’avais du mal à retrouver mon personnage de pèlerin de l’errance. Je n’étais plus très sûr de savoir qui j’étais. Par moments, j’étais plus concentré sur la nécessité d’être cohérent avec mon personnage que sur l’idée de faire avancer l’intrigue, une intrigue dont mon personnage semblait, sinon exclu, du moins un peu écarté. Avec les grèves dans le métro, personne n’arrive à arriver nulle part, ou alors met des heures pour le faire. Moi, je ne cherche pas à aller où que ce soit et n’en suis donc pas affecté. Si je voulais aller quelque part, je marcherais. Mais pour aller où ? Et pour faire quoi ? Écrire dans un écran noir me semble la meilleure attitude à adopter en réponse à ce monde. Ne surtout pas savoir ce qui s’y vit sans soi. Dans son livre, Le Breton a un chapitre qui s’intitule « aspiration à la syncope ». C’est beau. Préparant mon maté ce midi, après avoir fait tomber la poussière dans ma paume : une marque verte, parfaitement circulaire. J’ai l’impression de renouer avec mes racines. Quelles sont-elles ? Je n’ai rien fait pour Noël. Cadeaux, idées, rien. j’attends. C’est plus sûr. Tout le monde éternue dans l’immeuble. On voit passer les sons à travers les cloisons en papier de nos boites à chaussure et, il y a peu, H. m’a dit avoir remonté les cinq étages à pied derrière un couple qui se parlait et alors, à un moment donné, une voix d’outre-tombe a surgi de derrière l’une des portes des appartements, disant ou chantonnant qui sait on entend touuuuuuuuuut. Parfois, quand on descend ou qu’on remonte les escaliers à pied, on sent la présence d’une bête derrière le bois des portes, quelqu’un ou quelque chose prêt à pousser un aboiement mais se retenant de le faire. Paix aux bêtes. À nous, non. On mérite pas la paix. Dehors, il pleut. H. est parti pour la journée et je suis seul avec le bruit de la machine, sur quoi je fais courir du son. Ça plus le bruit de mes doigts sur les touches du clavier, des doigts qui n’ont toujours pas tenté de faire le nœud papillon. Si je n’essaye pas, au moins, je n’aurai aucune chance d’échouer. Mais si je ne fais rien d’ici l’opération de Poulpir, comment me regarder en face dans un miroir ? J’ai cinquante Ulysse de retard désormais. Je vis ça bien. Ce que j’aime dans la douleur, c’est la dissolution de la douleur. Tout le contraire du désir. Un livre, je peux le prendre en grippe tout simplement car le moment où je l’ai lu, ou j’ai essayé de le lire, a fait lever de la colère en moi. Alors, je suis sans pité pour lui, ne pouvant être sans pitié pour moi, ou pour le souvenir de choses que j’ai, ou non, vécues. Pendant le dernier Marché de la poésie, en juin, j’ai acheté un « répertoir des termes bouddhiques ». Je ne l’ai pas ouvert, craignant que ça ravive chez moi le désir non de devenir bouddhiste mais de me remettre à écrire Grieg. Pourrais-je me le permettre ? Non de le faire mais de le vouloir. C’est pour cette même raison que j’ai laissé de côté les Mille et une nuit. La destinée de Grieg est intimement liée à la destinée du site. Mes espoirs sont dans le BM3, qui devrait m’être livré demain ou mardi, pour pouvoir reprendre ce travail car, dans le noir, on ne peut pas coder. Peut-on penser dans le noir où est-on constamment sous le feu des criculations de signaux et de lueurs ? J’aimerais réécouter Morton Feldman ou John Cage, un peu comme on se dit j’aimerais relire toute la Recherche. La question, c’est comment. Dans quelle temporalité ? Dans quel ordre surtout. Je relirais bien le Seigneur des anneaux. Franck Queyraud se moque de moi quand je dis ne pas aimer quelqu’un comme Tom Bombadil, mais en réalité c’est tout à fait faux : celui qui n’aime pas Tom Bombadil, ce n’est pas moi, c’est mon moi de quatorze ou quinze ans, la première (et seule) fois où je l’ai lu. Qui sait aujourd’hui ce que je penserais de lui ? L’autre jour j’ai écrit le mot Kafka dans un brouillon pour une quatrième de couverture et je m’en suis voulu. Ça ne projette pas le bon imaginaire. Ça lie le texte à une énergie qui n’est pas la sienne. C’est faire le jeu du name dropping et des fauses pistes. C’est faire le jeu et non le je. Revenir dessus, donc. J’ai le temps. On se dit toujours qu’on a le temps. J’ai le temps de faire Grieg, j’ai le temps de relire Eff au calme. Mais le calme, ça se provoque, non ? Le temps, ça s’instaure. Ça se crée. Quand je suis calme, la douleur a moins prise. Ma peau serait plus lisse. Quand je m’énerve, elle s’accroche, et ça se prend dans le tissu, comme quand on a de petites écorchures et qu’on porte des gants. Quand je pense à la douleur, la douleur est plus forte. Pour autant, certains disent qu’il faut aller au fond d’elle, respirer en elle, inspirer en elle, expirer en elle, faire le vide en elle pour parvenir à réellement l’approcher. Est-ce qu’on a intérêt à réellement m’approcher ? C’est un lapsus intéressant, je voulais écrire l’. Je corrige pas. De toute façon, je ne vois pas ce que je fais. Chiasma, c’est l’histoire de quelqu’un qui a mal. En miroir, un autre récit, d’un lieu où la douleur n’existe pas, du moins pour les personnages que l’on suit. Être quelqu’un, qui que ce soit, c’est avoir mal ? Ou redouter ce mal ? Ou s’en souvenir ? J’ai acheté du Bion3. Ça m’a coûté quinze balles. Et aussi, aux Nouveaux Robinsons, il y avait un bocal de cinq cent comprimés de Spyruline : 39€. J’ai lu quelque part que la Sypruline pouvait déclencher des migraines. De ce que j’en sais, ne pas prendre de Spyruline en déclenche tout autant.

  • 290120

    29 février 2020

    Quand j’écris quelque part l’expression notre époque tourmentée, qu’est-ce que ça signifie exactement ? Ce n’est pas de la littérature. C’est une espèce de discours proto-marketing qui ne sert à rien d’autre qu’à meubler. Il n’y a pas de message, il n’y a pas de contenu. C’est de la graphie pure. Des formes imprimées sur une feuille, des pixels répandus de façon ordonnée sur un écran. Presqu’une parole, pas de l’écrit, bien que ce soit écrit pourtant. On est tous confrontés à ce type de langage, dans notre vie de tous les jours comme dans notre vie professionnelle. Parfois même, notre vie de tous les jours est notre vie professionelle. Et il faut jouer le jeu (ou alors partir loin, et ne plus revenir). Notre époque est-elle tourmentée quand on fait faire des sons à des momies egyptiennes mortes depuis des miliers d’années ? Des scénarios de films d’horreur tiennent sur moins que ça. Mais on n’a pas besoin de films d’horreur : notre époque tourmentée est déjà suffisamment horrifique en elle-même. Faut-il donc plutôt écrire époque horrifique plutôt que tourmentée ? Dilemme dilemme. On devrait pouvoir parler de notre temps sur terre (mais alors à quoi le réduire, et d’ailleurs que recouvre-t-il pleinement ce mot époque : ces dix dernières années ? vingt ? trente ? notre temporalité subjective quand on parle ?) comme on parle de lieux à recommander sur des plateformes de masse : Yelp, Tripadvisor, Google, etc. Mettrais-je une, deux, trois étoiles à mon époque, par exemple pour la recommander à d’autres ? Des voyageurs intersidéraux et temporels s’ils doivent venir visiter notre 21e siècle naissant, faut-il les y encourager ? Que penserait Nesyamon, la momie en question, des répressions policières en cours sous Castaner (et la plupart de ses prédecesseurs) ? L’inviteriez-vous à venir dormir en airBnb dans votre chambre d’ami ou sur le canapé du salon ? Et lui, l’accepterait-il ? Peut-être qu’une époque tourmentée, c’est une époque qu’on soumet, comme n’importe quel bien ou service qu’on vend en ligne (ou hors), à la spéculation, à la libre (sic) concurence du marché. Peut-être qu’une époque tourmentée, c’est un produit (de plus) qu’on est en train de générer sans que ça nous émeuve bien. Parfois on entend des trucs comme, on est en 2020 tout de même (à actualiser avec un autre numéro d’année, car ça marche avec tout). Qu’est-ce qu’on entend par là ? Et qu’entend-on par tourmenté ? Peut-être que ce qu’on essaye bien maladroitement de dire, c’est que nous avons des tourments ? Ce n’est pas grave d’avoir des tourments. Qui n’en a pas ? Mais ce qui est à l’œuvre dans le monde comme dans nos vies, ce sont des tourments, ou des horreurs ? Si ce sont des horreurs, il faut le dire. L’écrire, aussi. Et sans doute commencer par le penser. Par exemple, se retrouver après avoir terminé sa journée professionnelle, sans rien, c’est-à-dire sans même être soi, c’est mon tourment du moment. Je n’ai envie de rien, à commencer par lire. Je me méfie de Fresán. Je me méfie de Vernon Subutex. Je ne regarde pas la deuxième partie d’Andreï Roublev et je ne regarde pas le premier épisode de l’animé qu’ils ont tiré de Dorohedoro (et qui est bien plus lisse, graphiquement parlant, que le manga) : chez moi, ne pas regarder prend le sens contraire, je commence donc à regarder ce que je m’apprête à cesser de regarder dans la minute. Je commence des trucs, et je ne les finis pas. Tourments indeed. janE Ǝyre ? Oui mais non en fait, car c’est insupportable. LS ? C’est insupportable. Hempel ? Idem. Chiasma 1 est terminé, et je ne peux pas revenir sur Eff tant que Joplin n’est pas fixé. Ils ont semble-t-il identifié le problème, et il n’y aurait plus qu’à passer à la nouvelle version de React Native, qui leur sert à propulser l’application. Combien de temps cela va-t-il prendre ? Je continue d’actualiser la page Github chaque jour. Je pourrais écrire ailleurs, mais je ne le fais pas. En réalité, ce que je veux réellement faire, c’est travailler au site. Mais je ne peux pas coder sur le BM3. Et je n’ai pas envie de trop recourir au Javascript. Ce que je veux faire nécessite JS. Est-ce que je veux faire quelque chose de simple, ou quelque chose de beau ? Coder un site, c’est comme écrire. On se prend des dilemmes, on se prend des tourments.

  • 030220

    3 mars 2020

    Dans les pâtes de haricots rouges, il y a 95% de haricots rouges et 5% d’un autre genre de rouge, en l’occurrence de la tomate. Combien de cafés dans un maté ? Non, c’est le contraire, combien de caféine dans le maté. Pourquoi les Fugees n’ont pas fait d’autres albums après The Score ? The Score est à part. J’avais dix ans quand il est sorti, et j’aimais pas le rap US. Nas, Snoop Dog, Dr Dre, Cypress Hill, c’était ce qui passait en ce temps-là. L’autre jour j’entends passer « Ready or Not », what a madeleine. J’ai même pas souvenir d’avoir jamais écouté cet album, juste ce qui en passait à la radio. Ça, « Killing me Softly ». Peut-être que D. si, et l’avait-il, lui, le CD ? Pas sûr. Peut-être que la raison pour laquelle les Fugees n’ont pas fait d’autres albums après ça tient à la qualité de The Score. Comment surpasser ça ? C’est le syndrome Infinite Jest. Après Infinite Jest, comment David Foster Wallace peut-il écrire un nouveau roman ? Il tente d’écrire The Pale King, inachevé, et il se suicide. Si les Fugees ne se sont pas suicidés, c’est sans doute qu’ils étaient plusieurs et je rame. Je lague. Je ne vois pas trop quel est le problème. Il y a toujours un problème quelque part. Je veux dire, la plupart des trucs qu’on fait ne servent à rien au fond, et on perd notre temps. Mais ce temps-là, le consacrer à quoi faire ? À quoi être ? À penser ? Penser, c’est surrévalué. Il faudrait au contraire ne pas penser. Ne pas lâcher les chevaux. Ne pas lâcher les loups. Enfant, j’avais peur des loups avant de réaliser que les loups étaient des animaux et non des créatures qui faisaient irruption dans un récit. Un genre de bouc émissaire narratif. Un prétexte à la peur. Les loups n’ont pas de mots qui les encombrent. Les loups ignorent jusqu’à l’existence du mot loup. S’agissant de géopolitique, ils communiquent en chiant : c’est comme ça qu’ils érigent des frontières pour délimiter le territoire des uns et des autres. Passer son temps à chercher les mots justes est d’un ennui. Par dessus le marché, ce n’est que l’illusion de la justesse et non la justesse même. La justesse même, ce serait de se taire. Du moins le plus possible. Je devrais supprimer plus de trucs dans le journal. Par exemple, qui a besoin de savoir que la botte de carottes a encore augmenté (2,35 au lieu de 2,10€) ? Sauver des phrases entières, des paragraphes, c’est de la coquetterie. Ne laisser émerger à la surface de l’eau que des pointes gelées imergées. Laisser la masse dans le sombre. Les racines. Je sais pas comment il faut dire. Ce qu’il faut dire, dans The Score, c’est que c’est un album très bien composé. Il y a une vraie progression, avec une logique de Face A / Face B. Parce qu’une fois arrivé à l’acmée du disque (« Killing me Softly », donc), on redescend dans une autre dimension et à partir de « The Score » (la chanson éponyme), on a l’impression non pas d’être ailleurs mais dans une représentation du disque dans le disque. Une mise en abyme assez moderne, qui détonne un peu dans l’environnement old school du reste des pistes. Sur cette partie du disque, on élargit le spectre des genres (jazz, reggae), tout se déforme.

  • 220220

    22 mars 2020

    Lire Nietzsche ! Errer pendant plus d’une heure dans les rayons d’X magasins en quête de pâte de sésame. Elle coûte près de 9€ dans la petite épicerie japonaise qu’il y a en descendant vers Bercy et elle peut être noire ou blanche. Faire du houmous de céleri rave. Déposer des livres dans une boîte à livres. M’intéresser au RLSH 11. Aller chercher du oinf en quantité industrielle pour les bêtes. Ouïr des trucs qui tombent de temps à autre (ne pas m’en inquiéter). M’imaginer écrire (mais surtout ne pas le faire). Repenser à mes notes interrompues dans le procès Pistorius, pourquoi ne pas les reprendre (tout en sachant qu’elles ne me seront d’aucune utilité pour Eff) ? Continuer comme un somnolent le dernier Vernon Subutex. Songer à ce que je lirai ensuite (et n’en rien faire non plus). Faire des listes infinitives. Penser, penser, penser à autre chose.

  • 130720

    13 août 2020

    Notre époque, elle plie sous le poids de ses pensées. Les pensées de tout un chacun exprimées en toutes circonstances et sans aucune forme de retenue ou de filtre sur les réseaux. Quelque part, cette phrase, la précédente, la précédente précédant celle-là et ses X suivantes en font partie aussi. Je suis donc indéfendable. On aura le loisir de nous juger bien salement, dans un demi-siècle ou un, ou deux, ou huit, à supposer qu’il y ait encore qui que ce soit sur cette terre pour nous juger, et qu’ils et elles soient en mesure technologiquement de le faire, et tout simplement qu’ils n’en aient pas rien à cirer de nos vies : n’est-ce pas la première fois dans l’histoire de la civilisation que quiconque aura accès ainsi massivement aux pensées personnelles ? On a tort de parler de données. Ce sont avant tout des pensées. Mais le poids de ces pensées connectées ou non entre elles pèsent sur notre énergie à tous : les fameux serveurs à faire tourner et à alimenter en électricité. Mais qui est-on pour décréter que le silence vaut mieux qu’aucune de ces pensées ? Si je perds le lien avec le silence, je ne suis pas bien. C’est que je pense trop. Je ploie moi aussi sous elles, du moins leur poids, ces pensées. Elles me minent, quand bien même elles ne sont pas nécessairement tristes, ou plombantes. Elles sont. C’est déjà tant. Quel genre d’architecture intérieure faut-il pour supporter le poids d’autant de couloirs, de continuums, de galaxies ? Ne me secouez pas, je suis plein de pensées. Je pensais justement (pensée !) : renouer avec le chœur, dans LS, me servir de ces demi-personnages, ces esquisses d’êtres désincarnés, pour faire passer un message constant. Ce message pourrait être : rien n’est réel, là. Ou, pour le dire plus précisément encore : nous vivons dans une putain de parodie et non seulement on en a consicence, mais on l’accepte. Comment ne pas l’accepter ? Refuser de faire partie de ce monde et monter un genre d’hermitage ; mes pensées sont simplistes et elles n’aideront en rien quiconque à s’extraire de quoi que ce soit, à commencer par moi. Je me disais : l’un de ces personnages pourrait être un enfant de douze ans sur une trotinette en libre service, cherchant à revendre quelque chose, en vain, pour se payer de la kétamine ou de la MDMA (mais ce n’est déjà plus la même chose) et dont l’idéal de vie future serait d’aller miner des bitcoins en Asie et de revenir blindé de pétro dollars et de pétro roubles. Voilà qui serait symptomatique de notre époque, je trouve. Une bêtise. Une illusion. J’y pense j’y pense. Pendant que j’y pense j’y pense, et que j’essaye d’avancer sur ce projet de plan mainstream, ce qui en soit est rébarbatif, je me dis tout de même qu’on a un problème avec les récits tenus sur la longueur. On ne parvient plus à le faire, on s’éparpille alors. LS est très épars, justement, bien que pour l’heure, à proprement parler, LS ne soit encore rien. Ce n’est sans doute pas une volonté de ma part (issue déjà d’une de mes pensées vieilles d’un an ou de six mois), c’est aussi dicté par mon incapacité à mener une narrration longue et unitaire. Linéaire dirait-on. Fort heureusement, je ne suis pas le seul. Fresán n’a, à ma connaissance, jamais écrit (du moins, publié) de roman linéaire. Des trucs comme The Vorrh ou même Telluria voire Vernon Subutex, pour ne parler que de trucs qui fonctionnent, sont des récits construits en une multitude de débuts de livres compilés ensemble. C’est précisément le forme des Détectives sauvages. Que dire encore des entrevoûtes et des narrats postexotiques ? Fragmentation des pensées. Je repense à ce que disait Matthew Weiner : faire de chaque épisode (de Mad Men) un season final. Ici, on a le sentiment que chaque page ou chapitre doit être un incipit. Impossibilité d’écrire encore le grand roman américain, ou français, ou que sais-je, qui prend racines dans l’encre du Bildungsroman, ou dans le corps du roman balzacien. Est-ce encore écrivable en 2050 ou en 2070 ? Il faut se projeter plus loin que nos pensées ne peuvent le faire. Il faut se dire : je n’écris pas pour mon contemporain. Je n’écris que pour des avenirs insondables. Si eux ne savent plus lire le fragmentaire, qu’avons-nous à leur donner ? Si eux ne savent plus lire du tout, à quoi sert-il de continuer à dire, à crire ou à crier, plutôt que de produire, comme tous nos contemporains, des cycles et des cycles et des cycles de ça, des pensées ?

  • 241022

    24 novembre 2022

    Pas très agréable de se balader dans l’écho régulier des fusils de chasse, dont on peine à estimer la proximité. Quoi que ces gens chassent, et où qu’ils soient, un renard finit par se réfugier à quelques mètres des habitations. Voyant ce renard, ne sachant rien de ce renard, et m’entendant dire à voix haute à l’attention d’H. c’est un renard, je me demande s’il s’agit du même individu renard que celui aperçu près d’ici il y a maintenant 1 an, 4 mois et 5 jours. Je n’ai pas la réponse. Terminant Les particules élémentaires (Il y a des êtres, il y a des pensées. Les pensées n’occupent pas d’espace. Les êtres occupent une portion de l’espace, nous les voyons. Leur image se forme sur le cristallin, traverse l’humeur choroïde, vient frapper la rétine.), j’ai l’étrange impression, sans pouvoir l’argumenter ni la soutenir, que ce livre et Vernon Subutex sont un seul et même livre.


  • ↑ 1 Est-ce qu’on parle, est-ce qu’on dit, est-ce qu’on écrit quand on s’exprime par le biais d’un réseau social tel que Twitter ?

    ↑ 2 C’est d’autant plus intéressant que, me souvenant de ma pratique de Twitter lors de l’expérience Accident de personne, fin 2010, je me souviens parfaitement que personne ne m’avait interrogé ou reproché la nature parfois violente, crue ou acide de certains fragments. Pourtant, c’était un geste intentionnellement violent que de partager ces micro-situations dans la TL des autres.

    ↑ 3 Encore une fois, Apocalypse Bébé : si toutes les gamines qui se font violer se sauvaient, il n’y en aurait plus beaucoup dans les maisons…

    ↑ 4 Pas besoin de le faire formellement, c’est fait ici déjà.

    ↑ 5 C’était bien ça la solution...

    ↑ 6 ...et c’était ça aussi la solution.

    ↑ 8 Soixante-dix s’efface, Gallimard, Traduction Henri Plard, P. 59.

    ↑ 9 Son ancien collègue autrichien, qui préférait nettement, sans discussion, l’œuvre mineure à l’œuvre majeure. Il choisissait "La métamorphose" plutôt que "Le Procès"..., "Un cœur simple" plutôt que "Bouvard et Pécuchet"... Quel triste paradoxe, pensa Amalfitano. Même les pharmaciens cultivés ne se risquent plus aux grandes œuvres imparfaites, torrentielles, celles qui ouvrent des chemins dans l’inconnu. Ils choisissent les exercices parfaits des grands maîtres. Ou ce qui revient au même : ils veulent voir les grands maîtres dans des séances d’escrime, d’entraînement, mais ne veulent rien savoir des vrais combats, ou les grands maîtres luttent contre ça, ce ça qui nous terrifie tous, ce ça qui effraie et charge cornes baissées, et il y a du sang et des blessures mortelles et de la puanteur. (2666, Christian Bourgois, traduction Robert Amutio, P. 265)

    ↑ 10 Qui illustrent cette entrée de journal.

    ↑ 11 Real Life Super Hero.