Corinne Lovera Vitali

le frêle
fomente
une révolution
 
la tendresse
manifeste
nue
 
s’il te plaît
apprends-moi
à parler  

Ouanessa Younsi, Emprunter aux oiseaux, Mémoire d’encrier

Dans le 6685. Même gare et même destination. Voyage avec une valise vide. Celui de la place 102 est à la place 104, celle de la place 104 est à la place 86. Ou bien serait-ce l’inverse ? Le mec à ma gauche regarde Le Hobbit et je m’en sers pour évaluer la temporalité du train. On est où ? On est à Fondcomb. Parviens pas trop à lire. Sauf ce truc. Ça s’appelle Top 10 First Home Problems. Cet autre truc aussi, Emprunter aux oiseaux, j’ai beaucoup d’affection pour cette langue. Comme de coutume, le train se vide à Lyon. L’air pauvre en oxygène bardé de cosmétiques à l’aloé vera. Je corrige et réécris une partie du Transoxiane deux d’hier. J’ai quitté la lumière, le soleil, la réverbération, pour un ciel blanc cassé (l’octobre). Si ça ne tenait qu’à moi, le ciel serait toujours ce ciel, il n’y aurait pas de réverbération.

janvier

février

mars

avril

mai

juin

juillet

août

BAT pour un texte intitulé « perdu » à paraître dans le numéro un de La Piscine très bientôt. Forme des mots, formes des formes. Je n’avais pas oublié ce texte mais. Il a pris d’autres espaces. J’aime beaucoup ce qu’ils ont fait de la mise en page. Un peu plus loin cette page issue du livre 78 moins 39 de Corinne, paru cette année chez Louise Bottu.

Quand j’aurai dit non non m’apparaîtra comme le meilleur des mots, non sera un nom pour moi (ceci n’est pas un jeu), je sais, je sais que non n’est pas un nom mais c’est un nom pour moi, c’est le nom de mes frontières le nom de ma peau c’est ma deuxième peau, c’est un génie je n’ai pas de dieu, non me fait qui je suis, fille du non je suis, avec non je respire, oui ne fait rien de tel pour moi et oui ne veut pas tant dire, oui feint d’être bon mais oui ment la plupart du temps oui est un mensonge, et ne se soucie pas que je respire, se fout que j’étouffe, n’entend rien ne voit rien, oui n’est qu’un caillou craché dans l’eau, rejoint au fond du lac d’autres cailloux, quand non brille dans ma bouche, me fait écho ne me quitte pas lave ma peau, chante, fait chanter par à-coups ma cervelle de chiot.

Plus loin autre passage qui m’éclaire autrement mais celui-là qui se présente à moi non pas comme une énigme mais comme une réponse, à moi-même, une solution, à moi-même, les mots des autres sauraient être cela ? C’est le nom de mes frontières. Des romans courts comme La petite lumière, ou récemment L’Anticorps, ou plus loin Allegra, El Ultimo Lector : c’est dans cette énergie que j’aimerais puiser, dans cette nécessité d’une bascule infime. Un réel désir de faire, défaire, dans le champ narratif, de façon ciselée, très fine. Temps lent. Sueur séchée. Shooting de chiens au magasin animalier de Bercy Village. Tony Duvert ¹ : je me ressemblais de temps en temps c’est ce qui rend heureux.

Souvent, je suis là à errer en quête d’une station de métro dans un coin de Paris inconnu, et il n’y en a jamais. Et tu tournes et tu tournes pendant des heures, et bien sûr il faut que tu sois absolument quelque part (mais où ?). Tu finis par finir dans une espèce de terrain vague (non : un centre de traitement des déchets interdits), protégé par un grillage infranchissable. Demi-tour. Je crois pas que tu sois passé par là en venant, tu en es à avancer dans une cage d’escalier délabrée, c’est une espèce de futur apocalyptique où les portes d’entrée sont interdites et où une bande enregistrée répète que sempiternellement nous vous surveillons (ou quelque chose du genre). Et lui : un mec dans l’un des appartements avec un t-shirt sur le dos et c’est tout, une cervelle qui en sait sur l’homme et son désir et une batte de baseball qui me dit d’approcher alors j’en suis à me foutre des baffes pour me réveiller vite car il est évident que c’est un rêve chelou et qu’une douleur approche. Ça me prend tout le Natalon de Simeon ten Holt, plus le magnifique Aforisme II et une partie des Solo Devils Dance pour recopier dans Ulysses tout ce que j’ai écrit hier à la main faute de mieux : des notes sur Frankenstein ² et deux sections de Eff (990 et 1172 mots). Et derrière le Natalon encore le long de huit pages manuscrites que j’écris hors l’écran car recopier mes mots d’hier m’en a rendu inapte (ça n’en finira pas cette histoire). Content de ce que je fais et de la façon dont j’ai choisi, par pure impulsion, d’étirer le temps en une phrase. Peut-être demain au moment de retranscrire mais... Un thé blanc à l’odeur délicieuse hors de prix car je n’ai plus de noir. Pas mis le nez dehors. De la neige à Grenoble. CLV qui me dit (m’écrit) davaï davaï, ça a du sens tout ça. Et Confiteor qui est un roman remarquable, il a écrit quoi d’autre Jaume Cabré ? ³ J’essaye deviner l’heure à la lueur du jour et dans ce docu qu’Arte diffuse sur les cinq dernières années de Bowie, les prises à nu de sa voix seule sur Blackstar ou Lazarus et des bribes de la comédie musicale du même nom avant que Sherlock se termine.

je m’intéresse au sable tu portes de l’eau tu ajustes ton chapeau je serre mon ceinturon si nous rions c’est de l’eau simple c’est du vent et c’est du sable qui tourmente la peau il n’y a pas d’autre excitation

Corinne Lovera Vitali, ta sœure l’océan mon frèr, Littérature mineure

Il y a une tempête qui s’appelle Zeus, elle traversera la France en diagonale, je m’intéresserai à ça un moment donné et ses échos sur les réseaux. Quand soudain, c’est le highlight de ma journée : Juppé+conférence de presse+vidéo dans Google. Tout est lourd, douleur dans le dos comme un cintre et planté sous ma nuque. Passe le reste du temps à repousser mes notes pour demain à Grenoble. Il y a encore une mise à jour de Spip à faire, c’est lourd. Et j’aimerais autant passer vite à autre chose.

À Grenoble pour le colloque L’enseignement de la littérature avec le numérique sur l’invitation de Nathalie Rannou. J’y présenterai Kalces, et notamment sa version web pour parler des collaborations dans le cadre de projet transmédias. Mais d’abord il faut y aller, et c’est une heure de retard dans un train à l’arrêt, lequel attend son conducteur (sic). Il fera froid là-bas (Grenoble) et des montagnes proches, un tram sinueux dans quelques rues étroites, et le souvenir que E. en disait quand elle étudiait là-bas (et qu’étudiait-elle ?), je monte (ou je descends) à Gre. À cause de ce retard inopiné manquerai la keynote de François, et peu après néanmoins échanger avec lui, sur publie mais pas que. Par exemple de ses portraits de chiens. En haut il fait trop chaud, en bas il fait trop froid. Et quelqu’un fait des trucs avec Ulysse, c’est une installation, ce n’est pas une performance, c’est une construction algorithmique qui génère sur soixante-dix jours un Ulysse étrange et déformé, bâtard, à base de tweets bien réels et c’est une belle matière, un tissu de pixels projetés à l’écran. CLV m’accueillera et chez elle c’est haut (il y a des étages et un bel escalier et un chat qui me kiffe). Des farfales anchois broccolis du sud, elle me dit, et nous parlons de choses réelles, bien réelles, avant que je lui fasse mon coming out de la noirceur : c’est que je vois, d’abord, le négatif partout.

Sous la montagne. Laquelle ? Il y en a plusieurs et leurs noms ils m’échappent. Je ne vois que les arbres et la neige très légère qui avançait de loin sur eux mais jamais sur nous, non, jamais au niveau du sol ou de l’âme, simplement là en panorama loin car au-dessus de nous-mêmes. Et puis je n’ai pas retenu les noms bien sûr (mais l’instant au cours duquel une vache traversera la vitre côté passager oui, comme hier un petit beagle jeune et son maître à la laisse avec une lampe frontale). CLV ⁴ : un sandwich au parmesan (H. dit que j’en mettrais dans absolument tout, si je pouvais, du parmesan). Que faire ? Par exemple des rencontres littéraires dans une piscine. Le train repartira bien vite et moi je n’ai plus d’encre dans mon Pilot G-Tec-C4 alors la fin de l’Eff il faut l’écrire en blanc sur blanc et je n’aurai que le relief pour savoir ce que j’ai pu y mettre (une phrase, Et il s’était enfuit sur ça, quand même un peu visible en jouant sur la lumière un peu). Rattrapé ce que je peux d’emails sur le tel et ensuite dans l’écran. Et deux cartons non ouverts qui m’attendent mais ce sera demain. Soirée calamiteuse et chaotique devant Barça - PSG (6-1) : une honte, et personne à sauver. Totalement invraisemblable de sortir un match aussi naze après un match aller aussi (paraît-il) parfait.

En arrivant à la maison de la radio pour l’émission Les nouvelles vagues intitulée Écrire : Littératures en ligne, manifestation côté pont de Grenelle et des flics surarmés et de partout le doigt sur la gachette. C’est pas un FAMAS, c’est autre chose, le truc allemand peut-être, j’ignore le nom de ce truc, j’imagine que c’est assez facile à retrouver le nom de ce truc mais ce n’est pas le lieu pour des noms d’armes ici. Première fois que j’y mets les pieds, à la maison de la radio, sauf que c’est une contre-vérité de ma mémoire : il y a quelques années pour ce pilote d’une fiction radio pour le Mouv’, finalement ça ne se fera pas, je dois encore avoir les textes quelque part ⁵. L’émission terminée, je n’ai pas réellement conscience de ce que j’aurai dit ou pas. CLV a une très jolie formule pour dire ça, elle me dit : ça s’est dit sans toi. Oui.

Du jour au lendemain, il y a des connexions dans le cerveau qui se font. Une histoire d’alchimie des neurones ou quelque chose. Qu’est-ce qui fait qu’un jour tout est à jeter, on est dans une glu noire, on n’a pas la vision, et le lendemain c’est clair  ? Ça s’est levé. En profiter. 582 mots pour Eff, issus de ça. Mais aussi le Morphines 03. Et lire des trucs pointus. Et travailler mieux, plus. Profiter de cette vague qui est lente à te prendre, mais qui est enfin là. Cru à un moment que c’était dû au sommeil, que la nuit de samedi à dimanche avait dû débloquer quelque chose en moi (non). La nuit de samedi à dimanche un chien faisait des rushs au sixième. Je passerai un certain temps à m’imaginer ce chien. Quelle taille. Quel âge. Quelle race. Quelle couleur le pelage. J’en sais rien moi. Ce chien (si c’en est un) mais il a disparu ! C’était un chien fantôme. Tant pis. Poursuivrai les réécritures du Morphines 03. C’est en train de prendre forme. Même si je passerai mon temps à aller chercher de la data sur le tel pour palier aux manquements de la fibre qui, après dix jours sans rien, ne fonctionne toujours pas. À l’approche : les beautés, celui qui les connait se tait.