Jeff Noon



  • 110814

    4 septembre 2014

    Reprise. Premier geste à l’ordi du bureau : manipuler dans les stats de l’écran les couleurs pour en mollir l’éclat. Obligé de passer par l’intérieur du périphérique car je n’ai pas la main sur les réglages de Windows, il faudrait demander à l’IT. L’objectif est le même : faire baisser la fatigue visuelle et les chiffres du crâne.

    Comme toujours à cette période de l’an tout ferme : c’est une ville fantôme. Pour bouffer le midi c’est la merde. Profite des derniers jours d’ouverture du truc Sushi à emporter : c’est un bocal en plastique à l’intérieur de quoi ils nous ont mis du riz, de l’avocat, du saumon, du thon rouge et c’est cru. Pour bouquiner pars loin, à l’air, devant chez Ricardo Cavalli 1, sur les marches d’une église en béton, dos au monde, sous la figure d’un certain Saint Jean-Paul, près d’une boîte à pizza.

    Ce que je lis je le lis pour rester en vacances : dans les Landes et dans le Finistère je lisais, pour moi, entre autres, un truc publié chez La Volte qui s’appelle Nicolas Eymerich, inquisiteur puis, toujours chez La Volte, Descendre en marche, un livre que je ne me souvenais même pas avoir acheté 2, ce qui me conforte dans l’idée que je pourrais tout aussi bien arrêter de consommer des livres, c’est-à-dire en acheter, et ce qu’ils soient papier ou numériques, et continuer un certain temps à vivre sur mes acquis, c’est-à-dire, sur le matelas de textes que je possède déjà et que je n’ai pas encore approchés 3.

    The Internet’s Own Boy : le documentaire sur Aaron Swartz diffusé librement sur le web. Noué. Et le fait est que oui : je ne me souviens pas, par exemple, avoir vu déferler sur les réseaux l’annonce de la mort de quiconque, célébrité ou pas, mais Aaron Swartz oui (et à l’époque j’ignorais tout à fait tout de l’existence et du nom d’Aaron Swartz).

  • 130814

    6 septembre 2014

    C’est ça le problème, tu comprends. Personne ne sait plus grand-chose. Il n’y a plus de globalité. Tous, on fait des trucs, on va à des endroits, on tombe de voitures. On fuit. Éclatés, défoncés, cassés. Réparés avec un peu de colle, de ficelle, de scotch. On vole des trucs.

    Jeff Noon, Descendre en marche, traduction Marie Surger, La Volte

    Je centralise les mails, je veux dire les boîtes mail, pour les avoir tous, toutes, au même endroit plutôt. Utilise l’application Mail par défaut installée sur le Mac. N’ayant plus été mis à jour depuis des années, le compte Gmail actualise ses quelques milliers de messages lentement. L’écran est bombardé d’anciennes conversations ou de mots obsolètes et parfois, parfois, je me vois qui m’adresse à moi-même, un moi passé et inarticulé. Ici, pour une raison qui m’échappe, nous sommes restés bloqués au 26 octobre 2010 4

    Au Sushi, devant mon bol en plastique et la vitre qui donne sur la rue, lecture d’un article paru chez les étonnantes éditions Ulyces, que Roxane m’a fait découvrir, qui s’intitule « Expédition à la source du virus Ebola ».

    Wish I Was Here 5. Intérêt particulier pour ce film après avoir participé, certes modestement, à la campagne de financement participatif lancée sur Kickstarter il y a je crois un peu plus d’un an 6. Amusant. Joli. Mais pas moins consensuel que beaucoup d’autres films indépendants actuels aux US.

  • 140814

    7 septembre 2014

    Des gens, à la table voisine, prenaient la Lucy. Ils avaient une gélule seulement pour eux quatre, et ils se la passaient, humide de leurs langues, directement dans la bouche du suivant. C’était un baiser qui a fait le tour du cercle trois ou quatre fois, avec la gélule qui fondait par étapes sous leur chaleur partagée, la poudre passait lentement à travers. C’était un acte très sensuel, un processus fascinant qui, me semblait-il, se passait derrière un voile de gaze. Peacock parlait, je voyais sa bouche qui s’ouvrait et se fermait, et j’ai concentré toute mon attention dessus. Il demandait aux autres s’ils n’avaient que ça, cette unique gélule, et voulaient-ils qu’on leur en donne, et eux disaient non, ça va, une seule c’est bien, et ils se la partageaient.

    Jeff Noon, Descendre en marche, traduction Marie Surger, La Volte

    Toujours à chercher où bouffer. Le truc s’appelle Naked, d’ordinaire c’est blindé, pas aujourd’hui, aujourd’hui le quatorze, il n’y a personne aujourd’hui, la ville est comateuse. C’est plutôt des trucs organiques et des salades, ce genre de trucs. Une tarte chèvre-épinard grosse comme mon poing avec sa petite salade verte en bocal plastifié ça fait 9.30€.

    Oui, la traduction aujourd’hui est devenue chose sérieuse, les traducteurs modernes sont de plus en plus guidés par une implacable exigence de rigueur, ils n’ont plus le droit de bellinfidéliser impunément. Et cela, sans aucun doute, est bon. Mais ce progrès a un effet pervers : les traductions délirantes, les beaux monstres de jadis, sont désormais impossibles. La traduction, devenue adulte, s’est un peu appauvrie en renonçant à ses débordements enfantins. Entre création et traduction, les subtils dégradés de jadis ont disparu ; on ne peut plus écrire une œuvre à partir de celle d’un autre. Ce serait pourtant une expérience passionnante, il y a là des chemins à redécouvrir — à condition, bien sûr, que cela ne devienne pas la règle !

    Michel Volkovitch, Babel & Blabla, Publie.net

    Dans Babel & Blabla je tombe sur ce passage, c’est un extrait d’article je crois. Serait-ce présomptueux de reconnaître, dans cette évocation, le portrait de l’Ulysse par jour ? 7


  • ↑ 1 Je ne sais pas qui c’est Ricardo Cavalli.

    ↑ 2 « Peacock a une expression qu’il aime bien : garder la tête fermée. Je vais essayer. »

    ↑ 3 La nuit même je contreviens au truc : je m’abonne, dans mes rêves, à une intégrale web qui me promet ni plus ni moins que de révolutionner le monde.

    ↑ 4 Que s’est-il passé ce jour là ?

    ↑ 5 En français Le rôle de ma vie.

    ↑ 6 Je ne saurais pas expliquer pourquoi ni comment mais des trois projets que j’ai soutenus via ce biais, plateforme de crowdfunding, je me suis toujours désintéressé de l’avancement des projets instantanément par la suite une fois l’argent craché.

    ↑ 7 Et si oui, quand bien même.