Le Tigre



  • 200210

    20 février 2010

    tigre1.jpg

    Signalons, une semaine après la bataille, la sortie en kiosque du nouveau Tigre (ou Tigre nouvelle formule), désormais quinzomadaire, disponible à 2.50€.

    Boulevard Louis-Salvator, 17h - sur un mur, un graffiti utopiste en lettres capitales est apparu : "Le monde est à nous" ; et juste en-dessous, pour préciser, de la même main, mais en plus petit : "Sait baise la police"
  • Pourquoi faire un journal, réponse au Tigre

    11 septembre 2010

    Le numéro 13 du nouveau Tigre porterait-il malheur ? Quoiqu’il en soit ce numéro daté du jour est aussi accompagné de la mention « numéro spécial » et d’une couverture majuscule : Pourquoi faire un journal (et autre déclinaison possible : pour quoi faire un journal ?), accompagnée de l’image qui va avec : au fond pourquoi couper des arbres pour ça ? (ça étant, bien sûr, le Tigre lui-même).

    letigre13.jpg

    Pour la durée d’un paragraphe introductif j’emprunte la DeLorean du Doc et je remonte le temps. En janvier dernier je prends mon abonnement au Tigre. Je ne sais même pas, à cette heure là, que le Tigre prépare une nouvelle formule, un « quinzomadaire » (parution tous les quinze jours). Pire : je ne l’ai jamais lu. Je connais bien le site Le-tigre.net mais c’est tout. J’ai l’impression de choisir un bouquin dans une librairie au hasard sans avoir vraiment lu une ligne complète, si ce n’est peut-être une phrase quelconque trouvée au pif au fond des pages. Je sais que ce genre d’achat aléatoire est instructif, rarement décevant. Mon journal de l’époque indique d’ailleurs une seule phrase, laconique : « Abonnement le Tigre pour 2010 : 50€. » (précédée trois mois plus tôt de « La possibilité de s’abonner au Tigre ? »). Voilà mon expérience personnelle du Tigre en tant que lecteur. Je ne connais rien des précédentes moutures de la bête. Uniquement la version 2010.

    Habituellement, je ne lis pas la presse papier. Bon représentant de la génération Y, mon accès à l’information et au reportage journalistique est totalement digital : ordinateur et Iphone suffisent (Ipad aussi, sans doute un jour), flux actu des papiers sur le web (Libé, Le Monde), flux 100% web (Owni, Mediapart) et abonnement payant s’il le faut (Mediapart, donc). Pas besoin de papier. La raison qui m’entraîne à m’abonner au Tigre, journal papier, est toute simple : il n’existe pas de formule d’abonnement pour la version PDF de la bête. Alors le papier puisqu’il y est, et l’objet étant lui-même un bel objet, il est probable que je ne changerais pas mon abonnement si d’aventure la possibilité d’un tout online se profilait (sauf si bien sûr un combo papier + PDF était proposé, mais c’est une autre question). Comme quoi la bête m’a convaincu, comme quoi je suis, si, si, j’y tiens, un lecteur satisfait.

    J’en reviens au numéro 13. Curieux numéro, sous forme de « très grand édito » de Raphaël Meltz (co-fondateur), annotée par Laetitia Bianchi (co-fondatrice), qui explique en 11 points que peut-être, c’est possible, éventuellement, Le Tigre pourrait péricliter, faute d’envie de faire encore courir la bête. Édito malgré tout qui se termine, sinon sur un appel, au moins sur une attente (« J’aimerais tellement qu’ils soient tous là, ceux qui croient que ce scandale peut et doit encore advenir. Je les attends. »).

    L’un des points soulevé dans ce texte de Raphaël Meltz concerne le journalisme en ligne et la « consommation de l’information ». Et j’ai du mal à saisir le lien entre ce culte d’une information pré-mâchée, prête à être « consommée » comme un Macdo de l’info (qui existe) et la nouvelle façon de transmettre l’information telle que le permettent les nouveaux médias. Une appli Ipad ou Iphone, parce qu’elle ouvre un chemin différent, sans doute parallèle ou complémentaire, à la publication papier, dégrade-t-elle le contenu du journal ? Le Tigre en PDF n’est-il pas Le Tigre ? Pourquoi la possibilité d’appli Iphone/Ipad d’un tigre devenu tactile ne serait-elle pas viable commercialement et intellectuellement parlant ? Idem d’ailleurs pour Twitter & Facebook, outils gentiment raillés dans ce papier : ces outils là existent et déplacent véritablement le lien existant entre le journal et le lecteur, pourquoi ne pas l’exploiter, pourquoi ne pas le détourner, même, dans un sens plus tigré, plus conforme aux visions du journal ?

    Il en va de même, d’ailleurs, pour le rapport au lecteur. Raphaël Meltz regrette de n’avoir pas assez de retour, de commentaires, d’analyses.

    On fait un journal. Un journal dont on suppose qu’il ne ressemble pas aux autres. Dont on imagine qu’il est là pour remettre en question des usages, des façons d’écrire. Dont on trouve qu’il est indocile, dans le choix de ses sujets et la façon de les traiter. Et puis : rien. Pas de polémique. Pas d’analyse. Pas de commentaires. Des messages des lecteurs, on en reçoit beaucoup : enthousiastes, la plupart du temps. Mais courts, très courts.

    Mais Le Tigre tel qu’il existe actuellement est-il calibré pour l’échange avec son lectorat ? Seuls deux liens sont proposés sur la une du journal : l’un renvoie à une adresse mail somme toute assez standard et anonyme ([email protected]) et l’autre au site internet lui-même : Le-Tigre.net. Sur le site internet propulsé sous Spip, des archives du journal, des rubriques des anciens numéros, certains articles choisis. Mais aucune possibilité de commentaire sur ces pages. Idem sur la page Facebook du journal : quelques fans, pas de publication, un résumé de sa page Wikipédia et aucune possibilité de dialogue. Alors quand un journal, aussi pertinent soit-il, aussi inventif, décalé, indocile soit-il, donne une impression aussi hermétique que celle-ci, sans doute le lecteur suppose-t-il que la polémique, l’analyse ou le commentaire ne sont pas sollicités, tout simplement (le titre de ce numéro n’est-il pas par ailleurs « Pourquoi faire un journal », sans point d’interrogations, donc sans ouverture vers un dialogue possible ?). Autre interrogation : l’émulation souhaitée avec son lectorat ne serait-il pas plus pratique si le journal proposait un compte Twitter/Facebook alimenté ?

    La question inaugurale : « Pourquoi faire un journal » en entraîne une autre : « Pourquoi Le Tigre doit-il être un journal ? », pourquoi pas autre(s) chose(s) ? On sait déjà que Le Tigre, depuis quelques mois, correspond également à une série de livres, transposition en volume de quelques feuilletons proposés dans ses numéros, alors pourquoi pas d’autres tentatives qui pourraient également exploiter le web, non pas comme fossoyeur du kiosque, mais comme complément au papier ? Non pas parce que la « conjoncture économique » l’impose mais parce que c’est bien là que l’écriture se trouve, dorénavant. Peut-être même qu’un autre modèle reste à inventer.

    Cette tentative de réponse, bien sûr, n’en est pas une. Simplement l’écho d’un simple lecteur lambda qui s’inquiète pour son tigre. J’espère très sincèrement que Le Tigre restera Le Tigre : sous n’importe quel format, n’importe quelle formule, n’importe quel rythme. Mais un tigre bien dans ses rayures qui propose quelque chose, propulse quelque chose, déplace quelque chose. C’était le cas dans cette version quinzomadaire, aussi sans doute dans ses archives, et, sûrement, j’y crois, dans un futur même incertain.

  • 290910

    29 septembre 2010

    Ce matin trop peu dormi, parti retrouver Juliette Mézenc au Louvre, déjeuner au Num (décidément), saumon je crois. Ce matin 8h H. me réveillait car j’avais laissé la clé sur la porte et la porte (donc) n’ouvrait pas. J’ai dit franchement, 8h, quoi, 8h... M’a dit fallait pas laisser la clé gros malin. Me suis recouché.

    Dans le train pour venir poursuite Vies de saints, un mec bourré derrière explique qu’à l’enterrement on lui a rien filé mais on lui a tout pris. Et hier croisé P., très brièvement, sur messagerie instantanée me demandant pourquoi j’avais flingué kiss bye boy et lui répondant que ce n’était pas très important, que c’était foutu déjà, il se vexe. Et qu’est-ce que ça me coûterait de l’ajouter au site Fuir est une pulsion qui prendra la suite du blog dans quelques semaines, me suis demandé. Réponse à venir. "La suite sous peu." (© g@rp)

    « Moi, j’ai fait la guerre, Max, et pas toi », pense Alejo. « Toi, tu es plus jeune que Nina et ça me dégoûte un peu, je ne sais pas très bien pourquoi. Tous ces muscles ne peuvent certainement pas cacher plus de dix-huit, dix-neuf ans. Tu es un petit gamin du millénaire et moi j’appartiens à cette espèce bizarre en voix d’extinction. Pour toi, je suis un animal préhistorique. Le fait que tu puisses me tuer à coups de pied sans grand effort n’empêche pas que je sois bien plus digne d’attention pour le monde entier, que je possède plus de valeur et que je sois plus important que toi. Cela dit, il est vaguement vraisemblable qu’un petit gamin de notre millénaire soit mieux assemblé qu’un légitime survivant des inoubliables et lointaines années 1980. C’est vaguement vraisemblable... »
    Rodrigo Fresán, Vies de saints, Passage du Nord Ouest, trad : Serge Mestre, P.93.

    Juste avant de se retrouver cour carrée du Louvre Juliette, ne m’ayant jamais rencontré précédemment et ne sachant pas précisément quelle tête j’avais, a visiblement accosté un de mes doubles qui n’était, sauf lourde erreur de ma part, pas moi. Le double lui a répondu je ne suis pas Guillaume mais bon courage et a pensé, sans doute, à une rencontre Meetic ou un blind date occasionnel. Je ne sais pas quelle tête avait ce double et si son ombre était réellement une déclinaison possible de la mienne (j’aime le penser) mais je me pose la question de savoir quelle a été, par la suite, la progression de sa journée. Peut-être l’envers de la mienne.



    Plus tard, au Num, entre deux saumons, Juliette m’explique la poursuite du journal du brise-lames dont j’avais accueilli ici-même un épisode lors d’un vase communicant précédent. Je lui explique mon chômage tombé du ciel, la fin de Coup de tête. Je prononce même la phrase, très improbable mais bien réelle « je vendais des chiottes, et oui, sur internet ».

    Un peu plus tard, après que Juliette soit repartie de son côté, achat du dernier Philippe Vasset. Achat aussi de Tanganyika Project, de Sylvain Prudhomme, sans doute pour fêter silencieusement l’annonce de la poursuite du Tigre.

  • 160212

    16 février 2012

    Le Cimitero Di Turigliano se trouve, quelque part, derrière ces murs & branches. (Source Google Maps)

    Kirchhorst, 13 janvier 1945

    Notre cher garçon a trouvé la mort le 29 novembre 1944 ; il avait dix-huit ans. Il a reçu une balle dans la tête au cours d’un engagement entre patrouilles, sur les montagnes de marbre de Carrare, en Italie centrale, et a été tué sur le coup, à ce que disent ses camarades. Ils n’ont pu l’emporter tout de suite, mais sont revenus le chercher peu après avec une auto blindée. C’est au cimetière de Turigliano, près de Carrare, qu’il repose.
    Pauvre garçon. Depuis l’enfance, il s’appliquait à suivre son père. Et voici que, du premier coup, il fait mieux que lui, le dépasse infiniment.
    J’ai été aujourd’hui dans sa petite mansarde, que je lui avais cédée, tout pleine encore de son atmosphère. Suis entré sans bruit, comme dans un sanctuaire. _ Trouvé parmi ses papiers un petit carnet de notes, qui commence par cette maxime : « On va le plus loin quand on ne sait où l’on va. »

    Ernst Jünger, Second journal parisien, Livre de poche, traduction Henri Plard, P. 394

    1

    L’un de mes yeux se demande, indépendamment de moi-même, attrapant à la boîte le Tigre du mois, si je vis bien dans un appart, si je suis bien adulte, et mouille la clé dans le marc de serrure.

    2

    non je n’ai pas la tête
    le corps
    la trouille
    sous la pupille de l’eau

    3

    Et puis quoi ? Sortir. Me réfugier dans les consonnes du son. Aller chercher du pouce exprès le fond de l’ampli. Dans les miroirs m’y voir. Et j’ai pas la bonne gueule, et j’ai pas les bonnes fringues, ni les bonnes pompes non plus, jamais les bons cauchemars. Mais la bonne par rapport à qui ou quoi ?

    4

    un con
    par fax
    nous commande des ménisques
    & nous suggère
    PS
    de lui fournir inclus
    les vices 1

    5

    Reprendre, cinquante-quatre jours après l’avoir reçu, pif, feuilletant du pouce les pages, le même extrait que le coup d’oeil a bu à l’ouverture et qui rend compte, ci-joint, de la vraie mort d’un fils.

  • 210314

    28 mars 2014

    M’investis peu ces derniers jours dans le carnet KEPLER parce que je ne rêve pas (ou si je rêve je ne me souviens pas de l’image, de l’odeur, du contenu chaque jour) ou car trop peu de bribes me restent et elles ne seraient pas, à mes yeux tout du moins, keplerisables 2.

    Capte pas qu’un magazine comme Le Tigre ne propose pas d’abonnement numérique. L’avais déjà regretté à la fin de la période quinzommadaire, ma mouture préféré du journal (qui était justement un journal). Suis resté abonné je crois moins de deux ans, pas renouvelé faute de temps pour le lire 3 et, aussi, donc, déçu de n’avoir pas eu la possibilité d’accéder à une option entièrement numérique (ou à un double abonnement mélangé). Le prix du Tigre au numéro en PDF est de 4.80€, soit 1€ de moins que la version papier (ce qui est peu, passons) et le site précise qu’en version PDF la qualité d’image laisse à désirer (c’est con, ça ne donne pas envie). J’en prendrai un pour voir. Très bons souvenirs de la rubrique "Dans l’arrière-boutique" qui proposait des conversations d’anonymes partageant un même secteur ou une même profession (j’ai souvenir d’un article sur le transit maritime). Plus récemment une longue interview d’un médecin sur l’île de Sein. Nulle part ailleurs on ne lit ça.

  • 220918

    8 novembre 2018

    Y risquer ce membre par l’érection duquel, depuis la prime adolescence, et le désir attenant dans tout mon être qu’il maintient jusqu’à son extinction, je tire les prémisses des figures, lieux, actions, verbe surtout, de ma poésie future ?

    Pierre Guyotat, Idiotie, Grasset

    Stéphane Richet n’arrête pas de m’envoyer des mails pour savoir si je veux vendre mon entreprise à quelqu’un comme Stéphane Richet. Je sais pas qui c’est, Stéphane Richet. Mais l’apparition d’un prénom plus nom dans mes notifications mail me renvoie généralement à la sensation (erronée donc) que ça n’est pas un spam. Comme beaucoup, je reçois quelque chose comme 90% de spam. Qui est Stéphane Richet ? Probablement personne. Je veux dire, c’est un prête-nom. On doit se refiler, dans cette entreprise qui fait du rachat et de la vente d’autres entreprises un business, cette identité comme on se refile un clavier ou un fauteuil de bureau. Si on se réfère à LinkedIn, il y a sept Stéphane Richet enregistrés. Aucun ne semble être le bon mais d’autres traces, ailleurs, sur d’autres réseaux, ont pu être laissées plus ou moins à son insu d’ailleurs. Il y aurait peut-être matière à écrire un portrait Google. Stéphane Richet est-il du genre, quand il sort des toilettes au bureau et qu’il croise un collègue qui lui s’y dirige, à lui lancer un je t’ai chauffé le siège, espiègle et complice ? Qui a jamais dit ça ? Plein de monde je suppose. Mais dans mon cas, c’était le doyen des commerciaux terrain chez STAT et aussi (ce qui était en soi assez étrange puisqu’il n’était au bureau que quelques jours par an) le représentant du personnel. Comme tous les employés au-dessus de cinquante ans, la direction n’arrêtait pas de tenter de s’en débarrasser. Il est beau notre monde. Dans ce monde, je compare le maté Amanda au Canarias, puisque j’en suis à entamer un autre paquet. Il est plus doux. Je ne sais pas si c’est mieux mais c’est, semble-t-il, important que je le note. Et moins fin au niveau de la texture. Mais le goût en lui-même est assez similaire. Mais ce monde, avant de passer la soirée à Montrouge pour l’anniversaire d’S., c’est aussi retrouver C. et M. sous la pluie pour un double date dans une taverne appelée Les caves alliées, du coté d’Odéon, pour une après-midi de jeux et de limonade à la rose du UK. Il fallait sauver une île de son engloutissement sauf que, moi, j’étais un métamorphe. J’ai le droit de mentir. C’était bien.


  • ↑ 1 Sic.

    ↑ 2 Par exemple je ne vois pas l’intérêt de conter comment je tente (et j’échoue) de convaincre quelqu’un, mangeant de la viande avec lui, de regarder La falaise mystérieuse, un film que je n’ai par ailleurs jamais vu en entier, m’en tenant à l’ekphrasis latente qu’en fait Amy Hempel dans The Uninvited.

    ↑ 3 Et aujourd’hui je suis bien incapable de me souvenir où précisément j’ai empilé les exemplaires (dans un carton quelque part ? mais il n’y a pas de place ici pour cacher un carton quelque part), d’où l’énigme.