Je passe mon temps à dire à tout bout de champ je n’ai pas le temps, ça n’arrête pas de revenir. Mais si j’occupais ce temps, précisément, à faire ce que je dis à qui veut l’entendre que je n’ai pas le temps de faire, probablement que j’aurais un peu plus le temps de le faire, tout ce que je n’ai pas le temps de faire, non ? Peut-être pas entièrement mais enfin ce serait mieux que rien. Et je crois que c’est un piège que de se dire, quelle que soit la circonstance, mieux que rien. Le mieux, c’est encore, son temps, de le prendre, de le mesurer pour tout, ne serait-ce que pour éviter de faire, ou dire, ou penser, des conneries. Comme quand C., qui était chez STAT responsable marketing et ce que le langage d’entreprise appelle notre N+1, nous répondait, quand nous lui disions que telle tâche, nous n’avions pas eu le temps de la faire : non, vous n’avez pas PRIS le temps. Ça doit être un truc de manager. Et aujourd’hui, C. s’est fait virée comme une malpropre après vingt-cinq ans de maison, pendant un arrêt longue durée pour une maladie grave. Voilà où conduisent des discours comme ceux-ci. Mieux vaut donc suivre le conseil d’Horace 1 (qui n’était pas n’importe qui) : Garde tes forces pour les talus, les fleuves, les bourbiers. Ok Horace. Ailleurs, il écrit que l’eau de l’Hèbre est bonne pour les mots de tête, alors peut-être pouvait-on compiler tout ce que la littérature défend pour soigner, soulager voire qui sait même (soyons fous) éradiquer les maux de tête ? Plus loin encore, conseil aux littérateurs : Choisissez, vous qui écrivez, un sujet en rapport avec / votre force et prenez le temps d’examiner ce que pourront / supporter ou non vos épaules. Mes cheveux, eux, n’en sont pas encore là, aux épaules, même s’ils continuent de pousser. Ils prennent leur temps. Et je ne sais pas jusqu’où (à moins qu’il faille ici écrire jusqu’à quand ?). J’imagine que d’autres dans ma situation se dirait, justement, j’aimerais qu’ils m’arrivent aux épaules. Ou encore qu’ils puissent être rabattus derrière les oreilles. Ou encore de quoi me faire une cuche (et si vous ne savez pas vous non plus ce que c’est qu’une cuche, vous êtes dans la situation qui était la mienne avant de rencontrer H., comprendre avant le fiasco de l’équipe de France de Football en Corée et au Japon). Non, moi je crois plutôt que cette histoire de cheveux n’est qu’une métaphore de plus pour qualifier Eff. Dans Eff non plus, je ne sais pas où je vais, ni quelle longueur je vise. L’indice de qualité OK Computer n’est-il pas un peu trop drastique ? Là, par exemple, je sauve 397 mots sur 3901, j’ai l’impression que tout est naze. Mais même comme ça, je n’atteints pas cet indice 14,54. Et puis, un petit roman de 35 000 mots, j’ai envie de me dire, tout ça pour ça. Ce serait idiot bien sûr. Il vaut mieux un bon roman de 35 000 mots qu’un mauvais de 150 000. Idiot, donc. Mais, au fond, dans ce monde, qu’est-ce qui ne l’est pas ?


samedi 27 juillet 2019 - jeudi 2 mai 2024




↑ 1 Ici traduit par Danielle Carlès.

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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

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