J’ai attrapé sans regarder une carte Magic comme marque-page dans la pile et le hasard voudra que la carte en question soit le reflet exact de mon état d’esprit, ce qui est juste fou quand on y pense. Mais moi, je n’y pense pas. Je me dis en réalité que les cartes Magic étaient apparues dans mon adolescence comme une espèce de respiration salvatrice et que pendant les quelques mois qu’aura duré notre dépendance à ce jeu, j’étais ailleurs qu’en moi-même, ce qui doit être précisément la définition du bonheur quand on y pense (et même quand on n’y pense pas). À tel point que j’en veux toujours à d’autres d’avoir décidé unilatéralement que les cartes Magic, finalement, ça les faisait chier, et qu’il valait donc mieux se mettre à porter des survêtements Sergio Tacchini et passer nos après-midi sur l’escalier qui descend vers le transformateur à cracher par terre en attendant que (mais quoi ?) quelque chose se passe. Verdict : il ne s’est jamais rien passé dans nos vies et nous aurions mieux fait de continuer à jouer non pas à Magic mais aux puisque c’est ainsi que l’on parlait, en ce temps-là.