On est mort si on n’a pas de frites, dit ma mère. Mon père, lui, stocke des chips par paquet de 400g, au cas où, mais sans préciser quoi. Je réponds à un manuscrit en précisant à la personne que c’est contre-productif de mettre en copie des dizaines d’éditeurs différents dans le même mail, qu’il faut cibler un minimum et écrire minimumement de façon personnalisée aux gens, et j’ai le sentiment qu’entre les quarante adresses en copie et les 400g de chips, il en va du même surplus. Puis mon père répète son Bach au violon, mais moi ce que j’entends c’est Eh la qui va là Inspecteur Gadget (air connu). Mon train pour Paris part à midi douze, et la mairie de Proville accuse réception de mon courriel. Je n’ai jamais écrit à la mairie de Proville. J’ignore où est Proville. Je ne veux rien savoir de Proville et de sa mairie. À Paris il fait gris, lourd, avant que ce gris crève, que ce lourd crève, et qu’une pluie finisse par en suinter sur des quidams globalement indifférents à ce que le ciel leur rigole dessus. Sur les grands boulevards, passant devant la librairie Ici : alors c’est là, Ici ? Je n’y avais jamais mis les pieds. C’est très grand, les libraires sont nombreuses et eux, mais sur les tables et dans les rayonnages c’est grosso merdo la même chose que partout. Au moins, chez Boulinier, Bruno Lemaire côtoie-t-il Anne Roumanoff à zéro virgule cinquante euros l’opus revendu par des tiers. Au Passé Composé, tout est trente fois plus cher et ils ne prennent pas la CB, mais proposent le virement bancaire. J’échange mon chèque de secours contre Elias Canetti.