Dans le Lévitique (11, 6), Dieu interdit la consommation du lièvre : il rumine, mais il n’a pas de sabot. Ni Lovecraft ni le Lévitique n’ont d’avis sur les ongles. Ma voisine de train se coupe les siens en écoutant une émission de télé qu’elle ne regarde pas sur son téléphone. Après chaque coupe, elle fait les finitions à la lime, puis elle aligne dix ongles faux sur sa tablette, roses et bombés, y applique une touche de colle grâce à un applicateur et se les positionne sur ses ongles fraîchement coupés. Ensuite, elle passe un coup de lingette dissolvante, j’imagine pour dissolver l’excédant de colle. Cela prend le temps que cela prend, et c’est amusant de se dire que dans d’autres lieux, et d’autres contextes, la torture consiste à arracher à autrui ses vrais ongles, quand la torture occidentale auto-imposée consiste à se coller sur ses vrais des faux. Lorsque je lui fais signe que je veux passer (contrairement à mes habitudes de placement je suis fenêtre, et elle couloir), la personne au visage désormais à demi-peinturluré de crème de peau me regarde offusquée, l’air de se dire : que fait ce gandin dans ma salle de bains ? Les sommes volontairement remises à titre de pourboires par les clients à destination du personnel en contact avec la clientèle sont soumises à cotisations sociales dès lors qu’elles sont remises à l’employeur pour qu’il les reverse au personnel. Nul ongle coupé dans le train du retour, mais des champs vides et semaillés de frais, parfois bleus, souvent rouges, à perte de vue, avec à leur épicentre beaucoup, mais alors beaucoup de maisons seules.