Les hommes sont ce qu’ils sont. Même les plus lyriques ne sont pas passifs à ce point (même eux, notez bien, sont incapables d’offrir leur cœur à la fourchette des autres).
Gonçalo M. Tavares, Un voyage en Inde, Viviane Hamy, traduction Dominique Nédellec.
Hors fiction : A., que nous avons chacun, H. et moi, connu mutuellement, sans jamais l’avoir rencontré, ni parlé avec via nos vraies voix, et dont nous avions perdu la trace depuis plusieurs années, nous demande ni plus ni moins que de (…)

H. a rencontré A. à Berlin y a quelques mois, il a dormi chez elle deux trois jours et elle est à Paris cette semaine. Parle un français parfait ; est parfaitement aphone ce soir. Parlons avec des gestes, avec des lueurs dans nos visages, avec nos articulations, via des mots crits sur des feuilles de papier ou des serviettes jetables. J’ai honte de mon allemand perdu : je sais dire liebe A., Kaninchen, Abitur et puis bien sûr l’inaccessible Auf den Marmorklippen. Écrit en lettres noires, sur (…)

Une fois qu’il eut passé l’aile inoccupée de Wabash, celle qui faisait saillie, il aperçut en levant la tête un bureau encore éclairé au sixième étage. Il lui fallut un certain temps avant de comprendre qu’il s’agissait du sien. Il ralentit, puis s’arrêta. Il distingua les étagères pleines de livres, un tableau accroché au mur et, sur un autre, un calendrier. En fixant son bureau, il eut l’impression de ne pas en être vraiment sorti, comme s’il était encore là-haut, en train de travailler (…)

Je ne sais pas ce qu’ils entendent par sur le terrain. Arpenter les couloirs intérieurs de l’écran, derrière un bureau, entre quatre murs, par dessus la cour carrée intérieure et sous l’étage du dessus, c’est tout autant le terrain que le monde réel de la vente plein pied dans l’aquarium du réseau wholesale. C’est un autre terrain. Descendu dans l’aquarium aujourd’hui, bossé là tout le jour comme vendeur. C’est une directive 2015. Censé retenir quelque chose à donner par la suite en réunion (…)

Il y avait une espèce de grand chien noir, c’était un rêve, j’en sais rien. J’ai repensé au grand chien noir pixelisé dans Stalker. Couru 5km94, 39min05, sous le soleil, matin, sous les Love Fail. En regardant les types s’entraîner à boxer, c’est-à-dire répéter les mêmes gestes encore, encore, encore et encore, au ralenti ou en accéléré, mais les mêmes gestes, toujours, je me dis que pour maîtriser mieux l’audio il faudrait me forcer à en faire régulièrement, une fois par semaine par (…)

M. avait mal, se tordait le ventre, ne voyait pas son ventre, toussait, ne voyait pas ses postillons, avait la diarrhée, ne voyait pas ses excréments, regardait ses mains, elles disparaissaient. M. se perdait. À ne pas se voir, il devenait aussi invisible que ses pensées et sa seconde de retard le maintenait dans une poche passive du temps, une mémoire. Il vivait mais vivant, il était déjà passé, le constat était poreux comme une méduse, invisible comme un son, absurde comme un livre, (…)

Autre séance chez l’ostéopathe pour la tête. J’ai retrouvé quelques textes sur t que je croyais perdus, rangés dans l’ancienne catégorie des esquisses et non pas la 40, alors même sans les avoir relus (peut-être m’en servir pour une revue) je suis heureux de ça. Dehors, la gardienne, elle m’appelle comme m’appelait A. qui n’arrivait pas prononcer mon prénom : Guillé. A., il vivait au Pérou et avait tout un monde dans la tête qu’il reportait sur du papier, dans des couleurs, en écoutant Yoko (…)

D’abord aller chez RCJ pour l’émission Un livre / un lecteur dans la lumière du matin (et puis montrer patte blanche avant les portiques de sécurité, le mec à l’entrée qui vérifie ma carte d’identité, que je n’ai pas d’armes, encadré par les deux soldats Vigipirate et surarmés qui sont là) pour parler de La vie verticale. Puis ce sera relire des textes anciens prêts à ne plus l’être et réécrire un certain nombre de fois une quatrième de couverture. Enfin, c’est revoir F. et A., que nous (…)

Je croyais que c’était safe de sortir (en fait non). Alors je me retrouve à écrire Eff à luminosité zéro, les yeux focalisés sur les touches pour avoir conscience de ce qui se passe en ma présence. Ça marche plutôt bien. Taux de coquilles faible. Avant ça, je terminerai la relecture des épreuves du Chien. Dans l’une des nouvelles, il y a un signe de ponctuation étrange qui s’est glissé vingt-et-une fois dans le texte. Puis relever des césures qui à mes yeux seront inconfortables. Et deux (…)

J’ai tout oublié du premier but de la France contre la Croatie en finale. Je sais plus qui l’a marqué, comment. Personne cette semaine à Paris, tout est fermé partout, et si je travaillais encore chez STAT (je travaille plus chez STAT depuis trois ans mais je me dis toujours si je travaillais encore chez STAT) j’en serais à errer dans les rues le midi en quête d’un truc ouvert pour bouffer. Pour autant, même si la ville est vide, il y a des corps qui marchent devant ma fenêtre, là, au (…)

Parce que je fais deux choses en même temps complètement différentes mais néanmoins semblables, je me retrouve à m’égarer mentalement plusieurs fois. Plusieurs fois plusieurs fois en fait. Par exemple, préparant mes affaires pour partir à Toulouse pour trois jours, et parlant de tout autre chose avec H. qui réserve des trucs, j’en viens à confondre les deux et me dire : comment je vais faire pour gérer le décalage horaire là-bas ? Ou encore : qu’en est-il de la langue ? Il fait de plus en (…)

Je repense à cette femme. Qui ne m’est rien. Cette femme en rêve. Qui se fait passer pour un regret. Je souhaite qu’elle ne m’ait pas suivie, et que mes nuits ici soient plus sombres et m’en délivrent. Cette femme est un faux. Et ce n’est pas un souvenir. Les femmes que j’ai connues avaient des pupilles noires et précises, bien plantées sur les choses à regarder et à compter. Les femmes que j’ai connues étaient en haute définition. Celle-là est une sorte de hantise qui ne serait pas (…)

Ce paquet de Canarias est à jeter à cause de la poussière. Toute la journée (toute la semaine en réalité) dans le texte. Parfois, j’ai l’impression de parler dans le vide. Dans le vide, oui, mais dans des bulles de commentaires flottantes et dorées. Ça change tout. À cause de ce livre sur lequel on travaille, et d’une scène en particulier, j’en viens à penser comme ça m’arrive parfois à quelqu’un que je n’ai pratiquement pas connu. C’était un ami d’A. J’ai dû le voir deux ou trois fois, (…)

Voilà que je refais des rêves. Ça dépend du grammage de mélatonine la veille au soir, je pense. Là, ça fait combien d’années que je n’ai plus vu quelqu’un comme A. ? On se croise par hasard. On fera un bout de chemin ensemble. C’est une ville que ni lui ni moi ne connaissait. Il a vieilli moins vite que moi, comment c’est possible ça ? Dans les faits, il a maintenant quelque chose comme trois ou quatre ans de moins. Peut-être, c’est comme ces histoires de jumeaux dont l’un est envoyé dans (…)

La dernière fois que je suis venu à Saint-Denis, il y a huit neuf ans, avait à voir avec mes premières semaines de travail chez STAT. C., qui était alors ma responsable, devait me récupérer là-bas en voiture (un genre de Mini très bas de caisse) pour aller près de la frontière dans une usine à nous qui sentait le plastique fondu. Là-bas, elle m’avait laissé une heure ou deux (le temps d’une réunion entre pontes) avec des personnes qui deviendraient plus ou moins des collègues par la suite, (…)

Je me souviens qu’à une époque de ma vie, j’arrêtais pas d’entendre parler de Ted Lapidus. Ted Lapidus, Ted Lapidus, on me parlait de cette marque à tout bout de champ. C’était A., du temps où il portait des survêt’ Sergio Tacchini, qui était devenu un truc à l’époque (ça ne l’est plus aujourd’hui). J’y pense en voyant le sac à main de cette fille, dans le métro, car c’est écrit à l’intérieur, Ted Lapidus, Ted Lapidus, et que j’en suis à regarder à l’intérieur des choses, du moins à ce (…)

On a acheté ces pansements à Tokyo, et si je n’ai pas l’impression d’y être au moment de les utiliser, ça me fait quand même quelque chose que je ne sais pas nommer tous ces idéogrammes sur la boîte, et le pansement lui-même. J’ignore quelle est l’information la plus exacte : j’ai eu un accident de carottes, ou un problème avec un couteau en céramique. Les deux sont vraies. Longue entaille à l’intérieur d’un pouce (n’importe quel pouce), qui ressemble à celle qu’on voit dans Black Hole. (…)

Réveillé à 4 h 40. Impossible de me rendormir. Au moins verrai-je le jour lever. H. a déposé des affichettes au cas où le lapin abandonné, qui est une lapine abandonnée, se soit perdue par elle-même. On y croit peu. Les associations sont débordées, c’est la pire période de l’année pour susciter l’aide d’autrui vis à vis des bêtes (ou le contraire, c’est la meilleure période de l’année pour abandonner ses animaux de compagnie : comme tout le monde fait pareil, personne ne peut te juger). A. (…)

J’ai tendance à confondre Mubi, la plateforme de films en streaming que je paye chaque mois et dont je profite bien peu faute de temps pour en regarder aucun, et dont le slogan est le choix du cinéma, avec Muji, la chaîne de magasins japonais dans laquelle la mère d’H. m’avait acheté, il y a 826 jours, un petit carnet Open-flat notebook qui correspond juste à la taille et à l’épaisseur parfaite pour un carnet, et dont le slogan est Nature, naturally, Muji. Parce que les slogans sont partout. (…)

Je retrouve Philippe De Jonckheere devant la sculpture de Léon Blum et sa merveilleuse écharpe de bronze au vent. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est lui. En plus, je n’ai même pas pris le temps de regarder l’écharpe (ce n’est pas moi qui le dis, c’est encore lui). J’aurai l’occasion d’y revenir. Où on se pose, c’est la plage : petite terrasse décorée, on s’y croirait (non). Et c’est bien. En trois jours, je remplis plus mon taux de sociabilité que le restant de l’année cumulé je crois. Je (…)

Marché, troisième jour. Roxane nous a rejoints. L’attractivité du stand a augmenté de 400 % grâce à elle. Manger une omelette à onze heure permet de tenir jusqu’à seize. Il suffit alors d’une barquette de frites à 3 € pour tenir jusqu’à vingt. Merci à A. et JE. qui m’invitent à dîner chez eux des choses mitonnées. L’exposition Vivian Maier au Luxembourg me fait penser à L. Je prends une photo et oublie de lui l’envoyer. Demain. Nombre de livres vendus : 20 (vingt). C’est tout à fait (…)

Après hier la neige il fait maintenant un temps splendide à plus de 10 000Ghi, et demain pire encore, c’est-à-dire mieux, à 11 000. Je rejoins Benoît sur les coups de 11 h pas loin de là où j’étais encore il y a moins de onze heures, ce qui m’arrange puisque je dois récupérer les invendus de la Maison de la poésie chez EXC, qui est juste en face (très beau fond). On parle un certain temps de choses et d’autres (c’est confidentiel), on échange des noms de maison d’édition, peut-être ou non y (…)

Peut-on être aspiré à travers le hublot d’un avion ? L’eau chaude est-elle plus lourde que la froide ? Si on passe par la fenêtre on se défenestre ; mais si on entre dans un lieu par cette même fenêtre, est-ce qu’on se fenestre ? Quelle est la composition de la lumière qui s’immisce dès 5 h alors même que le soleil n’est pas officiellement levé ? Le père d’H. et A. ont passé la nuit ici pour partir dès l’aube attraper un train tôt à Rennes, avant un rendez-vous à l’ambassade d’A. pour (…)

Retour à St-Sulpice pour l’immuable Marché de la poésie. Bonjour, vous savez où je peux trouver les jeux de mathématiques ? J’envisage d’afficher un panneau indiquant pour tout renseignement, merci de réveiller l’éditeur. Quelqu’un compare Sarkozy et Hidalgo, devant le stand. Une lecture pour la paix, vous êtes intéressé ? Non. La paix, ça vous intéresse pas ? Non. Quelqu’un passe sur le stand : Une petite chanson en cadeau ? Il laisse un flyer où l’on peut lire Eduardo tes chiottes, clip (…)

La rentrée littéraire, go. Un grand hebdomadaire culturel une sur l’évènement de la rentrée et je m’en vais écouter Asiaboy, me demandant s’il s’appellera toujours Asiaboy à cinquante ans, avant de voir que 75 livres de littérature générale grand format paraîtront demain, parmi lesquels 13 relèvent du seul groupe Madrigall. Parmi ces 75 livres dont je lis, pour ceux qui sont disponibles, quelques bribes des extraits en ligne, un seul me donne envie de poursuivre au-delà d’une ou deux pages. (…)

Je retrouve un parapluie sans le chercher, et surtout sans qu’aucun soit perdu. C’est probablement un parapluie volé. Je boucle le dernier dépôt régulier pour le dépôt légal du livre numérique. Je rattrape mon retard. À quelqu’un à qui j’écris, j’écris les mots aventures circadiennes. Je fais cinq et six fautes aux blancs du code. Je retrouve du premier coup mon diplôme de licence. Je m’en sers pour postuler à 7 h 40 quelque part ; à 16 h 42 ce même jour ma candidature sera rejetée. C’est (…)

Tout ce qu’il ne faut pas faire je le fais. Je coche toutes les cases. Voilà mes deux premières pensées du réveil. Mes premières leçons de conduite commencent aujourd’hui. Quatre heures sur circuit à tourner triangulairement en première, puis en seconde, puis en troisième. Le freinage, dit le moniteur qui doit être plus jeune que moi, doit être dégressif. La radio est bloquée sur Radio Caroline et aucune question de code ne m’a appris à bouger le tuner, d’autant que là, c’est The Offspring : (…)

Levé 5 h. Il pleut en noir sur noir dehors, bientôt ce noir m’enduit. S’il me macule, tache après tache, c’est que je suis dessous. Mon premier train, qui est un TGV, malgré les annulations et les suppressions de dernière minute, est cher mais pas plein. Le jour met des heures à lever et c’est dystopique. 18° à Hyères (dixit une radio quelque part), c’est dystopique. Traverser un champ d’éoliennes dans la brume qui clignotent toutes au même moment, c’est dystopique. À Bercy je poste (…)

Réveillé accidentellement à 5 h, soit l’heure de ma prise de poste éventuelle si d’aventure Yalta décide de m’embaucher. Message d’A. : je me suis levé à 5 h. Comme quoi non seulement c’est jouable mais en plus je ne suis pas seul. Aujourd’hui paraissent trois choses : 12, de Ryuichi Sakamoto, Melvill de Rodrigo Fresán, Brûlé d’Arnaud Maïsetti. Je me suis encore microcoupé un doigt. Dehors, l’asphalte est verglacé par nappes. Les appuis sont peu sûrs. Les plantes, les (…)

Qu’ont-ils de plus ou de moins que les verts les kiwis jaunes ? C’est comme si j’étais victime d’une malédiction : depuis que A. m’a dit à neuf dix ans dans les hautes herbes la phrase fais gaffe aux menthes religieuses, elles ont un couteau, elles peuvent te couper le pouce, je passe mon temps, non dans les hautes herbes mais par exemple dans ma cuisine en préparant des légumes, à me couper le pouce. Là, je prends la base de mes pancakes pour en faire des blinis salés, et grosso modo la (…)

L’ironie du sort, c’est que je me réveille spontanément à l’heure qui aurait été celle d’un levé pour attraper un train matinal ce lundi, et éviter d’avoir à partir pour Paris la veille au soir, ce qui est juste déprimant en vérité. J’ai fait des rêves horribles, où des proches avaient des paupières mais, derrière, pas d’yeux. La partie intérieure de leur visage était creuse et je hurlais après une ambulance pour qu’elle revienne. Un bel avant-goût de mon premier jour chez Spectre, puisque (…)

Quantité de rêves dans quantité de bouches et de têtes. Les cookies cuisinés dimanche, censés se garder trois jours dans un contenant hermétique, sont meilleurs qu’ils en ont l’air, mais quelque chose mangé hier au restaurant d’entreprise me pèse sur l’estomac. Il faut se méfier des sauces. Ce matin, je prends un autre chemin pour aller au bureau, et bien sûr la ligne est impactée. Par quoi, personne ne sait. Dans Melmoth, un moine tente de s’échapper d’un monastère qui le retient prisonnier (…)

Une partie de mon travail consiste à faire de la veille stratégique sur des sujets qui dépassent mon entendement, ce qui implique l’enregistrement d’alertes répétées sur des sites plus ou moins pointus, publics comme privés, français ou internationaux. Et alors il y a de quoi regretter qu’à part quelques exceptions les sites actuels, construits sur quelles architectures je ne sais, ne proposent pas ou plus la publication de leur fil d’articles, news ou dépêches sous la forme de flux RSS, ce (…)

Il y a quelques années je cherchais où, dans Paris, pouvoir trouver le silence. Peut-être était-ce ici depuis le début, dans cette chambre au septième où A. m’accueille, chambre où par ailleurs un précédent locataire informel me laisse un petit mot bien que nous ne nous soyons jamais vus auparavant. Ou peut-être que non, que le silence que j’y trouve n’est que le silence de la nuit encore un peu épaisse, vu que je me réveille à cinq heures du matin et alors all nature is appalled — heaven is (…)

Levé à cinq heures mais réveillé à deux, puis quatre. C’est la première fois que je prends la voiture seul, et si je mets le GPS au cas où, je ne l’écoute pas ni ne le regarde. Il n’y a pas beaucoup de circulation. Le jour n’y est pas mais moi si. Dans le train mes cookies préparés hier sont trop cuits et, une fois à Montparnasse, mécaniquement je pars prendre la six pour aller vers Nation (or non). Je suis au bureau à 9 h, à temps pour me demander, au fond, qu’est-ce que je fous là ? (…)

Cette fois ça y est, la campagne Ulule pour le financement participatif de Jachère est lancée. Le mailing programmé ce matin à 7 h, et je suis là une demi-heure avant à regarder que l’envoi automatique part bien (c’est le cas). Il fait un temps idéal pour faire advenir sur le monde malmené par l’Homme le renaissance des fleurs, des plantes, des êtres (humains ou non). Voyons ça comme un présage. Voire même, qui sait, une présence. J’aime bien ce genre de phrases : Pour l’instant, elle (…)

Ces cookies se conservent trois jours maximum dans un contenant hermétique. Au matin du quatrième jour, ils ont changé de couleur. Départ tôt de Paris sur les coups de huit heures, mais plus tard que d’ordinaire. Ça m’aura permis de voir A. hier soir, et ce matin je lui remets ses clés, et son badge, dans sa boîte aux lettres. C’est encore un autre public dans le train du matin férié, beaucoup de familles avec enfants très jeunes, qui passeront le long week-end en Bretagne. Je croyais que ce (…)

Ce qui prend le plus de temps, en train, c’est l’approche des villes. Mais sans l’approche des villes, nous tournerions sur un circuit clos. Ce ne serait peut-être pas un mal. Nous n’arriverions jamais à destination et en même temps nous serions cette destination. La recette de zucchini bread de l’autre jour est soluble et dans la farine de châtaigne (moitié ça, moitié mix de base) et dans l’essence de pistache. TVA numérique en temps réel : la Commission européenne préconise un délai de (…)

Où que je sois, je passe mon temps à partir. Cette fois un jour plus tôt que d’habitude. À midi je retrouve V. au Marché de la poésie (c’est le dernier jour). Un peu avant, puis un peu après, j’échange avec J., qui se retrouve à tenir le stand en face du stand où nous étions ces dernières années. Je m’en vais. Comme la douze est coupée, je rentre à pied rue B. Ce n’est qu’à trois quarts d’heure, et c’est toujours tout droit, vu qu’on ne se rend jamais compte, quand on tourne en marchant, (…)

Je ne sais pas trop pourquoi, mais on vend des Bacchantes. Chaque NDUT me met dans les meilleures dispositions d’esprit possibles pour la journée. Ça m’évite d’avoir à faire PB, et d’abuser des HEMP. Rien de mieux pour se dire TVB. Dans le vaste monde, c’est la fortune de Bernard Arnault qui va bien. Depuis le début de l’année, elle s’est même alourdie de 37,3 milliards de dollars. Celle d’Elon Musk de 110 milliards. Plus d’un milliard de dégâts aux entreprises causés par les émeutes. (…)

Sincèrement, j’aime autant qu’on ne me parle pas plutôt qu’on vienne me parler de la météo du week-end pendant la pause café alors même que, du café, je n’en bois pas. Mais ce n’est pas ça le problème. Je passe mon temps diurne à gruger du temps d’écran pour ne pas avoir l’œil dans la main qui le serre. C’est un échec. Le soir, je fais quarante fois mentalement demi-tour en chemin vers l’Oxymore où je retrouve finalement T. et B., qui s’apprêtent à partir au bout du monde, et A. et J., qui (…)

Passé la nuit à m’imaginer prendre rendez-vous avec le Dr G. de la rue de Sèze que je voyais quand je bossais pas loin, chez STAT, pour qu’il m’arrête aujourd’hui et tant qu’à faire demain, qu’il me refasse une prescription de triptans et d’anti-inflammatoires, dont je n’ai pas usé depuis deux ans, et que j’en finisse avec cette chambre d’échos de la douleur, alors même que le Dr G. est bien sûr en congés ce jour, qu’il ne prend aucune carte (ni bleue ni vitale), qu’il était il y a plus de (…)

Pendant un temps assez bref, dans un lieu que j’ai peine aujourd’hui à situer autrement qu’en recourant au mot ailleurs, on ne disait plus réfléchir mais chiflérer. Je ne suis pas sûr que ce faux verlan ait pris, mais l’essentiel est ailleurs, et cette phrase (la précédente) ferait une bonne première phrase. La première phrase du livre que je lis est Fus s’arrache sur le terrain. Il y a deux cœurs rouges collés sur la couverture, garnis de deux prénoms chacun, comme autant de bibliothécaires (…)

A. me dit vouloir voir la mine de P. mais en vérité c’est difficile de circonscrire ou de situer l’espace occupé par cette mine, qui bien sûr n’est plus en activité depuis long : s’agit-il du bâtiment de briques rouges qui subsiste en marge, seul véritable objet d’architecture ici, de l’ancien puits dévoré par la végétation auquel on ne peut plus accéder du fait des risques d’éboulement qui le menacent ou de la ferme solaire qui a poussé du jour au lendemain sur ces anciennes friches et qui (…)

Les neiges ont fondu. Sur le trottoir un coffre-fort béant, mis au rebut pour les encombrants, sans parler des sapins de noël zombifiés pléthoriques et mis en sac. Porsche Cayenne : une. Refus de priorité : un. Suite à une série de négligences et de raccourcis industriels mettant à mal la sûreté de ses appareils, Boeing a dû inspecter les (bigre) 6666 737 Max en service dans le monde. Quel dommage qu’il ne se soit pas agi de 777. Les obsessions étranges de ces dictateurs vont vous (…)

Plusieurs choses. Il se trouve que j’ai relu quelques pages de ce que j’ai momentanément écrit dans le courant de l’été, il y a donc environ six mois. Écrire ça, c’était une question d’hygiène : c’était pour s’empêcher de n’écrire pas. Comme souvent, j’ai laissé tomber ce que j’avais fait dans les limbes et je l’ai oublié. Bien sûr, l’écrivant, je m’imaginais aussi l’écrire, prolongeant donc le projet au-delà de ce qui était effectivement, jour après jour, composé, ne serait-ce que pour me (…)

Si on écoute bien, dit Morton Feldman, la plupart des flûtistes jouent faux. Bien sûr, si vous écoutez pendant trois heures, ça devient juste. L’après-midi est passé avec des ami·es d’H., des que je connais déjà, d’autres pas. C’est un appartement au dernier étage qui donne sur le soleil, avec un chat et un balcon, des plantes, et des Virginia Woolf (partout Virginia Woolf : Les vagues sont dans l’entrée, Orlando au salon, Une chambre à soi dans la bibliothèque qui jouxte Kafka, pendant (…)

Les pauvres meurent renversés par des voitures ; les riches dans des accidents d’hélicoptères. Plus tu es riche, plus tu tombes de haut. Bien qu’étant au quatrième étage de chez Spectre je ne tombe pas, mais j’ai froid après avoir eu chaud. Ils ont coupé le gaz à tous les étages. Je continue d’échanger avec Benoît par texto sur le déroulé du lancement de Féroce, ce soir. Après avoir fait ça, je caviarde une partie de mes notes pour ce que je ne veux pas dire, et je barre d’autres parties au (…)

Toutes mes pensées du matin, ce n’est pas la première fois que je les pense. Peut-être qu’au bout d’un certain temps le volume potentiel de pensées s’épuise, et alors c’est le grand ressassement. Même cette pensée il me semble l’avoir déjà eue. Peut-être faudrait-il se taire, et s’en remetre au bruit des gouttes d’eau chues de soi après cloture du mitigeur de la douche ? Peut-être faut-il se contenter de faire ce qu’on attend de soi pour la journée. Par exemple, au bureau je bats mon record (…)

Avec sa plaie fraîchement opérée, Dune ressemble à Itadori à la fin de l’arc Shibuya. Le problème, c’est que ça se referme et qu’il ne faut pas que ça se referme. Raison pour laquelle, deux fois par jour, il nous faut remuer ça à l’aide d’un coton-tige biseptiné, ce qui est beaucoup exiger de nous je trouve, et d’elle. Ça crée de la tension. On se passerait bien des tensions. Il y a d’autres tensions. En fait, c’est une journée à jeter. Tensions issues des interminables documents à fournir (…)

Comment veux-tu trouver le tengen quand tu vis engoncé dans des fibres synthétiques ? J’ai perdu de 3,5 points. Au bout du compte, tout s’est joué dans le coin supérieur droit. Il y a ces moments où l’on ne parvient pas à écrire une première phrase correcte, et il y a le contraire : lorsque la première phrase est tellement idéale qu’on ne parvient pas à poursuivre quoi qu’on fasse, tant rien n’est à la hauteur. À tel point qu’on se dit : pourquoi ne pas s’en tenir à cette seule phrase ? Une (…)

Je déteste quand un serveur nous appelle les garçons, comme ce fut le cas hier soir rue B. avec A, ou quand un foodtruck te tutoie, idem avec les boutiques de comics. À un moment donné on s’est demandé : si les éditeurs de plus ou moins grandes maisons ne lisent pas les manuscrits, ni ne travaillent avec les auteurs sur les textes (les agents le faisant à leur place désormais, comme aux US), à quoi passent-ils et elles leurs journées ? À placer des enchères précisément auprès de ces agents ? (…)

Mardi je disais à A. que j’avais beaucoup de mal à faire confiance à qui que ce soit, et c’est vrai. Ce que j’ai oublié de préciser, c’est que j’ai tendance aussi à faire confiance aveuglément à n’importe qui. Par exemple, ça ne m’a pas alarmé que la coiffeuse en alternance me dise je suis en dernière année de première année. J’ai fini avec la coupe garçon et maintenant je me dis au fond peu importe. Tout repoussera. C’est comme à peu près tout en ce monde : le secret, c’est de faire tout en (…)

Le plus simple pour être sûr de ne pas s’endormir dans le train du lundi matin, c’est encore de voyager dans l’escalier. Chez Spectre, la climatisation d’entreprise ne se déclenche qu’à partir de 26°. Mais qu’est-ce qu’un degré ? Entre le terminal servant à piloter l’aération et un thermomètre lambda, il y en a jusqu’à trois d’écart. Les gens que je connais bien, dans mes notes et carnets, je note leurs noms sous la forme d’initiales, donc de lettres. Quand on élargit le cercle, et que je (…)

Quand H. me dit qu’il aime notre vie à trois, je réponds : je préférais quand on était cinq. Il ne faut jamais me sous-estimer quand il s’agit de faire d’une bonne chose une mauvaise. Si tu persistes à voir le verre à moitié plein, je te le viderai de force. Il n’y a pas besoin de grand-chose pour être toxique. Il suffit d’être soi-même. Étrangement, les tiroirs de mon bureau sont plein de smartphones décédés. Je ne sais pas pourquoi je les garde. Je ne sais pas où est passé ce stylo que je (…)

Une erreur est survenue mais, ne vous inquiétez pas, ce n’est pas de votre faute. Quelques minutes plus tôt, j’avais manqué d’appeler par erreur A., et pour le coup c’était de ma faute, vu que je manipulais mon téléphone gauchement. Vu l’heure qu’il était, il n’aurait pas trop apprécié la blague, et moi non plus. Je me dis : ça ne me surprendrait pas beaucoup que ceux que les foules humaines terrorisent soient par ailleurs fascinés par le phénomène des murmurations aviaires. Le Wall Street (…)

Quand A. m’a dit ça fait mille ans qu’on ne s’est pas vus, j’ai pensé spontanément que c’était faux, vu qu’on s’était vus en juin. Oui, mais, depuis, j’ai vécu plein de choses, me dit-il en substance, et j’ai besoin de quelques secondes pour savoir si c’est mon cas aussi. A. ne fait pas partie des personnes qui, ces derniers jours, m’ont dit que j’avais mauvaise mine, et ma foi j’en prends note. Personne ne m’a jamais dit que j’avais bonne mine, ce qui est probablement un signe. Parfois, (…)

Il fait 18 degrés celsius à huit heures du matin et 25 degrés celsius à trois heures de l’après-midi, ce qui se traduit par 27 degrés celsius dans les aquariums de la tour Ouest de Spectre, « exposée » il est vrai en après-midi. Le monde est ce qu’il est. Le langage a un pouvoir. Par exemple, il m’a suffi de dire certaines choses à voix haute à A. hier soir pour les faire s’accomplir (positivement mais aussi négativement) dans mon esprit. Je me comprends. C’est bien de se comprendre. Des (…)

Je pars au bureau tôt, assez tôt pour voir que les canards du square des Batignoles ne sont pas levés. Aujourd’hui, c’est comité technique. Les mots ne sont que des mots. (...) J’ai donné rendez-vous à A. au métro, mais dans les faits je viens à pieds. Nous parlons de Cartarescu, mais ce n’est pas la seule chose dont on parle. Je note (dans cet ordre) Le Levant, Melancholia, Solénoïde. J’ai oublié d’acheter des œufs pour demain matin et je me dis : si tout est fermé, je n’aurais qu’à aller (…)

Je me sens comme quelqu’un qui se retrouve dans un avion quelques minutes avant le décollage à ne rien faire qu’avaler, avaler, ravaler sa salive, entouré de gens qui se signent, et qui se demande avant l’envoi à l’autre bout du monde : pourquoi je m’inflige ça ? Sauf que moi, je ne suis nulle part, et que je ne vais nulle part. J’ai juste mal au dos depuis que je suis revenu courir hier, et j’ai dormi 4h cette nuit. Après un rêve horrible, que je n’ai vraiment aucune envie d’immortaliser où (…)

Bien que toutes les nuits ne se valent pas, chaque nuit est une nuit. On m’a dit hier que, pas loin de là où nous vivions quand nous vivions à Paris, dans les appartements de la rue des Fonds-Verts, les murs vibrent lors du passage des trains. Je développe un genre de fascination étrange pour la rue des Fonds-Verts, sorte de triangle des Bermudes est-parisien entre la place Félix Eboué, plus communément appelée Daumesnil, l’église de Notre-dame-de-la-Nativité de Bercy, suffisamment (…)

Dans l’une de ses lettres à son frère Stannie (Stanislaus), Joyce à propos de sa nouvelle (Dublinners) « The Boarding House », écrit : Il y a une jolie petite phrase de cinq mots : trouve-la. Il faudrait opérer un genre d’archéologie, ou d’encyclopédie des gestes. Quel serait, par époque (définir époque) le geste humain le plus commun, donc partagé par tous ? J’imagine que selon les siècles ce serait cueillir. Porter une fourchette, une cuillère ou une paire de baguettes à sa bouche. Ou des (…)

C’est la première fois que nous allons à Paris ensemble, H. et moi, depuis que nous ne vivons plus à Paris. Nous déjeunons d’un bento végétarien (7€ chaque) acheté à la micro cantine japonaise du marché couvert des Batignolles, et d’une soupe miso gingembrée prise au Naturalia de la rue Cardinet (5,35€ les quatre). C’est parfait. Cela fait près de deux ans que j’ai envie d’aller à l’île aux cygnes alors nous le faisons, et voilà l’île aux cygnes : d’un côté, c’est Paris seizième, de l’autre, (…)

L’eau du jardin Martin Luther King a gelé, et les bêtes qui y vivent sont déçues. Tristes, seules au monde, mélancoliques et, oui, je ne trouve pas d’autre mot, déçues. Une orange pressée et un croissant, un peu en contre-haut du parc (c’est le matin). Pour ravoir quinze ans à nouveau, il suffira de sortir du métro à Oberkampf sur le boulevard Voltaire (c’est l’après-midi). A. et B. ont raison sans avoir eu besoin de se concerter : le Petit Cambodge de la rue Guy Moquet est pas cher, et très (…)

B. m’écrit. Le terme de présage n’existe pas chez les mollusques. H. rentre à P. pendant que moi pas. Le studio de la rue S., inhabituellement plein de vie ces deux derniers jours, redevient à nouveau empli de moi seul. Le studio représente une petite surface, et un menu volume, comparé à l’envergure de la pièce pourtant frêle. Je n’ai aucune envie d’y passer du temps alors j’en sors, moi aussi. D’abord pour des courses hors de prix (un avocat, trois kiwi, 7,45€, un micro bout de parmesan (…)

Hier soir, au Petit Cambodge, je me suis entendu dire à A. la chose suivante. Le silence est devenu la norme. Pourtant, dans la nuit, j’ai eu envie de me lever, d’attraper une bombe de peinture, et d’aller taguer les mots Pitié, ne passez pas l’aspirateur à pas d’heure sur les murs des parties communes. Dans l’édition datée d’hier du Monde, pleine page de réclame pour le mérinos foncé. Gliff : You are bullying me with words longer than the lenght of my life. En Norvège : Nous avons besoin (…)

Quand je dois écrire quelque chose qui met en scène des gens beaux, doux ou bons, je prends appui sur A. Certaines pages de Bajir lui doivent ça. Hier soir, quelqu’un a frappé à la porte du studio. En un an et demi, c’est la première fois que ça arrive. C’est un jeune homme tout à fait Aesque, très gentil, et qui va vers les autres. Il vient d’emménager il y a trois jours dans l’appartement du rez de cour, pas directement sous celui de C., que je sous-loue chaque début de semaine, mais tout (…)

A. me manque un peu, ce matin. Ça fait un moment qu’on ne s’est pas vus. La formule X me manque un peu est à peu près la forme la plus débridée disons d’attraction sociale que je peux exprimer envers autrui, et comme A. est très pris ces temps-ci je me suis contenté de le lire, ce qui m’a rapproché de lui sans que, physiquement, il y ait proximité. Chaque fois qu’un collègue me rejoint de « mon » côté de mon écran, je désactive le filtre contraste élevé (que je me suis créé il y a quasiment (…)