Stéphane Desienne



  • 080313

    8 mars 2013

    Rayon enfantillages, broutilles, riens.
    Rayon drogue, addiction, envoûtement, sortilège.
    Rayon suffocation.
    Rayon y croire, ne plus y croire, tirer un trait.
    Rayon y revenir.
    Rayon tout est un signe, déductions et calculs.
    Rayon oubli, vieillesse, amertune, sagesse : n’est pas encore ouvert.

    Anne Savelli, Décor Lafayette, Inculte, P. 102.

    Alors, bien sûr, faut qu’on soit un huimars pour qu’on nous sorte une sélection, je parle de la radio, pour qu’on nous sorte une sélection de compositrices, quelle tristesse, je parle pas que de la radio, mais on me donne un nom, Ilse Weber, et le nom d’une chanson qui s’appelle Wiegala.

    Des années le dernier train avec H. Lui dis : y a deux types de personnes, ceux qui regardent dans la boîte et ceux qui regardent pas. Beaucoup d’yeux dans la 14 regardent, y en a même une qui dit à voix haute et en faisant le geste : il a une tâche blanche sur le nez !

    À bord du 6689. Elle lit le dernier Elle (Spécial beauté : un corps pour l’été, tout de suite), lui un gros bouquin blanc (Développez en Ajax). Les nouvelles érotiques que E. m’a envoyées y a six mois et je lui dis sur les réseaux la phrase : j’ai lu tes Insomnies.

    Commence le Toxic 1, un truc où des insectoïdes de l’espace mangent des phalanges humaines puis je repense au mec vu sur la 6 juste avant le départ, genre jeune, amputé sous le genou mais sans prothèse, il refuse de s’asseoir dans la rame quand on lui dit, il fait tourner dessous ses doigts le plastique des béquilles (après Coup de tête je sais que je serai toujours sensible à ce genre de corps-là).

    Mueller (168 mots) :

    Une voix derrière le verre liquide d’Imke Leal.
    Elle dit : - La tête de l’homme décapité, blême
    & frêle & soudée à nouveau sur sa nuque, dit un
    seul mot en réponse : kasm’r, ce qui veut dire,
    dans la langue des anciens perkes, une histoire
    de regrets éternels. Ceci dit, il ne refusa pas
    l’offre du Collur pour autant, peut-être car la
    tête de la horde le conduirait enfin à une mort
    certaine ? Peut-être par haine du Collur soumis
    sous ses orteils ? Peut-être par orgueil ? Sous
    le contrôle du vent du sud, l’homme décapité se
    mit à genoux face au Collur & sa paume posée là
    où son crâne se creuse il devint le Collur & le
    Collur devint cet homme décapité. Il fut laissé
    tel quel, à genoux dans les sables, paume posée
    sur un crâne disparu. Le Collur s’en alla comme
    si de rien & héla sa horde taone à reprendre la
    course sur l’échine de la steppe. Un énorme vol
    de poussière se gonfla en direction de l’ouest.

  • 110813

    11 août 2013

    J’ignore si ces passages, issus de textes différents, de lectures parallèles, sont quelque part liés. Les ai cornés le long. Sans parler forcément de postapocalypse disons qu’ils font partie, simplement, de ce que l’on pourrait appeler un portrait fragmenté de notre monde présent.

    C’est comme ça : en matière de terrorisme, tu n’as la main sur rien. Islamos, Basques, qu’importe, si on te demande de relâcher un mec, si on te dit « on stoppe », par exemple parce que l’Espagne n’achète pas assez de TGV à la France, tu t’exécutes. C’est arrivé. À un moment, la France a fait savoir à l’Espagne qu’elle allait devoir ranger les dossiers basques sous prétexte qu’il y avait un péril corse à ce moment-là... Très vite, les Espagnols ont compris ce que ça voulait dire : on allait mettre leurs dossiers basques dans un tiroir, et on les oublierait. Les Espagnols se sont mis à acheter des TGV, et on a ressorti leurs dossiers...

    David Dufresne, Tarnac, magasin général, Calmann-Levy

    Il y avait cinq sujets principaux dans les conversations du sous-sol : les produits alimentaires, la sexualité, la guerre, les Américains et, complètement isolée des sujets déjà mentionnés, la bombe atomique dont chacun ressentait encore dans ses propres os l’effet sur la ville japonaise de Hiroschima.

    Thomas Bernhard, La cave, L’imaginaire Gallimard, traduction Albert Cohn, P.47

    (...) il faut prendre conscience que c’est cet avenir-là qui nous est promis si nous ne l’empêchons pas : des engins de vidéosurveillance mobiles et armés en guise de police aérienne de proximité.
    À défaut, restera toujours la possibilité de se procurer les vêtements anti-drones créés par l’artiste Adam Harvey. Fabriqués dans un tissu métallisé spécial, ils permettent, en refroidissant la silhouette du corps humain, de le rendre, dans la nuit, à peu près invisible pour les caméras thermiques des drones.

    Grégoire Chamayou, Théorie du drone, La fabrique, P.282

    Capturer des humains ne présentait pas de difficultés notables. L’emploi de drones facilitait certes les opérations et augmentait les prises. La question très technique, en raison du respect des normes et de la marchandise, avait été étudiée bien avant l’invasion.

    Stéphane Desienne, Tokic Ep 1 : Homo-Putridus, Walrus