Conduire



  • 030121

    3 février 2021

    Le truc que je me répète le plus souvent dans mes rêves : souviens-toi de ce rêve. Ou tel truc dans tel rêve. Là, oui. Il y avait une vérité à retenir absolument, elle-même repliée dans une scène, ou dans un bout de dialogue, ou dans un épisode d’un rêve, lui-même replié dans un autre rêve, et lui dans un rêve autre encore, et ainsi de suite jusqu’à arriver à une série imbriquée d’une bonne quinzaine de fictions, toutes emmaillotées dans autant de couches de papier d’alu (et alors une fois que tu as fini d’effeuiller, tu te rends compte qu’en réalité ton déjeuner est minuscule). Bien sûr, impossible de me souvenir de cette révélation au réveil. Au réveil, rien. Ou si peu. Ou de la douleur dans le dos après qu’on a dormi tordu sans doute. Et c’est tout. On ne saura jamais de quoi il était question, on ne tutoiera pas les envolées des envers et des nuits. Tant pis pour nous, on n’avait qu’à plus prêter attention. À quoi ? C’est précisément toute la question. Moi, j’ai toutes les peines du monde à tracer manuscritement l’esperluette. C’est un signe magnifique, et je ne parviens pas à en reproduire la complexité : tout ce que je parviens à faire, c’est le petit bitonniau (ça porte un nom ?) qui sert à fermer les paquets plastiques pour éviter que les choses se désèchent (les brioches industrielles par exemple, même si je n’en mange plus depuis des mois, et ça manque). C’est comme ça. On ne peut pas être bon à tout. Il y a des tas d’autres choses pour lesquelles je suis tout sauf bon : prendre des nouvelles de mes proches, prendre une décision X ou Y, prendre conscience que le mot panonceau, que j’ai tendance à écorcher en panonceteau voire en pannetone, existe et a une importance. C’est quoi un panonceau ? On dirait le nom d’une bête, ou du petit de cette bête. Nous allons nous concentrer dans ce chapitre seulement sur les lignes et les flèches. Ouf. On devrait faire ça dans nos fictions, tiens. Nous allons nous concentrer dans ce chapitre seulement sur les trajectoires et les métamorphoses. Sur les dialogues et sur les métaphores. Sur les fausses pistes et les réminiscences. Et puis voilà.

  • 040121

    4 février 2021

    On dit que passées les 8 premières minutes après l’envoi d’un texto, la probabilité qu’on nous réponde jamais chute de 37 %. Plus d’une heure après, c’est presque 3 chances sur 4 qu’on ne nous réponde plus du tout. Qu’en est-il des emails ? Qu’en est-il des messages privés embarqués dans les réseaux sociaux ? Qu’en est-il des courriers que l’on ne reçoit plus ? Là, je reçois une notification m’informant qu’un colis a été pris en charge par UPS dans un autre pays européen ce jour, qu’il me sera livré mercredi matin. Il est donc physiquement dans un entrepôt logistique du géant américain ce soir et passera la nuit là-bas. Demain très tôt sera chargé dans un avion cargo à destination d’un hub français, vraisemblablement celui d’Evry-Corbeil-Essonnes, près de 30km2 d’entrepôts pas très loin finalement de là où nous vivions quand nous avions un appartement avec vue sur les marais à Y. Puis, de là, un camion jusqu’à notre petite ville de P. ? Non. Le plus direct serait qu’il ne passe pas par Evry 1, qu’il soit rerouté vers un autre avion qui fera Orly — Saint-Jacques-de-la-lande 2, lequel atterrit donc chaque soir vers 23 h 30 dixit notre voisin du 18, et que pour la première fois ce soir j’entendrai (l’avion cargo, pas notre voisin du 18). De quoi pouvoir être mis en chargement le lendemain matin et livré mercredi. Je n’avais pas conscience de tout ça en cliquant sur la validation de ma commande, samedi. Ou alors si, j’en avais conscience tout en, cette conscience, ne l’ayant pas. Un clic pour une centaine d’euros de commande, un écran, deux avions, et un produit livré avant même que je réalise que je n’en ai peut-être pas réellement besoin. Je pourrais alors le retourner, comme le veut la loi française sur les achats en ligne, sous quatorze jours. Rebelotte deux avions ? J’ignore ce que la Poste fait de ses colis étrangers, il n’est pas improbable qu’il parte par le train (le train alimenté par le nucléaire inoculé en nous par VGE et les sbires de ce sbire des marchés), mais cela doit dépendre des pays, bien sûr. Bien sûr, tout est faux dans ce que j’ai écrit. Faux, dans le sens d’imaginé, et d’encore non advenu (ce qui ne veut pas dire que ce ne soit pas, à un certain point, vraisemblable). Je ne suis pas assez connaisseur des process d’UPS pour savoir de source sûre que mon colis sera livré de cette façon. Il est probable en revanche qu’UPS ne livre qu’à un certain point de proximité géographique (plutôt Saint-Jacques-de-la-Lande qu’Evry-Corbeil-Essonnes) et sous-traite la dernière étape à un livreur local et/ou indépendant 3. Y a-t-il de l’ubérisation chez les livreurs du dernier kilomètre, comme on dit ? La question est plutôt : y a-t-il autre chose que de l’ubérisation pour cette partie du parcours, qui est aussi la plus coûteuse de la chaîne de livraison (20 % du coût transport à ce qui se dit). Mais ce n’est pas tout ce qui est faux. Mes statistiques sur les pourcentages d’ouverture de texto du début de ce journal sont, elles, inventées. J’allais faire une recherche assidue pour trouver une étude capable de m’en fournir quelques données représentatives, de quoi les citer dans ce journal, et puis j’en suis venu à me dire : même à supposer que ces études existent, puis-je pour autant me fier à leurs résultats et les considérer comme vraies tout simplement car je les aurais vues écrites quelque part ? Non bien sûr. Les études sont d’autres fictions. Il y a des panels et il y a des échantillons. Qu’est-ce qui est vrai dans ce cas ? La loi est vraie. Par exemple, nul ne peut avoir la qualité d’expert en automobile s’il a fait l’objet d’une condamnation pour vol, escroquerie, recel, abus de confiance, agressions sexuelles, soustraction commise par un dépositaire de l’autorité publique, faux témoignage, corruption ou trafic d’influence, faux ou pour un délit puni des peines du vol, de l’escroquerie ou de l’abus de confiance. Et puis au fond on se fiche pas mal du moment au cours duquel un message sera répondu. Tout ce qu’on souhaite, c’est que la personne fasse ce qu’on lui demande (si on lui demande quelque chose) ou fasse acte de présence auprès de nous, bien que distante (par exemple pour nous confirmer qu’elle est bien toujours en vie quelque part). Un genre de ping, en somme. Une communication du rebond et de l’écho et non des mots eux-mêmes, ni du sens qu’ils sont censés, justement, porter.

  • 050121

    5 février 2021

    J’ai changé d’application pour prédire les aléas de la pression atmosphérique le jour où j’ai compris que la précédente, pourtant géolocalisée au mètre près et déversant son lot de données personnelles à des tiers si j’en crois les rapports d’Exodus, ne proposait qu’un set de données par pays. Qu’on vive à Brest ou à Marseille, les courbes étaient donc identiques. Dans la nouvelle application, qui est étonnamment et incompréhensiblement complète, un message s’affiche ce matin m’apprennant l’arrivée prochaine, mercredi vers 4 ou 5 heures du matin, d’une faible tempête géomagnétique ; que faire de ça ? Nous n’y sommes pas encore. L’indice pas de tempête géomagnétique, également appelé K-index étant sur 2 (j’ignore ce que cela recouvre). Je sais en revanche qu’aujourd’hui 16 h, la couverture nuageuse sera de 98 %. Et voilà. Je sais infiniment plus de choses sur la vie atmosphérique de mon patelin aujourd’hui que je ne le savais il y a encore quinze jours et, sachant tout cela, bien sûr, je ne sais rien. Entre-temps, ces données n’auront pas été inutiles pour autant. Mais si elles sont quoi que ce soit, j’en ignore et la nature et l’impact sur ma vie. Cela devrait au fond peser sur moi, voire me désespérer, mais c’est le contraire : rassurant de se dire qu’il n’y a pas plus de sens à chercher dans ces relevés matudinaux qu’il n’y en a à vivre sa vie. Par exemple : quand, avant de voir un animé sur un site pirate quelque part 4, le site me demande, via un captcha, de confirmer que je ne suis pas un robot, je me dis spontanément : mais pourquoi les robots voudraient-ils regarder des animés ? Par exemple : l’article R.3 du code de la route dit : Les animaux de trait, de charge ou de selle et les bestiaux isolés ou en troupeaux doivent avoir un conducteur. Mais que se passe-t-il si les bestiaux sont sans conducteur ? On verbalise les bestiaux ? Par exemple : la lumière est lente à monter le matin (prendre le pas sur la nuit résiduelle), mais je ne sais pas si elle est plus lente qu’à Paris (nous sommes de fait plus à l’ouest ; sauf qu’à Paris je ne voyais jamais rien de la lumière elle-même, simplement un jeu de réflection et raréfaction d’elle entre la surface des buildings, le tout zébré d’éclairage artificiel et de flash dans des vitres qu’on ouvre puis referme et d’ailleurs pour quoi faire ?). Et puis, dans cette ambiance étrange (nuit dehors bleue, faible éclat d’une lampe de bureau répartie inégalement dans le bureau à travers les peintures et tapisseries orange, non, Roussillon), le t-shirt que je porte ce matin apparaît ocre ou jaune. Je sais pourtant pour le posséder depuis quelque temps qu’il est vert-gris. De fait, quand je me tourne, la lueur de la lampe le rend à ses verts, et il ne me sera plus possible de le voir autrement que comme ça, même une fois remis dans la position initiale, dos à l’ampoule, et qui la première fois me l’avait fait voir ocre ou jaune. Même chose lorsque je regarde par la fenêtre : le très beau chêne qu’il y a au centre du jardin des voisins, hier encore couvert de feuilles d’automne, est désormais totalement dévoué à l’hiver. Branches sans feuilles, fil de fer, écorce sombre. Là je me dis : je n’ai pas réalisé quand les feuilles sont tombées. Ça veut dire quoi ? Que je n’ai pas attrapé l’instant de leur chute (mais qui le ferait ?) ou que le regardant ces derniers jours, ne voyant pas ce que je vois aujourd’hui, j’étais passé à travers lui ? Peut-être que tout est tombé dans la nuit mais je ne crois pas à ça. Je ne crois rien en définitive. Je veux dire : comment croire ?

  • 090121

    9 février 2021

    Jacques Chirac, Jean-Paul II et Yoda ont raison : il ne faut pas avoir peur. Mais si on a peur quand même ? Comment n’avoir plus peur quand la peur vient d’elle-même ? Si on écoute les chantres de la pleine conscience, il faut respirer. Mais ne fait-on pas ça systématiquement (au sens propre), respirer ? Quand on a conscience qu’on respire, on a peur de respirer. D’irrespirer. Ou de respirer de travers. Voire même à l’envers. Je ne suis pas sûr qu’il faille écouter les chantres. Faut-il écouter Viktor Frankl ? Faut-il quoi que ce soit ? Car enfin le monde est anxiogène, particulièrement ici, maintenant. Et même pour de menus gestes quotidiens, l’angoisse : quand j’ouvre mon application météo du matin, pour annoncer un grand soleil et un temps idyllique (malgré la température), l’écran montre une boule de feu incandescente énorme qu’une montgolfière approche dangereusement. Est-ce pour nous sensibiliser aux dangers du réchauffement climatique ? Ou encore, il n’y a rien qui ne me fasse plus peur au monde que de conduire une voiture, si ce n’est peut-être me jeter dans le barrage (sauf que dans le barrage, à supposer que j’en trouve un pour y sauter et que j’y saute, je ne tue que moi). Pourquoi alors aller dans cette direction 5 (la conduite, pas le barrage) ? Quand j’en ai discuté avec D. cet été, sans masque, et notamment sur la question de toutes ces choses dont il faut avoir conscience, là encore, au volant d’une voiture, il m’a dit en substance : mais quand tu es en train de conduire, tu n’as pas conscience de tout ce que tu fais pour conduire. N’est-ce pas encore pire ? Dans le sens de : encore plus sujet à mener à la catastrophe ? Équation insoluble : avoir conscience de la peur, c’est la faire prospérer / n’en avoir pas conscience l’alimente autant. Dans le rêve, la question était vite résolue : l’accident venait car nous roulions à gauche. Il suffit donc pour museler sa peur de respecter la loi qui veut qu’en France on roule à droite. La loi pour lever tout ou partie de nos peurs ? Pas sûr : la loi est perçue comme un discours dominant. Quand on est dominé, quel que soit le sens qu’on prête par ailleurs à ce mot, on n’est pas forcément toujours enclin à se plier au discours dominant. Dans le monde parallèle du BDSM, la personne dominée a en réalité tout contrôle sur la situation : ce sont ses désirs à elle qui sont au centre de l’attention, c’est elle qui fixe les limites à ne pas dépasser, c’est sa souffrance (et son plaisir) qui dicte le tempo. Ocean Vuong : submission, I soon learned, was also a kind of power. Mais dans la vie ? Dans un monde de bouillonnement pandémique, il est tout aussi absurde de refuser de mettre un masque avec autrui dans que de refuser de rouler à droite, pourtant avec D. ce jour-là nous avons précisément retiré nos masques au moment où nous sommes entrés dans l’habitacle du véhicule (et je serai bien en peine de comprendre pourquoi car c’était précisément la chose à ne pas faire : le masque, on le portait au-dehors). Nous n’avons pas roulé à gauche, et nous ne sommes morts de rien, n’ayant pas contracté quoi que ce soit. Ça ne veut pas dire pour autant que le discours dominant n’était pas adapté à la situation. Et ça ne veut pas dire non plus que les sceptiques des masques et des vaccins soient nécessairement des trumpistes 6 qui souhaitent la mort de leurs prochains. Ce que ça veut dire ? Peut-être qu’il y a des voix qui défaillent. Peut-être qu’en cours de route ces voix de la domination et de l’autorité ont oublié, ou feint d’oublier, que l’un des enjeux majeurs dans les rapports de pouvoir à l’œuvre dans nos mondes et dans nos pensées consistent à cultiver une forme d’équilibre. L’un de ces points d’équilibre, c’est que les dominants ont pour responsabilité de prendre soin des dominés, comme sur la route les véhicules les plus imposants doivent faire attention aux plus fragiles. Ce sont eux qui, s’appropriant leurs peurs, connaissant leurs limites, savent dicter la cadence.

  • 140121

    14 février 2021

    Je n’invente rien. Pourquoi les accidents arrivent-ils ? Réponse : Les accidents arrivent pour des raisons différentes. Bien. Une pandémie, c’est un accident ? Faire cuire du sarrasin dans un rice cooker (ne le faites pas) jusqu’à ce que ça prenne la forme d’un genre de gruau infâme, c’est un accident ? Ouvrir et dépiauter une Dymo pour y dégager un genre de bourrage papier autocollant du troisième millénaire pour finalement faire plus de mal que de bien dans le nouveau monde des timbres à imprimer soi-même, c’est un accident à quel degré exactement ? Cette déclaration marketée du nouveau CEO du Groupe Renault sur les réseaux sociaux, c’est un accident ? Renaulution : that’s the name we’ve chosen for our new strategic plan, which can be summed up in one simple sentence : moving our focus from volume to value. Un inceste, à quel point exactement est-ce un accident (un dérapage, une pulsion, etc., selon les mots qu’on use sur les plateaux pour contextualiser) ? Le problème avec les monstres tels qu’on nous les décrits dans des médias mainstream, qui ressemblent plus à des fictions bas de gamme qu’à des organes (de presse) de référence, c’est que soit les gens aiment les regarder, soi eux-mêmes aiment qu’on les regarde. Et alors patatra, c’est à la fois l’omerta et tout le monde savait. Un grand écart journalistique, et au milieu de tout ça un livre de littérature dans une collection de littérature mais qui n’est pas de la littérature ? Mais enfin c’est bien loin d’être la première fois. Et ça n’est pas un accident, c’est un choix délibéré de celles et ceux qui jettent la littérature avec l’eau du bain, comme l’engouement médiatique pour ces livres et ces affaires ne sont pas non plus un accident mais l’exploitation d’un nouveau segment de marché : le business des affres sexuels chez les gens connus. Ça ne veut pas dire bien sûr qu’il n’y ait pas de victimes dans l’affaire mais enfin ou n’a rien sans rien. Ou alors si justement, c’est ce qu’on a. Rien, malgré une accumulation de choses. Le livre. La presse se jetant sur le livre, lequel a été imprimé dans le plus grand secret pour que l’effet de surprise joue à plein. Les papiers exclusifs des uns et des autres, l’entretien exclusif de l’auteure ou d’Untel Unetelle qui sans doute savait tout en ne parlant pas, l’édition exclusive d’une célèbre émission de télévision du service publique censée être dédiée à la littérature (mais nous ne sommes pas dupes), les réactions à chaud des uns et des autres sur des plateaux télé comme autant d’experts de sports plus ou moins confidentiels pendant les JO télévisés, dont on se demande bien ce qu’ils viennent faire ici, qui les a invités où et pourquoi. Tout sauf des accidents, le traitement de l’actualité glauque comme matière à faire du commerce avec les peines et les souffrances des autres. D’ailleurs Combien un accident coûte-t-il à la société ? Réponse (je souligne) :

    1,2 million d’euros, c’est le coût en 2007 d’un tué sur la route, selon l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR).

    Pour obtenir cette estimation, on a pris en compte les coûts médicaux et sociaux (premiers secours, convalescence, etc), les coûts matériels (dommages des véhicules, etc.), les frais généraux (frais d’expertise, de justice, etc.) mais aussi la perte de production future des tués, et la perte de production potentielle de la descendance potentielle des accidentés sont prises en compte, tout comme les préjudices moraux.

    Vraiment, je n’invente rien. Et c’est peut-être ça le pire, dans l’histoire. Tout est toujours tellement vrai.

  • 090221

    12 mars 2021

    Préscience : la neige est devinée déjà depuis des jours. Annoncée. On attend donc la neige (ou bien on la redoute, selon ou non qu’on ait à y conduire 7 dessus) depuis jeudi ou vendredi de la semaine dernière. Cela crée une tension narrative de la neige en dehors et en nous. Va-t-elle venir ? Et si oui quand ? Dans quelles proportions ? Je regarde le ciel beaucoup plus que d’ordinaire (le ciel est un dû, bien vite on ne le remarque plus alors même que dans notre petit appartement de la rue T., il fallait nous contorsionner pour le voir, et alors ce n’était pas un dû mais un luxe). J’attends que quelque chose tombe de lui sous une forme qui est, tout en n’étant pas, acqueuse, duvetée. Doulce neige, avant qu’elle ne soit vue. Intouchée encore. Absente. Comme la neige n’est pas venue, ou alors tard après le noir de la nuit, ou alors sous une forme autre, informe, neige fondue n’adhérant pas, grésil mouillé sans attraction du sol, des branches, du réel, j’ai effacé une grande partie de ce que j’avais écrit. À la place, donc, cela : le contexte de son effacement, ainsi que la phrase à venir. En ce moment, tout le monde me parle
    de Cancale
    (tout le monde, c’est-à-dire
    deux personnes).

  • 150221

    18 mars 2021

    On croirait qu’un genre de moteur interne à l’application de révision du code a pour fonction d’adapter la difficulté (ou la retorsité ?) des questions à ma propre progression dans la session. Si je fais beaucoup d’erreurs au début, la machine va me sortir une majorité de questions simples ensuite, ou le contraire, si je fais un sans faute au début, j’aurai droit ensuite à des questions complexes. De sorte que quoi qu’il arrive, je m’en sors toujours avec le même genre de nombre d’erreurs sur la série : trop pour réussir virtuellement quoi que ce soit mais pas assez pour me décourager. Dans d’autres situations, j’arrive tout simplement à un genre d’angle mort quantique des situations inextricables. Le tout en écoutant Le Stanze de Ingar Zach (merci qui), qui ressemble au début à une sorte d’OST de Ghost in the Shell mais en plus délicat. Par exemple, cette question me demande si je dois m’engager ou non dans ce tunnel. A priori, c’est assez simple : on voit sur la photo que de la fumée s’en dégage. Sauf que sur la photo, la voiture est déjà engagée dans le tunnel. Je n’ai pas le droit de faire demi-tour. Mais le tunnel est en feu. Mais je suis déjà engagé en lui. Mais on me demande si je dois m’y engager. Quelle que soit ma réaction ici : tout est faux. Ou plutôt : rien ne peut être vrai. Je pense que dans le monde réel, dans une situation de ce genre, le panneau indiquant la question et les deux choix possibles pour y répondre (oui, non) apparaissent effectivement en surimpression de la scène et alors, d’un côté ou de l’autre du pare-brise, déboule Rod Sterling, le présentateur de la Quatrième dimension, et accessoirement guest star occasionnelle des romans de Rodrigo Fresán, qui vient nous mettre face à ce dilemme : quoi qu’on fasse, on a tort. Ce qui est finalement une bien belle façon de préparer la jeunesse à entrer dans la vie, si vous voulez mon avis, car au moins c’est honnête.

  • 010321

    1er avril 2021

    Mars. Photos vivantes de nos morts sur les ondes. Les visages bougent, on les voit remuer, respirer même. Les reléguant au rang de curiosité zoologiques. Petits mouvements de tête (puisqu’ils n’ont que leur tête), comme des perruches, des perroquets. Mais figés néanmoins dans un monde sans langage. Bougeant, bouclant, ne parlant pas ni ne pensant. Chemins de la philosophie : passé de la guerre de Troie au Troisième Reich en très peu de temps. Tontes contagieuses des pelouses, camping-car débaché rutilant : retour des beaux jours à en croire le quartier. Sur le trottoir marchent très concentrées des adolescentes pendues au téléphone portable. La vie est prise très au sérieux. Ce panneau indique : A) Un danger ou B) Un service ? Ni l’un ni l’autre. Ce panneau indique une vache. J’écris sur des post-its, les post-its je les colle, dans des carnets je les colle. Que fais-je ensuite des carnets ? Et qu’est-ce qui m’a mis dans la tête que Tetro était une histoire de lycanthropie ?

  • 050321

    5 avril 2021

    Retour à la Flammazine. Tendances et innovations sur le marché des eaux en bouteille. La première personne que j’ai suivie sur Twitter il y a douze ans, c’est Pierre Ménard. Je n’aurai pas assez de vie pour lire tout ce que j’aimerais lire, tout ce qu’il me faudrait lire : c’est une joie et c’est une souffrance. Mollo sur l’italique, boy. J’ai épuisé mon budget mensuel de livres en cinq jours. Verdict : deux nouveautés pour quatre vieilleries (les nouveautés que je cherche ne sont pas plus en rayon que les vieilleries, et alors soit le problème vient de moi, soit pas). Drake en tendance dans la péninsule arabo-persique. Chaque fois qu’un journaliste littéraire use de la formule le meilleur ou l’un des meilleurs livres de..., il faudrait lui couper un doigt. Au bout d’un moment, il ne lui en resterait plus assez pour tourner aucune page, et le problème serait réglé. On avait dit plus d’italiques ! Poulpir dort contre sa gamelle d’eau : à son échelle, c’est balnéaire. J’ai oublié de sortir la poubelle. Les températures radoucissent. On peut très facilement en lisant vite prendre le mot porn pour poem. Et vice versa. Un crapaud vit sous la dalle qui mène au compteur d’eau et c’est bien. Le rêve : commencer tous ses mails par la phrase Si vous ne recevez pas ce message, merci de me le faire savoir. Il faudrait pouvoir déposer des hétéronymes comme on dépose des noms de domaine. Florilège : Sic Sangokou, Achille O’Neil, Zidan Eden-Hermann, Cloé Cinquante-Sept, Cime 6 Tea, Avalanche Nein, Ruban Le Lurron, Nô Mayonnaise, Albatros Bique, Bisbille De Boer, Horace Osefo, Altavista Baby ou (et je crois que c’est mon préféré) Canis Lupus 8. Etc. La plupart de mes (je n’ai pas dit bonnes) idées d’écriture me viennent précisément les rares moments où je n’ai rien pour les noter : minutes précédant l’endormissement, celles suivant l’éveil, douche... J’imagine qu’il en va de même pour la conduite, mais pour l’heure je ne conduis que fictivement entre des séries de quarante questions traitres dont je ne vois pas le bout.

  • e-call

    4 décembre 2021

    Gilles est représentant de commerce, mais de nos jours on dit rep’s ou repré. Il n’aime pas commercial. Il aime son véhicule. Son véhicule, c’est sa vie. Il y passe une bonne partie de ses journées. Il doit être spacieux et confortable. Son véhicule. Il faut qu’il s’y sente bien. Quelque part, sa productivité en dépend. On le sait en haut lieu, on le chouchoute. C’est l’entreprise qui gère le parc de véhicules commerciaux (ou, plutôt, c’est l’entreprise qui sous-traite à une autre entreprise la gestion du parc de véhicules commerciaux). L’actuel est très bien, pense Gilles. Véhicule. Gilles pense : s’il n’y avait pas ce petit problème, ce serait juste parfait. Ce n’est pas un problème. De fait, Gilles aime ce problème. C’est pour ça qu’il n’en dit rien à qui que ce soit, à commencer par son chef des ventes, qui n’aurait qu’un coup de fil à passer pour que ce véhicule soit récupéré par l’enseigne qui la leur loue et changé par un autre, ou réparé. Mais plus vraisemblablement changé par un autre. C’est comme ça de nos jours. Ce problème relève plutôt de la bizarrerie d’utilisation, un glitch comme on dirait si on était jeune (Gilles ne l’est pas, Gilles dit une couille comme dans l’expression y a pas une couille, là ?, de fait si). Ce n’est pas particulièrement pesant, ce glitch. C’est une histoire de sensibilité des capteurs, pense Gilles, qui n’y connaît rien aux capteurs mais enfin il se dit quand ladite couille survient : c’est les capteurs. Ça paraît plausible. Pourquoi mettent-ils ces petits picots partout aussi, sur l’autoroute notamment, sur la ligne de rive notamment (car Gilles sait que ces lignes s’appellent des lignes de rive : celle visant à séparer la voie de droite de la bande d’arrêt d’urgence) ? C’est une fause question. Gille le sait, pourquoi : pour éviter qu’on ne s’endorme au volant à cause de la monotonie à grande vitesse. Ça lui est arrivé une ou deux fois, pas plus, sans dommage. Alors bon. Mais qui sait ce qu’il lui serait arrivé si les lignes de rive ne l’avaient pas sorti de sa torpeur, nonobstant le déclanchement du phénomène ? Voilà de quoi il s’agit : son véhicule est équipé du dispositif e-call. En cas d’accident, c’est la voiture elle-même qui appelle le secours. Dans la sienne, l’e-call est sensible. Trop. Se déclenche à des moments inopportuns : par exemple lors du franchissement momentané d’une ligne de rive et le survol des petits picots qui génèrent les vibrations dans le volant. Que faire de ça ? Gilles entend des voix dans l’habitacle du véhicule et comme il est poli, et qu’il s’ennuie de longues heures durant à rouler contre le vent, il leur parle. Prend de leurs nouvelles. S’enquiert des petits tourments de chacun. Ça ne dure pas longtemps. Il faut pouvoir utiliser ces lignes pour des urgences. Alors la conversation se termine vite. Mais tout de même. De temps à autre c’est bienvenu, un instant d’échange avec quelqu’un. Un peu d’humanité. Là, soudain, il en vient à raconter ce qu’il a vécu le week-end passé. Gilles est marié et il marche avec sa compagne dans les rues d’une ville. Nous les appellerons le couple A. Là, ils croisent un autre couple B de leur connaissance et commencent à faire la conversation. Quand soudain, l’homme du couple B les coupe en montrant du doigt deux personnes au bout de la rue. Un couple C disparaît dans une ruelle ou une allée et l’autre dit : ce n’est pas vous deux, là-bas ? Il y a un blanc. On croit qu’il plaisante, mais il ne plaisante pas. Il est même très sérieux. Du moins son visage l’est. Et l’autre, sa moitié comme il dit, le regarde un peu mal à l’aise, sentant que quelque chose se passe. De fait, il ne se passe rien. Le blanc s’éternise un peu, Gilles finit par regarder à son tour le couple C dans la direction qu’on lui montre s’éloigner, trop loin pour être reconnu par lui, et trop de dos pour ça. Et quoi, se dit Gilles ? Que faire de ça ? Qu’en penser ? Bien sûr que ce ne pouvait pas être eux, puisqu’ils étaient là en présence de leurs amis. Mais pour une raison qui lui échappe une force supérieure lui impose de ne pas le dire et, mais alors c’est encore plus insidieux, de ne pas sonder son épouse sur la question, et même de ne pas croiser son regard. De quoi a-t-il peur ? Qu’elle ne soit plus elle-même, prouvant par là que la femme aperçue dans la ruelle, elle, l’était ? Ou, pire, le même constat mais appliqué à lui ? On ne sait pas. Mais ils repartent tous deux en silence et reprennent leur déambulation dans la ville sans plus s’adresser la parole, comme si c’était à vif. Quoi ? À cette question, l’opérateur de l’e-call ne saura pas répondre. Là encore, il y aura un blanc, et l’asphalte est aspiré sous le capot de la voiture pour être recraché dans le rétroviseur, derrière, indemne.

  • 190522

    19 juin 2022

    De l’orage, quatre degrés en moins. Le pire, c’est le goût synthétique des fraises (yaourts à ça, fraises tagada). La seule chose qui importe, quelle que soit l’activité, c’est la progression, même difficilement appréciable objectivement. Ma commande d’un livre d’occasion à 90 centimes, vendu 95F à sa sortie en 1996, (plus 4€ de frais de port) me vaut 5 points Rakuten. Tous les travers soulevés actuellement par les polémiques identitaires (own voice, parité absolue dans les catalogues de publication) peuvent trouver un semblant de solution dans l’anonymat de ses autrices et auteurs, et donc l’interdiction de les entendre, ou de les voir, par exemple en interview (c’est ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups). Si on longe les champs contigus à l’ancienne mine, puis qu’on continue un peu sur de la route en dur jusqu’à une maison refaite, on arrive à un carrefour qui est juste après la limite disons cadastrale du bourg : à gauche, on retourne dans P., à travers un énième lotissement en construction le long d’un chemin qui mène au bois d’Esnault, puis qui rejoint ensuite une ferme, puis une butte un peu rocheuse (c’est par là que je suis allé courir hier), mais si on en revient au carrefour, à droite la route qui est une départementale se poursuit et j’ignore où elle va, alors qu’on approche doucement les deux ans à vivre ici. Neuf fautes aux blancs du code. Je croyais mon stylet du Max à la mine aplatie défectueux mais en fait, c’est du commerce : cinq mines neuves de la marque valent 22 €. Les mouches veulent se poser sur l’écran chaud des ordinateurs, même quand il fait déjà chaud ; de même la poussière. Le parmesan Grana Padano de marque U a reçu (c’est écrit sur le paquet) l’autorisation du Consortium Grana Padano (qu’on imagine tel consortium). Guerre et paix : Pierre (...) avait compris que la richesse, le pouvoir, tout ce que les hommes chérissent d’ordinaire, n’a réellement de valeur qu’en raison de la satisfaction qu’on ressent à s’en débarrasser.

  • 200522

    20 juin 2022

    Le chou rouge rend le riz blanc bien mauve, lequel est par-dessus bronzé par la sauce soja, ajauni par les graines de sésame, engouffré dans une succession d’organes digestifs qui ne voient jamais la lumière du jour, et par conséquent abolissent la notion même de couleur. La bonne réponse à apporter à cette question de code était : je mets le cycliste en danger. Ai-je déjà vu Rashōmon 9 ? Hier, j’ai dû attendre les trente dernières secondes d’un film pour réaliser que je l’avais déjà vu. Entre, aucun souvenir. Ce n’était pas un mauvais film, mais ce n’était pas un bon film non plus. Comme la plupart des films finalement. Généralement, le fpain n’est pas bon. Passez-le au grille-pain et il sera meilleur. Je n’ai pas de grille-pain. Faites le revenir dans un filet d’huile d’olive au basilic et il sera meilleur. De fait oui. Bon à savoir : les raccourcis d’url IFTTT sont périssables, et un post (robotisé) de novembre 2021 n’est déjà plus que de la neige sur le réseau : le lien ne mène nulle part. Le pape a-t-il le droit d’être bouddhiste ? C’est une vraie question. Google Street View : les passants bien que floutés portent maintenant des masques chirurgicaux. Dans cette rue, il y a de la neige, c’est l’hiver. Tourne à droite, et tu as reculé de six mois, te voilà en juillet, les passants sont en shorts. Abandon de Bardet sur le Giro alors qu’il rivalisait dimanche avec Carapaz sur les pentes du Blockhaus. Sur le site de la Préfecture du Bas-Rhin on peut lire, sur la page horaires et coordonnées la mention avant toute démarche administrative vérifiez les horaires d’ouverture de la préfecture mais pas lesdits horaires. Je n’ai pas besoin de ces horaires. Je cherchais autre chose. Le problème, ce n’est pas que mon vélo prenne la poussière : c’est qu’il prend les toiles d’araignée.

  • 220522

    22 juin 2022

    Cette voiture est immobilisée dans le fossé. A) Je m’arrête. B) Je continue ma route, je vais où le vent me mène, je m’abandonne dans la contemplation du monde en perdition, j’attends la dilution des heures dans la noirceur de la nuit proche, je remets en question mes choix de vie et je me sens coupable de la moindre de mes actions, comme par exemple d’avoir laissé gésir cet automobiliste dans son fossé. Dans Gundam Stardust Memory, l’un des personnages secondaires s’appelle Lucette Audevie. Hee-Chan Hwang, qui joue lui à Wolverhampton, est très chirurgical devant le but. Quel est mon Seelenzustand pendant que je cours une demi-heure, sensiblement sur le même segment que vendredi ? Je suis perplexe : la recette disait de verser dans un grand verre la moitié de son volume en eau, et l’autre moitié en vinaigre balsamique. J’ai d’abord versé l’eau, me disant l’eau va ensuite monter avec l’ajout du vinaigre, mais pas du tout. À cause d’une illusion d’optique qui fait plonger le sombre dans le clair et non superposer les couches, comme on s’attend bien naïvement à ce qu’il arrive, on a pendant de longues secondes la sensation que le volume ne varie pas, bien que le liquide verse.

  • 300522

    30 juin 2022

    Moins de cinq heures après m’avoir semblé reconnaître, dans l’une des photos des blancs du code, à tort ou à raison d’ailleurs, une rue connue de Bruz, me voilà à l’emprunter pour rejoindre la gendarmerie de là. J’y dépose le récépissé de demande de procuration faite en ligne la semaine dernière et je ressors. Rien de ce qui a été écrit dans ces phrases n’est faux, pour autant rien n’était advenu lorsque je l’ai rédigé pour le journal, de sorte que le journal est aujourd’hui d’anticipation plutôt que rétrospectif. Ce que je ne peux prévoir : l’épicerie bio sur le chemin du retour qui vend du maté et de la gomme de guar, d’énormes vaches dotées d’énormes mamelles paissant, le chaud soudain qui succède à l’air froid en remontant vers P. Et bien sûr tout ce que je n’ai pas dit.

  • 060622

    6 juillet 2022

    J’hésite sur le mot vétille. Est-ce la même chose que broutille, ou bien y a-t-il nuance ? Jérôme Orsoni : Le monde est plein. Aussi le vide nous obsède-t-il. James Baldwin 10 : the world shrinks around us. Ces deux phrases ne sont pas incompatibles. J’use et abuse d’un chronomètre en permanence. Souvent les questions des tests du code concernent les pratiques responsables en matière d’écologie et de lutte contre le réchauffement climatique, mais jamais ne figure parmi les réponses celle qui semble la plus responsable de toutes en la matière : ne pas passer son permis de conduire, ne pas conduire une voiture, et même cesser toute affaire cessante la consommation en ligne de ces tests en streaming, qui consomment de la bande et donc de l’énergie, et se déconnecter à jamais du réseau.

  • 300622

    30 juillet 2022

    L’un de mes folders s’appelle foreign. Il arrive que je m’en serve. L’auto-école que je contacte dans l’optique d’y passer mon permis de conduire me répond que pour ce faire elle a besoin d’une copie recto-verso de mon permis de conduire. Quand soudain : je pars d’un pas résolu jusqu’à la cuisine pour peser mon wok. Il ne pèse pas 1,4 kg comme je l’avais estimé à la louche mais pas loin de deux fois moins. Satisfait de cette pesée je remonte, et je m’empresse d’écrire cette phrase debout et non assis (détail qui n’aura pas son importance).

  • 070722

    7 août 2022

    C’est le sept. C’est même le sept sept. Soit le jour de l’Urssaf pour le deuxième trimestre. Le site bugue chaque fois que tu entres un auteur résident fiscal à l’étranger, alors il faut se déconnecter pour se reconnecter. Quid d’un auteur à qui l’on paye ses droits par chèque durant le deuxième trimestre mais qui ne l’a pas encore encaissé ? À en croire les petites mains de l’Urssaf Limousin, il faudra déclarer sur le mois d’encaissement du chèque et non d’émission et on dirait l’une de ces questions de code que du reste on ne me pose pas : si en tant que piéton comme l’autre jour je suis dépassé sur une route par une voiture exactement à l’endroit du panneau indiquant l’entrée dans ma localité, le conducteur doit-il me laisser 1m, comme pour un dépassement en agglomération, ou 1m50 comme pour un dépassement hors ? Roubaud 11 : À la mémoire tout est présent, tout est distant : c’est l’axiome d’entrelacement. Et Gideon the Ninth : "Youre an occultist", said Palamedes. "You’re a liminal magician. I thought you were an animaphiliac."

  • 110822

    11 septembre 2022

    Quoi que tu fasses, fais-le sérieusement. 9 h et déjà il fait trop. Chaud. Ces drôles de mots officiels dont personne n’use au quotidien, comme ligne de dissuasion, ligne de rive, voie de stockage, qu’en faire sinon les écrire dans un cahier non pas prévus à cet effet mais dénué de toute utilité, offert il y a longtemps et ressorti pour l’occasion ? Mishima : La seule force capable de contrarier l’élan capricieux de son cœur était son propre corps. Christophe Galtier : Le club ne prendra pas pour prendre et empiler un joueur. Il faut que ce soit une vraie valeur ajoutée. Le même jour : le PSG vise Marcus Rashford.

  • 130822

    13 septembre 2022

    La mia vita violenta < La Vita Nova 12. En regardant la captation d’un live de Blonde Redhead, je réalise que les musiciens sont des quadragénaires grisonnants, et que la vidéo en question a déjà plus de dix ans. Est-ce que tout ce qui dans le monde pesait sur nous ou nos était hostile ne disparaissait pas et ne se surmontait pas dès qu’on avait vaincu le temps, dès que par la pensée on pouvait faire abstraction du temps ? 13 Puis, un peu plus loin, cette étrange tournure de phrase au moment d’écouter attentivement le fleuve, du moins dans la traduction française : Ils se mirent aux écoutes. Autre forme de sagesse : Deux véhicules qui tournent à gauche doivent se croiser par la droite. Toutefois, dans certaines intersections aménagées, appelées "carrefours à l’indonésienne", les véhicules qui tournent à gauche se croisent par la gauche.

  • 150822

    15 septembre 2022

    Comme tous les mois quasiment on reçoit de la comptabilité Hachette trois factures différentes, à un jour d’intervalle, dans trois enveloppes différentes. Ça m’est égal les finances des grands groupes mais il y a sans doute matière à costkiller tout ça. Au fond, je crois que si je m’obstine à lire de la littérature contemporaine, c’est que j’espère toujours pouvoir y découvrir une écriture future, et non présente. C’est si rare quand ça arrive. Important : les pneus à crampons peuvent être utilisés du samedi précédant le 11 novembre au dernier dimanche du mois de mars. Mais je ne mets plus la main sur mon téléphone. Une araignée s’est infiltrée dans ma poche. Ma tablette s’allume toute seule. Je dessine des voyants de feux anti-brouillard, de route ou de croisement. J’efface ce jour ce que j’ai écrit la veille. Je fais feu de tout bois. Dante 14 : Amour n’existe pas en soi comme substance mais comme accident dans la substance. Il faudrait pouvoir récupérer un flux des livres parus du jour qui enverrait automatiquement les extraits de chaque parution figurant dans la plupart des sites de ventes en ligne. On pourrait ainsi lire un fragment (généralement les premières pages) de tout ce qui sort, expurgé de tout le bullshit éditorial et journalistique et se faire une idée à l’instant t de ce qui paraît. Savoir quel pourcentage de textes ainsi lus donnerait lieu à un réel désir d’en savoir plus ? Liste des mots que je momentanément perds : laborieux, représailles. Pour le retrouver celui-là je me dis : quel disent le plus les journalistes lorsqu’ils rendent compte du conflit israélo-palestinien ? À défaut de pouvoir expérimenter mon flux de nouveautés de lecture, je le teste en musique en lançant une lecture aléatoire d’une playlist d’albums parus en 2022 mais c’est un échec. Et d’une car la playlist a déjà opéré une sélection, sur des bases que j’ignore. Ensuite parce que ce qui en ressort ne me sert aucunement la musique du futur mais la musique du passé ; 90% des trucs que j’écoute semble directement issus d’un film grand public ou d’une série télé pour servir d’accompagnement aux images. Je ne suis pas loin de croire qu’il en va exactement de même des livres.

  • 160822

    16 septembre 2022

    Il faudrait que je puisse redevenir une page blanche, ne serait-ce que l’espace (ou plutôt le temps) d’une journée. 23°, orages. 8 h 17 il fait si sombre que l’éclairage synthétique est requis. Pendant des années on n’a parlé que de lentilles et de haricots, là c’est l’heure du pois chiche. Oui, tous les dix jours au moins faire de soi une page blanche et repartir de zéro le lendemain. Il y a un mois si j’ai acheté Depuis une fenêtre, le troisième des Joyeux animaux de la misère de Guyotat, sans avoir lu le II ni terminé le I, c’est pour mettre la main sur des notes télégraphiques censées baliser le texte et qui sont la marque des inachevés, comme c’est le cas dans Pétrole (et d’autres, penser à dresser un corpus de texte inachevés, éclairés par leurs zones d’ombre), du style : En même temps, intensification de la guerre, destruction de toute organisation, famine (scènes de faim, de cannibalisme), etc., R. et ses triplés auront à éviter le rapt et la mangerie. Le jour où je parviendrai à compresser des chapitres entiers en ce genre de phrases (ou qui sait les sortir du premier coup dans cette sorte de supraconductivité électrique), je serai arrivé quelque part. Le site http://ladivinecomedie.com est temporairement inaccessible. Le problème devrait être résolu dans la journée. Il faut que je m’amuse dans ce que je fais, autrement, non seulement je ne me serais pas amusé dans ce que j’aurais fait, mais en plus on verra de suite que je ne me suis pas amusé dans ce que j’ai fait, de sorte que tout le monde (y compris moi) se fera mortellement chier. Lorsque le stationnement est payant, j’introduis des pièces de monnaie dans un horodateur pour retirer un ticket que je place derrière le pare-brise, de sorte qu’il soit lisible depuis le trottoir. Quoi qu’on te propose, décliner : désolé, pas aujourd’hui. Je ne suis qu’une page blanche. Entre la poire et le fromage @Europhobe dit : En 1973, la France était la 4ème puissance économique du monde. Cette performance ne devait rien à l’Europe. L’Institut Hudson prédisait même que l’industrie française dépasserait l’industrie allemande en 1985. En 1974, tout bascule avec Giscard. Les européistes ont tout cassé. Effacer c’est avancer, m’écrit Roxane (elle a raison). J’écoute Porter. J’ai mes raisons. À première écoute de Las Batallas, je me dis mazette, c’est très impactant. À Luô qui s’acharne à vouloir danser sur la plage, et à souffler sur les braises de son passé, Miyako dit : Arrête de t’acharner, c’est du sable.

  • 150922

    15 octobre 2022

    Un cassis est un creux ; un dos-d’âne est une bosse. De plus en plus souvent, quand j’entends une intervention d’écrivain dans une émission intellectuelle sur France Culture, je me dis ah oui c’est intéressant, mais enfin c’est quand même un peu de la merde. Devoir être quelqu’un, c’est un problème. En privé, déjà, alors en plus quand on doit tolérer devenir une personnalité publique... J’ai du mal à me remettre dans l’écriture ; je crois que c’est un problème d’outils. Je commence à avoir trop de feuilles volantes pour Standard Notes mais je n’en suis pas pour autant à basculer dans un traitement de texte normal. Il me faudrait un truc intermédiaire sur deux colonnes, trois quarts un quart, avec le texte d’un côté et mes notes de l’autre. Éric Vuillard : Un visage est toujours une difformité. Nos idées nous défigurent. Nous nous ressemblons. Ailleurs, Musée Marilyn :

    Ils [Marilyn Monroe et Marlon Brando] font si bien miroir qu’ils ne se fascinent pas l’un l’autre. La preuve ? Ils ne sont jamais beaux en même temps. Toujours, l’un des deux grimace, ferme un œil, s’invente un double menton. C’est presque infime mais évident. On voudrait Marlon et Marilyn ensemble. Qu’ils soient amants n’y change rien : ils s’éteignent mutuellement.
  • 230922

    23 octobre 2022

    Je retrouve un parapluie sans le chercher, et surtout sans qu’aucun soit perdu. C’est probablement un parapluie volé. Je boucle le dernier dépôt régulier pour le dépôt légal du livre numérique. Je rattrape mon retard. À quelqu’un à qui j’écris, j’écris les mots aventures circadiennes. Je fais cinq et six fautes aux blancs du code. Je retrouve du premier coup mon diplôme de licence. Je m’en sers pour postuler à 7 h 40 quelque part ; à 16 h 42 ce même jour ma candidature sera rejetée. C’est probablement un record. Je retourne un pantalon made in Vietnam chez Uniqlo et je me dis : qui a besoin de se vêtir ? Achetons plutôt des livres avec cette somme restituée (je ne le fais pas). J’achète une enveloppe molletonnée pour une commande au gabarit hors normes et des compresses pour les soins de Tartelette. Le métro est éclairé comme un sex-shop et je me dis : j’aime bien les gens qui prononcent sex-shop sexeushop (ce n’est pas mon cas). Je me souviens de la rue de Sèze. Dans la rame, je vois A. (ce n’est pas possible : il n’aurait pas vieilli d’une heure depuis la dernière fois que je l’ai vu), je vois Yûjin (ce n’est pas possible : c’est un personnage de fiction). Il pleut mais ce n’est pas prévu. Bien que je l’écoute peu, j’ai une playlist Musicals. J’ai mon parapluie volé, perdu puis retrouvé, mais je ne m’en sers pas. Contrairement à d’habitude je porte mes lunettes, je me dis : les gens qui me regardent doivent se dire il porte ses lunettes. Mais c’est faux. Personne ne sait que je porte des lunettes. Même pas moi. Marilyn : Fixer l’objectif sans chercher à séduire, c’est possible ? Joseph Andras : Inutile de lester un cœur battant. Plus loin : Il n’est aucun cœur que l’État contraigne.

  • 240922

    24 octobre 2022

    Il n’y a plus un seul constructeur automobile au monde à ne pas prévoir de rétroviseur droit sur ses gammes mais il faut savoir qu’en cas de perte de vision d’un œil ou de surdité, la présence d’un rétroviseur droit est obligatoire. (...) Je m’endors sur un livre dans lequel le personnage s’endort sur un livre. (...) © Éditions du Seuil, sous la marque Éditions du sous-sol. (...) Je me souviens d’une pharmacie 115 rue Saint Honoré dans laquelle on m’a vendu un genre de crème ou de pommade pour cicatriser plus vite (or donc pour refaire pousser sur de la peau de la peau) dont j’ai souvent gardé le nom en mémoire, avant de l’oublier 15, nom qui me serait utile aujourd’hui pour me faire repousser un poignet gauche. Avant de retrouver l’adresse de cette pharmacie pour les besoins du journal, je n’avais pas idée qu’il s’agissait de la pharmacie la plus ancienne de Paris, fondée en 1715, soit l’année de la mort de Louis XIV. (...) Brad Pitt se lance dans les cosmétiques : un sérum à 350 euros, une crème à 275 euros, une crème fluide à 265 euros et une émulsion nettoyante à 70€, suite à quoi Marie France précise : la qualité semble être au rendez-vous.


  • ↑ 1 En réalité il passera bien par Corbeil-Evry le lendemain à 13 h 03, note du 5 janvier.

    ↑ 2 Le mercredi à 4 h 01, le colis sera bien flashé à Saint-Jacques-de-la-Lande attestant semble-t-il la thèse du double-avion : Barcelone-Orly dans la nuit du 4 au 5, passage par le hub de Corbeil-Evry le 5, Orly — Saint-Jacques-de-la-Lande dans la nuit du 5 au 6. Par ailleurs : qui (ou quoi) flashe les colis à 4 h 01 du matin ? Note du 6 janvier.

    ↑ 3 Ici, ce sera le cas mercredi, pas durant le créneau annoncé comme je l’ai cru d’abord (un utilitaire aux couleurs non d’UPS mais d’une société dont le siège est situé à Noyal-Chatillon-sur-Sèche s’arrêtera sur le trottoir d’en face, un homme en sortira pour disparaître à l’intérieur de son camion, y restera plusieurs minutes avant de ressortir bredouille et de repartir sans rien livrer à qui que ce soit). Mais ce n’était pas mon colis. Mon colis arrivera lui à 18 h 55, longtemps après le créneau indiqué (ce qui n’a bien sûr aucune importance, mais l’heure de livraison tardive est elle-même assez étonnante quand on connaît un peu les process des grands groupes de transport ; de fait, c’était bien un sous-traitant en camion blanc, non UPS, affublé d’un nom générique que je peine à retracer — pas l’entreprise de Noyal-Chatillon-sur-Sèche, donc, une autre. Et voilà la fin de notre histoire de colis.

    ↑ 4 Je m’autorise à voir des animés pirates depuis que la plateforme de streaming légale que je paye chaque mois a décidé que c’était à elle et non à moi de choisir quels étaient les outils à même de lire ses vidéos dans le strict respect de ses DRM Google (les plateformes de streaming quelles qu’elles soient ne sont de toute façon qu’une manière capitalistiquement tolérée de légaliser le piratage).

    ↑ 5 Mais enfin qui ne voudrait pas en savoir plus sur les DISPOSITIONS SPÉCIALES APPLICABLES AUX VÉHICULES A TRACTION ANIMALE ET AUX VOITURES A BRAS ?

    ↑ 6 I’m not buying a fucking mask,” Richard Rose, a thirty-seven-year-old Army veteran from Ohio, posted on Facebook. “I’ve made it this far by not buying into that damn hype.” He tested positive on July 1st and died three days later. There are many similar stories. Peut-on lire dans « The Plague Year », enquête parue dans le New Yorker fin décembre.

    ↑ 7 Les enfants sont : A) Prévisibles. B) Souvent imprévisibles. ? Moi, j’avais lu pénibles.

    ↑ 8 Qu’on peut tout à fait envisager de franciser en Canisse Loupouce, et dans ce cas c’est une femme.

    ↑ 9 Non.

    ↑ 10 Nobody Knows My Name : More Notes of a Native Son

    ↑ 11 Le Grand incendie de Londres, Seuil

    ↑ 12 Tous mes pensers parlent d’Amour.

    ↑ 13 Hermann Hesse, Siddhartha, traduction Joseph Delage, Livre de Poche.

    ↑ 14 La Vita Nova, Poésie Gallimard, traduction Louis-Paul Guigues

    ↑ 15 Il m’est revenu plus tard, c’est Cicaplast, mais que je me suis rappelé Citaplast, sans doute à cause de Cittàgazze, dans His Dark Materials.