Je viens de me souvenir que j’avais déjà un sujet pour Après tout, dont je réalise en reprenant mes notes que je l’avais rapidement renommé Et après ?. C’est l’imminence. Je l’écrivais d’ailleurs noir sur blanc dans ce journal en date du 6 avril 2018 : le sujet de ce truc, c’est ni la mort, ni les métamorphoses, c’est l’imminence. Ça découlait des écoutes prolongées de Palimpsest. J’avais oublié ça. Ça pourrait même faire un bon titre, L’imminence. Encore que, avec L’effervescence, ça donne l’impression que c’est un genre de trilogie. L’autre jour, précisément pour ce texte, j’interrogerai H. sur des aspects très concrets de la conduite d’une voiture. Des trucs aussi terre à terre que l’ordre dans lequel faire les gestes, où se situent les pédales et dans quel ordre, comment passer une vitesse, etc. J’ai tout noté et, notant ça, je n’arrêtais pas de me dire peut-être que maintenant, dans mes rêves, grâce à ça, je saurai conduire mieux. À chaque fois que je rêve que je conduis, j’ai un accident. Et hier soir à nouveau, l’araignée de lueurs est revenue. Sachant ce que je sais à propos d’elle(s), je m’étais dis essaye de la toucher. Tendre une main, ce n’est rien dans une nuit. Mais même sachant ce qu’elle était, ou plutôt ce qu’elle n’était pas, j’ai échoué à le faire. L’instinct ? Je voulais voir les conséquences d’un tel contact. Se serait-elle décomposée d’elle-même ? Et, si oui, comment ? Là : évaporée dans la noirceur, son oxydation s’est défaite, l’irisation a dépris son emprise. Et je me suis rendormi. Depuis, comme toujours, je compte. Nous sommes à J+11 et la douleur n’est pas revenue. Pour ne rien te cacher, elle n’est jamais complètement partie. Elle s’est tout simplement métamorphosée en un genre de sensation blanche, assez froide je dois dire, au niveau du menton, côté gauche, comme elle. C’est comme si à certains moments de ma journée quelqu’un me touchait là avec un doigt sans imprimer aucune pression. Ça se sent. Ça s’oublie. Mais c’est là. Réfléchissant sur ça aujourd’hui, je n’arrêterai pas de me dire : peut-être que si tu gardes en toi une migraine à l’état embryonnaire elle t’immunise contre toutes les autres susceptibles de te tomber dessus ? Peut-être que d’être allé au bout de la décroissance des douleurs les a fait se tenir à l’état de fil ? Revoilà nos lueurs. Vu le peu de café que j’ai bu depuis que j’ai acheté du café, je peux t’assurer que ce n’est pas dû au café. À quoi alors ? Bien sûr, en écrivant ces phrases, la douleur est réapparue dans l’œil, à droite cette fois, accompagnée de légers picotements aux extrémités des doigts. Raideur de la nuque brève. Et la ligne claire qui joint la mâchoire au menton. Ce sont des symptômes. C’est là que ça va me frapper : dans Grieg, le narrateur écrit un rapport à sa hiérarchie. Il passe son temps à meubler pour rester le plus longtemps possible dans le passé. Je l’écris dans les notes. La douleur en elle-même, c’est transitoire et presque infime encore : quelqu’un tenant ton globe oculaire entre deux ongles. Qui ? La pression est-elle continue ? Est-ce que ça tire derrière ? Quelque part, oui. Mais pas longtemps. Je noierai ça sous un maté corsé, du Téalose puis de la glace. C’est parti presque instantanément. Pendant que ça se dissipe, j’en viens à me dire : ce qui rapproche Grégoire Bouillier d’Annie Ernaux, c’est qu’ils vont tous les deux au fond du désir. Dans L’occupation, Ernaux écrit au sujet d’une rivale :

Ma souffrance, au fond, c’était de ne pas pouvoir la tuer. Et j’enviais les mœurs primitives, les sociétés brutales, où l’on enlève la personne, on l’assassine même, résolvant en trois minutes la situation, s’évitant l’étirement – qui m’apparaissait sans fin – d’une souffrance.

Dans le livre 1 du Dossier M aussi, il y a ces fantaisies de meurtre d’un concurrent. Fantasmes. Je suis sans doute prêt à lire le livre 2 maintenant, mais j’attendrai septembre. Pourquoi ? Il me semble avoir besoin de temps. Non pas dix ans comme dans le livre mais au moins six semaines. Une respiration nécessaire.


dimanche 15 septembre 2019 - jeudi 2 mai 2024




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

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