J’ai si froid que j’en viens à souhaiter me réincarner en loutre des mers (les loutres des mers sont les mammifères terrestres qui ont le pelage le plus dense). Troisième jour de je sais pas comment il faut dire ça, mal ? Crève ? Comme je l’écris dans un mail annonçant à la cantonade que je suis désormais incapables de remplir aucune de mes fonctions, c’est une douleur douce (c’est le mot que j’utiliserai) mais continue malgré 1 la quantité industrielle de médocs que je me suis enfilée. Alors voilà venu le temps d’un autre putain de présent interminable : je ne ferai qu’attendre immergé dans le jour qui vire petit à petit au soir (même l’éclairage des petits chiffres orange en cristaux de la Livebox me nique les yeux, on en est là). J’ai le temps de penser à des tas de catastrophes en cours ou à venir. J’ai le temps d’écrire plusieurs fois dans ma tête cette entrée du journal pour mieux me la remémorer plus tard. J’ai le temps d’imaginer des djinns et des meurtres pour Grieg. J’ai le temps de lister dans le noir les chansons qu’on a chantées au karaoké à Shinjuku. Mais avant cela, la journée prend soudain des proportions considérables : H. ne rentrera pas avant sept heures de plus. Il y aura deux enjeux : arriver à sortir (ça me prendra littéralement trois heures), poster les trucs que j’ai promis poster aujourd’hui et acheter quelque chose à manger pour quand H. rentrera de sa propre journée de labeur à 21h30 et quelque. Mais le trajet est comme semé d’embûches ici : même s’il n’y a pas un centilitre de soleil aujourd’hui il y aura mais des lumières partout : sur les bus, sur les feux, les devantures des bars, l’horrible salon qui fait des UV avec ses foutus panneaux LED qui te bouffent en une journée l’équivalent de la consommation annuelle d’une famille de castors, bref. Et il faut que j’évite les machines de la Poste (écrans) et celles des caisses d’Auchan (automatiques ou pas). J’aurais juste le nombre de timbres qu’il fallait (c’est le destin). Et je finirai à la boulangerie, qui est pleine de néons, eh merde. Je suis photophobe, réfractaire, là. D’autres l’ont été avant moi. Des fois c’était l’œil droit, des fois c’était l’œil gauche. Mais ça n’arrêtera pas de revenir, même dans l’obscurité la plus totale : des ying-yangs de lueurs... L’autre truc qu’il faudra que je parvienne à faire, c’est donner ses soins à Tartelette. Son otite est guérie mais des complications mineures sont venues faire irruption dans son oreille. Il faut nettoyer ça. C’est sous contrôle. Et elle, bienveillante vis à vis du fait que je m’y prends comme un pied. Elle attend que ça passe, quoi. Moi, j’ai l’impression que ces douleurs ne vont jamais passer. Qu’elles sont ici à vie. Ce qui me donne envie, fort logiquement d’ailleurs, de me jeter dans le barrage. Pas une migraine mais des maux. Et des picotements grave dans les mains, dans les doigts, dans les pieds, qui me laissent à penser que je pourrais tout à fait (en fait non) me désagréger lentement dans l’atmosphère. Mais même pas.


vendredi 15 mars 2019 - lundi 13 mai 2024




↑ 1 Ou plutôt à cause de, mais à ce moment d’écriture du journal je ne le sais pas encore.

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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)