Nuit courte, mais d’une traite, et tout compte fait j’ai mieux dormi suspendu au septième étage de l’avenue P. que ces deux dernières nuits réunies dans le studio de la rue S. Sans doute que des choses retombent, et dans mes rêves j’avançais sur des galets polis par des millénaires d’écoulement fluvial, et ce n’était pas du rafting mais de la marche en milieu aqueux avec d’autres (je le sais car nous parlions). J’en viens à penser : finalement, on ne me veut que du bien, ce qui est une chose douce à penser au septième étage, un lendemain non de cuite mais d’ébriété, disons, éditoriale. Mon maté est pis qu’amer. Ma brioche se rancit. Les galettes de polystyrène n’ont pas de goût. Mais curieusement c’est doux. On m’écrit pour me raconter un rêve bleu, le même genre de bleu qui ce matin rend toute la ville aqueuse, bien qu’il ne pleuve pas, puis je lis que sur une lune de Saturne appelée Mimas on a découvert de l’eau, un océan souterrain de 50km d’épaisseur : ce sont les forces de marées exercées par le champ de gravité de Saturne qui fournissent l’énergie pour faire fondre la glace en profondeur (les variations de gravité au cours de son orbite déforment toute la lune, ce qui génère des frictions à l’intérieur, et donc de la chaleur). Aux antipodes et de Mimas et de Bakélite : pour entrer dans le réseau des prix, qui assurent visibilité et ventes, Muriel Beyer (qui dirige les éditions de l’Observatoire) s’est adjoint les services d’un lobbyste (sic), Pierre Gestède, ancien attaché de presse chez Gallimard, chargé de pousser les romans de l’Observatoire lors de déjeuners avec les votants du Goncourt ou du Renaudot. Et après, ce qu’on appelle le grand public lit ces livres poussés au cul des prix comme les lois libérales aux parlements de ce monde en se disant c’est donc ça la littérature, eh bien. Le retour à la vie spectrienne se fait sans souci. J’ai constaté hier (et quelques jours auparavant) que je disposais d’une nouvelle formule pour dire ce que je fais professionnellement sans dire ce que je fais professionnellement : ça me convient mais disons que je ne contribue pas à rendre le monde meilleur.