Golden Kamui



  • 200921

    20 octobre 2021

    Je suis un peu triste mais c’est chimique. C’est ce que j’en viens à me dire. Mais enfin, quand est-ce que ça n’est pas (quoi que ce soit) chimique ? Ce qu’il y a de bien avec les notaires, c’est que quand ils répondent à une question, ils font naître au moins deux autres questions de leur réponse. À bien y réfléchir, je ne sais pas si c’est bien. En définitive, le problème de 99 % 1 de la littérature actuelle n’est-il pas aussi simple : ce sont des livres qui manquent de sincérité, publiés par des éditeurs qui manquent de sincérité, le tout recensés dans la presse par des lecteurs qui manquent de sincérité. Il y a beaucoup de graines de potimarron dans un potimarron.

  • 230921

    23 octobre 2021

    Pour une raison qui m’échappe, Safari ne charge aucun contenu multimédia. Ce n’était pas le cas hier, ce ne sera pas le cas demain. Tous les lecteurs moulinent dans le vide. On peut très simplement y remédier en ouvrant un autre navigateur pour jouer les contenus concernés. Mais ça ne me viendra pas à l’idée. Je cliquerai bien souvent sur ces players, par automatisme, et par impulsion, oubliant que ça ne fonctionne pas. Et, après quelques secondes, je passerai simplement à autre chose : en réalité, aucun de ces trucs ne méritaient assez que je copie-colle l’url ailleurs et que j’y consacre dix secondes. Preuve donc que la plupart de ces contenus sont accessoires, et réagissent à l’impulsion. Est-ce qu’il en va de même de tout ce qu’on lit ?

  • 270921

    27 octobre 2021

    Énorme limace sur le palier de ta porte au matin : présage, si oui de quoi ? La lune est gibbeuse et décroissante, est-ce un facteur aggravant ? Il pleut. Ce n’est pas dû à la lune. C’est dû à la pluie. J’attends que le Pôle Emploi d’Ille-et-Vilaine me rappelle pour trancher un point que ni le Pôle Emploi de l’Hérault, ni l’Urssaf, ni la Chambre de commerce, ni la DREETS ni l’avocat consulté la semaine dernière au nom de la SAS n’a été en mesure de trancher. Ma question, pourtant, est très simple, mais sans doute les questions les plus simples sont aussi les plus compliquées. En réalité, le Pôle Emploi de Bretagne ne saura pas répondre à ma question : il faut contacter le Pôle Emploi de Rennes Sud. Rennes sud non plus ne saura pas répondre, on me renvoie vers Pôle Emploi Services, qui est à Colombes, en région parisienne, donc pas du tout au sud de Rennes. Il n’est pas question d’appeler mais d’écrire. Alors j’écris. Je sais qu’on ne me répondra pas. On sait que je le sais. Si je le fais quand même, c’est que ce monde est absurde et que je n’ai pas la force d’aller contre.

  • 300921

    30 octobre 2021

    Me voilà à remplir un tableau excel interminable visant à changer, pour le distributeur, les règles régissant les retours pour la plupart de nos livres parus ces dernières années. Il convient de lister les livres via leur identifiant Hachette, avant de décliner leur pyramide éditoriale, c’est-à-dire une suite de numéro censés les classer par collections, et surtout par marques, pour ensuite leur attribuer d’autres numéros pour les faire glisser dans une autre marque aux règles divergentes. Concrètement, je demande pour chacun des titres parus entre janvier 2018 et décembre 2020, que nous repassions en compte ferme, c’est-à-dire l’interdiction, pour ces titres, des retours d’invendus chez les libraires. J’ai donc l’impression de défaire ce que nous avons fait ces trois dernières années. Quelle autre possibilité aujourd’hui ? Que dire du reste : je place une ampoule de 25W sur une lampe censée en accueillir maximum 10 (mais qu’est-ce que 10W dans le monde farfelu de l’ombre et de la lumière ?), un auteur m’envoie un manuscrit déjà envoyé il y a des mois et refusé il y a des semaines, une start up X ou Y réinvente littéralement l’eau tiède et te vend des petits cubes pleins d’oligoéléments et de vitamines à faire dissoudre dans l’eau pour que tu n’oublies plus de boire au cours de ta journée, un autre auteur nous envoie le manuscrit d’un roman qui raconte l’histoire d’un auteur ne parvenant pas à écrire son roman, et les instituts de sondage ne considèrent pas les candidats, déclarés ou pas, à l’élection présidentielle comme des candidats , déclarés ou pas, à l’élection présidentielle, mais comme (sic) l’offre politique du moment.

  • 031021

    3 novembre 2021

    La frustration est la même. Qu’il s’agisse de ne pas parvenir à écrire une scène dans un récit ou de ne pas savoir matérialiser une idée de construction web. Dans les deux cas, le problème est très clair : dans Biopic, n’avoir pas assez formellement mis en place l’état d’esprit dans lequel se trouvent les personnages, donnant le sentiment qu’ils flottent. Ce qui m’amène à répéter le même genre de processus chaque soir : rater chaque scène pleinement, mais en ratant comprendre ce que j’ai raté, et comment le corriger le lendemain. Avec cette idée esquissée hier de navigation appliquée à la lecture sur le web, c’est un simple manque de compétences techniques. Si je peux faire illusion sur chaque élément identifié en récupérant des bouts de codes à droite et à gauche, je suis fondamentalement incapable d’interfacer tout ça pour le concevoir comme un tout. L’autodidactie à ses limites. Que faire ? Je vais te dire, déjà, que ne pas faire, c’est-à-dire prétexter des baisses de températures successives et l’entrée dans la morosité de l’octobre pour se ruer sur le fromage au U. Tout le monde s’est semble-t-il donné le mot et projette de faire une tartiflette pour bien finir le week-end. Personne n’est seul à faire ce qu’il ou elle fait. Tous nous répondons à des stimulis proches.

  • 061021

    6 novembre 2021

    Acte I. Le propriétaire est en avance. Il dépose un Kärcher et un taille-haie qu’il nous prête pour l’entretien des extérieurs. Le facteur n’a pas besoin de ma signature. Il livre un carton plein de farine de riz gluant (150 g), de sauce soja sans gluten (10 x 150 ml), de sésame noir grillé (65 g) et d’azukis bio précuits (350 g). Je commande une couette en ligne (72 €). Je cherche de la mousse coiffante. Je n’ai fondamentalement besoin d’aucune de ces choses. Le verbe sourdre est défectif. Il ne s’utilise qu’aux troisièmes personnes de l’indicatif présent et imparfait. J’ai froid. Acte II. Je sais depuis des mois combien ce site est une bombe à retardement. Les sauvegardes automatiques quotidiennes que j’ai programmées il y a deux ans ne sont plus faites. Celles qui sont manuelles prennent tout sauf le principal : le contenu des articles. La taille des bases est lourde. L’ampleur du site aussi. Il va falloir songer à archiver autrement. Il va sans doute falloir aussi purger une bonne partie des révisions. C’est ça, fondamentalement, qui pèse le plus. Entracte. J’imaginais parfois la rédemption comme une éjaculation de papillons flottant par milliards dans un sperme d’or, issus de milliards de crânes humains et peints à la strychnine, à la suie et au safran 2. Acte III. Depuis six ans maintenant je me considère comme un faux éditeur. Par exemple, un vrai éditeur n’est pas là pour se dire on ne va pas en vendre plus de 50 mais il faut absolument qu’on le fasse ! Ou bien encore, un vrai éditeur n’est pas là pour jouer. Je le vois le long de nos échanges : moi je suis là pour jouer. Et si on me lance sur quelque chose, j’ai tendance à vouloir suivre. Parce que c’est comme ça que je conçois la littérature : une littérature au présent, donc vivante. Un vrai éditeur doit j’imagine considérer le livre advenu comme le livre vivant ; moi c’est le contraire. Je considère le texte vivant avant sa parution. En cela, je résonne comme un auteur. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. C’est même probablement une bonne chose si on considère que ce métier consiste à trouver d’autres façons de le faire que de singer ce que tant d’autres font. Je m’imagine être là pour trouver d’autres moyens d’expression que le modèle dominant (et manifestement échouer). Beaucoup, du moins ai-je là ce sentiment, sont entièrement voués à réussir dans le modèle dominant (et parfois, rarement, y parvenir). Mais même en admettant que ça fonctionne : quand on a réalisé ça, quand on touche au succès en se fondant dans ce modèle, on a rien résolu du tout. On n’a fait que devenir ce contre quoi on se battait.

  • 071021

    7 novembre 2021

    Le banquier fait le mort. Tout va bien. La taxe d’habitation tombe. Ne devait-elle pas être supprimée ? En fait, on l’a déjà payée mais on ne le sait pas encore. Ça ne suffit pas d’avoir couru, par le passé, après tes éditeurs pour du fric ; en plus de ça, quand tu es l’éditeur, tu dois aussi courir après des données manquantes pour faire des déclarations à l’urssaf. Parfois, comme c’est arrivé il y a quelques années, tu écris à un auteur pour lui envoyer son relevé de ventes et lui proposer de lui virer ses droits et tu te fais, en retour, insulter. C’est quand même un drôle de milieu. Vivement la disparition dans l’anonymat pour tous. Ou alors son contraire débrydé : une forme de pseudonymat généralisé. Par exemple je pourrais m’appeller Gonzo-Galac Saint-Jean. Imagine un peu ce qu’on pourrait écrire avec un nom pareil.

  • 081021

    8 novembre 2021

    Il fait grand beau. Le chauffage marche. La couette nous est livrée par TNT. La pâte à papier est une denrée rare. Hier, la France a renversé la Belgique au terme d’un match fou. Demi-finale de Ligue des Nations. Je n’ai pas vu ce match pour deux raisons. La première, c’est que je regardais Golden Kamui. La seconde, c’est que la Ligue des Nations n’existe pas. Un mail du service SÉCURITÉ DE L’INFORMATION d’Hachette. C’est écrit en caps lock. Le mail a un slogan : compliance et sécurité. Je cherche compliance dans le dictionnaire. Tout ce que je trouve, c’est : Compliance pulmonaire, élasticité des poumons, dont la mesure est utilisée dans le bilan des maladies respiratoires. C’est probablement le mot anglais qui est utilisé. Ça peut vouloir dire à la fois conformité, complaisance et souplesse. Ça ne veut sans doute rien dire du tout. Voilà le début du message : Dans le but d’améliorer le niveau de sécurité de nos systèmes d’information, nous vous informons qu’à partir d’aujourd’hui une double authentification vous sera demandée à chaque fois que vous connecterez au VPN. Cela nous permettra de garantir que c’est bien vous qui vous connectez au réseau Hachette Livre et non une personne malveillante. Vérifier que je suis moi, c’est une chose. Mais qui va vérifier si je ne suis pas malveillant ? Je peux très bien être moi et malveillant en même temps. Hier, je me suis énervé contre quelqu’un par messages interposés, qui peut dire que je n’ai pas été malveillant ? Aujourd’hui, j’envoie un tweet amère à un organe culturel qui fait semblant dans son article d’avoir lu l’écrivain primé par le Nobel alors que manifestement pas, n’est-ce pas malveillant envers l’organe et la journaliste concernée ? N’est-ce pas surtout malveillant envers moi ? Mais en réalité, c’est pire que ça. Je veux dire : ce journal, cette journaliste, s’ils parlaient de nos livres, au fond, ou des miens en particulier, eh bien ça me dérangerait sans doute nettement moins qu’ils fassent leurs basses besognes publicitaires dans leurs colonnes. Probablement que je détournerais les yeux. Voire même je leur trouverais des circonstances atténuantes. Ce qui ne fait peut-être pas de moi quelqu’un de malveillant, mais ce qui me fait l’effet d’être un connard. Or, personne n’a envie d’être un connard, que ce soit en lisant des articles culturels, ou en taillant l’arbre à papillons avec un taille-haie électrique, avant de scier la branche sur laquelle on est assis par inadvertance. J’ai niqué une rallonge de 25m en faisant ça, et accessoirement fait sauter les plombs. Précisément ce qu’un connard ferait. Sans parler de se mettre en danger, pour ce que j’en sais. Quand j’écris Biopic, le soir, je ne me mets pas en danger. Je vais même te dire : je n’y mets pas beaucoup de joie. C’était une erreur d’écrire ce plan. Moi, je préfère réécrire après que préparer avant. C’est peut-être plus bordélique, mais au moins il y a de la joie. Sans joie, comment écrire, comment être lu après qu’on a écrit ?

  • 101021

    10 novembre 2021

    Retour des gants. Il ne fait pas si froid que ça. Il faudrait vivre loin. Il faudrait vivre très loin de soi-même. Les radis vieux sont mous. Le nombre d’exemplaires vendus moyen pour un livre est 200 (deux cent) 3. Je tente quelque chose : publier de la fiction sur Instagram sous la forme d’une story. Voyant les statistiques de lecture 4 j’ai cette pensée absurde, résolument paranoïaque : lui, il ne me lit pas d’habitude. Si là il me lit c’est pour me nuire.

  • 131021

    13 novembre 2021

    Il n’a pas vécu, évidemment, ce qui s’est passé après sa mort. Merci France Culture. Je découvre en épluchant le relevé de septembre pour la comptabilité du troisième trimestre que la banque nous a facturé 26 € deux ordres de virement manuels. Merci la Société Générale. Je suis dépossédé de ma substance. J’abats des tâches sans âme. Je réponds à des emails. Je signe des factures. J’envoie des devis. J’ajoute des lignes dans un tableur. Rien n’a de sens si ce n’est la saison 3 de Golden Kamui, de loin la meilleure, qui arrive à son terme.


  • ↑ 1 Chiffre parfaitement arbitraire.

    ↑ 2 Mircea Cărtărescu, L’œil en feu, Denoël, traduction Alain Paruit.

    ↑ 3 Source inconnue.

    ↑ 4 En soi, c’est instructif : le format des story permet de savoir précisément combien et qui les consomme(nt). Instagram et Facebook mêlés, 108 personnes ont commencé la lecture du fil, et 42 sont restées jusqu’au bout. On voit bien qu’on n’est déjà pas si loin des 200 lecteurs moyens d’un livre, le tout en 24 h. On voit aussi que moins de la moitié des lecteurs a tenu. Il en va du même du livre : sur les 200, combien ne le liront jamais, combien s’arrêteront en cours de route, et combien l’oublieront instantanément après l’avoir obtenu ?