Tous les mardis, chaque semaine, les mouettes donnent le signal du début (et de la fin) du marché qu’il y a en haut de la rue T. Les gens remontent cette même rue T. (d’ordinaire pas spécialement passante) et les voitures klaxonnent, car l’accès au rond-point se fait via un goulot d’étranglement qui les fait s’insérer au compte-goutte. Aujourd’hui ne fait pas exception même si, au bout du compte, ils doivent ensuite s’insérer dans une ville censée être vide. On voit la rue depuis la fenêtre, donc on voit les gens aller venir, toutes sortes de gens, à pied, seuls, en vélo, en trotinette en libre service. Les gens se croisent sans réellement prendre leur distance, des fois s’arrêtent, se saluent mais de près, de près se parlent. Ils se parlent aussi dans l’immeuble, de longues conversations sur des paliers de portes (ouvertes ?). Et pourtant ils toussent. Il faut s’imaginer la scène : pendant que le lave-linge tourne bruyamment, que les voisins dissertent dans les escaliers sur les autorisations de sortie, que celle du sixième lance sa balle au chien (et qu’il la lui rapporte) je suis dans le salon au téléphone avec J. pour voir comment nous allons mettre en place de nouvelles façons de travailler à distance pendant le confinement (et la fermeture des librairies), H. étant de son côté dans la chambre en train de faire un cours sur la tragédie à ses élèves en visio, le tout suivant les aléas d’une connexion sur laquelle tout le pays doit être en train de tirer, puis j’essaye de relire un peu Horace (S’en sont allées les neiges et déjà revient l’herbe dans les plaines, / et leur chevelure aux arbres) quand je peux, c’est-à-dire quand je suis mentalement présent pour, avant qu’une petite bibliothèque de village nous contacte pour mettre en place un abonnement numérique en urgence pour pouvoir proposer de la lecture à ses inscrits pendant la pandémie. Sur les réseaux, tout le monde se met à écrire des journaux de confinement. Vont-ils poursuivre leur journal de confinement, pour celles ou ceux qui n’écrivent pas d’ordinaire, réalisant qu’une fois arrivé à son terme une forme d’écriture intérieure aura pris possession d’eux ? Ce journal est à considérer comme un journal de confinement de moi-même ; il dure depuis 2008 et avant. Quant à moi, j’ai beau recommander aux gens de lire dans le message que nous adressons à tous aujourd’hui, j’en suis incapable à titre personnel. Je ne sais aller que d’un flux à un autre. Errer pendant vingt minutes dans le monde dystopique de Ghost in the Shell. Ou regarder un épisode d’un quart d’heure de (eh oui) We Bare Bears.


vendredi 17 avril 2020 - samedi 18 mai 2024


(c)Masamune Shirow, Ghost in the Shell



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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)