C’est très simple. La page est un tableau. Elle semble vide. Au centre, deux ronds noirs de diamètre identique (des yeux, ou des pupilles). Mettons des pupilles. Pas vide, donc : page saturée de texte(s) en blanc sur blanc. Des phrases courtes et en nombre, descriptives, sèches, écrites en #FFFFFF sur #FFFFFF. Aussi, ces phrases avancent, à des vitesses variables, de la droite vers la gauche ou de la gauche vers la droite (ou les deux). On ne le voit pas tant qu’on ne scrolle pas. Peut-être même que les ronds noirs mentionnés précédemment ne sont pas, d’abord, visibles, car ils se confondent dans le noir de la partie haute de la page (qui est, dans Grieg, contrairement au reste du site, en noir absolu, du pur #000000). Mais donc on scrolle. On voit alors les ronds noirs tomber. En réalité, ils ne bougent pas, ils sont fixes (au sens de position:fixed). Le reste de la page, lui , fait office de page normale, c’est à dire que quand tu scrolles, tu la traverse, par exemple vers le bas. Au contraire, les ronds noirs restent ancrés au même endroit de l’écran, ils ont l’air de descendre mais c’est le fond qui monte en réalité. En terme de superposition des blocs, les ronds noirs (appelons ça les pupilles) sont en-dessous du texte blanc sinuant (gérer ça avec z-index), de manière à ce que les phrases blanches, qui défilent, ne soient visibles que lorsqu’elles traversent les pupilles : logique, puisqu’elles sont écrites en blanc, de ne s’afficher que lorsqu’elles traversent un fond noir. Et voilà la magie de cette page, figurant les yeux d’une voyeuse qui observe une scène fourmillant de vie. Ce que l’on perçoit de ces phrases, au hasard de leur pénétration dans les cercles, ne dure que quelques secondes. On ne capte que des bribes, et jamais la page entière. Suis-je capable de coder un truc pareil ? Je crois bien que oui. Incapable en revanche de rendre les phrases blanches aléatoires, comme il me plairait de le faire. On ne peut pas tout avoir. On pourrait réfléchir à d’autres applications du même principe (jouer sur les fonds et les couleurs, détourner les positions fixes et non fixes) : par exemple avec des textes caviardés. On prend un texte en police sombre sur fond clair, lequel est caviardé par endroits, rectangles sombres masquant des mots ici et là. Puis à mesure qu’on scrolle, un calque blanc descend pour invisibiliser le texte jusqu’alors visible et révéler ceux qui ont été minutieusement cachés (de fait qu’à aucun moment l’ensemble du texte n’est lisible). Ça pourrait être un bon exercice, et ce système pourrait servir à redynamiser les sites journalistiques fonctionnant sur des modèles type paywall : au lieu d’avoir le début de l’article accessible et le reste verrouillé par un système d’authentification, tu aurais un texte complet mais avec des mots caviardés. Tu pourrais par exemple tout comprendre de l’objet du texte mais rien de son sujet (ou le contraire). Une fois logué, les zones de caviardage se lèvent et tu as accès au tout. Ne serait-ce pas plus incitatif que le système actuel, où 99,9% du temps, eh bien, tu t’en vas sans une seule fois te dire tiens, je vais acheter cet article ou tiens, je vais m’abonner. Bien sûr, ce serait plus fastidieux : pour être réellement efficace, l’article devrait être caviardé avec soin (savoir dans un article quels sont les mots avec le plus de valeur) et non, comme c’est le cas actuellement, selon un système lissé pour tous, un algorithme bloquant de fait X% de l’article.