Rien ne m’arrête ; rien ne m’attend. Quoi que je fasse, je me retrouve toujours à bidouiller. Faire les choses officiellement ne m’intéresse pas. Toujours il faut que je me tienne à un équilibre entre les faire et ne pas les faire. Par exemple, je commence sans le commencer Anatomie de la mélancolie : pourquoi ai-je cru qu’il s’agissait d’un faux ? Un livre contemporain, prétendant être du 17e siècle, tout en ne l’étant pas. Réalisant mon erreur, je suis nettement moins disposé à m’enquiller ses 2000 pages en vieil anglais. J’aimerais mieux lire la traduction d’Hoepffner chez Corti, mais bien sûr elle est épuisée et culmine à quelques trois-centaines d’euros au marché noir. Tant pis. À la place, je commence autre chose au hasard, et je passe mon temps, le lisant, à me dire, j’aimerais mieux ne pas le lire. Au bureau, après avoir synthétisé un document de cinq pages en deux, je le resynthétise en trois quarts de page et peut-être qu’il suffirait de noter la chose en six petits mots : somme toute, des trucs se passent. Le soir, c’est pareil : j’essaye de regarder un film mais je n’y parviens pas. Celui-ci est trop sombre, littéralement, pour être visible sur ma tablette : tout se passe dans la pénombre d’un appartement forclos. Celui-là, censé se dérouler en Italie, est un film américain qui fait parler tous ses acteurs anglophones avec un accent italien. Qui a pu avoir une idée pareille ? Le personnage principal a soixante ans. Plutôt que de prendre un comédien idoine, le casting s’est fait sur un quadra qui en fait trente, et on l’a make-upé assez pour lui blanchir les cheveux, lui riduler la peau.