Steve Reich



  • 290113

    29 janvier 2013

    Les Turcs, nous dit Théophylacte Simocatta, tiennent le feu en honneur d’une manière très extraordinaire. De fait nous savons que l’influence du mazdéisme iranien se faisait sentir chez eux jusqu’à l’adoption du dieu Ormuzd ou Khormouzda. « Ils vénèrent aussi l’air et l’eau » et de fait nous verrons le respect des eaux courantes poussé chez les Gengiskhanides jusqu’à l’interdiction des ablutions musulmanes ou du lavage des vêtements en dehors de certaines conditions. « Mais ils n’adorent et n’appellent dieu que l’auteur seul du ciel et de la terre, ils lui sacrifient des chevaux, des bœufs et des moutons », et tel est bien en effet le culte du Tängri, du ciel divinisé, commun aux anciens peuples turco-mongols. Enfin ce que nous dit Théophylacte sur « leurs prêtres qui leur paraissent prédire l’avenir » s’applique aux chamans turco-mongols, encore si influents à l’époque gengiskhanide.

    René Grousset, L’empire des steppes, Bibliothèque historique Payot, P. 129

    Hier un vidéogramme (le mot vidéogramme donne l’impression de vivre dans une uchronie steampunk), c’est The Social Network. Outre l’exploit d’avoir conçu un film aussi correct sur un sujet aussi rébarbatif, l’arrière-goût d’un dégoût de notre monde réel (encore), obnubilé par la croissance, lakroâssance et ce quelque soit le chiffre en jeu. Et même nous : la croissance : derrière nos microstatistiques : le nombre de clics : de visites : de lecteurs : de RT : ça me gave.

    Et lu chez lui ces deuxtrois mots : « la barbarie économique ».

    L’arrière-goût lavé par le son du réveil : non plus l’éco, le CAC ou lakroâssance mais un quatuor à cordes et ce truc de Steve Reich : Check it out (City Life) qui me tire genre quinze ans en arrière : moment au cours duquel j’ai fait connaissance avec la glace, non : avec la musique zarb.

    C’est lié à ce film, pas que, j’y pense le long : la possibilité de publier Ulysse ou (Dieu sait quand) /// libre de droit directement. Sais pas si c’est possible ni si c’est très malin, j’y pense.

    Une semaine que j’ai pas planté mes dents dans de la viande alimentaire (on s’en passe), là Twitter me chuchote que le paracétamol tue (ça je peux pas m’en passer).

    Un truc possible pour dans /// : glossaire discret sur une colonne et sur chaque page pour définir les mots trangers, les mots fictifs.

    Mueller (446 mots) :

     Ye pieux tie faire de la requinque, mon bieau,
    qu’elle lui a dit, la vieille ukmôle, sans dents
    mais en chuintant les lèvres, quelque part, près
    des bourbes, une fois la nuit tombée, bien avant
    l’évasion de Mueller, mais juste après lui avoir
    siphonné plusieurs litres de fluides corporels &
    les avoir stockés dans des bocaux lucides & gros
    dans ses bras maigres. C’est devenu leur cirque.
    Chaque nuit Mueller s’en allait la voir près des
    bourbes & chaque nuit Mueller faisait don de son
    corps pour remplir ses bocaux. Avec elle mitonne
    de la glose, de la sioupe, de la mixiure ou bien
    de la requinque dont elle offre quelques rations
    à Mueller en échange. Mueller, avec, nourrit les
    corps, ensuite il se nourrit lui-même & le cycle
    se répète. – Tiout le mionde il se triouve kiéks
    ciombines piour suvive ici bias, qu’elle lui dit
    sans une dent la vieille ukmôle. C’est pas faux.

    Mueller ouvre les yeux : 2 pauvres parlent : ils
    parlent la langue des cavs (mais ils ne sont pas
    cavs) : ils parlent d’eux à la sixième personne,
    l’inconséquente : ils parlent d’eux à voix basse
    & à tâtons : ils parlent d’eux dans un futur peu
    lointain (peut-être hypothétique, peut-être pas)
    ou dans un avenir proche : ils parlent & parlent
    d’eux devenus citoyens de la ville ensevelie, la
    villofixoa réelle & non ce simulacre de ville en
    surface : ils parlent d’eux après leur mutation,
    de la surface vers les tages inférieurs : ce que
    ces pauvres disent, ils le disent le cœur gros,
    la voix frêle : ce qu’ils disent est fragile, ce
    qu’ils disent est dit en équilibre sur la glotte
    comme sur un fil de soie invisible à l’oeil nu :
    ce qu’ils disent, et bien, ce sont des contes ni
    plus ni moins : ce qu’ils se disent, au fond, ce
    sont des histoires de pauvres qui se voient tout
    sauf pauvres : ce sont des rêves ouverts mais de
    ces rêves sitôt dits, sitôt crus, sitôt fanés ou
    morts : ce sont des calchitzes, comme disent les
    ukmôles : une chose qui mérite que l’on crache :
    d’ailleurs les pauvres savent : ils savent : ils
    se parlent en morvant : ils se parlent avec tous
    leurs ongles tenus dans leurs paumes respectives
    de rage folle de savoir leurs mots faux : ils se
    parlent la babine dressée & l’oeil jaune, car en
    réalité ils se haïssent : ils se parlent pour ne
    pas se sauter l’un & l’autre à la gorge : ils se
    parlent pour ne pas l’un & l’autre se décapiter.

    Le Cap ouvre les yeux : il cherche sur son corps
    la trace, le dénivelé, de sa douzième côte. Elle
    était là jadis. Le fait est que la vieille avait
    raison : ses mixiures l’ont quinqué. Il le sent.

  • 140114

    22 janvier 2014

    On m’a cloué un clou dans le corps et ça s’appelle la gorge.

    Je me bats tout le jour avec des chiffres et des figures. Celui-là, c’est le taux d’insupportabilité calculé par rapport aux courbes de l’errance. Celui-ci, c’est le virement écrit en lettres bâtonnées sur le papier des banques, au guichet de la mienne (c’est un bout de Publie que j’attrape).

    Soudain, une certitude : traverser Paris du centre au sud le long de Piano Phase, de Steve Reich, c’est expérimenter l’immobilité presque
    parfaite.

    Einstein, suite. Ceux que ces corps représentent (mais qu’est-ce ?) sont devenus des automates de leurs propres discours. L’intense répétivité des phrases et des voix, épuisante, insupportable, curieusement paisible également (la douce sérénité des barques en plein cœur du maelström), c’est un voyage (mais immobile) dans le temps minimal. Savoir quel en serait l’équivalent littéraire : pas Amy Hempel, non. Peut-être Guyotat (Prostitution, sauf que je ne l’ai pas lu). Idem les feuilletons de l’époque (Fantomâs !) : lire des chapitres meublés car payés à la ligne ou au mot c’est parfois ennuyeux : je rêve de textes maigres, c’est ça qui me fait mordre (serait-ce ça que j’espère pour mon Transoxiane ?).

    Dans le dédale de l’Encyclopédie, sous l’entrée Athanor, il est conté la chose suivante :

    On le nomme aussi le fourneau philosophique, le fourneau des arcanes ; uterus chimicus, ou spagyricus ; & furnus turritus, fourneau à tour.
    On voit, Chim. Pl. IV. fig. 32. un fourneau athanor, ou de Henri le paresseux : a, le cendrier ; b, le foyer ; c, c, les ouvertures pour la communication de la chaleur au bain de sable ou au bain-marie ; d, d, vuide de la tour dans lequel on met le charbon ; e, e, solides, ou murs de la tour ; f, dome ; ou couvercle du fourneau ; g, h, deux trous par où s’échappe la fumée. Le fourneau athanor est composé, comme nous l’avons dit, d’un bain de sable : 1 le cendrier ; 2 le foyer ; 3 le bain de sable ; 4 un matras dans le sable ; 5 une écuelle qui est aussi dans le sable ; 6 trou au registre ; 7 l’entrée de la chaleur dans le bain de sable ; 8, 8, la platine sur laquelle est le sable. Le fourneau athanor a encore un bain-marie : 1 le cendrier ; 2 le foyer ; 3, 3, le chaudron où l’eau du bain-marie est contenue ; 4 un rond de paille sur lequel la cucurbite est posée ; 5 la cucurbite coeffée de son chapiteau ; 6, 6, les registres ; 7 escabelle qui porte le récipient ; 8 le récipient. (M)

    Le texte renvoie à un schéma qui ne figure pas dans l’édition Wikisource et qui n’est pas non plus imprimé sur la page de l’édition originelle trouvée sur Gallica ; j’ignore où a été jetée cette planche. Ce que je sais, c’est que du fait précisément de son absence, la légende elle-même, privée du sens propre que lui conférerait l’image, s’en retrouve altérée chimiquement : c’est devenu une forme de poésie pure.

    Une autre déformation de la nature des textes qu’il nous est donné d’arpenter sur la crête des réseaux immatériels consiste à jouer à l’hypertexte aléatoire offert par le site-monde Wikisource (comprenez : le passé) ; c’est une autre percée traversière dans la matière humaine. Lors de ma première et unique tentative, voici ce que m’imprime le web : Questions scientifiques – La Peste, par A. Dastre issu de la Revue des Deux Mondes tome 155, 1899. Ici encore, une autre déformation de la matière (je ne parle pas du contenu de l’article en lui-même, je parle de son chapeau) : une succession de référence de l’époque ayant permis l’écriture de l’article. Le voici :

    Proust. La défense de l’Europe contre la peste, 1890. — Noury-Bey. L’épidémie de peste de Djeddah en 1898. — Yersin, Calmette et Borrel. La peste bubonique. — P. Simond. La propagation de la peste. — E. -H. Hankin. La propagation de la peste. — Batzaroff. La pneumonie pesteuse expérimentale. — (Annales de l’Institut Pasteur, 1898 et 1899). — Netter. La peste et son microbe (Semaine Médicale, 1895) ; La Peste pendant ces dernières années (Presse Médicale, août 1899), etc. — L. Landouzy. Traitement de la peste (leçon à la Faculté de médecine, février 1897).

    Nous n’aurions besoin de rien d’autre. C’est un sommaire immatériel pour une étude enfouie sous la surface du temps. D’autres portes sont creusées dans le code de la page. Il n’y a pas que l’hypertexte. Il y a le fourneau des arcanes.

  • 250214

    5 mars 2014

    La station-service est toujours là, au carrefour des rues Padre Mier et Degollado, la supérette, non. On l’a fermée durant les années soixante-dix, quand se sont installées à Monterrey les grandes chaînes commerciales. Et bien que la majorité des maisons du quartier ait fini en bureaux, écoles, restaurants ou cabinets médicaux, il y a encore de nos jours des habitants qui se souviennent de Matus. Certains ne l’ont jamais connu par son nom, ils rapportent seulement que pendant de nombreuses années, dans le secteur, ils ont vu courir presque journellement un homme qui faisait un ou deux tours, voire davantage, dans la rue qui longe le mont de l’Obispado. En ces temps-là, le jogging n’était pas à la mode, dit madame Olivia Muguerza qui habite la rue Degollado, c’est pourquoi le pauvre devait supporter les moqueries et les insultes, parfois même on lui jetait des choses. Moi, il me faisait pitié, bien qu’un jour je lui aie moi aussi crié pour le blesser quelque chose sur ses jambes. Je n’étais qu’une jeune fille, ce devait être dans les années quarante, j’allais avec un groupe d’amis, on est toujours plus courageux quand on se déplace en nombre« Mais lui, il s’en moquait, quelques personnes disaient qu’il était sourd parce qu’il ne répondait jamais aux provocations. Un jour on ne l’a plus revu, on a dit qu’il était mort, mais je ne me souviens pas à quelle époque c’était.
     

    David Toscana, L’Armée illuminée, traduction François-Michel Durazzo, Zulma

    Nouvelles chaussures. Reprendre, donc, mais je ne sais pas trop quand, le ciel est noir encore, trop tôt en fin de jour. Les thunes : deux fois le prix que j’avais dans la tête.

    Je reçois gratuitement des louanges auprès de ma hiérarchie nord-alimentaire (assessment annuel). Ce n’est qu’un code pour dire je sais pas, c’est la langue blanche de la vie grise.

    Sur le chemin du retour 1 je découvre qu’ils ont fait une version harpe du Piano Phase de Steve Reich (mais ça ne soulèvera pas en moi le même silence, le même éveil que la version piano).

    Il me semble que la suite logique d’un truc comme 17h34 ce serait prendre une photo par jour, sans contrainte d’heure ou de temps ou d’objet, ne serait-ce que pour pouvoir accompagner le journal chaque soir.

  • 260314

    3 avril 2014

    Déteste l’identité graphique des éditions Belfond : page lourde, épaisse, police grosse, là couverture rigide : j’ai l’impression de lire un livre pour les dix ans et plus, je crois qu’à L’école des loisirs c’était écrit comme ça. M’a gâché une partie de la lecture de mes Roberto Arlt (alors qu’aux éditions Cent pages c’était beau), ça me gâche quelque part un peu L’envers du vent, qui possède néanmoins l’un des plus beaux portraits en ouverture d’un de ses hémisphères (livre à deux sens de lecture).

    (...) L’étudiante en chimie Héronée Bukur cassa un œuf dur contre son front et le mangea. C’était tout ce qu’elle avait en réserve. Ses cheveux très longs lui servaient de chausse-pied. Elle habitait dans le quartier le plus animé de Belgrade, une chambre meublée au-dessus du café « Au Tonnelet d’or » et avait un réfrigérateur plein de romans d’amour et de produits de maquillage. Elle était jeune, elle froissait un billet de banque dans sa main, comme si c’était son mouchoir, quand elle allait faire des achats, et elle souhaitait s’étendre sur l’onde quelque part près de la côte et dormir sur l’eau un instant à l’heure de la sieste. Elle se souvenait toujours des mains de son père sous les rides qui coulaient comme poussées par le vent. Et surtout, elle savait se taire dans le mode majeur et le mode mineur. On l’appelait Héro, elle adorait les piments, son baiser était éternellement poivré et, sous sa blouse blanche de chimiste, elle avait une paire de seins moustachus. Elle était rapide au point de pouvoir se mordre l’oreille, la bouche et avait dans l’idée que, tous les trois ou quatre siècles, certains prénoms féminins passaient au genre masculin tandis que les autres demeuraient inchangés.

    Milorad Pavić, L’envers du vent (Héro), Belfond, traduction Madeleine Stevanov, P. 11-12

    C’est une vieille bique ce livre, je ne l’ai pas trouvé ailleurs qu’en occaz à l’époque et les pages sont brunies et le prix est en Francs (je ne crois pas qu’il ait été réédité depuis).

    Couru 25’07 pour 4.11km (ne parviens pas à passer la barre des trente minutes) sur Piano Phase, sur le Canto Ostinato synthé. Des mollets. Peu de chiens.

    Il n’y a aucun livre de Guyotat en numérique. Ça craint. Le dernier, tout juste chaud, Joyeux animaux de la misère (!) n’y fait pas exception, faudra l’acheter papier.

  • 200414

    28 avril 2014

    Fin du Transoxiane deux. 27030 mots pour 157880 caractères, à peu de chose près la même chose que pour l’épisode un (croyais avoir taillé plus court mais non). Je ne sais pas si c’est fun. Fallait-il que ce le soit (fun) ? L’envoyer. Faire autre chose ensuite pendant quelques jours et reprendre le trois.

    Parti courir avec H. (ensemble mais pas ensemble) : 32min52, 4.96km, sur le Canto Ostinato synthé, et un début de Piano Phase piano. Des chiens, des chevaux (la garde Républicaine), un perroquet vert-bleu.

  • 200514

    27 mai 2014

    Parti courir avec mon père tout près de mon ancien lycée. 43min41. 6.68km. Steve Reich, Max Richter, Vivaldi. Des canards, des tortues et puis des trous de lapins.

    J’ai découvert une page qui parle de moi comme si j’étais quelqu’un
    d’autre. Ce que j’apprécie surtout c’est qu’elle est
    presque fictive.

    Mes parents me racontent qu’en Haute-Loire il existe des courses de porcs post-apocalyptiques. Mon frère dans son nouvel appart. Plus loin un chien avec une tête humaine. Discuté via Twitter sur ce que je continue d’appeler dans ma tête la nouvelle Publie mais qu’il faudrait nommer la Publie actuelle.

  • 050614

    13 juin 2014

    Préfère les poivrons jaunes aux poivrons rouges. Les poivrons rouges aux poivrons verts. Ils sont mesquins les poivrons verts. Pour ce soir, on me conseille d’éviter les Champs-Elysees à cause de la reine, de Poutine, d’Obama. Lis l’article de Jérémie Zimmermann concernant le monde Terminator dans lequel nous vivons. Pourquoi ne pas effectivement lâcher Facebook, Twitter, Google ? Facebook, je le ferais sans état d’âme. Twitter ce serait emmerdant. Google ne serait-ce que pour les mails voilà... Je lis comme j’écris je crois bien. Plusieurs trucs en même temps avançant parallèlement les uns par rapport aux autres, et lorsque j’en finis un je les finis tous. Cette vidéo étonnante et totalement reconstruite de Star Wars un, non, quatre, organisée alphabétiquement. Je ne sais pas trop pourquoi mais j’aimerais, partant de là, écouter Steve Reich. Avec ces fragments nous pourrions reconstruire un autre film. Et faire de même avec des bouts de phrases ou bien des phrases complètes issues de la littérature libre de droit, reconstruire, avec, autre chose.

  • 070614

    15 juin 2014

    N’importe quel truc à écrire je me dis (c’est une pensée spontanée qui se manifeste d’elle-même) il faudrait monter un site web pour le faire. Ici, Bajir, un système d’ancres internes pour naviguer plus facilement d’un bout à l’autre du document (mais sans doute peut-on aussi faire ça avec un traitement de texte).

    J’ai besoin de cette partition blanche pour écrire une partie du Transoxiane trois. Je me dis également (mais je ne le mentionne que pour mieux pouvoir le réécrire) qu’un huis clos comme celui-là devrait ouvrir la voie à des récits de vie, or ce n’est pas le cas. On ignore manifestement tout de quiconque.

    Une trentaine de degrés. Du basilic et de la ciboulette et de la terre près des tortues.

  • 080614

    16 juin 2014

    Couru le matin avant que le soleil ne tombe. 4.83km et 31 minutes. Philip Glass et Steve Reich dans cet ordre.

    Le Transoxiane trois : un chapitre onze.

    Un gratin dauphinois en suivant la recette de ma mère qui la tient d’au-dessus.

    The Rover. Belle bande-son. Lenteur des plans, longueur du train qui traverse la route la poussière. Dehors tempête d’éclairs sans le son un ciel mauve. Lourd et chaud. Ça s’appelle de la nuit. L’orage crèvera sur les coups des une heure, et des grêlons qui, comme le veut la sagesse populaire, sont toujours gros comme quelque chose d’autre, frapperont les briques rouges et les vitres pendant je ne sais pas combien de temps.

  • 091114

    30 novembre 2014

    J’ai du, dernièrement, diviser mes Relevés en plusieurs pages, qui reprennent une chronologie traditionnelle, par simple nécessité informatique. Dans l’idéal, j’aurais souhaité n’avoir qu’un unique pan immense qui descend vers le sol, et ainsi casser l’idée de jours, l’idée d’époque, pour n’avoir en face de soi que la voix d’une ombre qui parle, crie, hurle, pleure ou rit sur une période qu’on pourrait croire très longue, mais qui est en fait essentiellement courte ; une période qui est ma vie.

    Le suspens se trouve dans les origines. À quoi bon, dans un journal traditionnel, connaître l’évolution d’un homme, puisqu’il meurt au bout du compte. Cette conclusion est évidente, futile, dérisoire. Non, je voulais retourner la machine, faire en sorte qu’une fois la lecture terminée, à la fin des Relevés, quand je ne serai plus capable d’écrire quoique ce soit, et que le reste se sera évaporé dans le silence, qu’une fois qu’on aura descendu avec moi dans les profondeurs de l’enfer qu’aura été ma vie, on ne me voit pas mourir, mais naître.

    Quentin Leclerc, Relevés

    Retour sur les Relevés. M’étonnais hier de la disparition de Quentin sur les réseaux 2 Repris le fil des relevés, à la verticale, partant de plus récent, c’est la colonne 2014. L’une des œuvres web que je trouve la plus singulière et la plus déroutante. Dû sans doute à sa très grande simplicité formelle (une page html par année, rien d’autre). C’est un mur lisse à escalader et à l’envers : du haut vers le bas. Pas de prise pour les mains ni les pieds. Je lis Quentin depuis quelques années maintenant : toujours pris ses relevés pour un espace indéterminé, pas un journal, pas de la fiction, pas un texte qui se lit dans l’ordre, pas un récit suivi non plus, pas une série de notes éparpillées. C’est cohérent et ça n’est pas cohérent. Et lorsqu’on reprend le fil des relevés (lorsque l’on veut reprendre le fil des relevés), quelques jours après son dernier passage, pour prolonger la descente dans la page : la confusion la plus totale : toujours cette impression que les blocs ont bougé, qu’ils s’affichent aléatoirement sur la page et qu’il est impossible de retrouver son chemin. Le strict minimalisme de la page nous amène à une incertitude constante à savoir : ça a été écrit quand ? c’est quoi ? c’est qui ? c’est d’où ? La langue elle-même est très intéressante, à l’image du texte, entre deux temporalités, à cheval.

    Couru 29min40, 4km37 3, sous la bruine sèche du mois.

  • 310315

    22 avril 2015

    une pie répétitive à la steve reich dans
    la nuit du matin / quelqu’un monte l’es-
    calier / le temps le temps et un peu de
    jour point / un peu de jour un peu de jour
    et le soleil a dû passer l’horizon /

    Maryse Hache, Baleine paysage, Publie.net

    Plusieurs fois à voix haute, par écrit, la phrase je dors debout (c’est vrai). Besoin d’être vidé pour vivre. Besoin d’eau froide pleine gueule pour respirer un peu. De fatigue pour dormir.

    Je termine Quelques rides, pense à Où que je sois encore, à Monkey’s Requiem, aux Relevés de Quentin Leclerc 4. On peut lire des phrases comme Il pleut sur la pizza factice. On peut quiner des fois, à la lecture, revenir bien souvent en arrière, perdre le fil, comme quand on lit Pynchon, quand on peine à prendre part à la langue et puis voilà, ça y est, finalement on a prise, lire ça se mérite, même qu’il faudrait re, lire, car c’est un récit riche.

    Dans Baleine paysage 5, mon nom est apparu, je ne savais pas. Je ne l’ai peut-être même pas vu à l’époque lors de la mise en ligne, et puis je suis resté très à distance de la fabrication du livre (par Christine, Jean-Yves, Louise et Roxane). Je suis allé le retrouver en ligne pour me reporter au jour même. C’est un voyage dans la tentation du passé.

  • 081015

    8 novembre 2015

    À l’Université de Poitiers pour une après-midi sur l’édition numérique. Partage la scène avec Gwen, Camille Cornu (dont le dernier texte Nos corps seront témoins est paru en septembre chez E-fraction) et Franck-Olivier Laferrère, boss d’E-fraction, présence holographique au centre de la salle. Nous sommes sur des canapés jaunes avec des pizzas au fromage, et Martin Rass est quelqu’un que j’ai croisé à la dernière nuit remue, avant ou après la lecture d’une scène incestueuse. Il me semble que c’était incestueux. C’était fort. Mais c’était surtout, oui, incestueux. Je suis là dans le reflet du train, le reflet de la vitre du train, le verre Sécurit, et ça me fait la gueule en double à un certain endroit de l’axe ou du bord. Ce sont les étudiants qui animent la rencontre et nous sommes, donc, sur des canapés jaunes, micros filaires en mains. Il y a des bouts de nos textes, à Camille et à moi, sur le mur derrière nous, j’ai pris 20mg ce matin avant de me débrancher, de me rendormir, de m’émerger de moi-même et du mal que je me fais. Hier après-midi, j’ai roulé quinze minutes pour un nœud papillon moutarde à fleurs, avec rappels de rouille. C’était rue Quincampoix. Et puis, oui, la rue aux Ours, la rue Beaubourg, la rue des Francs-Bourgeois, la place Vandôme, le boulevard X ou Y, la place de la Bastille, la rue de Lyon, l’avenue Dausmenil, la rue de Charenton, le boulevard de Reuilly, puis la rue T. à droite. Home. À un moment donné l’information tombe sur les réseaux qui courent dans la paume de nos mains, comme quoi le Nobel 2015 est attribué à Svetlana Alexievitch. C’est qui Svetlana Alexievitch ? Aucune idée. Puis quelqu’un met le mot Tchernobyl sur la table. Revois mes Voices of Tchernobyl, quelques mois en arrière, oui c’est elle. Il y a donc des bouts de nos textes projetés comme des ombres. Et de répondre aux questions des étudiants c’est bien, ça permet de mettre en voix des trucs, même si des fois c’est un petit peu techno. Sur Livre des peurs primaires, sur Accident de personne, sur Coup de tête, dont je lis un extrait que je ne sais plus situer dans l’économie narrative du truc (alors je comprends que ça puisse arriver). À un moment je dis : c’est une question fictive cette question parce que, je n’y peux rien, c’est le cas. Hier, marchant sur Piano phase, dans la nuit pas encore advenue, je me disais notre problème c’est l’approximation. Et c’est ça. C’est exactement ça. Gwen à l’arrière de la voiture dit : je m’en souviens c’est photographique. Non : chorégraphique. Parle de son accident. Je n’arrive pas à m’imaginer ça, non, que les odeurs puissent passer par autre chose que des odeurs. Par exemple des souvenirs. Par exemple des couleurs. Par exemple : tu dois prendre cette rue-là pour retrouver la gare : tout droit jusqu’au commissariat, puis la Poste, puis tu descends les escaliers et sur la droite une passerelle pour te retrouver précisément là où tu te trouvais le matin même lorsqu’on est venu te prendre. Il a fallu que je fasse mon maniaque sur le mot blog et site, que Fuir ce n’est pas un blog c’est un site. Pourquoi ? À cause de l’étoilement sans doute. L’étoilement c’est sans doute ça la différence. Le train est vide au retour. Passe par St-Pierre-des-Corps. Alors c’est là St-Pierre-des-Corps. Brest. Martin me parle de Brest. Camille est dans le même train que moi l’aller, juste pas au même endroit. C’est à cause des numéros de sièges. Dans un monde numérique, les numéros de sièges sont des symboles luminescents. Et donc reflowables. Pas fixes. Tu t’assois, tu t’installes. Les chiffres changent. On te dit mais vous êtes à ma place. Et, à cause du numérique, c’est vrai et c’est faux à la fois.

  • 050216

    14 mars 2016

    Lori trembla. Non, non, elle n’était pas perdue, elle allait même dresser une liste des choses qu’elle pouvait faire. Elle s’assit devant une feuille blanche et écrivit : manger - regarder les fruits du marché - voir le visage des gens - éprouver de l’amour - éprouver de la haine - éprouver ce qu’on ne sait pas et ressentir une souffrance intolérable - attendre l’être aimé avec impatience - mer - entrer dans la mer - acheter un nouveau maillot - faire du café - regarder les objets - écouter de la musique - se donner la main - irritation - avoir raison - ne pas avoir raison et céder à l’autre qui revendique - être pardonnée de la vanité de vivre - être femme - se rendre digne - rire de l’absurde de ma condition - ne pas avoir le choix - avoir le choix - s’endormir - mais de l’amour du corps je ne parlerai pas.

    Clarice Lispector, Un apprentissage ou le livre des plaisirs, traduction Jacques et Teresa Thiériot, Éditions Des femmes, P. 158.

    J’ai retrouvé une voix (c’est pas la mienne). À chaque pas que je marche au-dehors j’ai l’hiver dans la bouche. Il fait pas si froid que ça. Je ne vais pas si loin. On m’apprend que les éditions Derrière la salle de bains ont fermé. Quel dommage. Quelle belle identité ce truc. J’écris à la main des chiffres sur un bout de papier, il y a des lignes et des virgules. J’écris ça, tentacule, quelque part. J’ai des manches qui dépassent. Je vérifie la date de fin des soldes. Je poursuis l’aventure avec le Genoa pour une saison au moins. Le mercato est bouclé en moins d’un mois. Je ne perds aucun titulaire à part Cissokho (8M€ pour Malaga). Recrute Emre Can, Iturbe (libres), Moreno (7M€), Pato (15M€), G. Martinez (7M€), Cédric (17M€) et Loïc Perrin (8M€ + un joueur en échange, Izzo je crois). Armé pour la prochaine Ligue des champions. Manque sans doute un joueur propre à mettre devant la défense et qui sait relancer. C’est le point noir du mercato. Le livre se poursuit sur cette phrase : Et elle savait qu’elle était une féroce parmi les féroces êtres humains, nous les singes de nous-mêmes. Mets des heures à trouver quelque chose pour m’éteindre le pouls et la respiration : c’est Music for 18 Musicians.

  • 130616

    13 juillet 2016

    Un jour, un enfant rentre de l’école avec son père. Il y a quelque chose que son père et lui ont l’habitude de faire tous les soirs en rentrant de l’école. Tous les soirs, en rentrant de l’école, le père et le fils regardent ensemble une vieille émission en noir et blanc qu’une chaîne de télévision rediffuse et que le père regardait déjà quand il était enfant. C’est un moment de complicité, je crois qu’on pourrait dire ça, d’autant que c’est un moment qui abolit d’une certaine manière le temps, comme si le père et l’enfant vivaient la même enfance, en faisant les mêmes choses ensemble. Ce jour-là, en rentrant de l’école, l’enfant demande à son père s’ils vont regarder l’émission comme tous les soirs. Le père répond à son fils qu’ils ne vont pas la regarder maintenant parce que c’est le midi et que l’émission est diffusée le soir. L’enfant ne semble pas comprendre. Le père lui répète que c’est le midi et qu’il faudra attendre le soir pour pouvoir regarder l’émission. Il lui dit d’aller se laver les mains pendant qu’il fait réchauffer le déjeuner. Mais l’enfant ne bouge pas. Il regarde son père sans rien dire et semble attendre. Ou non, il n’attend pas. L’enfant refuse tout simplement cette réponse et, soudain, il entre dans une colère terrible, silencieuse, on pourrait dire une colère noire, mais ce n’est pas une question de couleur, c’est une question d’attitude, de ce qu’il va faire ensuite. Ce qu’il fait ? Eh bien, il se précipite dans sa chambre en courant, saisit le premier objet qui lui tombe sous la main et le jette violemment par terre. Il le ramasse et le jette à travers la pi !ce où il finit son vol en heurtant l’une des deux vitres de la fenêtre de sa chambre, qu’il brise. Il reste là, à regarder ce qu’il vient de faire, peut-être ne regarde-t-il même pas ce qu’ilvient de faire, peut-être ne voit-il déjà plus rien, il est là, c’est tout. Son père se précipite dans sa chambre et lui demande ce qu’il lui arrive, et l’enfant répond que c’est le soir, que le temps ne va pas : c’est le soir, c’est déjà le soir. Il perd connaissance. Quand il se réveille, c’est effectivement le soir, il voit le regarde de sa mère inquiète qui lui demande comment il se sent et l’enfant lui répond calmement que tout va bien, maintenant.

    Jérôme Orsoni, Pedro Mayr, Actes Sud, Un endroit où aller, P. 139-141

    Le marché de la poésie c’est fini, faire les comptes. Ranger les livres. Des tableaux xls. Des additions foireuses. Non : des formules défectueuses. Rien fait de tout le matin, repos. Mais moins crevé que j’aurais pu. Termine doucement Pedro Mayr, de Jérôme Orsoni, livre tout en absence, d’abord, puis qui se retourne comme un gant vers le dernier quart du livre. Là que le roman apparaît. Auparavant, c’est un miroir brisé et c’est cela qu’on lit : des bris. Si Pedro Mayr n’existait pas, cela ne ferait pas de différence. Pendant longtemps le livre non plus n’existe pas et puis là, d’un seul claquement de doigt, émerge. Pensé à Vila-Matas un peu. J’apprends ici qu’il a écrit Steve Reich. Sur Steve Reich. Aimerais assez lire ça.

  • 060117

    6 février 2017

    Des kiwis mais immenses, on dirait des pommes. Et pas verts, vaguement jaunes, moches comme tout mais bons. Série d’entretiens de Steve Reich sur France Culture signalée au Flotoir par Florence Trocmé. Fabrication de It’s Gonna Rain (et l’écoute). Une série de répétitions qui façonnent une ventilation. J’ai le livre de Jérôme Orsoni pas très loin, il faut que je prolonge. Et Pérotin, Viderunt omnes. Quelque part, c’est assez proche des vibrations qu’il y a dans Joyeux animaux, repris hier : les rats, les cancrelats, les serpents, singes, tigres, ils nous font bien l’amour. Il y a de l’humour, je lis plus lentement. Et les entretiens avec Donatien Grau ça aide. Recours à la quatrième aussi, qui une œuvre à part entière. Bk, 444 mots. Eff, 222 par dessus ceux d’hier, 203 de plus à côté. Cette obsession des chiffres c’est fou. Nouvelle soirée de notre série JDR Lovecraft, cette fois projetée dans le futur où des tanks pyramidaux avancent dans le désert vitrifié.

  • 250517

    25 juin 2017

    C’est quelque part dans Ulysse au début des Lestrygons, un luminous crucifix, qui sera plus tard décrit comme phosphorescent, ensuite Bloom part sur la fois où il dû aller chercher un truc au frigo pour Molly et qu’il a vu un reste de cabillaud briller, bref. Dans Barefoot in the Head aussi, cette phosphorescence, eyes like phosphorescence and a big mottled face as if shrimps burrowed in his cheeks, qui résonne derrière deux pages suivantes, un coin déjà corné 6 une première fois à la première lecture :

    The light and lack of it played across his cragged face as he fumbled for a cigarette and lit it very close to his face between a volcano crater of cupped hands all afire to the last wrinkle and looking askance with extinct pits said through smoke, ’I mean to say this is the end of the world take it or leave it’.

    C’est le même personnage, je crois, Burton, qui brille comme ça de deux façons différentes à deux pages d’intervalle. À un moment donné, il va bien falloir se résoudre à sortir sous le cagnard et l’averse de pollen. Peut-on se retenir de respirer assez longtemps, ne serait-ce que pour faire une course mineure ? De toute évidence non. Et, derrière, tout aura le goût de la ville et l’odeur de la ville et l’acouphène de la ville dans les conduits auditifs tellement la ville elle te poisse sur la peau, sur le corps. Michaël Ferrier dans Fukushima 7 : au Japon, après la catastrophe nucléaire, il s’est trouvé des « spécialistes » pour défendre une approche heureuse des retombées : La peur de la radioactivité serait plus nocive que la radioactivité elle-même. C’est la même chose avec les pollens ? Ailleurs, dans Au début et autour, Steve Reich de Jérôme Orsoni, on peut retrouver les instructions de Steve Reich 8 quant à l’exécution de son Piano phase :

    « Le premier pianiste commence à un et le second le rejoint à l’unisson à deux. Le second pianiste augmente son tempo très légèrement et commence à prendre de l’avance sur le premier jusqu’à ce qu’il ait (disons en trente à soixante secondes) une double croche d’avance, comme cela est montré à trois. Les lignes en pointillés indiquent ce mouvement graduel du second pianiste et le déplacement qui s’ensuit de la relation de phase entre lui-même et le premier pianiste. Ce processus se continue à mesure que le second pianiste à une croche (quatre), une croche pointée (cinq), une noire (sept), et cætera, d’avance sur le premier et ce jusqu’à ce qu’il ait traversé les douze relations et revienne à nouveau à l’unisson à quatorze. »

    959 mots pour Eff. Une qualification en finale de la League Europa après une demi-finale retour particulièrement tendue : passé mon temps à courir après le score, revenu deux fois (Tachtsidis de la tête sur un corner de Schöne les deux fois). 2-2 à la fin du temps réglementaire, score identique à l’aller. On a fini à deux devant (Origi épaulant Sturridge), avec Winajbloom en milieu gauche et Lallana à droite ; triplé du premier, deux passes décisives pour le second, 2-5 score finale. Nous défierons en fin de saison Schalke 04.

  • 300517

    30 juin 2017

    La chaleur est retombée comme elle était venue. Quelque chose a dû crever quelque part. Dehors, le bruit du bruit de la rue. Message des organisateurs du marché de la poésie qui s’ouvre la semaine prochaine : ils devront fouiller les sacs à l’entrée. Il faut garder nos badges pour faciliter nos mouvements. 920 mots pour Eff : putain, j’ai bien peur que ce truc n’ait aucun intérêt. Dans Au début et autour, Steve Reich je corne Jouer la même mélodie deux fois n fois en décalant la seconde de la première de n plus un jusqu’à n plus m fait apparaître une série continue de mélodies nouvelles. Donc, ce n’est jamais la même chose. Puis Toute la musique est dans le corps en tant que cause et origine et destination.

  • 060518

    10 juin 2018

    Ce sont les dernières lignes d’Une journée d’Ivan Denissovitch 9 :

    Une journée a passé, sur quoi rien n’est venu jeter une ombre, une journée presque heureuse. De ces journées, durant son temps, de bout en bout, il y en eut trois mille six cent cinquante-trois. Les trois en plus, à cause des années bissextiles...

    Quelques pages en amont : Réjouis-toi d’être en prison ! Ici, tu as le temps de penser à ton âme ! Je n’y pense jamais, à mon âme. D’Une journée d’Ivan Denissovitch je n’en ai pas tiré grand chose pour Morphine(s), en témoigne ce ticket de métro sur lequel j’ai pris note des pages et des passages que je veux mettre de côté. La littérature des camps ou du goulag, pour Morphine(s), elle m’intéresse finalement assez peu. Pas de camps ni de goulag dans Morphine(s). Juste la prison faite d’os et de viscères et de neurones qu’est le corps humain. 538 mots pour Eff, sur Shadow nor Prey, qui est très beau vers la fin. Mais pas ces mots, non. Ces mots sont d’un ennui. Et pour une raison qui m’échappe, la carte micro-SD de mon téléphone est corrompue. Une minute elle est là, normalement mise et imbriquée dans le lecteur du tel, fonctionnelle quoi, puis la minute d’après elle est ça, corrompue. On saura pas pourquoi, ni comment, mais l’intégralité des photos prises avec ces dernières semaines a disparu. Il faut tout reconfigurer, notamment les sonneries car moi je n’admets pas qu’un même appareil, au cours de sa vie, puisse avoir deux sonneries différentes ou deux fonds d’écran différents. Il a fallu aller chercher à droite à gauche. Pour les sonneries, ce sont des moments isolés issus d’Electric Counterpoint. Les fonds d’écran c’était des trucs d’Escher.

  • 090618

    10 juillet 2018

    Quatrième jour de marché. L’orage annoncé, redouté même, en fait il n’aura pas lieu. Beau tout le jour y compris pour nos traditionnelles lectures au jardin du Luxembourg, qui a réuni à la fois des habitués et des inhabitués, avec Virginie (qui a lu Virginia Woolf et Nadine Agostini), Philippe (Aujourd’hui Eurydice), Benoît, accompagnée par M. (Stefano d’Arrigo et Fabrizia Ramondino) et moi (Notre Est lointain, Yoko Ono dans le texte). C’est un vrai moment doux qu’on s’est créé ici, sous les arbres, et ensuite continuer à échanger autour d’un verre, si bien qu’on sera toujours entouré du début de la journée à quasiment la fin, et alors c’est parler, pendant la signature de Laurent Herrou, de Philip Glass, de Steve Reich, de Max Richter, ce genre de trucs. Et après la fin, dans la nuit, la pluie enfin elle tombe (mais sans nous).

  • 011019

    1er novembre 2019

    On lit quand même des trucs assez fous dans Les Échos (sic). Concernant Amazon, et notamment la vente de livres d’occasion, les éditeurs (et combien sont-ils en proportion à ne pas payer ou mal les droits d’auteurs ?) s’insurgent : « le chiffre d’affaires de l’occasion échappe au droit d’auteur ». N’est-ce pas délicieusement comique ? Ce qu’il faut comprendre en réalité ici, n’est-ce pas plutôt : « le chiffre d’affaires de l’occasion échappe au nôtre, on voudrait réellement payer les droits d’auteurs aux auteurs qu’on ne le pourrait même pas » ? Ce qui est un peu différent. Mais ça n’est pas fini. Un peu plus loin dans ce même article on trouve aussi des jérémiades. Pas n’importe quelles jérémiades. Des jérémiades prémium. Des jérémiades d’Antoine Gallimard : « Amazon effectue des pressions permanentes sur les conditions de vente. » Antoine Gallimard est donc sous pression. Sous pression permanente, même. Ça doit être dur d’être sous pression permanente de qu(o)i que ce soit. J’espère que les maisons d’édition indépendante rachetées ces dernières années par Gallimard qui, c’est bien connu, sait garantir une totale indépendance éditoriale à celles-ci sont (ou ont le cœur) bien accroché(s). Quant aux libraires, Amazon ne veut pas leur mort, non, il leur permet de « [jouer] désormais à fond leurs atouts : la proximité, le conseil, les rencontres avec les auteurs pour fidéliser les clients ». Qu’est-ce qu’on rigole avec Les Échos. Et moi, j’ai perdu quoi, dix minutes de ma vie à lire ce papier ? N’auraient-elles pas pu être mieux employées, ces dix minutes ? Par exemple en écoutant (c’est-à-dire en écoutant activement, au casque, et pas en faisant autre chose par dessus) « Slow Motion Blackbird » qui n’est pas, comme je l’ai cru au préalable, une composition de Steve Reich mais un genre d’hommage à Steve Reich de Chris Merrick Hugues (qui lui-même n’est pas, contrairement à ce que semble penser Spotify, Chris Hugues, un genre de chanteur country pas folichon, mais peu importe), sur son album Shift. Il reproduit en réalité le procédé à l’œuvre dans « Four organs » (qui est juste un morceau fascinant) : un ralentissement progressif de la même phrase, en l’occurrence ici il s’agit de chants d’oiseau doublés au synthétiseur (quand, dans « Four organs », comme son nom l’indique, il s’agit de quatre orgues ; ou bien, qui sait, quatre organes ?). On devrait pouvoir (sans doute ça a déjà été fait) faire l’expérience d’un procédé pareil en littérature. Une phrase, réécrite plusieurs fois en séquence, de plus en plus lentement, et il convient ici de réfléchir, mais alors réfléchir vraiment, pleinement, viscéralement même, à ce que lentement signifierait alors.


  • ↑ 1 Un ramassi de fictions cette phrase : il n’y a pas de chemin et il n’y a pas de retour, il n’y a que le circuit périphérique des choses qui nous fracasse en rond contre les mêmes surfaces.

    ↑ 2 Un mal contemporain ce truc : la disparition de qui que ce soit sur les réseaux.

    ↑ 3 Molly for two pianos encore, Electric Counterpoint, dans le désordre.

    ↑ 4 Les trois mousquetaires de la littérature fr de demain ?

    ↑ 5 Ce serait donc là que j’ai pêché mes quelqu’un dit ?

    ↑ 6 On est page 49.

    ↑ 7 Un livre particulièrement intéressant sur le plan factuel mais parsemé de notes faussement décalées ou de redites rébarbatives qui ont pesé sur ma lecture.

    ↑ 8 P. 21-22, éditions Chemin de ronde.

    ↑ 9 Traduit par Léon et Andrée Robel et Maurice Decaillot, édition 10/18 de 1972.