He pocketed the lighter and looked at his watch, turning his wrist upwards with a neat flick. "Allons-nous-en," he added, "vámonos," and laughed yawningly with a series of nods that seemed to carry his body forward until his head was resting between his hands. Then he rose and joined M. Laruelle at the parapet, drawing deep breaths. "Ah, but this is the hour I love, with the sun coming down, when all the man began to sing and all the dogs to bark—"

Malcolm Lowry, Under the Volcano

On m’appelle pas par mon nom mais par un autre plus facile pour eux (hémisphère sud) à prononcer, mais ce serait moi quand même, ou moi aussi. C’est un rêve. Et puis du rêve (mais pendant le rêve) l’écriture du récit même du rêve, c’est-à-dire une fiction inspirée par le réel du rêve (mais dans le rêve le réel c’est le réel, c’est pas le rêve). Il est probable que j’ai été envoyé là pour un an, le lycée, une espèce d’échange scolaire inter hémisphérique. Je suis, imposé, des cours de surfs et 25 par session, ce qui doit correspondre, là-bas, à un semestre. Et ça ne me fait pas peur d’apprendre la position du corps, couché, sur les vagues, couchées, déferlant à vingt centimètres du sol, couché, sur le sable face blanc. Pourtant, je suis censé savoir (et je le sais) que j’ai une trouille bleue de l’eau noire, pas de l’écume, de l’eau noire, ce qui me fait dire à moi-même, et ici également, que ce n’est pas de l’eau dont j’ai peur, mais du vide, du vide dessous l’eau, ou pas, ou le vide dans le vide. L’eau, je n’aimerais pas y plonger. Le vide non plus. Allongé sur la planche (je ne suis pas sûr qu’il y en ait une, peut-être que nous sommes tous, eux comme moi, allongés sur nous-mêmes, sur la vague en phase down) je n’ai pas peur de ça. Rien. La prof de surf s’appelle Coleridge, elle n’a pas de prénom ni de Mam’ ou Mrs, juste Coleridge, les gosses, c’est-à-dire nous, l’appellent comme ça, et je leur parle anglais, sauf des fois, en français, des insultes, comprennent pas tout, comprennent rien de ce que je dis, alors, quand je les sors en français, la rage. L’intrigue aurait d’autres noeuds que ceux-là. Par exemple, je suis un adolescent, alors j’aime. N’importe qui j’aime. Dans cette langue. Le contour de son corps il est pas défini. J’échange quelques correspondances, françaises, avec mes parents, français, et mes amis, français, restés en France. Disons que ce serait le récit d’une année en exil, au Sud, au Surf, rythmé par les sessions d’apprentissage de comment bien marcher sur l’eau à l’aide d’une planche, d’un nose, de deux ou trois dérives, l’écume. Pour l’instant toutes les bases. Ensuite, seulement, apprendre à se lever dessus. Aller. Il y aura une scène (je l’ai certainement vécu donc je peux affirmer sans l’ombre d’un doute qu’elle « y sera », où qu’elle puisse être d’ailleurs) où la mer démontée bouffera les digues de pierres, et nous dessus. Des vagues à plus de trois mètres dix (je dis trois mètres dix pour le son, sans avoir la moindre idée de ce à quoi des vagues de trois mètres dix peuvent ressembler) font l’oscilloscope (papier mâché rayé au stylo Bic). On ne sera jamais capables de surfer des vagues pareilles mais, pire, nous sommes toujours vivants à les contempler sourds et, pire, nous sommes un groupe soudé et uni et, non, aucun d’entre nous ne porte une de ces fameuses combinaisons en néoprène E3. Rien que rien que juste la peau.

Arrêté de noter mes rêves sur le fil depuis des mois (et celui-là aurait pas tenu). Pour être tout à fait exact, ce rêve ne s’est pas déroulé comme je dis, là, qu’il se déroule. D’abord je l’ai rêvé, d’accord. Ensuite, et dans un autre rêve, je l’ai écrit comme je l’écris ici. Mais tout est vrai. Coleridge a pas de prénom. Et m’arrive bien souvent, à des clients US, UK, de donner le nom William (et le leur dis : it’s french for William) car l’autre savent pas le prononcer. Ce rêve n’a, je pense, rien à voir avec, hier, le bois de Vincennes, l’herbe jaune, cramée par la canicule de l’autre fois (un jaune comme sont jaunes, maintenant, les fonds d’écran de la France sur la carte météo des infos du matin, la chaîne n°16, jaune comme si la veille au soir un cataclysme nucléaire, une postapocalyspe, venait d’avoir eu lieu, avait craché en jaune, ce jaune, le sol cramé au souffre, au néoprène E3, au je sais pas quoi et puis je veux pas savoir), l’écho du périph contigu, l’odeur de l’odeur de l’eau verte, et s’il est vrai que j’ai pris du 220V ce n’est qu’après l’avoir écrit, a posteriori, ce matin pour saisir hier, bien avant d’attraper à mains froides les fils bouffés à nu, et de gueuler, en français, merde et putain, sans contraction des muscles.


lundi 3 septembre 2012 - jeudi 2 mai 2024




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

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