Accident de personne, Othello, 136 pages, 13€ (9791095244141)

Celle qui préfère les solutions radicales, Celui qui procrastine, Celui qui quitte le train en marche, Celui qui se branle, Celle qui se loupe... Guillaume Vissac a pris pendant plus d’un an des notes sur les « accidents de personne » auxquels il a assisté dans les transports en commun, pour en tirer des écrits lapidaires de moins de 140 signes qu’il publiait sur Twitter, plusieurs fois par jour, à l’heure de pointe. Petit à petit, au fil des incidents, il voit se dessiner des personnages et des narrations, qu’il fait dialoguer dans des notes de bas de page.

Accidents de personne, incidents voyageur, accidents graves de voyageur... Je n’ai pas compté le nombre de fois où j’ai rencontré ces locutions, que ce soit dans un message vocal diffusé par un haut parleur ou écrit sur les pixels d’un écran, durant mes interminables allers-retours de la banlieue vers Paris et vice et versa, ces dernières années. Ça aurait été glauque. Mais c’est arrivé suffisamment souvent pour que j’éprouve le besoin d’écrire sur le sujet, et d’écrire au plus près de ces heures étranges, en transit, c’est-à-dire dans une rame. Sur un quai. Entre deux correspondances. Le plus souvent au pouce, sur l’écran d’un téléphone. Des notes. Pendant un an et demi, ça va s’accumuler dans la mémoire flash de l’appareil. Ça, c’était quoi ? Je n’en savais rien, mais ça prenait de l’ampleur.

Des suicidés parlaient à la première personne (avant ou après l’acte ?). Il y avait des envies d’en finir et des usagers témoignant sur le temps que ça prenait chez les autres, mourir. Et derrière, fatalement, combien de retards occasionnés et de lamentations...Comme dans la vie, quoi. C’était toujours court, brut. J’appellerais ça Accident de personne.

Ce texte n’était qu’une matière, pas encore un livre. Il fallait qu’il se transforme avec le temps, qu’il prenne une épaisseur. Je l’ai construit par strates. J’avais besoin que d’autres versions de moi, futures, mettent leur pierre, chacun. D’avoir toujours un regard neuf quand je m’y replongeais. Quitte à rebattre les cartes à chaque fois. Une forme de polyphonie mentale, aussi, sans doute.

Fin 2010, ces notes ont été classées, organisées, réécrites, corrigées puis publiées pendant un mois sur Twitter. Un compte créé spécialement pour propulser cette fiction parcellaire (il existe encore) : @apersonne. 160 fragments y ont été déversés du 1er au 31 décembre, au rythme de cinq par jours, toujours aux mêmes heures : 7 h, 9 h, 12 h, 18 h et 20 h. Des heures de pointe ? C’était diffusé selon le rythme d’un micro feuilleton. On ne savait pas que c’était moi derrière. Certains ont cru que c’était bien réel. Quelque part ça l’était.

En 2011, les tweets ont été rassemblés, mis au propre, réécrits en partie, et compilés au sein d’un livre numérique paru aux éditions publie.net. À cette occasion, des personnages sont nés ; jusque-là il n’y avait que des voix disparates. J’ai pu rassembler des fragments, désigner des noms (CELUI QUI, CELLE QUI, CEUX QUI, ... ) et, à mesure que la composition de ce recueil bizarre progressait, il est devenu évident que ces personnages, il fallait les faire dialoguer entre eux. Pour faire interagir ces voix les unes avec les autres sans interférer dans le corps du texte (la contrainte des 140 caractères a subsisté, même hors de l’écosystème de Twitter), nous avons à l’époque conçu un réseau de 271 liens internes et notes de bas de page permettant de naviguer d’une voix à l’autre et de faire vivre la conversation sur l’ensemble du livre de façon non linéaire.
C’était fou.

La dernière strate est ici, maintenant, et prend la forme d’un livre papier. S’il fallait le définir, sans doute faudrait-il écrire ici qu’il s’agit d’un roman en pièces détachées. Il y a un monde littéralement sous terre qui existe et qui vit avec nous, sans nous. C’était une autre contrée à traverser, elle s’est retrouvée à proliférer par elle-même dans les notes de bas de pages, repensées pour cette édition.

De manière à ce que l’on puisse, au choix, ou simultanément, cheminer dans le désordre initial de la polyphonie ou avancer linéairement. En haut ou en bas. En surface ou dessous. Une grande partie des notes a été réécrite, voire réinventée, pour donner écho aux vies souterraines de nos villes. N’importe quelles villes. Elles sont comme nous : elles inventent, elles respirent. Peut-être Accident de personne, durant ces quelques années d’écriture, désécriture, réécriture, a-t-il su en cristalliser quelques bribes, quelques bris... Sans oublier les cris. Ce livre est plein de cris. Cette histoire (ces histoires) est celle de celles et ceux qui sont au bord, de vivre, mourir, essayer quelque chose.

De s’enfuir, aussi. On est là avec eux, avec elles. On hésite.

Les sons qui s’affichent sur cette page sont (plus ou moins) aléatoires. Recharger pour en générer d’autres.

Merci aux lectrices et lecteurs qui ont prêté leur voix pour l’exercice : François Bonneau, Katia Bouchoueva, Brigitte Célerier, Philippe Castelneau, Virginie Gautier, Sabine Huynh, Christine Jeanney, Juliette Mézenc, Lou Sarabadzic et Joachim Séné.

 En librairie
 En ligne (par exemple)

Le livre tel qu’il existait avant sa métamorphose papier est toujours disponible au format numérique via les éditions publie.net.

Livre présenté par Nikola Delescluse dans son émission Paludes du 7 décembre 2018 sur Radio Campus Lille :

Vissac - Accident de personne
Nikola/Décembre (2018)

Accident de personne chez Prof en scène du 9 décembre :

Un extrait à retrouver sur Jardin d’ombres :

Dans Libr-Critique, par Fabrice Thumerel :

Dans le numéro de Junkpage de janvier 2019, par Julien d’Abrigeon :

Dans L’humanité du 10 janvier 2019, par Alain Nicolas :

Dans deux Service de presse de François Bon (9’14 et 9’13) :

Sur Bookalicious (Instagram), par Tara Lennart :

Un extrait dans les Relevés de Quentin Leclerc :

Lu par Ahmed Slama via Facebook :

Puis par le même Ahmed Slama dans La Cause littéraire :

Lu par Hugues Robert (librairie Charybde) :

Lu par Christophe Esnault pour Poezibao :

Le livre figure dans la sélection des 25 livres de 2019 de Hugues, de la Librairie Charybde :


samedi 8 décembre 2018 - vendredi 26 avril 2024

Page créée le 2 décembre 2018.




31188 révisions
# Objet Titre Auteur Date
Article publié Article 260324 GV hier
Article publié Article 250324 GV hier
Les plus lus : 270513 · 100813 · 130713 · 120614 · 290813 · 271113 · 010918 · 211113 · Fuir est une pulsion, listing adolescent · 120514 ·

Derniers articles : 260324 · 250324 · 240324 · 230324 · 220324 · 210324 · 200324 · 190324 · 180324 · 170324 ·

Au hasard : 310123 · 160916 · 170521 · 180714 · 220914 · 240517 · 150915 · 240615 · 060823 · 240921 ·
Quelques mots clés au hasard : Bruce Livingston · Lewis Carroll · PES ou FIFA · Cécile Riou · Takeshi Kitano · Yannick Haenel · David Buuck · Víkingur Ólafsson · Gilles Bonnet · Vitaliano Trevisan · Xavier Briend · Simon Ushakov · Yves Pagès · Antonin Crenn · Cosey · SNK · Haruki Murakami · RS · James Boswell · John Tarachine · Taiyou Matsumoto · Jean Pascal Dubost · Hergé · Dylan Thomas · Notes · Imre Kertész · Ivar Ch’Vavar · Jean Genet · Dzoosotoyn Elisen · Bakélite

Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)