Terrifiant et douloureux de constater qu’hors écrire on n’a plus d’existence. Pas de personnalité. Aucun regard pas de voix. Je ne crois pas avoir, durant ces quatre jours, parlé à qui que ce soit hors H. dans les yeux. Mes mots se comptent en centilitres. Pas réagi à rien. Les seules émotions que j’ai senties tiennent à Edouard Levé et à la cage thoracique de ce garçon, M., qu’a priori la mère de H. nous a mis dans les pattes pour une histoire de coming out (ou quelque chose comme ça). L’ai vu par hasard dans les coulisses, troisième ou quatrième bouton de sa chemise oublié et ouvert : j’ai vu à travers lui. H. m’a laissé une place juste à côté de lui, ça voulait dire qu’il me l’offrait, oui mais c’est dégradant de parler de quelqu’un comme ça. Plus tard je suis resté bêtement transi devant l’écran du Mac à me demander pendant des heures si je pouvais juste le demander comme ami sur Facebook (et je me satisfais de n’avoir pas vécu à l’heure socialement digitale durant l’adolescence, ç’aurait été à seize ou dix-sept ans insupportable mentalement ces trucs). H. est plutôt dérangé par l’âge, je m’en fous. Il a moins de vingt ans. J’aime bien m’imaginer l’aimer, ce mec, parce que ça me ferait du bien. Je pense qu’à moi. Tiens pas la comparaison face à H. quand il s’agit de sociabiliser avec quelqu’un. J’ai pas beaucoup changé depuis que j’ai seize, dix-sept. Je m’aime pas beaucoup mieux. Edouard Levé me tue. J’ai besoin qu’on me parle.

Si je suis agacé lorsque E. m’apprend, sur FB, qu’elle est enceinte (comme j’étais agacé, il y a un an et demi, d’apprendre, sur FB, qu’elle se mariait), c’est probablement aussi car je m’imaginais plus ou moins malgré moi que mes amis très proches et moi-même étions au fond destinés à quelque chose de littéralement extra-ordinaire, et qu’en passer par les étapes canoniques de la vie véritable (le système), me paraît au mieux décevant, au pire dégradant (mais moi, qu’ai-je concédé au système ? tant de choses).

La différence entre H. et moi est flagrante dans ce genre de situations : lorsqu’un quidam lui demande une direction, par hasard, dans la rue, il a tendance a lui répondre même s’il n’en sait rien / j’ai tendance à ne pas lui répondre ou à dire je sais pas quand bien même je saurais. Maintenant cogite.


mardi 29 octobre 2013 - jeudi 2 mai 2024




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)