J’aimerais lire ce livre mais je trouve ce livre laid. Pas l’objet de l’extérieur (le format brique, sa couverture, le grammage de son papier, ni l’encre) mais l’objet tel que réalisé à l’intérieur de l’objet : la mise en page, la taille de la police, la scansion des chapitres, l’approche des phrases, les premières lettres capitalisées, la couleur du papier. Alors je le repose, peut-être ne le lirai-je jamais, peut-être ferai-je abstraction de ça. Si je l’avais ouvert en numérique, je n’aurais pas eu ce problème. Oui, mais en numérique, le fichier se serait vraisemblablement perdu dans les méandres de la mémoire flash, et je l’aurais oublié là, sans plus savoir que je l’avais, comme cet autre livre commencé hier, acheté il y a longtemps, oublié très vite. Soit. À la place, j’ouvre les Inédits ¹ d’Édouard Levé au hasard (le texte s’appelle « Forêt ») : j’ai une moto qui compresse le temps (...), la vitesse augmente le danger qui supprime l’ennui de conduire (...), je profite de la persistance des anomalies pour regarder les arbres s’éloigner de moi sans bouger (...), je suis attentif à tout, je me confonds avec ce que je vois, aucune pensée ne s’interpose, etc. Qu’est-ce que je m’échigne à revenir travailler à Paris, et donc en partie y vivre, alors même que de vraies forêts, de vrais bois, une authentique nature, sont à portée de pas ici-même ?