Je l’ai ici [Faulkner], qui m’attend (...). Je m’y mets ? Je ne m’y mets pas ? Maintenant ? En été ou en hiver ? Le temps et la température du paysage extérieur doivent-ils correspondre au Sud de Faulkner ou le contraire est-il préférable ? L’année prochaine ? Mon ADN d’écrivain est-il prêt à recevoir une telle déflagration et à s’en trouver peut-être altéré à jamais ? Qui sait ? Et Faulkner est ici, encore et toujours, à hurler comme un loup dangereux, la patte attachée à une chaîne dont nous ne connaissons pas exactement la longueur. Jusqu’à quel point peut-on s’approcher en toute sérénité sans qu’il nous saute dessus et nous mange le visage ? Ou dévore sa patte sans nous prévenir et reste ici, à nous attendre ? Un loup solitaire.
Rodrigo Fresán, La part inventée, Seuil, traduction Isabelle Gugnon, P. 81
Plutôt déçu par ma lecture extrêmement laborieuse des cent premières pages de La part inventée. Pas uniquement par la charge étrange adressée par le livre, au début, au numérique aveuglément dans son ensemble. Comique de constater quand même que la forme particulière des livres de Fresán, la plupart du temps pas-des-romans, est assez proche de celle d’un site web, comme Tumulte par exemple, et notamment La vitesse des choses et, pour ce que j’en ai lu, La part inventée ; de même les fameux livres trafalmadoriens 1, construits comme des successions de fragments sans début ni fin. Surtout parce que pour l’instant Fresán y saupoudre exactement les mêmes ingrédients issus de sa culture littéraire propre (Vonnegut, donc, mais aussi John Cheever, Francis Scott Fitzgerald et, à n’en pas douter bientôt, Philip K. Dick 2), de la pop culture (Bob Dylan, Pink Floyd, A Day in the Life...) et de sa propre mythologie personnelle (Canciones Tristes, la fille qui disparaît dans une piscine, la présence parentale) déjà brassées précédemment avec talent dans Mantra, La vitesse des choses, Les jardins de Kensington et Le fond du ciel 3. Et ici c’est une accumulation de ces références comme autant de points dans une liste. Mais ce ne sont que cent pages. Eff sur Natalon et 715 mots ce soir.
↑ 1 Citation de Kurt Vonnegut qu’on retrouvait déjà dans l’excellent Fond du ciel paru en 2010 et déjà signalée ici.
↑ 2 Raté.
↑ 3 Pour Esperanto, Vie de saint et L’homme du bord extérieur c’est un peu différent, autre période (?).
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♙Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010) |