Je termine ce roman paru il y a quelques années, écoulé à l’époque à plus de 100 000 exemplaires, lauréat d’un prix d’automne supposément prestigieux, dont la presse a pu dire qu’il s’agissait d’une brillante uchronie, érudite, mais avant tout très drôle, et dont l’auteur, résolument de gauche, verra son livre adapté prochainement en série télévisée en association avec un partenaire américain. Ce n’est pas déplaisant, et c’est sans aucun doute prenant, malin, drôle parfois mais voilà. C’est un livre sans phrases. Jamais on ne relève un mot, un rythme, une construction. Il n’y a pas de relief. On ne peut jamais rien mettre de côté. On ne revient jamais en arrière ni on ne se pose pour soupeser aucun passage. Rien ne nous arrête, même pour nous déranger. Rien ne dépasse. Tout est fait pour que ça glisse. On lit ça sans ses pensées. Donc on n’en garde rien. Tout le contraire de cet autre livre d’un autre auteur, paru il y a peu lui aussi, mais passé complètement sous les radars, après pourtant un certain succès et un prix supposément prestigieux pour le précédent. Là, que des phrases ¹, quitte à ce qu’elles ressemblent parfois à un monologue privé, pour ne pas dire un ressassement. Une prose lumineuse, littéralement remarquable, mais dont il faut perpétuellement supporter les élans d’une vieille droite catholique et bourgeoise qui ne peut s’empêcher de railler le carton-pâte socialiste vu comme anarchisme collectif, sans parler des laideurs des locaux syndicaux, des boiteries des pauvres, ou, ailleurs, une citation de Camus (Renaud...).