J’écume une bonne douzaine d’incipits de romans dans l’espoir de commencer quelque chose de neuf. Une lecture qui, comme toute lecture à l’orée d’elle, avant qu’elle ait pu commencer donc, promet ni plus ni moins que de changer ma vie. Là, c’est déception sur déception 1. Je suis sans pitié. Je lis une phase, deux, trois, et ça ne marche pas. Ça ne prend pas. Pourquoi ? Parce que ces premières phrases, pour des romans essentiellement de langue anglaise, sont des parodies de première phrase. En cela, elles sont devenues des slogans. Et qui aurait envie de se faire vendre quoi que ce soit en commençant à lire quoi que ce soit ? Pas moi. Mieux vaut s’en remettre aux passages entre les mondes : cette adaptation très forte des Montagnes hallucinées de Lovecraft par Gou Tanabe, ou à cet étonnant album qui réunit Philip Glass et Ravi Shankar, Passages que j’écoute en écrivant sans le regarder dans les yeux Chiasma. Hier, j’ai oublié de l’écrire ce qui, du temps d’Eff ou de Morphine(s), m’aurait plongé dans un vortex de culpabilité. Qu’est-ce qui a changé depuis cette époque ? Sans doute que je n’ai pas, comme pour ses deux prédécesseurs, formulé de pacte moral avec le texte, avec des quotas de vers ou de mots à produire chaque jour. Chiasma, anciennement Après tout, est arrivé par hasard. C’est récréatif. Ça n’a pas vocation à avoir d’autres buts que ça. Et puis, quand je l’écris je n’en attends strictement rien. Je ne me relis pas. En fait, je ne me lis même pas pendant que le texte s’écrit, puisque je reste en écran noir. De cette manière, il n’y a aucun affect quant à mon rapport au texte (ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’y ait pas des émotions qui passent dans l’écriture). Je laisse les chapitres s’accumuler pour plus tard (plus tard tailler dans le vif). Je suis donc totalement débarrassé de cette espèce d’insatisfaction crasse qui ne manque jamais de te prendre quand tu relis quelque chose que tu as écrit il y a peu.


mardi 22 octobre 2019 - jeudi 2 mai 2024

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↑ 1 Et je ferais mieux d’écouter Stilgar, le personnage de Dune vers quoi je finirai par me déporter : Better the now than the future of a dream.

↑ 2 Image tirée de l’adaptation des Montagnes hallucinées de Lovecraft par Gou Tanabe, chez Ki-oon.

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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

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