Il faudrait inventer un mot pour dire l’intime conviction qu’on peut avoir qu’un aliment nous empoisonne, sans pouvoir réellement saisir quoi, ni mettre le doigt dessus. Sauf qu’on le sait. On le sent. Alors tu en viens à regarder chaque chose avec suspicion. Le mot paranoïa peut-être ? Je ne sais pas ce que ça peut être. Les graines de tournesol ? Les graines de sarrasin ? Les graines de lin ? Les amandes ? La noix de coco ? Les graines de potiron ? Les noix de pécan ? La cannelle ? On ne saura pas. De même, on ne saura pas si Joplin va un jour résoudre son problème de lenteur sous Android (memory leak, dit le fil de discussion sur Github), mais, sur ce sujet, on peut tâcher d’y remédier : j’ai divisé mon chapitre de LS en douze mouvements différents, qui correspondent à douze scènes à la focalisation propre. Chaque feuille étant maintenant plus légère, je peux intervenir dedans. Ce n’est pas l’idéal mais, faute d’un correctif, ou d’une possibilité (si c’est lié) de désactiver l’autosave, cela me permettra de continuer à travailler sans y penser, et sans avoir non plus à repasser à un autre outil (Evernote, Ulysses, que sais-je). Mais cela ne vaut pas pour, par exemple, Amy Hempel, que je ne peux pas subdiviser. Me voilà donc avec une partie de mes textes dans Joplin, une autre dans Evernote, et tout le reste dans Ulysses : je me fais l’effet d’être un mec qui ère de canapé en capané chez des potes, ayant dispersé une partie de ses affaires ici et là, sans arriver jamais ni à les rassembler ni à ressentir une quelconque forme d’appartenance à un chez soi concret. C’est comme ça. Après tout, en matière d’écriture, rien n’est fixé, et on peut très bien papillonner d’un lieu à l’autre comme on papillonne d’un projet, d’une langue, d’une esthétique à l’autre. On ne doit rien. On fait. Devrais-je jouer à ce remake de Dragon Quest 1 sur Android sous prétexte qu’il tourne en noir et blanc sur le BM3, qu’il ne coûte 3.49€, et que le thème de la carte du monde est joli ? Oui. Non. Au fond, ça n’a pas beaucoup d’importance. Ce qui importe, c’est d’avancer. Pour avancer dans LS, j’ouvre une double page dans un carnet et j’écris les trois ensembles qu’une intuition me pousse à vouloir connecter (un genre d’arbre annesavellien). J’aimerais, pour une fois, savoir ce que je fais avant de le faire, et non pas le déduire de mes avancées futures. J’écris donc d’un côté Entreprise, au centre Super-héros et à de l’autre Plastique. Mais très vite, il convient d’affubler chacun de ces mots-clés un terme proche, pour établir des duos. Je rajoute donc Industrie, Pouvoir(s) et Pétrole. C’est déjà un peu plus clair ; ce n’est pas plus clair du tout. Pourquoi j’en viens à rouvrir Hamlet ? Parce que le livre est sous mes yeux : je me sers depuis plusieurs semaines des œuvres complètes de Shakespeare illustrées, que m’a offert H. il y a des années dans un magasin de livres d’occasion qui a fermé depuis, comme base pour poser le petit pupitre qui soutient ma tablette pour la stabiliser. C’est la bonne hauteur et, comme ça, Shakespeare est toujours à portée de main (très bien). Mais je n’avais jamais remarqué avant qu’il était annoté, ce livre, je veux dire que son précédent propriétaire, avant de le revendre (ou ses descendants de le faire à sa place) l’avait annoté au crayon et au stylo. J’ai beau feuilleter l’ensemble, il y a très peu de choses en marge. Mais je suis tombé sur cette indication, dans Troilus and Cressida (j’ignorais même que cette pièce existât), à propos du vers We shall hear music, wit and oracle la mention about the idea of order. N’est-ce pas quelque chose qui peut m’aider dans mes recherches sur LS ? Je poursuis mon exercice. Je cherche à établir des réseaux de correspondances, puis à formuler des choses simplement. Par exemple, je continue à boire du café chaque jour, sans savoir si le café fait partie du problème ou de la solution. Entendons-nous bien. Ce n’est pas ce que je note. Mais c’est une pensée qui a fait irruption aujourd’hui et qui m’aide, dans sa formulation, à circonscrire ce dont il me semble que j’essaye de parler dans LS.


mardi 25 février 2020 - vendredi 3 mai 2024




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)