La nuit n’a pas lavé la mort, au contraire. Vers quatre heures du matin, le vacarme de l’autoroute, des trains, des rues lointaines que jamais normalement je n’entends quand je dors là. D’après mon père il arrive que dans le soir on entende rugir les lions. Là non. C’est la même chose que l’autre fois. Une acuité aux sons. Je dis à H. je ne travaille pas, ce qui est vrai et faux : je passe mon temps entre le travail et le non-travail. Il me faudra cinq heures pour réussir à avoir l’Urssaf et j’actualise sans fin le fil des messages et des commentaires sur Twitter de celles et ceux qui ont connu, de près ou de loin, Philippe. La portrait de la personne qui se dégage de tous ces regards correspond exactement à la personne que je connais. Je ne crois pas que ce soit si commun. En voyant passer l’article que Libé lui a consacré, d’abord réservé aux abonnés, spontanément je pense : je vais demander à Philippe de me l’envoyer. D’autres choses sont tout aussi absurdes à se dire : j’ai dû mal comprendre ce qu’on a pu m’apprendre hier, et alors personne n’est mort, il n’y a pas eu d’accident, j’ai écrit moi cette annonce de façon mensongère, par erreur. Mais c’est sans doute commun pour le coup de se construire ce genre de croyances visant à ne pas croire en ce qui nous dépasse. Ou même, en pareilles circonstances, de penser tout court.