À côté d’un agent, un enfant,

cinq ans, peut-être moins -

                        descend les escaliers.

Il n’a jamais eu d’état civil,

mais il s’appelle Kemal.

Une Besace monte les escaliers :

une Besace faite d’un kilim.

Kemal qui descendait les escaliers

            était tout seul

                    - sans souliers ni chemise -

                                au beau milieu de l’univers.

Nâzim Hikmet, Paysages humains in Il neige dans la nuit et autres poèmes, Poésie Gallimard, traduction Munevver Andac et Guzine Dino

L’octobre, d’abord, est dans le ciel.

Mis au métal caillé, la table de travail, durant de longues minutes, des heures, pour tenter d’entrouvrir, de force et à peine, la mâchoire de ce livre photo pour Publie, photos de Junku Nishimura. Longtemps l’écran blanc comme dehors, quelques mots, pas beaucoup, Alexandre Tharaud piano sous le clavier, d’autres mots, moins de mots, réfléchir, beaucoup réfléchir, écrire peu, mais rien écrire, des fois, c’est mieux qu’écrire quand même ; rien écrire donc. Ai trouvé en Nâzim Hikmet le poète et la langue étrangère dont j’avais besoin, avant toute chose, pour me fixer. Photographié des ciels et des briques et des antennes télégraphiques hertziennes. Des cheminées à genoux.

Pour l’instant, rien.

Dehors, après la pluie, un souterrain de briques rouges. Des flics foncent, gyrophares globules bleus, devant les sexeushop de la rue de Lyon.

Un film, Antichrist, après quoi je répète plusieurs fois je sais pas. Allongé noir, sous ma tête un autre piano et puis voir ce que tout me projette. Toujours rien.