Un jour à nouveau le tumulte frappera le village
posé à la surface du mont sage. Ce jour est venu
il me semble. Les hommes & les femmes & même les
gosses à cornes se bousculent & se plaquent tout
contre la porte rouge pour le voir : ce corps en
sang à genoux devant la porte rouge & qui tape &
qui hurle des laissez-moi entrer je vous en prie
mais laissez-moi entrer ! Les yeux des hommes là
où ils sont (dans le khôl des pierres, de part &
d’autre de la porte rouge) se régalent, les yeux
des femmes là où ils sont (plantés bien sûr dans
le même khôl que les hommes) boivent cette scène
grands ouverts & les yeux des gamins où ils sont
(dans le même khôl encore, les doigts grippés là
où les brèches des pierres permettent l’escalade
& l’appui) sont obscènes & vascularisés. Le guet
sur la coupole a dressé la voile rouge : rouge &
rugueux le son qui harcèle les parois des tuyaux
en tombant vers les profondeurs de la villofixoa
(vers les tages interdits, vers l’aristokratie &
le foutu Lordofixoa prostré). Les hommes, femmes
& gamins mâchonnent des chuchotements. Il paraît
que personne ne répondra à l’appel de la coupole
car le nouveau Capitaƞ de la garde est un strict
(c’est comme ça que les voix le décrivent). – Je
ne fais qu’appliquer les ordres du Lord, dit-il,
plein de bourrelet de joues dans la bouche, dans
la voix (c’est un gras Capitaƞ), nous attendons,
dit-il, nous attendons l’arrivée d’un émissaire,
l’émissaire strict du Lord, dit-il, lequel sera,
dit-il, lequel sera porteur d’un message, dit-il
encore, un message venu de notre Lord, dit-il, à
la lecture de ce message, dit-il, nous pourrons,
dit-il, soit décider d’ouvrir les portes rouges,
dit-il, soit décider de ne point les ouvrir, ou,
dit-il, peut-être décider d’une troisième option
si notre Lord l’a décidé, dit-il, pendant que là
sous ses yeux cet homme tape, avec ses poignets,
ses paumes, ses coudes il tape, exactement comme
Mueller a tapé, jadis, ses corps derrière tassés
dedans la rouge & lui seul & mutique devant. Car
ce sont les mêmes images & les mêmes paroles, le
même mur rouge qui se dresse, la même chair pâle
qui remue, les mêmes yeux noirs qui regardent (à
l’exception de 2 : Mueller est spectateur, à son
tour, les 2 yeux dans le khôl de la pierre & les
2 poings bien rangés sous ses côtes, les côtes à
l’horizontale de son torse & le torse noué). Iav
Samot le mateur. L’homme en sang tape encore. Le
gosse à cornes à sa gauche en fait un rythme sec
pour sa valse muette : Mueller voit sa glotte là
où la peau est fine, elle remue, suit le rythme,
il le hait, de la crache écumée lui remonte dans
la bouche & il la stocke brûlante tout autour de
sa langue avant de la cracher aux pieds du gosse
hilare. La veille ukmôle a les yeux enfoncés sur
l’ombre de la crache, là où la terre se gorge, à
la droite de ses orteils crispés. C’est dommage,
on croirait qu’elle se dit, la crache sacrifiée,
bien mousseuse, ça aurait fait une bonne glose !